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La répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais à la lumiere de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989par Jean Bosco MUHUNGU Université de Nantes - Master 2 en Droit International et Europeen des Droits Fondamentaux 2021 |
Paragraphe2 : Perfectibilité des mécanismes spécifiques de la répression du violLa perfectibilité de ces mécanismes institutionnels passe par leur provision en ressources humaines (A) et en équipements (B). A.Des mécanismes institutionnels spécifiques de répression du viol sur mineurs à provisionner en ressources humaines Une provision en ressources humaines au niveau de la police des mineurs, garantie de réduction du chiffre noir et d'impunité (1) et une provision en ressources humaines au niveau des chambres pour mineurs des Parquets de la République, Parquets Généraux, Cours et Tribunaux (2). 1. Une provision en ressources humaines au niveau de la police des mineurs, garantie de réduction du chiffre noir et d'impunité Un projet de formation qui s'est étalé sur l'année 2013 à 2015 sur la formation de la police et la magistrature aux droits de l'enfant et à la justice pour mineurs255. Sur base du plan national du Burundi lors de l'atelier régional organisé par l'IBCR à Lomé l'UNICEF et le Bureau de l'ICBR se sont engagés d'accompagner dans le temps les formations au sein des trois écoles de police et du Centre de formation des professionnels de la justice à travers un processus de connaissances et de suivi. Plus de 200 magistrats ont été formés en droit de l'enfant et justice pour mineurs256Le manque de ressources humaines est dû à une formation limitée en termes du nombre de policiers et de magistrats formés. Ceci est d'autant plus logique que la formation n'a pas été financée sur fonds propres de l'Etat. Elle a été financée par des bailleurs de fonds et à la hauteur de leurs budgets disponibles, sans tenir compte des autres critères, notamment de la pérennisation des acquis de formation après le désengagement des partenaires techniques et financiers. 255 https Ibcr.org 256 Projet : Formation de la police et de la magistrature aux droits de l'enfant et à la justice pour mineurs,2013-2015 : https/www, Ibcr .org 108 2. Une provision en ressources humaines au niveau des chambres pour mineurs des Parquets de la République, Parquets Généraux, Cours et Tribunaux Le projet de formation ci haut-cité a été suivi par plus de deux cent (200) magistrats ont été formés en droit de l'enfant et justice pour mineurs257Le manque de ressources humaines est dû à une formation qui n'a couvert qu'un petit nombre de magistrats. Ceci est d'autant plus logique que la formation n'a pas été financée sur fonds propres de l'Etat. Elle a été financée par des bailleurs de fonds et à la hauteur de leurs budgets disponibles. Qui plus est l'année 2015 a été caractérisée par une crise institutionnelle au Burundi, suivi des sanctions de l'Union Européenne en vertu des accords de Cotonou. Dans ce contexte, ce projet a été gelé, et par la suite, l'Union Européenne a suspendu sa coopération avec le Burundi sur base de l'Accord de Cotonou258. Les provisions en ressources humaines de ces mécanismes consistent à dispenser des formations des magistrats déjà en fonction pour les spécialiser sur les droits de l'enfant afin d'éviter à l'Etat de nouveaux recrutements. Rappelons à toutes fins utiles qu'en chambre criminel le siège est composé de cinq magistrats, juste le maximum des Magistrats de la chambre pour mineur du Parquet général de la République de Muha. Il suffit que l'un d'entre eux soit malade, empêché ou en congé pour que l'audience publique soit ajournée259. B.Des mécanismes institutionnels spécifiques de répression du viol sur mineurs à provisionner en équipements Une police des mineurs à équiper (1) et des chambres pour mineurs près les Parquets généraux, les Parquets, Cours et Tribunaux à équiper (2). 