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Libéralisation financière et croissance économique au cameroun


par Christian BELKE NDONEMO
Université de Ngaoundere - Master recherche  2017
  

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B- La théorie de la libéralisation financière de Mc Kinnon/Shaw

Mc Kinnon (1973) et Shaw (1973) sont les pionniers de la théorie de la libéralisation financière. Ils développent leurs idées sur le paradigme de la répression financière. La libéralisation financière se situe donc aux antipodes de la répression financière. Ces deux auteurs construisent un plaidoyer pour libérer le système financier des contraintes étatiques. Ils expliquent que le très bas niveau de développement des pays sous-développés est dû à de fortes contraintes pesant sur le système financier et notamment bancaire (dans les pays sous-développés les marchés financiers ne sont que peu ou pas existant). Ces contraintes caractérisent une situation de répression financière qui ne permet pas l'essor du système financier et par conséquent l'évolution de la croissance économique. Cette répression financière se manifeste par la fixation des taux d'intérêt réels au-dessous de leur valeur d'équilibre du marché (ce qui réduit l'épargne), l'imposition aux banques de constituer des réserves obligatoires élevées ( cela signifie que la totalité des dépôts n'est pas transformée en crédit, nuisant ainsi à l'investissement), qui serviront à financer le déficit budgétaire à moindre coût, l'obligation faite aux banques de financer en priorité les projets gouvernementaux peu rentables, une mainmise de l'Etat sur le système financier débouchant sur la nationalisation pure et simple des banques, un niveau d'inflation élevé.

La répression financière trouve son origine dans la théorie keynésienne de l'interventionnisme Etatique. Elle est basée sur la théorie de la croissance de la préférence pour la liquidité développée par Keynes (1936) : pour assurer le plein emploi, il est nécessaire que le taux d'intérêt soit inférieur au taux de préférence pour la liquidité. Aussi les taux d'intérêt doivent être faibles afin d'éviter la chute des revenus (Eggoh, 2009). Si Mc Kinnon et Shaw aboutissent aux mêmes conclusions, ils utilisent des hypothèses et une méthodologie bien différentes.

L'approche de Mc Kinnon (1973) est basée sur l'hypothèse d'absence de marchés financiers organisés et de fragmentation de l'économie. Il se situe dans le cadre d'une économie primitive, sans développement financier (le développement financier n'est encore qu'au premier stade, c'est-à-dire la monnaie est externe.) où les agents sont contraints à l'autofinancement. La fragmentation désigne le fait que « les entreprises et les ménages sont tellement isolés qu'ils doivent faire face à des prix effectifs différents pour la terre, le capital et les marchandises et qu'ils n'ont pas accès aux mêmes technologies » (1973, p 5). Il n'est pas possible dans cette économie de distinguer entre épargnants (ménages) et investisseurs (entreprises). Il n'y a pas de relation monétaire entre les agents : les entreprises et les ménages ne peuvent se prêter ou s'emprunter les uns aux autres.

Du fait de l'autofinancement, les banques n'octroient pas de crédit. Elles se limitent à collecter les dépôts qu'elles rémunèrent et restituent. L'emprunt auprès des banques est impossible. Tout investissement, supposé indivisible, est donc autofinancé par accumulation préalable (épargne). Cette épargne peut prendre la forme d'une épargne sous forme d'actifs réels improductifs, ou d'une épargne sous forme d'encaisses monétaires réelles (dépôts bancaires). L'épargne sous forme de dépôts bancaires est une fonction croissante de sa rémunération réelle. Plus le taux d'intérêt sur les dépôts augmente, plus l'incitation à investir est grande. Cependant comment les banques font pour rémunérer les dépôts qu'elles collectent en l'absence d'une activité d'octroi de crédit ? Mc Kinnon n'y apporte pas de réponse, même si dans la suite il redonne aux banques leur fonction traditionnelle d'intermédiation financière (collecte de l'épargne et octroi de crédit).

