1.3.
Revue de la littérature
Selon la théorie micro-économique
traditionnelle, les études d'efficacité technique ou
économique n'ont pas leur raison d'être car le producteur est
supposé être rationnel et « maximisateur » de profit.
Par conséquent, chaque exploitant se trouverait toujours sur la
frontière de production ou sur la frontière de coût. Mais
dans la réalité, les études montrent le contraire. En
fait, l'expérience indique que les producteurs ou les productrices en
général ne se situent jamais, du moins dans leur majorité,
sur les frontières de production et de coût.
C'est ainsi que de nombreuses études empiriques ont
été menées dans tous les domaines et dans presque tous les
continents pour quantifier exactement le niveau d'efficacité atteint par
les producteurs (Thiam et al, 2001). Compte tenu du nombre important de
publications dans le domaine, nous ne mentionnerons que les écrits les
plus récents et ceux qui ont eu pour champ d'investigation les petites
exploitations agricoles.
L'étude deParik, A. & Shah M.K. (1996) sur les
exploitations agricoles dans le Nord-Ouest des provinces du Pakistan donne les
résultats suivants : frontière non paramétrique (CRS=
51.7%), frontière statistique (CRS= 8.23%), frontière
programmation linéaire (VRS=78.7%), frontière stochastique (Cobb-
Douglas, Half-Normal CRS= 95.6%), frontière stochastique (Cobb-Douglas,
Exponent, CRS=97.4%) et frontière stochastique (Translog, Half-Normal,
VRS=96.2%). L'estimation économétrique laisse croire que le
niveau d'efficacité technique est expliqué par des facteurs
socio-économiques et démographiques. Les résultats
montrent que l'éducation, le crédit et l'âge sont des
facteurs pertinents qui contribuent à l'amélioration de
l'efficience.
Sharma et al. (1997) et Lebel et al. (1999), ont
comparé l'approche stochastique, et les deux variantes du DEA (CRS et
VRS), respectivement pour les producteurs de porcs en Hawaï et les
entrepreneurs forestiers dans le Sud Est des Etats-Unis. Les résultats
obtenus par Sharma et al. montrent que le niveau moyen d'efficacité
technique calculé à partir d'une fonction frontière
stochastique est plus élevé que celui obtenu par la
méthode DEA soit 0.749 contre 0.726 et 0.644 pour VRS et CRS. Lebel
et al. obtiennent également un score moyen d'efficacité
technique plus élevé avec une frontière stochastique
(0.89) qu'avec les modèles DEA (0.79 et 0.84 pour CRS et VRS).
Néanmoins, les coefficients de corrélations
rapportés par Sharma et al. entre les indices d'efficacité
obtenus parl'estimation des deux variantes du DEA et ceux de la méthode
stochastique sont très élevés. Toutefois, certains auteurs
contredisent ces résultats, et rapportent de faibles coefficients de
corrélation selon la frontière retenue (stochastique ou DEA),
Mbaga et al. (2000).
Shafiq M. &Reheman T. (2000), dans leur étude sur
les exploitations de production cotonnière au Pakistan, ont
utilisé la méthode non paramétrique Data
EnvelopmentAnalysis. L'objectif était d'identifier les sources de
l'utilisation inefficiente des ressources destinées à la
production du coton. L'échantillon s'est porté sur 120 fermes
d'exploitation cotonnière dans la région du Sud du Pakistan
(Pendjab). Les auteurs ont calculé l'efficacité technique et
l'efficacité allocative sous les deux technologies (CRS et VRS).
Rappelons que l'efficacité allocative tient compte des
prix des inputs et des outputs. Pour l'efficacité technique, 10 fermes
ont un score d'efficacité égal à 100% en CRS et 30 fermes
en VRS. Pour l'efficacité allocative, 14 fermes sont
déclarées efficientes en CRS et 34 fermes en VRS. Les analyses
montrent par ailleurs, que les fermes déclarées techniquement
efficientes le sont aussi allocativement.
Nuama (2003) a évalué l'efficacité
technique des exploitations ovines en Côte-d'Ivoire. L'étude
montre, d'une part, que les éleveurs d'ovins pourraient encore
accroître leur production de 28 % sans aucun apport additionnel
d'intrants et, d'autre part, qu'il y a un énorme gaspillage de
ressources productives, principalement des dépenses affectées
à la prophylaxie des animaux et celles liées à leur
alimentation.
