Publicites commerciales et protection du consommateur en Cote d'Ivoirepar Paul-Philippe Albert DJEDJESS Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master 2 2018 |
Section 2 : Les limites institutionnelles de protectionPour soutenir les règles édictées par le législateur, les pouvoirs publics ont mis en place des institutions de régulation du marché afin de protéger le consommateur. L'application des dispositions édictées par le législateur doit se faire par les institutions protectrices. Ils sont aidés dans cette tâche par les consommateurs eux-mêmes regroupés en association de défense pour militer contre les abus dont ils font preuve. A côté de ces derniers, existent les organismes privés de contrôle qui ne sont pas les moindres dans la protection des consommateurs. Toutefois,l'inapplication des dispositions relève sans aucun doute d'une part de leur responsabilité, de leur manque d'implication.Les institutions étatiques de régulation ne sont pas toujours efficaces parce qu'on constate une défaillance de leur part (Paragraphe 1). Ainsi que la faiblesse des institutions privées de protection (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La défaillance des institutions publiques de protectionLa volonté affirmée des pouvoirs publics de protéger les consommateurs en matière de publicité a été matérialisée par l'implication de l'Etat dans l'organisation de ces derniers par l'institution d'organismes publics ad hoc. Toutefois, face à l'inefficacité constatée de ces organes publics de protection (B), il faut surtout révéler l'absence d'autorité publicitaire capable de prendre des décisions visant à améliorer le secteur (A). A. L'absence d'autorité publicitaire L'organe de régulation publicitaire en Côte d'Ivoire est le Conseil Supérieur de la Publicité. Rappelons que c'est l'organe étatique chargé du contrôle de l'exercice des activités publicitaires, de l'application des sanctions disciplinaires à l'encontre de tout contrevenant à l'exercice irrégulier de l'activité publicitaire. A la suite d'entretiens avec un agent du Conseil Supérieur de la Publicité, il convient de souligner que celui-ci connaît d'énormes difficultés qu'il importe de classer en trois (3) points essentiels. La première grande difficulté que rencontre le Conseil Supérieur de la Publicité est relative à son statut juridique. Le CSP est relayé au rang de simple organe consultatif chargé de conseiller le Ministre de la Communication, ne disposant pas de la personnalité juridique. C'est un grand handicap pour le C.S.P. dans la mesure où il est dépourvu de toute autonomie. En effet, cela a pour conséquence malgré l'importance des tâches qui lui sont allouées, de disposer d'aucune autonomie financière pour faire face à ses impératifs. Cela se manifeste à travers le manque de moyens d'équipements des agents du C.S.P pour veiller à ce que la réglementation publicitaire soit respectée. Aussi, faut-il ajouter que ce manque d'autonomie intervient au niveau des décisions prises par le C.S.P qui ne sont en réalité que des avis ; dans la mesure où il demeure sous tutelle du Ministère de la Communication, de l'Economie numérique et de la Poste. Contrairement au C.S.P, l'Autorité de Régulation Professionnel de la Publicité (ARPP) en France est une association, indépendante des pouvoirs publics, comportant trois (3) instances associées au service de la réglementation publicitaire que sont : - le Conseil d'Ethique Publicitaire (CEP), son but est de prévenir les possibles évolutions sociales susceptibles de bouleverser l'éthique et la réglementation publicitaire ; - le Conseil Paritaire de la Publicité (CPP), qui a pour mission d'alerter le conseil d'administration de l'ARPP sur les attentes des diverses associations ou organisations au regard du contenu de la publicité et de sa régulation professionnelle ; - le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) qui est l'instance chargée de statuer sur les plaintes du public à l'encontre des publicités mises en cause. Ils sont respectivement des organes d'anticipation, de concertation et de sanction.155(*) La deuxième difficulté majeure que rencontre le C.S.P tient en ce qu'il n'y a aucun déploiement de ses services dans les chefs-lieux des régions en Côte d'Ivoire. Il existe qu'un seul bureau constituant le siège et situé dans la ville d'Abidjan. Ce constat est alarmant en ce sens que la publicité se fait sur toute l'étendue du territoire ivoirien mais ce n'est que dans la ville d'Abidjan que le CSP peut effectuer des contrôles en octroyant ou refusant les visas de diffusion publicitaire ; à l'exclusion des autres