La microfinance, un défi d'adaptation au contexte localpar Clara Bécard HEC Paris - Master in Management 2021 |
B. La France, un élève qui a trouvé ses marques1) S'adapter à la situation économique et financière a. Type de structure et sources de financement Le choix du type d'organisation En France, les microcrédits sont distribués par cinq IMF, qui sont soit des associations, soit rattachées à une banque, et par des banques commerciales. Dans les deux derniers cas, la microfinance est un outil développé par les banques pour étendre leur public cible. Plusieurs raisons expliquent le choix de la structure associative pour les autres institutions. Dans le cas d'Initiative France et France Active, ce sont des associations qui existent déjà, ce qui 86 simplifie les démarches. Mais ce n'est pas l'argument principal. L'environnement en France est propice à la prospérité des associations grâce aux importants financements disponibles, via les subventions publiques et les acteurs privés (banques, donateurs). Dans un contexte où les taux élevés sont mal acceptés, ces financements sont essentiels. De plus, le statut d'association permet d'avoir recours à des bénévoles, ce qui réduit drastiquement les coûts. La France est un pays avec une population retraitée importante et croissante, où les bénévoles sont légion. Enfin, le statut d'entreprise demande d'assurer une viabilité économique qui peut être incompatible avec les objectifs que se fixent les IMF. En effet, les établissements bancaires se concentrent majoritairement sur des crédits de montant supérieur à 10 000 €. Comme l'explique Alice Rosado, directrice adjointe de l'Adie, dans notre entretien : «L'obsession de l'Adie est de remplir la mission pour laquelle elle a été créée, c'est-à-dire d'avoir un impact sur les populations précarisées. Avec une recherche de rentabilité, cet objectif ne pourrait plus être atteint, du fait de la diminution des moyens, de la nécessité de prêter à des bénéficiaires qui sortent de la population cible.»137 Notons que ce choix du statut associatif a l'inconvénient de rendre les IMF particulièrement dépendantes des budgets publics et par conséquent sensibles aux politiques d'austérité budgétaire. Les sources de financement Pour appréhender les sources de financement des IMF en France, il faut distinguer le budget, qui couvre les dépenses de fonctionnement, et les emprunts aux banques, qui permettent de distribuer des microcrédits. En effet, suite à la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001, les associations de microfinance peuvent obtenir une habilitation pour emprunter auprès des banques afin d'assurer la production de microcrédits. En ce qui concerne les coûts liés à l'activité, comme nous l'avons vu, les IMF françaises ont bien davantage de dépenses à couvrir que leurs homologues bangladais. L'accompagnement est essentiel et obligatoire, et les économies d'échelle sont impossibles à atteindre. L'Adie affirme que chacun de ses clients représente environ 2 000 € de frais administratifs et d'accompagnement. Chaque euro prêté par les IMF françaises leur coûte 0,17 €. Bien qu'une rationalisation des coûts 137 Entretien avec Alice Rosado, Directrice générale adjointe de l'Adie, 04/02/2021. 87 plus avant serait sans doute possible, l'objectif premier de la microfinance reste de ne pas dégrader la qualité de ses services. Pour les établissements bancaires, ces dépenses importantes sont couvertes par leurs autres activités et par la pratique de microcrédits à des montants relativement élevés. Les associations ne peuvent-elles pas s'appuyer sur les revenus de leur activité de la même façon ? Du fait du faible montant de ses crédits, l'Adie devrait pratiquer des taux d'intérêt de plus de 30% pour atteindre l'équilibre économique. Mais ces taux ne sont ni acceptables socialement en France, ni souhaitables pour les bénéficiaires. L'Adie fait actuellement le choix de proposer des taux d'intérêt de 7,5% en moyenne. En comparaison, le taux d'intérêt moyen des microcrédits dans le monde