En somme Mc Kinnon ne s'intéresse pas au marché de crédits mais plutôt à celui des dépôts bancaires. Il décrit la situation d'une économie peu monétarisée dans laquelle le faible niveau du taux d'intérêt décourage l'épargne et donc l'investissement des ménages, qui préfèrent détenir leur actif sous forme d'encaisses réelles. Toutefois la monétarisation d'une telle économie reste possible à condition d'augmenter le taux d'intérêt réel (augmentation du taux d'intérêt nominal et/ou diminution de l'inflation). Cette augmentation du taux d'intérêt crée un marché de l'épargne. C'est donc maintenant le prix qui crée le marché et non plus le marché qui détermine le prix.

Dans son modèle d'intermédiation de la dette, Shaw (1973) se situe dans une économie monétarisé où les banques assurent déjà pleinement leur rôle d'intermédiaires financiers. Le développement financier a atteint le second stade (la monnaie est interne). La fixation arbitraire des taux d'intérêt réels au-dessous de leur valeur d'équilibre du marché (augmentation des taux d'intérêt nominaux) entraine une chaine de conséquences négatives. En effet la diminution des taux d'intérêt réels dés-incite les ménages à l'épargne, réduit les dépôts bancaires et donc les fonds disponibles pour l'investissement. Il s'en suit également une modification du comportement des intermédiaires financiers. Ceux-ci deviennent en effet très prudents vis-à-vis de tout projet risqué et augmentent leur préférence pour la liquidité. Ceci se répercute sur la qualité de l'investissement. Les banques vont préférer financer les projets peu rentables mais à faible risque. Cette prudence se justifie par l'incapacité légale des banques à percevoir une prime de risque pouvant couvrir le financement des projets risqués. Tout ceci affecte négativement la croissance économique. En agissant sur la baisse des taux d'intérêt sur les dépôts et les prêts (réduction du coût de l'emprunt), le gouvernement cherche à encourager l'investissement dans certains secteurs.

Dans le modèle de Shaw (1973), On suppose que l'investissement (I) est une fonction décroissante du taux d'intérêt réel (r) et que l'épargne (S) est une fonction croissante du taux de croissance du PIB (g) et du taux d'intérêt réel (r). Le taux de croissance initial de l'économie est g1. On a : g1< g2 < g3. Les taux d'intérêt r1 et r2 correspondent à deux situations d'administration des taux d'intérêt à la baisse telles que : r1< r2 < r* avec r* : taux d'intérêt réel d'équilibre tel que I* = S*. Pour r1 (taux d'intérêt réel servi sur les dépôts bancaires), l'épargne est égale à I1. Si les banques pouvaient fixer leur taux créditeur au niveau désiré, alors celui-ci se fixerait en r3 (pour l'investissement II) et la marge ainsi dégagée (r3 - ri) par le secteur bancaire régulé mais concurrentiel, pourrait servir à financer des actions de concurrence non-prix (publicité, prestation de nouveaux services...).

Figure 3 : Les effets de la répression financière sur l'épargne et l'investissement

Source : Eggoh (2009)

Pour un taux d'intérêt fixé à r1, la demande d'investissement correspondant est (AB), investissement probablement rentable mais non satisfait. En effet, le plafonnement des taux d'intérêt peut conduire les banques à adopter un comportement de prudence (préférence des projets peu risqués et donc peu rentables) compte tenu de l'incapacité légale de percevoir la prime de risque nécessaire au financement des projets plus risqués. Le relèvement des taux d'intérêt (passage de r1 à r2) traduit le relâchement de la contrainte financière (passage de Fà F') qui a pour conséquence le rationnement des investissements à faible rentabilité qui précédemment étaient financés qui est illustré par la zone hachurée de la figure 1. En outre, r2 correspond à une situation d'administration des taux d'intérêt, dont la hausse entraîne une réduction de la demande d'investissement rationnée qui passe de (AB) à (CD). Enfin, La demande d'investissement insatisfaite ne disparaît qu'à la condition que r se fixe à r*, i.e. que l'administration à la baisse des taux disparaisse.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand