Paragraphe 2 : Une reconnaissance limitée de
l'enfant comme sujet de droits
La reconnaissance limitée de l'enfant comme sujet des
droits est à comprendre dans le sens d'une évocation de
l'intérêt supérieur de l'enfant pour les seuls mineurs
délinquants à l'exclusion des mineurs victimes(A) et une
infraction de viol sur mineur au chiffre noir important peu documenté au
Burundi(B).
176Art.339 du Code des personnes et de la famille 177
Ibidem
66
A.Un mécanisme de suivi-évaluation
insuffisant de la mise en oeuvre de la CIDE par le Comité, source de
persistance de l'impunité des auteurs du viol sur
mineur.
Une obligation de production de rapports au Comité de
la CIDE sans mécanismes contraignants sur le contenu (1) et une
obligation de production de rapports au Comité de la CIDE sans
mécanismes contraignants sur la périodicité (2).
1. Une obligation de production de rapports au
Comité de la CIDE sans mécanismes contraignants sur le
contenu
Le Comité des droits de l'enfant est l'organe
d'interprétation et de la mise en oeuvre de la CIDE. Néanmoins,
il ne dispose pas de mécanismes contraignant pour constituer une
garantie juridique susceptible de rétribution de peines ou de sanctions
en cas de violation de la CIDE par les Etats parties.
1.« Les Etats parties s'engagent
à soumettre au Comité , par l'entremise du Secrétaire
général de l'Organisation des Nations unies, des rapports sur des
mesures qu'ils auront déjà adoptées pour donner effet aux
droits reconnus dans la présente Convention et sur les progrès
réalisés dans la jouissance de ses droits :
a-dans les deux ans à
compter de la date de l'entrée en vigueur de la présente
Convention pour les Etats parties intéressés ;
b-par la suite tous les cinq
ans
1. Les rapports établis en application du
présent article doivent, le cas échéant, indiquer les
facteurs et les difficultés empêchant les Etats parties de
s'acquitter pleinement des obligations prévues dans la présente
convention. Ils doivent également contenir des renseignements suffisants
pour donner au Comité une idée précise de l'application de
la Convention dans le pays considéré.
2. Les Etats partie ayant présenté un
rapport initial complet n'ont pas n'ont pas, dans les rapports qu'ils lui
présentent ensuite conformément à l'alinéa b du
paragraphe 1er du présent article, à
répéter les renseignements de base antérieurement
communiqués.
3. Le Comité peut demander aux Etats parties tous
renseignements complémentaires relatifs à l'article de la
Convention.
4. Le Comité soumet tous les deux ans à
l'Assemblée générale par l'intermédiaire du Conseil
économique et social, un rapport sur ses activités.
67
5. Les Etats parties assurent à
leurs rapports une large diffusion dans leur propre pays178
». D'emblée, cette disposition est importante à plus d'un
titre. Elle renferme en elle-même les indicateurs d'évaluation de
la mise en oeuvre des droits garantis au mineur par la CIDE notamment la
périodicité des rapports. Elle met aussi en évidence le
rôle du Comité des droits de l'enfant dans la mise en oeuvre de la
CIDE.
Force est de constater que le Comité n'a pas de
réels pouvoirs de contraindre l'Etat qui n'exécute pas ses
engagements. Les seuls mécanismes à la disposition du
Comité consistent en la transmission des rapports d'inexécution
à l'Assemblée générale des Nations Unies, organe
politique dont nous ne saurions analyser les mécanismes dans ce travail.
L'absence de mécanismes contraignants du Comité ôte la CIDE
d'une des caractéristique d'une règle de droit en droit interne,
l'exécution de sa violation, au besoin par la mise en oeuvre de la
prérogative de la puissance publique.
2. Une obligation de production de rapports au
Comité de la CIDE sans mécanismes contraignants sur la
périodicité
L'article 44 de la CIDE précise la
périodicité des rapports. « Les Etats parties s'engagent
à soumettre au Comité , par l'entremise du Secrétaire
général de l'Organisation des Nations unies, des rapports sur des
mesures qu'ils auront déjà adoptées pour donner effet aux
droits reconnus dans la présente Convention et sur les progrès
réalisés dans la jouissance de ses droits :
a-dans les deux ans à
compter de la date de l'entrée en vigueur de la présente
Convention pour les Etats parties intéressés ;
b-par la suite tous les cinq
ans(...)179 »
Selon cette disposition, la Comité lui-même
soumet son rapport tous les deux ans : « (...)Le Comité soumet
tous les deux ans à l'Assemblée générale par
l'intermédiaire du Conseil économique et social, un rapport sur
ses activités180(...) ». La
périodicité de production des rapports des Etats au Comité
constitue une volonté de garantir les droits de l'enfant de la CIDE.
Cependant, certains Etats peuvent se soustraire à cette obligation et
présenter des rapports selon une période qui ne va pas dans
l'ordre de la CIDE. Face à ce manquement de l'Etat, le Comité ne
peut que donner rapport à l'Assemblée générale.