257 Projet : Formation de la police et de la magistrature aux droits de l'enfant et à la justice pour mineurs,2013-2015 : https/www, Ibcr .org 258 Art. 96 de l'Accord de Cotonou signé à Cotonou le 23 juin 2000, Révisé à Luxembourg le 25 juin 2005, Révisé à Ouagadougou le 22 juin 2010 et le cadre financier pluriannuel 2014-2020 259 Propos d'un magistrat de la chambre pour mineur du Parquet général de la République de Muha 109 1. Une police des mineurs à équiper La police des mineurs ne saurait remplir sa mission sans un équipement spécifique aux missions qui lui sont assignées. Vu la recevabilité des dépositions et témoignages d'un enfant, un équipement de laboratoire permettrait d'éviter les erreurs judiciaires éventuelles. L'autre catégorie de bien d'équipement consiste en moyens de transport qui permettraient aux policiers de se porter sur les lieux du crime. Ceci permettrait également le transfert des détenus préventifs de postes de police généralement situés dans les communes vers le Parquet de la République, généralement situé au Chef-lieu de la Province. 2.Des chambres pour mineurs près les Parquets généraux, les Parquets, Cours et Tribunaux à équiper Les chambres pour mineurs souffrent des mêmes problèmes structurels en termes de sous-équipement minimal que les autres membres des Parquets, des Cours et Tribunaux correspondants qui leur permettraient d'accomplir les missions qui lui sont assignées. A divers degrés près, elles souffrent d'une péréquation assez défavorable que le contrôle étatique ne saurait être objectif. L'Etat ne saurait condamner des administrations dont il sait pertinemment avoir octroyé des ressources plus qu'insuffisantes. C'est dans ce sens de crainte de complicité entre organes étatiques que la CIDE se fait plus inquisitoriale. Ces administrations judiciaires à quelques degrés près ont des besoins en équipements en termes de moyens de déplacement, en termes de bureaux, en termes de matériel de bureau, en termes d'équipements de bureaux , en termes de moyens de communication et en termes de logiciels de gestion de dossiers judiciaires pour pouvoir déceler les récidives, qui, rappelons-le, sont presque indétectables. Une interconnexion entre toutes les juridictions permettrait de détecter la récidive, mais aussi defaciliter l'accessibilité de la jurisprudence de la Cour suprême qui n'est pas actuellement publiée ni consultée par les juridictions inferieures260. 260 Propos d'un cadre du Ministère de la Justice. 110 Chapitre 2 :Une esquisse de solution à travers l'aide légale couplée à la décentralisation : essai d'atteinte aux standards du droit international A côté du cadre légal et les mécanismes institutionnels de la répression du viol sur mineur à perfectionner, la gestion efficiente de l'aide légale par l'Etat couplée à la décentralisation constitue une esquisse de solution en la matière. Elle s'analyse à travers une primauté de l'Etat de légiférer et réglementer la coordination de l'accès à l'aide légale aux mineurs victimes du viol jusqu'aux les entités décentralisées(Section1), puis la nécessité de légiférer et réglementer sur les mécanismes institutionnels de mise en oeuvre de l'aide légale dans le sens de la décentralisation: esquisse de solution d'accès à la justice du mineur victime du viol (Section2). Section 1 : Primauté de l'Etat dans la mise en place du cadre légal et réglementaire de l'aide légale jusqu'aux entités décentralisées :Un pas dans la bonne direction pour l'accès à la justice du mineur victime du viol Cette section est à étudier à travers la primauté de l'Etat dans la mise en place du cadre normatif de l'aide légale jusqu'au niveau décentralisé (Paragraphe 1) et un rôle effectif de l'Etat de promouvoir l'accès à l'aide légale aux plus démunis (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Primauté de l'Etat dans la mise en place du cadre normatif de l'aide légale aux victimes du viol incluant les institutions décentralisées Ce paragraphe passe en revue la primauté de l'Etat d'assurer l'accès à l'aide légale décentralisée(A) et du rôle de coordinateur des autres partenaires techniques et financiers que l'Etat doit préciser (B) A. La primauté de l'Etat d'assurer l'accès à la justice des mineurs victimes du viol par la mise en place d'un cadre légal de l'aide jusqu'aux niveaux décentralisés. La primauté de l'Etat d'assurer l'accès à la justice consiste en un appel de l'Etat pour un accès à la justice des mineurs victimes du viol par la mise en place d'un cadre légal de l'aide jusqu'aux niveaux communaux(1) et la primauté de l'Etat dans la mise en oeuvre, suivi et évaluation des lois et politiques d'aide légale (2). 