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Libéralisation financière et croissance économique au cameroun


par Christian BELKE NDONEMO
Université de Ngaoundere - Master recherche  2017
  

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II- De la répression financière a la libéralisation financière au Cameroun

Tout comme la plupart des pays sous-développés et des pays d'Afrique subsaharienne, le Cameroun pratiquait une sévère répression à l'égard de son système bancaire. Assise sur les idées keynésiennes de l'impulsion économique par l'action de l'Etat, la répression financière qui accordait très peu de liberté d'action aux banques, visait à faire de la finance un outil au service de la politique économique de l'Etat. Mais très vite cette façon de faire va montrer ses limites, avec le déclenchement des graves crises dans le système bancaire. Les crises étaient la conséquence d'une omniprésence de l'Etat dans le secteur financier qui s'est finalement révélée fatale, combinée à un cadre macroéconomique défavorisant. La nécessité de muter pour une vision libérale de la finance s'est imposée notamment avec le grand écho reçu par les exposés de Mc Kinnon et Shaw du début des années 70. C'est ainsi que le Cameroun, atteint par une sévère crise bancaire dans le milieu des années 80, entreprît sous l'égide du FMI, une vaste opération de réforme du système bancaire avec au bout l'émancipation des banques du dirigisme de l'Etat et le renforcement de la réglementation prudentielle. Les conditions de banque furent libéralisées, mais de quelle manière et pour quels résultats pour la stabilité bancaire ? Il sera question dans cette section de retracer la répression financière à l'origine de la crise bancaire (A), et d'analyser les contours de la libéralisation financière au Cameroun (B).

A- La crise bancaire des années 80 ou la conséquence de la répression financière

1- Les causes de la crise
a- Les causes institutionnelles : le dirigisme étatique

L'Etat a joué un rôle plus que déterminant dans la crise bancaire au Cameroun. Sa très forte présence dans ce secteur aura été asphyxiante et a noyé les activités des banques. L'Etat détenait des parts importantes de capital, s'impliquait dans la gestion des banques etc.

L'interventionnisme de l'Etat l'a conduit à privilégier ses stratégies au détriment des règles prudentielles.

Concernant sa participation au capital des banques, l'Etat était l'actionnaire principal. En 1973, l'Etat camerounais va entreprendre une réforme visant à permettre une plus grande part des intérêts publics dans le capital social des banques. L'ordonnance du 30 août 1973 complétée par celle no 85/002 du 31 août 1985 relative à l'exercice de l'activité bancaire, en son article 5, précise que : « la structure du capital social des banques doit faire apparaitre la présence des intérêts publics qui ne peuvent être inférieurs au tiers des actions souscrites. ». Ainsi en 1980, la part de l'Etat dans le capital social des banques, en dehors de la Cameroon Bank Limited (CAMBANK) et de la Banque Unie de Crédit, atteignait les 67%. Jusqu'en juin 1992, sa part dans le capital social des banques commerciales est encore élevée, bien que plus faible par rapport aux années antérieures : 33%, contre 37% pour les banques étrangères. En plus l'Etat détient 75% des actions des établissements financiers et autres institutions financières. L'Etat était le principal pourvoyeur de fonds dans les banques commerciales.

Tableau 1: Dépôts de l'Administration centrale dans les banques commerciales

(En milliards de FCFA)

Années

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

Dépôts

9,4

29,3

34.2

44.0

66.9

76.2

173.8

158.1

127.5

138.5

143.7

Source : extrait d'Avom et Eyeffa (2007)

Les banques vont d'autre part concevoir la présence de l'Etat dans le capital social comme une garantie face à tout risque, ce qui les amènera à sous évaluer les défauts de remboursement de leurs débiteurs. En effet elles considéraient que l'Etat ne ferait pas faillite et donc qu'en cas de difficultés il interviendrait en tant que prêteur en dernier ressort via la banque centrale.

Tableau 2 : Créances de l'Administration centrale dans les banques commerciales (en milliards de FCFA)

Années

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

Montants

8.6

11.0

15.9

21.1

21.5

29.3

35.4

49.8

61.9

69.4

82.4

Source : extrait d'Avom et Eyeffa (2007)

Bénéficiant de ressources budgétaires abondantes et appréciant surtout la clientèle des entreprises publiques et parapubliques, les institutions bancaires se sont désintéressées de l'épargne privée qui représentait en moyenne 31 % de l'épargne nationale brute entre 1980 et 1985, alors que celle-ci aurait pu faire contrepoids à la diminution en volume des dépôts publics intervenue dès 1987.

De plus l'Etat décidait de la nomination des responsables des banques. Ces responsables, pour la plupart sans expérience ni connaissance du management bancaire vont se lancer dans des décisions contreproductives en octroyant des prêts mal avisés qui représentent en 1987 à peu près le quart du total des actifs des banques en activité (Tamba et Tchamanbe, 1995). En réalité il s'agissait des prêts « politiques » c'est-à-dire accordés à de personnalités importantes du régime (Avom et Eyeffa, 2007), à des hauts fonctionnaires et aux membres de la tribu (Nembot Ndeffo et Ningaye, 2011), et dont la probabilité de remboursement était quasi nulle. Donc les crédits octroyés n'étaient pas toujours remboursés. L'octroi des facilités des banques passent de 323 milliards en 1979 à 1081 milliards en 1989. Les créances douteuses sont passées de 5.6 milliards en 1980 à 38 milliards au plus fort de la crise. Au 30 juin 87 elles sont évaluées à 138.2 milliards, et en 1988 elles passent à 189.5 milliards, augmentant ainsi de 37.1%.

Tableau 3: Evolution des crédits bruts à l'économie et des montants de créances douteuses

Indicateurs

Structure du crédit brut (1)

Montant des créances douteuses des banques (1)

Proportion des créances douteuses

1980

805.2

23.3

5.6

1981

1057.5

35.3

6.3

1982

1276.1

42.8

6.3

1983

1525.5

51

6.3

1984

1780.9

69.6

8.6

1985

1984.2

123.7

14.1

1986

1986.9

107.7

10.9

1987

1993.4

154.1

15.2

1988

2048.8

212.3

20.7

1989

1611.8

333.7

30.7

1990

1428.5

256.7

34.1

(1)En milliards de FCFA

Source : extrait de Bita (2008), p 61

Le dirigisme étatique a donc entrainé la diminution des marges des banques, l'impossibilité de recouvrir les crédits octroyés et l'accomplissement des créances douteuses qui en 86 sont sept fois supérieurs au montant des provisions constituées.

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