En étudiant les facteurs qui peuvent affecter
l'efficacité technique de la filière café dans la
région du centre ouest en Côte d'ivoire, Nyemeck B.J. et al.
(2003), utilisent la méthode d'enveloppement des données (DEA)
pour mesurer l'efficacité technique de 81 exploitations de café
en se basant sur une enquête réalisée en 1998.
L'analyse montre que le niveau d'efficacité technique
moyen est de 36% en rendements d'échelleconstants et de 47% en
rendements d'échellevariables, ce qui donne un niveau
d'efficacité d'échelle de76.6%. En cherchant les
déterminants de ces scores d'efficacité, les auteurs ont
estimé économétriquement les scores d'efficacité
des deux technologies (CRS et VRS) sur quelques variablesexplicatives par un
modèle Tobit.
Audibert et al. (2003b) ont analysé l'effet du
paludisme sur l'efficacité technique des producteurs ivoiriens de coton
dans le nord de la Côte-d'Ivoire à l'aide de la méthode
Analyse d'enveloppement des données, DEA (Data EnvelopmentAnalysis). Les
indices d'efficacité obtenus ont été utilisés comme
variable dépendante dans un autre modèle Tobit pour expliquer le
taux de morbidité du paludisme entre les producteurs de coton et leur
famille ainsi que la cohésion sociale et les comportements culturels.
Cette étude montre que la densité d'infection
parasitaire a un impact négatif direct et indirect sur
l'efficacité dans la production de coton. L'étude montre
également que plusieurs producteurs de coton ont amélioré
leur score d'efficacité technique et que dans les villages où la
production de coton est importante, l'on observe une plus faible
cohésion sociale.
Au Cameroun, Nyemeck et al. (2004) ont évalué
l'efficacité technique de 450 petits producteurs d'arachide et de
maïs en monoculture et de ces cultures en association à travers 15
villages. Le niveau moyen d'efficacité technique obtenu par les trois
types de producteurs est respectivement de 0,77, 0,73 et 0,75. Les causes des
écarts obtenus au niveau de leur efficacité technique sont
essentiellement dues au crédit, à la fertilité des sols,
l'accès à l'encadrement et à la route. Helfand et Levine
(2004) ont étudié les déterminants de l'efficacité
technique et le lien entre la taille des exploitations et l'efficacité
technique des producteurs dans le centre-ouest du Brésil.
L'approche non paramétrique a été
choisie. La méthode DEA a été utilisée pour
évaluer les scores d'efficacité technique des producteurs
brésiliens. L'étude a montré que les facteurs sur lesquels
les producteurs brésiliens doivent agir s'ils veulent accroître
significativement leur efficacité sont la taille des exploitations, le
mode d'accès à la terre, l'accès au marché,
à la vulgarisation et aux intrants modernes.
Coelli et Fleming (2004) ont étudié
l'efficacité technique des petits producteurs de café et de
patate douce en Papouasie et Nouvelle Guinée au cours de deux
années. Une frontière stochastique de coût est
utilisée pour vérifier si la diversification, la
spécialisation dans la production de café ou la production
d'aliments ou d'autres cultures de rente influencent significativement
l'efficacité technique des ménages inclus dans leur
échantillon.
Les indices d'efficacité en intrants obtenus ont
été utilisés comme variable dépendante dans un
autre modèle expliquant l'inefficacité. Les variables
exogènes de ce deuxième modèle sont le mode d'accès
à la terre, l'âge des femmes chefs de ménage, le niveau
d'instruction des hommes et des femmes chefs de ménage et les
obligations sociales des chefs de ménage
Certains auteurs ont essayé de distinguer
l'efficacité technique d'efficacité allocative en prenant en
compte les prix des inputs, comme Caputo et Lynch (1993). Si on se tourne plus
spécifiquement vers les agriculteurs des pays en développement,
on va parvenir à un certain nombre de points communs et de
divergences.
Tout d'abord on peut remarquer que les pays en
développement ont des scores d'efficience technique très bas que
les pays développés, ce qui est le signe de grandes divergences
entre exploitations et révèle un fort potentiel de rattrapage.
Ces inefficacités allocative et d'échelle constatées
peuvent s'expliquer par l'existence des distorsions dans le système des
prix et dans les conditions d'exercice des exploitations, Diana &Zepeda
(2002).