111 1. Un appel à l'Etat pour accès à la justice du mineur victime du viol par la mise en place d'un cadre légal de l'aide jusqu'aux niveaux communaux La Commune constitue une entité décentralisée de l'Etat, jouissant d'une autonomie organique et financière. Le Burundi compte 129 Communes en 2021.Ces dernières sont sous la tutelle de la Province. Le Burundi compte 129 Communes sur 18 Provinces261.Elle est plus proche de la population et le Ministère ayant la justice dans ses attributions y est représentée par les Tribunaux de résidence auprès desquels devrait correspondre des entités décentralisés des Barreaux de l'Ordre des Avocats.Si les avocats sont des « auxiliaires de la justice », ces derniers devraient-ils avoir leur siègeprès des juridictions, encore que le mot d'ordre du ministère de la Justice est une justice de proximité. Les avantages sont multiples. D'abord, l'ordre des avocats se verrait renforcé en termes d'effectifs, ce qui accroitrait les redevances et cotisations et la décentralisation de l'aide légale si cette dernière. Ensuite, l'Etat y gagnerait à voir l'accroissement de l'aide légale aux mineurs victimes du viol et l'impôt professionnel sur le revenu s'accroitre, et la création d'emploi pour les jeunes juristes .Enfin, les clients en tant que mineurs pauvres pourront négocier des honoraires à la baisse, soustraction faite des indemnités d'éloignement ou de distance. A une justice de proximité qui s'institutionnalise doit correspondre une défense de proximité 2. Un appel pour l'accès à la justice du mineur victime du viol à travers un cadre réglementaire de l'aide légale que l'Etat devrait mettre en place dans l'esprit de la décentralisation Le cadre règlementaire aura à prendre en charge le coût prohibitif des services des avocats(a) et des procédures de règlement des de différends préjudiciables au client mineur(b). a. Des coûts prohibitifs des services de l'avocat pour l'accès des mineurs à la justice que l'Etat devrait réglementer Il convient particulièrement d'insister sur les coûts des services des avocats, tant l'intervention de l'avocat revêt une importance capitale dans la mise en oeuvre des droits procéduraux, tant de fond que de forme. En raison du principe de l'universalisme des droits de 261La Mairie de Bujumbura, capitale économique est considérée comme une Province 112 l'homme, nous traiterons de la décision en cause, non pas sous l'angle des affaires pénales seulement, mais dans considération générale des coûts et procédures de la décision en ce qu'elle limite l'accès à la justice du mineur. Selon la décision n°001 du 24/01/2018 portant barème de référence des honoraires des avocats du Barreau de Bujumbura « les honoraires constituent la légitime rémunération du travail fourni et des services prestés par l'Avocat. Ils sont fixés en fonction de plusieurs paramètres, tels que les peines et soins requis par le dossier, l'importance pécuniaire et morale du litige, la situation du client, les frais et débours exposés par l'Avocat, l'ancienneté, l'expertise et les titres de ce dernier 262». Ces honoraires sont prohibitifs pour le commun des mortels. Cette disposition laisse entrevoir son caractère mercantile des avocats, en dehors de toute dimension sociale ou humanitaire. Il serait judicieux que l'Etat sévisse en tant que gardien du bien commun et ne pas laisser libre court au Barreau. L'un des indicateurs objectivement vérifiable serait l'indexation des honoraires des avocats serait le PIB par habitant et par an. b.Des procédures de règlement de conflit entre l'avocat et le client mineur défavorables au mineur que l'Etat devra réglementer Le plein accès à la justice doit passer par le droit du mineur de se faire assister ou de se faire représenter par un avocat. Les Barreaux appliquent des procédures de réglement de conflit entre l'avocat et le client défavorables à ce dernier, d'où, un besoin de réglementation de l'Etat dans ce domaine. L'action en recouvrement des honoraires ou en contestation des honoraires est portée devant le Bâtonnier de l'Ordre où l'Avocat est inscrit(art. 21). Ces dispositions de cette décision est critiquable à plus d'un titre. Le Bâtonnier est plus proche de l'avocat que du client mineur. L'esprit de corps ne peut aucunement rassurer le client qui voudrait aller se plaindre chez le Bâtonnier. La décision en cause n'a pas daigné promouvoir le règlement du conflit par un acteur externe du Barreau plus impartial. Qui plus est, conformément aux dispositions de l'article 51 de la loi n°1/014 du 29 novembre 2002, « l'Avocat est autorisé à retenir les pièces et valeurs qu'il a en dépôt, en attendant le parfait recouvrement des sommes qui lui sont dues ou la solution du litige l'opposant à son client 262Art. 1 de la décision n°001 du 24/01/2018 portant barème de référence des honoraires des avocats du Barreau de Bujumbura 113 pour l'interprétation ou l'exécution de la convention d'honoraires 263».Le principe est que « nul ne peut se rendre justice ».La légitimité de cette loi prête à confusion. 