localités où il n'existe aucun organe de contrôle publicitaire. La troisième difficulté tient à la fragilité de l'organisation du C.S.P face aux nouvelles techniques de l'information et de la communication et à l'évolution des supports. En clair, le CSP n'est pas outillé pour mener les actions de réglementation de la publicité par les techniques de l'information et de la communication. Par ailleurs, la protection des consommateurs face aux pratiques publicitaires malhonnêtes, ne souffre pas seulement de l'insuffisance de l'implication effective des organes de régulation. Elle est aussi influencée par la faiblesse des institutions privées de défense. B. L'inefficacité des institutions publiques existantes En matière de pratiques publicitaires contraire à la réglementation en vigueur, c'est le Ministère du Commerce et précisément la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Lutte contre la Vie Chère qui est chargé de constater les infractions telles que le défaut de publicité des prix, le défaut de publicité des produits pétroliers et le délit de publicité mensongère ou trompeuse. Ces pratiques sont de nature à fausser le jeu concurrentiel et à induire le consommateur en erreur. La législation autorise les agents de contrôle habilités à s'assurer de la bonne exécution des obligations qui incombent aux commerçants notamment l'obligation de garantie des vices cachés, l'obligation générale d'information précontractuelle qui pèse sur tout professionnel. Cette dernière se traduisant par la publicité des prix, celle des produits pétroliers et de l'interdiction de la publicité mensongère ou trompeuse. Les contrevenants à ces dispositions sont passibles de sanctions allant de 100.000 francs CFA à 10.000.000 de francs CFA selon le type d'infraction156(*) avec un emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans pour les auteurs de délit de publicité mensongère ou trompeuse. Cependant, nos enquêtes sur le terrain ont montré que le manque de contrôle des agents habilités incite les commerçants et professionnels du secteur publicitaire à rester dans l'illégalité. On constate unequasi absence de publicité des prix sur le marché en ce qui concerne les denrées alimentaires. Il est donné oralement et à la demande des clients. En plus la vente est faite sans délivrance de factures. Seuls les supermarchés respectent cette obligation. Par ailleurs, la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Lutte contre la Vie Chère se heurte à des manques de moyens financiers et d'infrastructures nécessaires afin de faciliter le déplacement des agents habilités pour constater l'irrégularité des publicités et s'assurer du bon déroulement de leur mission. Au niveau institutionnel, il existe en Côte d'Ivoire, en plus du Ministère de la Communication, de l'Economie numérique et de la Poste, une autorité indépendante dénommée : Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d'Ivoire (ARTCI). Ils ont en commun la gestion et la régulation du secteur de la télécommunication en Côte d'Ivoire. Notons premièrement que le Ministère de la Communication, de l'Economie numérique et de la Poste est conscient du rôle catalyseur des TIC dans le développement économique et la promotion du bien-être des populations157(*). Le Ministère a en charge plusieurs missions parmi lesquelles on peut citer : - le développement, la promotion et la vulgarisation des TIC ; - lutter contre la fracture et l'insécurité numérique ; - former une expertise nationale en matière de Technologie de l'Information et de la communication ; - créer les conditions de l'émergence d'une économie numérique et favoriser le développement harmonieux des TIC en Côte d'Ivoire. Ces missions sont nobles et reflètent la volonté des pouvoirs publics d'assurer le développement par les TIC. Toutefois, dans l'exécution et la réalisation de ses missions, l'on constate des difficultés qui se résument, compte tenu de notre cadre d'étude, au défaut de contrôle des publicités qui sont faites en ligne par les agents et fonctionnaires habilités. Ce manque de contrôle s'explique par l'insuffisance de moyens d'équipements des organes habilités à effectuer ces contrôles en termes de logiciels de contrôle, de mise en place de dispositifs de sécurité permettant de contrôler ou de localiser les publicités susceptibles de porter atteinte aux intérêts des consommateurs. A côté du Ministère de la Communication, de l'Economie numérique et de la Poste, la Côte d'Ivoire dispose d'une structure spécialisée dans le domaine des TIC. L'Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d'Ivoire (ARTCI) a été créée