b- Les carences en matière de
gestion et de surveillance bancaire
Les banques ont pris des risques sans commune mesure, le tout
dans un environnement de faible règlementation prudentielle,
conséquence de la répression financière.
Les banques étaient victimes d'un encadrement de
crédits qui étaient orientés vers les secteurs
jugés prioritaires par l'Etat, beaucoup plus le secteur agricole. En
fait l'Etat se servait du secteur bancaire comme instrument d'une politique
économique interventionniste directement inspiré des
recommandations keynésiennes. Les banques étaient obligées
de réserver 20% de leurs encours de crédits aux petites et
moyennes entreprises, considérés comme la base à la mise
en place d'un tissu industriel important.
L'assujettissement du secteur bancaire aura été
néfaste car l'allocation sectorielle des crédits vers les
secteurs prioritaires n'aura pas donné les effets escomptés. En
effet les crédits étaient accordés sans une étude
sérieuse préalable, les risques étaient mal
appréciés et la clientèle pas suivie, entrainant une
accumulation des créances douteuses et litigieuses. Les projets
financés étaient à rendement très risqué et
à très faible durée d'immobilisation (Tchakounte et Bita,
2009). A cause des projets axés vers les produits de base (coton, cacao,
café, élevage...) et le commerce de distribution, les banques ont
opté pour un financement court au détriment du financement long.
Par ailleurs la politique sélective des crédits visait à
favoriser une élite d'entrepreneurs nationaux. Les crédits leur
étaient octroyés à des taux d'intérêt
administrativement fixés à des niveaux inférieurs à
leur niveau d'équilibre, et parfois sans garanties en contrepartie des
crédits octroyés. C'est ainsi que des projets fictifs s'y sont
insérés, et ont pu bénéficier des financements
bancaires. Le volume de financement accordé aux projets s'est accru
d'environ 374.12% entre 1976 et 1977. La conséquence aura
été la diminution du nombre et du rendement des investissements.
Tableau 4 : volume de
financement accordé à la réalisation des projets
locaux
Exercices
|
Nombre de dossiers
|
Montants des crédits
|
Montants garanties
|
1975/1976
|
3
|
12.500.000
|
10.000.000
|
1976/1977
|
37
|
486.911.110
|
362.404.655
|
1977/1978
|
30
|
433.884.000
|
339.006.600
|
1978/1979
|
49
|
403/741.573
|
309.743.358
|
1979/1980
|
40
|
1.147.649.050
|
684.628.200
|
1980/1981
|
48
|
1.052.437.400
|
366.860.175
|
1981/1982
|
29
|
542.303.819
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ND
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Source : rapport FOGAPE, conseil d'administration de
1984
L'accroissement des prêts improductifs a
créé un effet d'éviction en rationnant les entreprises
privées au profit des entreprises publiques, par la limitation de la
marge de prêt que les banques pouvaient accorder aux nouveaux clients.
Ainsi les industries de plus de vingt employés (85%) avaient besoin d'un
crédit pour financer leurs investissement. 70% d'entre elles avaient des
difficultés à l'obtenir. Les crédits à
l'économie ont ainsi diminué de 27% en termes réels entre
1993 et 1994 et de 10% en 1995.
De l'autre côté, la réglementation
prudentielle était peu appliquée, aucune règle
sérieuse pouvant permettre de poursuivre les débiteurs
indélicats n'avait cours car la surveillance et la sanction des banques
dépendaient du ministère de l'économie et des finances
(Tchakounte et Bita, 2009), et malheureusement l'Etat avait des
intérêts dans la plupart des banques. Les banques
spécialisées et les institutions financières non bancaires
étaient sous la tutelle du ministre en charge des finances et de
l'économie, à travers les comités monétaires
nationaux qui en assurent en même temps le contrôle.
La générosité des conditions de banque,
l'absence de garantie fiable en contrepartie des crédits
octroyés, le non respects des ratios prudentiels, l'exacerbation du
dirigisme étatique caractérisée par l'allocation politique
et sectorielle des crédits, combinée à une conjoncture
macroéconomique défavorable ont constitué autant de
facteurs accumulés qui ont rendu la crise bancaire
inéluctable.
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