2.Une aide légale à être encadrée par l'Etat L'aide légale comprend l'ensemble des actions menées en vue d'aider et d'assister le justiciable confronté à la justice. Elle comprend principalement les activités d'accueil, de conseil, d'orientation, rédaction d'écrits, accompagnement des justiciables devant les juridictions et l'assistance judicaire264. Elle est assurée au Burundi par des organisations de la société civile, des avocats et de manière incidente par des services administratifs265. Il s'agit d'un apport indispensable pour promouvoir l'accès à la justice à armes égales pour les mineurs démunis. Selon la Constitution l'Etat veille, dans la mesure du possible, à ce que tous les citoyens disposent des moyens de mener une existence conforme à la dignité humaine266. Qui plus est, tous les citoyens sont égaux devant la loi qui leur assure une protection égale. Les mineurs jouissent d'une protection catégorielle de par leur condition et de leur capacité d'exercice. Une discrimination positive ou mieux, une action affirmative participe à l'affermissement de leurs droits. Nul ne peut être l'objet de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa couleur, de sa langue ou de sa situation sociale Le Burundi n'a pas dans son arsenal juridique un texte prévoyant le financement de l'aide légale. L'Etat n'est pas impliqué dans l'aide légale ni au niveau de la prise en charge de l'aide ni au niveau du financement du secteur, ni au niveau de la régulation et de la coordination des activités267.Or, la justice est un des trois pouvoirs assurant les missions régaliennes de l'Etat à côté du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. L'Etat ne saurait se faire remplacer par des autres acteurs non-étatiques, au risque de se rater sa mission. 263 Art. 51 de la loi n°1/014 du 29 novembre 2002 264 UKAID 265Etude de base sur l'aide légale au Burundi, UKaid avec le soutien financier du Department for International Development, juin 2011. 266 Art. 27 de la Constitution du 7 juin 2018. 267Idem 114 3.L'obligation de l'Etat de financer l'aide légale pour mineurs, groupe vulnérable au Burundi La reconstruction de l'institution judiciaire et sa conquête de légitimité est longue et difficile268. Tout enfant a droit à des mesures particulières pour assurer ou améliorer les soins nécessaires à son bien-être, à sa santé et à sa sécurité physique et pour être protégé contre les mauvais traitements, les exactions ou exploitation269. L'Etat du Burundi a l'obligation de financer l'aide légale comme un service public de base lié à la justice, au même titre que le secteur de santé et le secteur de l'enseignement de base qui bénéficie de la gratuité au Burundi pour asseoir la paix sociale. L'une des justifications est que la bonne administration de la justice constitue une garantie de paix et de sécurité. B.Du rôle ambiguë et subsidiaire des autres partenaires techniques et financiers que l'Etat doit préciser L'ambiguïté de traduit par une aide légale en manque d'efficacité suite au manque de cadre légale au Burundi(1) et une aide légale à pérenniser les acquis en faveur des victimes mineurs au Burundi(2). 1. Une précision légale du jeu de rôle des acteurs que l'Etat devrait apporter : assurance d'un partenariat efficace L'Etat du Burundi en tant que bénéficiaire de l'aide légale doit rassurer les organisations internationales, les organisations non gouvernementales, la société civile burundaise et surtout la population sur le modèle de partenariat et du cadre légal à mettre en oeuvre. Dans la préface de la politique nationale de l'aide publique au développement, la réussite de ce pari exige une canalisation des énergies de tous les acteurs au service de la mise en application des engagements déjà pris en matière d'amélioration de l'efficacité de l'aide Il en découle que le suivi de l'aide publique devient une affaire de plusieurs acteurs, dont l'Exécutif, le Parlement en tant que contrôleur de l'action gouvernementale et représentant du peuple, les donateurs et de la société civile en tant qu'ensemble d'organes indépendants270.Le 268Identifié notamment par Melchior Mukuri, La justice : une magistrature contestée, in Jean Pierre CHRETIEN, Burundi, la fracture identitaire. Logiques de violences et certitudes, 2002, Karthala, Paris, 468 p 269Art. 44 de la Constitution du Burundi du 7 juin 2018. 