est de 25%138. Pour poursuivre avec l'exemple de l'Adie, en 2019, ses ressources financières sont composées à 39% de subventions publiques (de l'Union Européenne, l'Etat et les collectivités locales), à 36% du mécénat, du bénévolat et des dons privés (BNP Paribas, AG2R la Mondiale, Banques populaires, etc.) et à 25% de la marge sur ses prêts139. Pour ce qui est des emprunts auprès des banques pour financer la production de microcrédits, l'Adie s'est liée avec 55 partenaires bancaires nationaux et régionaux, ainsi qu'avec des organismes d'aide au développement (AFD, Fonds Européen d'Investissement). Ces partenaires prêtent à l'Adie, mais aussi, pour certains d'entre eux, souscrivent ses titres associatifs140. b. Services financiers proposés A ces débuts, l'Adie emploie la même stratégie que la microfinance au Bangladesh : proposer des microcrédits standards pour faciliter la phase d'expansion. Petit à petit, les microcrédits en France vont se répartir en deux grandes catégories : les prêts professionnels, apparus en 1992, et les prêts personnels, datant de 2005 et proposés par les associations à partir de 2008. Les microcrédits professionnels représentent aujourd'hui 81% du nombre de microcrédits, contre 19% pour les microcrédits personnels. 138 Global Microscope 2018. The Economist Intelligence Unit. (2018). 139 Adie, Rapport d'activité 2019. 140 Adie, Comptes annuels 2019. Les microcrédits professionnels Le microcrédit professionnel correspond au crédit classique que les bénéficiaires de la microfinance se voient refuser par les banques traditionnelles. Il est destiné à la création ou au développement d'une activité économique. En France, dans 75% des cas, son montant est de 10 000 €141. Au sein des microcrédits professionnels, on trouve les prêts à caractère de fonds propres, qui servent de levier pour obtenir un crédit bancaire. Il s'agit principalement de prêts d'honneur, qui sont des crédits sans garantie ni taux d'intérêt. Initiative France en est le pourvoyeur principal. On peut également citer les prêts à taux zéro distribués par France Active dans le cadre du dispositif Nacre (partie III.2.c). Les microcrédits professionnels qui viennent en substitution des financements classiques représentent une majorité : leur production a augmenté de 14,6% en 2019 pour atteindre 322,5 millions d'euros. Ceux à caractère de fonds propres ont connu une croissance de 10,1% pour un total de 249,1 millions d'euros. L'encours total fin 2019 pour les microcrédits professionnels est de 1 386 millions d'euros.142 Nombre de microcrédits professionnels distribués en France entre 2012 et 2017 88 Source : Baromètre de la microfinance 2018 141 Observatoire de l'inclusion bancaire, Rapport Annuel 2019. Banque de France. (2019). 142 Baromètre de la Microfinance 2018. Les microcrédits personnels Dans un contexte de marché du travail saturé et exigeant, le microcrédit personnel finance les initiatives devant permettre aux bénéficiaires précarisés de trouver ou de maintenir un emploi. Maria Nowak nous explique que : «L'idée du prêt personnel est venue progressivement aussi, en observant les besoins des gens. La différence avec le Bangladesh est que là-bas, le degré de pauvreté est tel que la priorité est d'assurer une source de revenus minimum pour survivre. Cela prend le pas sur le fait de créer des produits du type des prêts personnels.»143 Il s'agit généralement de l'achat d'une voiture ou de matériel, ou de formations permettant d'acquérir des compétences supplémentaires. Les statistiques de la Caisse des dépôts portant sur l'ensemble des microcrédits personnels sur le territoire français établissent que 70% d'entre eux servent à financer l'emploi et la mobilité (y compris l'obtention du permis de conduire), 13,5% le logement, 6,5% l'éducation et la formation. Dans 60% des cas, ces prêts sont d'un montant inférieur à 3 000 € et les taux d'intérêts bas, entre 2,8% et 5,5%144. Bien que minoritaires, les microcrédits personnels connaissent une croissance rapide. En 2019, leur production augmente de 22,7 % pour atteindre 59,1 millions d'euros, avec un encours total de 85,1 millions d'euros145. 