178Art.44 de la CIDE
179Art.44 de la CIDE
180 Art.44, 5° de la CIDE
68
Une autre question parait digne d'intérêt. Que ce
qui advient entretemps si un Etat ne produit pas son rapport
périodiquement alors que le Comité doit déposer le sien
tous les deux ans. En d'autres termes quel serait le plus fautif entre deux
Etats qui ont tous ratifié la CIDE, l'un produisant des rapports
périodiquement, mais des rapports au contenu peut convaincant et l'autre
produisant des rapports très rarement avec un contenu moyennement
convaincant. La computation des délais revêt un caractère
important en la matière si les droits de l'enfant. La CIDE n'y apporte
pas de réponse. Heureusement, d'autres mécanismes en dehors de la
CIDE sont prévus. Ces mesures, qui ne seront pas analysées ici
sont de nature plus politique que juridique allant jusqu'à l'imposition
de la paix à un Etat en faisant recours à la
force181.
B.Une infraction de viol sur mineur au chiffre noir
important au
Burundi : Une source de l'insuffisance de la
répression
Avec les crises socio-politiques que traverse le Burundi,
certains facteurs freinent la majorité des victimes à porter
plainte et rendent difficile la connaissance exacte de l'ampleur du viol au
Burundi. Entre autres facteurs, il y a lieu de citer la pauvreté des
parents et leurs enfants mineurs et la peur des représailles.
Dans beaucoup de provinces du pays, les données, les
études, les recherches, les enquêtes sur la plupart des aspects du
viol font défaut. Principalement, les données, les sources sur le
crime de viol dérivent des Associations sans but lucratifs, du
ministère de la justice, d'organisations non gouvernementales(ONGs),
d'enquêtes, d'études, sans oublier les associations, les milieux
hospitaliers ainsi que les reportages médiatiques.
Néanmoins, la police judiciaire étant l'un des
premiers redevables, n'est pas toujours disposé à délivrer
ses rapports à tout venant ou à les publier, et c'est là
que commence la suspicion d'un chiffre noir important. Quand bien même ma
police judiciaire publierait ces chiffres, elle ne le ferait que pour des cas
dont elle a eu connaissance. Le silence qui entoure le viol, les transactions
qui se font dans les coulisses, les filles mineurs qui ont des enfants et dont
les auteurs des grossesses ne sont jamais inquiétés constituent
des illustrations de la face cachée du viol en général et
du viol sur mineur en particulier.
Les quelques cas quoique parcellaires fournis et recueillis
font apparaître une image globale de ce fléau. Une observation
rapide d'une ONG dont la mission est la prise en charge des viols laisse
transparaitre les indicateurs du phénomène, quoique tous les cas
ne soient pas rapportés. La
181Chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies
69
répartition des cas de viol sur mineur
répertoriés par province au cours de l'année 2019 selon la
Ligue des droits de l'homme IZERE NTIWIHEBURE se présente comme
suit :
Province
|
Nombre de cas
|
Observation
|
Bubanza
|
33
|
Selon les estimations du Docteur Provincial et les
administratifs à la base ce chiffre représente 1/6 des cas de
viols sur mineurs commis dans cette province et cela peut être vrai pour
d'autres provinces car la majorité des victimes considèrent le
viol comme un tabou.
|
Bujumbura
|
13
|
|
Bururi
|
17
|
|
Cankuzo
|
15
|
|
Cibitoke
|
15
|
|
Gitega
|
23
|
|
Kayanza
|
38
|
|
Kirundo
|
22
|
|
Mairie de Bujumbura
|
1372
|
Les victimes des provinces proches de la Mairie de Bujumbura
quelques fois même, celle des provinces éloignées ont
été transférées et enregistrées dans les
centres de prise en charge des victimes
|
Makamba
|
35
|
|
Muramvya
|
32
|
|
Muyinga
|
7
|
|
Mwaro
|
5
|
|
Ngozi
|
35
|
|
Rutana
|
3
|
|
Ruyigi
|
13
|
Le nombre de cas pourrait être en réalité
plus élevé.
|
TOTAL
|
1678
|
|
Source : Ligue des droits de l'homme
IZERE NTIWIHEBURE : Rapport annuel 2019
L'état des lieux de cette présentation du
phénomène de viol sur mineur quoiqu'incomplètement
précisé, nous croyons que le sujet de l'étude
reçoit son acception pour ne pas partir ex nihilo.
70
Chapitre 2. Une évaluation de la
répression du viol sur mineur aux résultats peu effectifs au
Burundi
L'évaluation de la répression du viol sur mineur
quant à ses résultats passe par l'évaluation normative de
la répression du viol sur mineur aux résultats déficients
(Section 1) et une évaluation des mécanismes institutionnels de
prévention et de répression et du viol sur mineur lacunaire
(Section 2)
Section 1.Une évaluation normative de la
répression du viol sur mineur :des résultats
déficients
L'évaluation normative de la répression du viol
sur mineur quant aux résultats s'analyse à travers des
conventions internationales et régionales aux postulats peu compris au
Burundi sur la répression du viol sur mineur(Paragraphe1) et une
législation interne en quête d'opérationnalisation pour
réprimer le viol sur mineur (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des Conventions internationales et
régionales aux postulats peu compris au Burundi sur la répression
du viol sur mineur
Dans la recherche d'une mise en cause de l'universalisme de la
protection des droits de l'enfant, il convient de distinguer une CIDE
ratifiée sans objectivité publique au Burundi(A) et une Charte
africaine des droits et du bien-être de l'enfant sans appropriation au
niveau interne (B)
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