270 Préface de Gervais RUFYIKIRI, Deuxième Vice-Président de la République du Burundi (2005-2010) et Président du Conseil National de Coordination des Aides au Burundi. 115 pilotage, le suivi et l'évaluation se retrouvent renforcé et le gouvernement garde la main mise sur l'efficacité de l'aide légale. 2. Une aide légale avec des acquis à pérenniser après le désengagement des bailleurs de fonds: une responsabilité étatique Les mineurs victimes du viol ne sont aucunement associées à la mise en oeuvre des projets de promotion de l'aide légale en leur faveur. Selon Armatya Sen271, « tout ce que vous faites pour moi sans moi est contre moi ».Il en découle que les victimes du viol sur mineur ne savent que très peu de choses de l'aide légale quant à son intensité, son étendue et sa durabilité dans le temps. Ainsi, mal en ont pris quand le désengagement du bailleur survient brusquement, sans que l'Etat n'ait prévu des solutions de substitutions. Une bonne stratégie, des politiques responsables et une loi décentralisant l'aide légale et un cadre réglementant la profession préalable protégerait les victimes mineures. Paragraphe 2 : Un rôle effectif de l'Etat de promouvoir l'accès à l'aide légale aux plus démunis à travers la décentralisation Le rôle de l'Etat à l'aide légale se précise à travers des groupes cibles de l'aide légale à préciser (A) et des mineurs, un des groupe-cibles (B). A. Des modalités d'aide légale que l'Etat devrait préciserL'aide légale ne peut couvrir tous les besoins de la population en général. Celle-ci, quoique majoritairement démunie, ne saurait bénéficier de cette aide indistinctement. Même parmi les démunis, il y a des plus démunis que les autres. Il convient d'y hiérarchiser les catégories des bénéficiaires ou des groupes cibles. Les critères à prendre en considération sont l'indigence et la vulnérabilité. La justice burundaise est un état de construction et en rapport avec notre sujet, nous proposons les personnes vulnérables dans l'ordre ci-après272 : - Les mineurs âgés de moins de 18 ans - Les victimes d'une agression sexuelle 271Prix Nobel d'économie 272 Etude de base sur l'aide légale au Burundi, UKaid avec le soutien financier du Department for International Development, 2011 Les raisons en sont que les mineurs âgés de moins de 18 ans ne sont pas capables de payer les honoraires des avocats, ils ne sont pas capables de payer de déplacement vers les institutions judiciaires ni sanitaires. Pour les victimes d'agression sexuelle, ce crime est assez odieux et la CIDE y attache une importance particulière autant que la constitution burundaise sur le bien- être de l'enfant. B. Des mineurs, un des groupe-cibles Nous avons évoqué plus haut les groupes cibles. Notre sujet retient les mineurs âgés de moins de 18 ans et les victimes d'agression sexuelle. Ils convient néanmoins de distinguer des notions voisines l'une de l'autre. L'aide juridique et l'assistance judiciaire sont accordés notamment en matière pénale. Elle mérite d'être gérée par le Ministère de la Justice conjointement avec le barreau du Burundi et par toute autres personnes physique ou morale que la loi associe à cette gestion. Il en va ainsi par exemple de la Commission Nationale Indépendante des Droit de l'Homme273.La gestion devrait être la plus large possible et s'éviter des conflits de compétences et d'intérêts afin d'aboutir à un plus large compromis possible pour l'intérêt supérieur de l'enfant. Section 2: Une nécessité de légiférer et réglementer les mécanismes institutionnels de mise en oeuvre de l'aide légale dans le sens de la décentralisation: esquisse de solution de renforcement d'accès à la justice du mineur victime du viol L'Ordre des Avocats, un mécanisme légal pas toujours au service de la victime mineure à décentraliser pour l'efficacité de l'aide légale (Paragraphe1) et une action mitigée des avocats que l'Etat devrait redresser pour l'efficacité de l'aide légale (Paragraphe 2). 116 273 Idem, p71 117 Paragraphe 1 : L'ordre des avocats du Burundi, un mécanisme légal pas toujours au service de la victime mineure à décentraliser pour l'efficacité de l'aide légale L'aide légale exécuté par les avocats devrait être plus conforme aux besoins de la population(A) et une croissance de l'ordre des avocats devrait s'implanter dans toutes les communes(B). A. Pour une aide légale des Avocats plus conforme aux besoins de la population à la politique nationale de décentralisation et de la justice de proximité. 