89 143 Entretien avec Maria Nowak, fondatrice et ancienne présidente de l'Adie, 13/01/2021. 144 Rapport du Groupe de travail sur le microcrédit. Conseil national de l'Information statistique (CNIS). 2011. 145 Observatoire de l'inclusion bancaire, Rapport Annuel 2019. Banque de France. (2019). 90 Nombre de microcrédits personnels distribués en France entre 2012 et 2017 Source : Baromètre de la microfinance 2018 Les programmes spécifiques Les IMF cherchent également à proposer des produits adaptés à des situations particulières. Des programmes sont développés en fonction de retours reçus de la part des emprunteurs et de résultats d'enquêtes nationales. A titre d'exemple, après avoir mené une étude en 2015 montrant l'importance des problèmes respiratoires parmi les populations n'ayant pas les moyens de s'offrir un système de chauffage convenable, la fondation Abbé Pierre lance un programme avec la Caisse d'Epargne pour fournir des microcrédits visant à financer les rénovations nécessaires de l'habitat146. Dans la même optique, l'Adie possède une Direction du Développement et de l'Offre de services qui est dédiée à la conception de nouvelles offres, grâce à un travail constant avec les conseillers et les entrepreneurs accompagnés. L'association a par exemple créé en 2011 un fonds 146 Baromètre de la Microfinance 2016. 91 spécifique pour répondre à la situation particulière des jeunes entrepreneurs. Celui-ci permet de compléter leurs microcrédits d'un prêt d'honneur sans intérêt147. Des micro-assurances en marge Parce que les services d'assurance et les possibilités d'épargne ne manquent pas, les microcrédits forment, en France comme dans la plupart des pays européens, la quasi-totalité de l'offre de services financiers de la microfinance. Bien que les micro-assurances existent, elles sont, sauf dans de rares exceptions, en lien direct avec le microcrédit et développées par les IMF en partenariat avec des compagnies d'assurance. La principale offre de micro-assurance dans le pays est issue d'un partenariat entre l'Adie, AXA et la Macif. Il s'agit de quatre produits proposés aux actifs en fonction de leur situation professionnelle, dans le but de leur assurer à minima la responsabilité civile professionnelle, mais pouvant aussi s'étendre aux dommages aux biens ou couvrir une protection financière en cas d'arrêt temporaire d'activité. Ces offres n'ont pas vocation à se substituer au secteur assurantiel traditionnel. Elles sont prévues pour une durée limitée d'environ trois ans, au terme de laquelle les bénéficiaires, dont l'activité n'est plus dans ses premiers jours, doivent s'orienter vers des produits assurantiels classiques. 2) S'adapter à la situation politique et réglementaire a. L'organisation du secteur : un réseau d'organismes interdépendants Le fonctionnement de la microfinance repose sur des interdépendances complexes entre une variété d'acteurs, exerçant une ou plusieurs de ces fonctions : prêteur, accompagnateur ou garant. Les organisations se sont structurées de manière à être complémentaires, à la fois en termes d'offre et de population cible. Nous pouvons résumer l'activité des acteurs principaux de cette façon : 147 Rapport annuel de l'Observatoire de la Microfinance 2011. Banque de France. (2011).
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Le cas de la France nous montre que l'implication politique des acteurs de la microfinance combinée à un contexte politique et réglementaire solide est particulièrement efficace pour mettre en place les moyens nécessaires au développement du secteur. 