On va retrouver ces caractéristiques lorsqu'on se
tourne vers le secteur du coton. Ainsi, Gouse, M. ; Kirsten, J.F et Jenkens, L.
(2003), ont mené une étudesur le coton bio en Afrique du Sud.
L'objectif de l'étude était d'évaluer l'impact de
l'adoption de cette culture sur les revenus des grandes exploitations et les
petitesexploitations.
Ils ont ensuite mesuré l'efficacité technique
des grandes exploitations par la méthode DEA. Trois périodes sont
retenues avec un nombre variable d'exploitations agricoles : 9 en 1998/1999, 15
en 1999/2000 et 39 en 2000/2001.
Les résultats ont donné un score moyen
d'efficacité technique totale de 0.85, de 0.99 pour
l'efficacité technique pure et de 0.85 pour l'efficacité
d'échelle en période 1998/1999. Pour la période 1998/1999,
les scores moyens d'efficacité technique totale, d'efficacité
technique pure et d'efficacité d'échelle sont respectivement de
0.69, 0.86 et 0.80. Enfin, pour la période 1999/2000, les trois types
d'efficacité sont respectivement de 0.51, 0.67 et 0.76. Sous technologie
CRS et VRS, pour la première période, une seule exploitation est
sur la frontière.
Pour la deuxième période, 3 exploitations sont
efficientes en CRS et une exploitation en VRS. Et enfin, pour la
troisième période, 6 exploitations sont efficientes en CRS et 4
exploitations en VRS.
Djimasrra (2009), en s'intéressant sur
l'efficacité productive et compétitive de 38 pays producteurs de
coton sur une période allant de 1980-2006, soit 1026 observations ;
Il réalise ainsi une analyse en donnée de panel en utilisant une
méthode non paramétrique qui est la méthode DEA et en
intégrant l'indice de Productivité globale de Malmquist. Ce qui
le permis d'évaluer le niveau d'efficacité ou
d'inefficacité des pays sélectionnes, et ainsi de réaliser
une régression Tobit en panel à effet aléatoire de
l'efficacité technique total.
Les résultats de la région Afrique montrent que
l'efficacité technique moyenne annuelle s'établit à 42,5%
pour les pays africains sous latechnologie CRS. Ils auraient dû
réduire de 57,5% les ressources utilisées pouratteindre le
même niveau de production. Il identifie quels sont les pays qui ont
contribué à cette inefficacité technique.A la lecture des
résultats, on constate que le Bénin, l'Egypte, le Mali, le Soudan
et le Tchad ont été au moins une fois efficients pendant la
période d'étude du point de vue de la combinaison des facteurs de
production, et donc se sont situés sur la frontière de
production. Les autres pays n'ont pas été efficients pendant
toute la période, ils ont contribué à
l'inefficacité de l'ensemble du groupe.
Les résultats affichent une amélioration du taux
de croissance de la productivité totale pour l'ensemble de
l'échantillon qui est en moyenne de 1.114% par an, néanmoins, ce
taux varie selon les régions. Un autre résultat
intéressant de cette étude stipule que les performances
réalisées en matière d'amélioration de l'indice
global deproductivité par les quatre régions sont dues
plutôt à des gains d'efficacitétechnique que par le
progrès technique.
Lesrésultats de mesure de l'efficacité technique
pour l'ensemble des pays producteurs de coton sous les technologies rendements
d'échelle constants et rendements d'échelle variables donnent
respectivement des scores moyens d'efficacité de 51.9% et de 73.7%,
soit un score d'efficacité d'échelle de 70.4%. Ces
résultats renseignent sur les inefficiences tant au niveau technique
pure qu'au niveau d'échelle. En réalisant une comparaison entre
les deux sous échantillons, ilse révèle que le niveau
d'efficacité technique totale des pays du groupe 1 (Amérique,
Europe, Asie) est au-dessus de celui des pays du groupe 2 (Afrique),
Quand bien même les inefficiences sont constatées
de part et d'autres. Par ailleurs, les résultats montrent que les pays
africains produisent du coton en rendements d'échelle croissants, ce qui
voudrait dire qu'il y a possibilité de réaliser des gains
d'échelle, comparativement aux pays développés
quiproduisent pour la plupart en rendements d'échelle constants ou
croissants.
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