1. Un ordre des avocats dont la lettre et l'esprit sur l'aide légale concordent mal Selon l'article 1er de la loi N°1/014 du 29 Novembre 2002 portant Réforme du Statut de la Profession d'Avocat, l'Ordre des Avocats a pour mission, « la promotion de la bonne gouvernance et l'accès à la justice pour tous, en assurant des services juridiques à la communauté de façon éthique et professionnelle ». De cette mission, on en déduit que théoriquement, les mineurs sont des bénéficiaires naturels de l'accès à la justice via l'aide légale, le mot « tous» incluant les enfants. L'article 2 du Règlement d'ordre intérieur de l'Ordre des Avocats d'avril 2004, dispose que la mission du Barreau est de servir « d'auxiliaire précieux de la justice, en assurant la défense de toutes personnes et de leurs intérêts ... ».Cette disposition qui reprend l'esprit de la loi portant modification du statut d'avocat protège également l'enfant. Mutatismutandis, cette disposition du Règlement d'ordre intérieur apporte une plus-value à la loi de 2002 ci-haut citée. Mais il faut plus rapprocher cette disposition de la pratique des avocats qui est autre. Certaines personnes ne s'en cachent pas et préfèrent donner le montant qu'elles auraient pu donner à l'avocat, plutôt au juge, décideur définitif au lieu d'un avocat dont le rôle est plus proche d'un courtier ou d'un intermédiaire274 Le même règlement indique en son article 4, que « l'avocat a le monopole de la défense et de l'assistance des parties et de leur représentation, plaider et rédiger des actes sans limitation territoriale ».Cette disposition comporte certaines contradictions avec la Constitution, des 274Propos d'un justiciable qui a eu gain de cause dans une affaire pénale 118 contradictions proches de l'inconstitutionnalité. Pourquoi l'avocat disposerait-il d'un monopole alors qu'il fixe arbitrairement les honoraires des prestations de service à travers le réglement d'ordre intérieur ? Autrement, pourquoi, la libre concurrence prévaudrait en tant que principe dans le commerce des services, alors que le monopole prévaudrait dans la profession d'avocat ? 2. Un ordre des avocats plus appâté par le gain que l'Etat devrait aligner sur les besoins des populations pour une aide légale efficace La Constitution de la République du Burundi du 7 juin 2018 garantit à tout citoyen le droit de la défense devant toutes les juridictions et énonce toutes garanties nécessaires à la libre défense(39et40).Mais entre dire et faire, ou mieux, entre la lettre de la Constitution et la pratique juridique ou judiciaire, il y a une grande différence. Selon le Code de procédure pénale, la victime a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix aux cours des actes d'instruction ainsi que le droit d'accéder au dossier de la procédure (articles 95 et 96). En légiférant de la sorte, le législateur, gardien du bien commun paraît sensible à la nécessité de l'aide légale, d'autant plus qu'il reconnaît que certaines personnes font face à une catégorie des vulnérables comme les mineurs, incapables de s'offrir des services des acteurs ci-haut énumérés, et dont les tarifs des honoraires sont prohibitifs. La prise en charge de la délivrance de l'assistance judiciaire est encore extrêmement timide. Alors qu'il bénéficiait d'un profond soutien financier et opérationnel de la part d'acteurs externes entre 1996 et 2004, il apparaît que « le Barreau du Burundi n'a que partiellement assumé ses responsabilités en matière d'assistance judiciaire des parties aux affaires du contentieux de 1993. Il ne l'a fait que sous l'impulsion d'Avocats Sans Frontières, tant qu'il était impliqué dans le projet (c'est-à-dire jusqu'en 2002) et sans faire preuve d'une véritable volonté d'assister gratuitement, ou à des tarifs très modestes, les plus démunis. »275 Les programmes d'assistance judiciaire mis en place entre 1996 et 2004 n'ont pas été suivis par la mise en place d'un dispositif d'assistance judiciaire pérenne par le Barreau276. Heureusement, avec une petite dose de volonté politique, l'Etat a dans ses prérogatives le pouvoir de réguler les honoraires des avocats. Ce que ces derniers perdent en intensité, ils le gagnent en étendue par la loi du grand nombre de dossiers générés par l'élargissement de 275Étude d'impact du projet « faciliter l'accès à la justice.., op. cit., p. 55. 