3) S'adapter à la situation sociopolitique a. Pallier aux discriminations Comme nous l'avons vu précédemment, en France, certaines catégories de population sont davantage affectées par l'exclusion sociale et par la précarité de l'emploi : les jeunes, les femmes, les seniors et les migrants. Ce sont donc ces personnes que les IMF visent en priorité. Afin de maximiser son impact en venant en aide à ceux qui en ont le plus besoin, l'Adie a mis en place un «indice d'exclusion», qui comprend un «indice d'exclusion sociale» et un «indice d'exclusion financière». L'exclusion sociale est mesurée en fonction du sexe, de l'âge, de la nationalité, du lieu de résidence et du niveau d'éducation. L'exclusion financière dépend du statut bancaire, du niveau de d'endettement, du pouvoir d'achat. Le score total est compris entre 0 (le moins exclu) et 23 (le plus exclu). En 2019, le score des bénéficiaires de l'Adie était de 5,78, tandis qu'une personne moyenne se trouve généralement entre 0 et 3155(voir Annexe 8). Une fois ces populations identifiées, il est nécessaire de mettre en place des programmes spécifiques et un accompagnement renforcé pour les aider à se réintégrer socialement et 154 Baromètre de la microfinance 2016. 155 Adie, Rapport d'activité 2020. 101 professionnellement. L'Adie est sans doute l'IMF chez laquelle l'obsession de cibler les personnes les plus vulnérables est la plus importante. En 2019, l'association développe un partenariat avec la Fédération Nationale des Centres des Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF), dans l'objectif de proposer des ateliers spécialement conçus pour les femmes pour les aider à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie de famille et à se prémunir contre les stéréotypes. Pour les jeunes, l'Adie a également développé des ateliers spécifiques, et des offres d'accompagnement telles que Adie CréaJeunes156. La situation des populations migrantes est encore plus particulière . En comparaison du reste de la population française, ils ont une différence importante de niveau d'études et de diplômes. Beaucoup d'entre eux ont exercé leur profession dans leur pays d'origine sans avoir besoin d'obtenir un diplôme spécifique. Ils ont les compétences requises, mais ne se conforment pas aux réglementations en vigueur en France. Ces situations peuvent être d'autant plus complexes dans des cas de flou juridique : si une coiffeuse en salon doit obligatoirement posséder un diplôme, est-ce aussi le cas pour une coiffeuse à domicile ? Le travail de la microfinance est donc double. D'une part, informer les personnes sur les règles auxquelles elles doivent se soumettre ou non. D'autre part, les accompagner dans leur formation et éventuellement les financer. Dans le cas de l'Adie, l'association assure un soutien accentué aux populations migrantes en se concentrant sur les quartiers défavorisés, où elles sont surreprésentées. Le niveau d'accompagnement disponible est augmenté en ouvrant de nouvelles antennes en collaboration avec des institutions régionales comme la Région Île-de-France. Un partenariat avec l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires a permis de lancer le programme «Je deviens entrepreneur», qui développe l'accompagnement dans les quartiers. b. La pratique du «group lending» La population française est plurielle et marquée par l'individualisation, bien loin de la culture homogène et communautaire du Bangladesh. Ce contexte n'est pas favorable à la pratique de crédits groupés. A ces débuts, l'Adie, qui s'inspire directement de l'expérience réussie de la Grameen Bank, tente d'importer cette méthode en France. Des groupes de cinq bénéficiaires sont formés, mais cela ne fonctionne pas. Lors de notre entretien, Maria Nowak nous explique : 156 Adie, Rapport d'activité 2019. 102 «Cela n'a absolument pas marché, car il s'agissait de personnes qui ne se connaissaient pas, de lieu et d'origine différentes. C'est efficace au Bangladesh du fait que l'on cible des villages et que l'on forme des groupes parmi des gens qui se connaissent depuis la nuit des temps.»157 Pour autant, cette pratique fonctionne pour certaines populations qui entretiennent une culture qui leur est propre, à l'image des gens du voyage. Le «group lending» n'a donc pas totalement été retiré des pratiques de microfinance en France. Il est encore proposé pour ceux qui le souhaitent, par exemple en Outre-Mer, à la condition que les emprunteurs forment eux-mêmes leur groupe. 