II- Recommandation
de politiques économiques
Le sort de nos deux hypothèses peut se comprendre
aisément. Le Cameroun a effectué une libéralisation
financière semblable à ceux des pays du sud-est asiatique, en
libéralisant partiellement et progressivement mais de façon un
peu plus poussée le secteur bancaire, mais en gardant un contrôle
sur le compte de capital, c'est-à-dire en le libéralisant que
très partiellement. En effet tirant les leçons de l'échec
des premières expériences de la libéralisation
financière qui ont été implémentées de
façon rapide et totale en Amérique latine et qui se
soldèrent par des crises et faillites bancaires supplémentaires,
le Cameroun tout comme certains pays, a perçu le danger que
représentait une libéralisation financière totale, rapide
et brusque, surtout que les tenants de la libéralisation
financière ont plus tard reconnu le caractère particulier (propre
à chaque pays) de ce phénomène. C'est pourquoi en ce qui
concerne la libéralisation financière interne
(libéralisation du secteur bancaire) il a été
procédé à la démocratisation des conditions de
fixation des taux d'intérêt, à la privatisation des
banques, etc. mais parallèlement les réserves obligatoires ont
été instituées afin de prévenir tout risque de
déclenchement d'un excès de crédits à
l'économie, au vue de la surliquidité des banques. Kapur
(pourtant un tenant de la libéralisation financière)
reconnaissait ainsi en 1992 l'utilité des réserves obligatoires
en tant que gage de liquidité et facteur de sécurité du
système bancaire. Aussi le capital social minimum passé de 300
millions à 1 milliards de FCFA constitue un critère de
sélection à l'entrée qui oblige toute potentielle banque
à la constitution d'une liquidité solide (cette mesure participe
du cadre institutionnel, de la surveillance bancaire, l'une des conditions
« édictées » par Mc Kinnon en 1991 pour une
réussite de la libéralisation financière). Il s'agissait
de donner aux banques les conditions d'un libre exercice, un cadre plus propice
pour leur activité tout en veillant au bon déroulement
(surveillance) de ces activités. Le contrôle est exercé sur
le compte de capital afin sans doute d'éviter les effets négatifs
et souvent dévastateurs des sorties et des entrées massives de
capitaux.
C'est pour cette raison que cette libéralisation
financière partielle agit différemment sur la croissance
économique. Plus poussée, la libéralisation
financière interne influence positivement la croissance
économique. Mais la libéralisation du compte de capital
très partielle n'exerce pas un effet positif sur la croissance
économique. Nous formulons quelques recommandations afin que les effets
de la libéralisation financière soient encore plus
significatifs.
A- En ce qui concerne le secteur
financier interne
Ce travail a montré que la libéralisation
financière a participé à la stabilité du
système bancaire, au lendemain de la grave crise bancaire des
années 80, conséquence de la répression financière.
Aussi la libéralisation financière interne contribue de
façon significative, à long terme comme à courte terme
à la croissance économique. Cependant malgré ce
résultat flatteur, des limites sont détectées notamment
dans l'activité des banques secondaires.
1- Les banques doivent gagner en
innovation et en dynamisme
Comme le font remarquer Avom et Eyeffa, (2007), les banques
camerounaises manquent d'innovation financière. Ce faisant les services
financiers sont très souvent de médiocre qualité, les
conditions pour y accéder sont extrêmement difficiles et
l'assurance de financement du fait de la fidélité des relations
est pratiquement nulle (Bekolo Ebe, 1998). Le système bancaire
fonctionne mal et demeure assez élitiste, avec une exclusion des
services financiers bancaires d'une frange importante de la population. Par
ailleurs, le système bancaire manque de souplesse. Les démarches
administratives sont toujours longues et fastidieuses pour l'ouverture des
comptes ainsi que dans la réalisation des opérations de
dépôts et de demandes de crédits. Les cartes bancaires et
les guichets automatiques de distribution de billets demeurent encore un luxe
alors que dans les pays développés et dans certains pays en
développement ils sont devenus depuis longtemps des services ordinaires.
Quand bien même ces services existent, ils ne fonctionnent pas
permanemment et ne sont pas de bonne qualité. Ainsi Les distributeurs
sont régulièrement en panne et de nombreux
désagréments sont fréquemment signalés par les
clients. Quant au chèque dont les procédures d'obtention sont
assez longues (un à deux mois), il n'est pas encore totalement
accepté comme moyen de paiement. La monnaie demeure donc l'actif
financier le plus utilisé.
Les banques, même en ce qui concerne la
publicité, sont nonchalantes, là où les
établissements de microfinance s'illustrent chaque jour par des
activités marketing d'envergure frappées par l'affichage, les
campagnes de promotion de l'image, la distribution des tracts, l'attraction des
clients par les récompenses... tout ceci pour se rapprocher et attirer
davantage la clientèle. Mais un grand nombre de banques sont encore
grandement inconnues du public. En fait, la banque ne va pas vers le client.
C'est le client qui vient vers la banque. C'est cet ensemble de facteurs qui
expliquent et contribuent au succès de la finance informelle qui offre
des services de proximité, facilement accessibles. C'est pourquoi la
banque reste dans de nombreux esprits comme une affaire lointaine, et parfois
dont on ne voit pas la réelle utilité.
Il est donc crucial que les banques développent des
services de proximité assortis de différentes gammes
adaptées aux différentes couches de la population (jeunes,
adultes, fonctionnaires, étudiants-élèves,
commerçants etc.). Elles doivent faire preuve de dynamisme et
d'ingéniosité pour contrebalancer le poids chaque jour important
de la finance informelle et faire augmenter progressivement le taux de
bancarisation. Car dans les pays développés et dans certains pays
en développement on est même déjà passé
depuis longtemps d'une économie d'endettement à une
économie de marchés financiers ; l'accès à la
banque dans ces pays n'y est plus un « luxe », alors qu'au
Cameroun la banque est encore inaccessible pour un grand nombre.
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