276Cf Ibid., p 6. 119 l'assiette fiscale généré par la réduction des coûts financiers. Plus encore, l'Etat burundais peut laisser les honoraires des avocats élevés en se gardant des revendications des droits acquis, mais pratiquer une politique de nivellement social et financer la politique d'aide légale à ses convenances. Il y a une distorsion entre droit « officiel » et droit « réel », caractéristique des systèmes institutionnels africains contemporains277. A titre d'exemple, on peut citer la non application de l'article 55 de la loi portant réforme du statut de la profession d'avocat sur la désignation d'office d'un avocat présent à l'audience ou une invitation du Bâtonnier de l'Ordre à le faire, par toute juridiction qui estime qu'une partie manque de moyens suffisants pour se défendre, « toute juridiction estimant qu'une partie citée manque de moyens suffisants pour assurer convenablement sa défense peut désigner d'office un Avocat présent à la barre ou inviter le Bâtonnier à commettre l'un des Avocats du Tableau de l'Ordre des Avocats ou des Avocats stagiaires pour assurer la défense de cette partie ».278 Le secteur de l'accès à la justice Burundais semble ainsi confirmer le constat d'Elikia Mbokolo qui énonce que « le réel juridique africain est caractérisé par des tactiques d'évitement et de contournement »279 du droit officiel. B.Une croissance de l'Ordre des avocats qui mériterait de s'étendre à toutes les Communes du Burundi L'Ordre des avocats compte au 5 janvier 2021,1006 avocats inscrits et exerçant la profession à temps plein, 279 avocats sont inscrits au Grand Tableau pour 727 avocats stagiaires280. Depuis une année, le Conseil de l'Ordre de l'OAB fait prêter serment à une moyenne de huit avocats par mois. Le Bureau des droits de l'homme des Nations Unies, puis des ONG comme ASF et la ligue ITEKA ont alors mis en oeuvre des programmes d'assistance judiciaire pour les prévenus puis les victimes impliquées dans ces procès. Ces programmes ont vu l'implication de nombreux avocats, 277Cf notamment Jacques Djoli, « Le constitutionnalisme africain : entre l'officiel et le réel... et les mythes. État de lieux », in A la recherche du droit africain du XXIe siècle, dir. C. KUYU, Paris, Connaissances et Savoirs, 2005, 274 pages, pp. 175 à 189 : « Le Constitutionnalisme africain oscille entre l'illusion d'un droit officiel, fait de chartes proclamées mais vides et une scène politique réelle qui contredit l'officiel ». 278Loi N°1/014 du 29 Novembre 2002 portant Réforme du Statut de la Profession d'Avocat. 279 Cité dans « A la recherche du droit africain du XXIe siècle », Op. cit., p 179 280Rapport du Bâtonnier de 5 janvier 2021 120 et partant, ont largement contribué à l'augmentation du nombre des avocats et à l'implication de ceux-ci dans le secteur de l'assistance judicaire des personnes vulnérables confrontées à la justice281. Une étude réalisée en 2007 sur l'impact du programme d'assistance des victimes et prévenus des procès de 1993 d'Avocats Sans Frontières énonce que « le programme [d'assistance judicaire] a largement contribué à concrétiser le principe d'assistance judiciaire à travers la mise en place d'un service (qui reste à pérenniser) [et qu'il] a contribué à l'augmentation du nombre d'avocats et à l'arrivée de nouveaux professionnels dans le monde du droit »282. Le nombre et la répartition actuels des avocats est toujours très loin de permettre d'envisager la possibilité d'une assistance judiciaire pour l'ensemble des justiciables. La répartition géographique des avocats, situés très majoritairement à Bujumbura, capitale économique et rarement à Gitega, capitale politique, ne permet pas non plus d'assurer un déploiement dans toutes les juridictions du Burundi. 281Etude de base sur l'aide légale au Burundi, UKaid avec le soutien financier du Department for International Development, p.... 282Etude de l'impact du projet : « Faciliter l'accès à la justice des victimes et des prévenus de la crise de 1993 en vue de la réconciliation », GALAND Renaud, Bujumbura, 2007, 86 pages, p 5.L'auteur estime à 52 le nombre d'avocats ayant collaboré avec ASF dans son programme d'assistance judiciaire, soit plus de la moitié des avocats du Burundi à cette époque 121 |
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