4) Etude d'impact de ces pratiques a. Avant-propos : un calcul d'impact qui se fonde sur des données précises Déterminer l'impact de la microfinance en France est un travail très différent de celui effectué par la recherche au Bangladesh. A la différence de ce dernier, la France possède des informations importantes sur les emprunteurs, leur situation financière et leurs activités économiques. Les IMF connaissent en détail l'utilisation des prêts qu'elles fournissent. De plus, les microcrédits forment l'essentiel de la microfinance dans le pays, ce qui simplifie la tâche. Nous pouvons par conséquent obtenir une vision précise de la réalité de cet impact. Par ailleurs, les objectifs de la microfinance ne sont pas les mêmes qu'au Bangladesh. En France, l'accès aux services essentiels est assuré par l'Etat, et l'enjeu de la microfinance se trouve principalement dans la création d'emplois, l'inclusion sociale et la dignité des bénéficiaires. En tant qu'activité financée extensivement par les pouvoirs publics, c'est-à-dire par les impôts de la population, il est également important de déterminer le retour pour la collectivité. Nous pouvons donc répartir l'impact du secteur en deux grandes catégories : l'impact sur les bénéficiaires et l'impact pour la collectivité. 157 Entretien avec Maria Nowak, fondatrice et ancienne présidente de l'Adie, 13/01/2021. b. Impact sur la situation des bénéficiaires Les microcrédits professionnels L'objectif que la microfinance souhaite avoir pour ses bénéficiaires au travers des microcrédits professionnels ne s'arrête pas à la création d'une entreprise, il faut aussi que l'emploi créé puisse survivre dans le temps pour générer des revenus suffisants et récurrents et dépasser l'exclusion sociale. En 2017, le taux d'insertion des emprunteurs de l'Adie s'élevait à 84%. En effet, 63% d'entrepreneurs travaillent toujours dans l'entreprise financée par le crédit trois ans après, et 21% sont rentrés dans le monde du travail. Parmi ces derniers, 58% sont en CDI158. Ainsi, le microcrédit professionnel n'offre pas seulement la possibilité de lancer sa propre entreprise, c'est aussi une chance de s'insérer dans l'emploi, grâce à un gain de compétences mais aussi de motivation. L'accompagnement est en grande partie responsable de la pérennité des entreprises sur le long terme. En 2020, le taux de pérennité à trois ans des entreprises de l'Adie était de 81%, contre 63% pour la moyenne nationale des entreprises individuelles. Taux de pérennité des entreprises
financées par de prêts de l'Adie et 103 Source : Adie, Rapport d'activité 2020. 158 Audirep & Adie. Synthèse de l'étude d'impact de l'action de l'Adie 2017. (2017). 104 Cependant, le microcrédit professionnel ne constitue pas une solution miracle de création d'un emploi stable. La situation de beaucoup d'emprunteurs reste fragile. Une étude menée auprès des bénéficiaires en 2014 montre que 51% d'entre eux ont des revenus inférieurs à ceux qu'ils avaient avant la création d'entreprise. Leurs revenus sont par ailleurs inférieurs de moitié à ceux des entrepreneurs classiques. La moitié des emprunteurs de microcrédits reçoivent encore les minima sociaux trois ans après la contraction du prêt159. Dans un contexte de marché compétitif, il est difficile de développer des activités lucratives : la plupart des projets financés par le microcrédit «vivotent». Les microcrédits personnels Les microcrédits personnels sont utilisés à 55% pour s'insérer dans l'emploi et à 42% pour maintenir son emploi. Une étude de l'Adie de 2012 pour les microcrédits contractés entre 2009 et mi-2011 vise à déterminer l'impact de ces prêts personnels. Les résultats montrent que 50,7% des emprunteurs ayant pour but de s'insérer professionnellement sont en situation d'emploi à la date de l'enquête. Pour ce qui est des bénéficiaires avec pour objectif le maintien de leur emploi, ils sont 83,3%, dont 17% ont amélioré leur emploi existant160. En 