par l'Ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 à l'issue de la fusion du Conseil des Télécommunications de Côte d'Ivoire (CTCI) et l'Agence des Télécommunications de Côte d'Ivoire (ATCI). L'ARTCI est une autorité administrative indépendante. Ce statut lui confère la personnalité juridique et l'autonomie financière. L'ARTCI est dotée d'un Conseil de Régulation et d'une Direction générale158(*). Les missions assignées à l'ARTCI sont déterminées par l'ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 sus-indiquée parmi lesquelles on peut relever : - délivrer les autorisations d'exploitation des services de télécommunications ; - protéger les consommateurs ; - réguler l'internet, la concurrence, l'interconnexion. Comme on peut le constater, l'ARTCI compte parmi ses missions, la protection des consommateurs. Elle dispose d'un service chargé des relations avec les consommateurs qui recueille les plaintes et informe les consommateurs. Cette protection s'étend à la publicité électronique. Mais il ressort que la publicité commerciale faite par voie électronique n'est pas sanctionnée par l'autorisation d'une quelconque structure d'où la vulnérabilité des consommateurs qui s'exposent à toute sorte de message publicitaire. Alors que, dans la législation publicitaire en France, il existe une instance associée aux services opérationnels de l'ARPP, dénommée le Conseil de l'Ethique Publicitaire (CEP) qui est chargé d'anticiper les problèmes sociaux liés au contenu de la publicité, sa diffusion, son évolution et son acceptabilité par le corps social quel que soit le support utilisé y compris par voie électronique.159(*) Aussi faut-il constater le manque de sensibilisation des consommateurs ivoiriens par l'autorité de régulation sur les effets pervers des publicités commerciales faites par voie électronique notamment avec le phénomène de la contrefaçon des produits. En effet, d'une marnière peu glorieuse, la contrefaçon fournit à une frange de la population, ne disposant pas suffisamment de moyens financiers, la possibilité de se procurer des équipements TIC. Le phénomène de la contrefaçon est d'autant plus préoccupant que les risques sont réels, non seulement pour les opérateurs et les Etats en terme de revenus et de taxes voire de sécurité nationale, mais aussi pour les consommateurs car leur santé ainsi que la qualité des services consommés en dépend. Lorsqu'on s'intéresse aux publicités des produits présentant un potentiel danger pour la santé des consommateurs tels que le tabac, les boissons alcooliques et surtout les produits cosmétiques qui font l'objet de publicité par voie électronique par des professionnels aux consommateurs, mais aussi par des non professionnels aux consommateurs, et qu'aucun organe de contrôle de la publicité que ce soit le C.S.P ou l'ARTCI ne s'attèle à réglementer ce vacarme, on se rend vraiment compte de la vulnérabilité des consommateurs. Face à la défaillance des organes institutionnels de régulation des publicités électroniques, il convient d'attirer l'attention des pouvoirs publics ainsi que les structures rattachées sur le risque encouru par les consommateurs face à la publicité électronique. * 155BOUT (R.), BRUSHI (M.), LUBY (M.), et POILLOT-PERUZZETTO (S.), Lamy droit économique, concurrence-distribution-consommation, éd., wolters kluwer, 2016, p. 1102-1103. * 156 En ce qui concerne le défaut de publicité des prix la sanction est de 100.000 F CFA à 5.000.000 F CFA conformément à l'article 25 de l'ordonnance n°2013-662 du 20/09/2013 relative à la concurrence. Pour ce qui est du défaut de publicité des prix des produits pétroliers la sanction est de 100.000 F CFA à 5.000.000 F CFA conformément à l'article 25 de l'ordonnance n°2013-662 du 20/09/2013 relative à la concurrence et l'article 15 de la loi n°63-526 du 26/12/1963 relative aux peines applicables en matière de contraventions et aux amendes forfaitaires. Quant au délit de publicité mensongère ou trompeuse la sanction consiste à une amende de 200 000 F CFA à 10.000.000 F CFA et/ou 2 mois à 2 ans de prison conformément à l'article 6 de la loi n°91-1000 du 27 décembre 1991 sus-indiquée. * 157 Site officiel du Ministère de la Communication, de l'Economie numérique et de la Poste https://communication.gouv.ci/ (consulté le 15 septembre 2017). * 158 Site officiel de l'ARTCI https://www.artci.ci (consulté le 10 septembre 2017). * 159BOUT (R.), BRUSHI (M.), LUBY (M.), et POILLOT-PERUZZETTO (S.), Lamy droit économique, concurrence-distribution-consommation, éd., wolters kluwer, 2016 p. 1103. |
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