2015, la hausse moyenne du salaire mensuel des emprunteurs contractant des microcrédits à vocation d'insertion professionnelle est estimée à 110 € (de 771 € à 781 €). L'impact psychologique Un effet important de la microfinance qui est difficilement quantifiable est celui de l'impact psychologique. Le fléau de l'exclusion sociale se manifeste par une perte de volonté de se battre, un sentiment d'humiliation, une baisse de la confiance en soi. Les barrières à l'entrée du marché du travail inculquent aux marginalisés le sentiment d'être dépourvus de toutes compétences. Le pari de la microfinance n'est pas seulement de créer des emplois, c'est aussi de montrer leur valeur 159 Balkenhol, B., & Gloukoviezoff, G. LE MICROCREDIT EN FRANCE ET EN EUROPE EN 2030 : La création d'emploi par la promotion de l'entrepreneuriat. (2015). 160 Rapport annuel de l'Observatoire de la Microfinance 2011. Banque de France. (2011). 105 à ces personnes en leur donnant une nouvelle chance. Dans son livre L'Espoir Économique, Maria Nowak nous dit : «Toutes les histoires sont belles car, au-delà de leur aspect économique et financier, elles ont une épaisseur humaine inestimable. Ce sont des histoires d'intelligence créatrice, de résilience et de courage, dont la caractéristique majeure est qu'elles permettent de sortir d'un parcours de galère, de prendre sa revanche sur les humiliations vécues, d'aider les autres.»161 Pour les emprunteurs dont les projets échouent ou dont les revenus restent insuffisants sur le long terme, l'expérience de la microfinance reste précieuse : elle correspond à un nouveau départ, à un regain d'espoir dans l'avenir. c. Impact pour la collectivité Un des arguments de la microfinance est le coût du chômage et de l'exclusion sociale pour la collectivité. En effet, le bénéfice économique de l'inclusion professionnelle est de deux ordres. D'une part, la réduction des versements des minima sociaux. D'autre part, les recettes fiscales et sociales versées par les entreprises créées grâce à des microcrédits professionnels. En 2016, l'Adie effectue une étude avec KPMG pour quantifier ce retour à la société. Les calculs montrent qu'en 14 mois, les coûts de l'Adie sont rentabilisés, et qu'en 24 mois, 1 € investit par l'Adie rapporte 2,38 € à la collectivité162. En pratique, sur les années 2013 et 2014 cumulées, le coût de l'activité de l'Adie s'élève à 24,4 millions d'euros. Sur la même période, les coûts évités par la réduction des versements des minima sociaux représentent 16,7 millions d'euros et les recettes fiscales et sociales 45,3 millions d'euros. Le bénéfice de l'activité, que l'on appelle le retour social sur investissement, est donc de 37,7 millions d'euros163. 161 Nowak, M. L'Espoir Économique. Jean-Claude Lattès. p148. (2010). 162 L'impact économique de l'action de l'Adie, KPMG, Adie, 2016 163 Baromètre du microcrédit 2018. 106 5) Conclusion sur la microfinance en France Le contexte politique stable et le cadre réglementaire étoffé, à la fois à l'échelle du pays et de l'Europe, forment un environnement favorable pour la microfinance en France. Il permet l'existence d'un réseau d'organisations complémentaires et interdépendantes solide. Cependant, les acteurs de la microfinance doivent savoir influencer ce cadre pour le rendre encore davantage propice à leur activité, d'autant plus que celle-ci dépend beaucoup des financements publics. Le secteur se base essentiellement sur le microcrédit, qui est d'abord délivré sous une forme standard, avant de s'adapter progressivement à la multiplicité des besoins. Se constituent deux grandes catégories de prêts, les microcrédits professionnels et personnels. En parallèle, l'accompagnement s'étoffe, et fait aujourd'hui ses preuves. Les études d'impact attestent d'une réussite en termes d'incidence sur les bénéficiaires et de retour pour la collectivité, malgré des lacunes. Dans une dernière partie, nous verrons comment celles-ci peuvent être comblées (partie III.C.2). |
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