IV.1 Prévalence des souches de S. aureus
résistantes à la méthicilline
Cette étude a porté sur 164 cas de S. aureus,
parmi lesquels 102 (62.2%) cas étaient des SARM. La littérature
existante sur le SARM a démontré qu'il y a une variation
géographique considérable dans la fréquence de ce
phénotype [44]. Ce taux de SARM est identique à celle de 62,4%
rapportée par Alioua et a.l au CHU de Annaba en Algérie
[45]. Cette prévalence est statistiquement plus élevée que
celle de 32,7% obtenue par Aouati et al. en 2010 au CHU Ben Badis de
Constantine [46]. En Afrique subsaharienne, plusieurs études ont
indiqué que la prévalence de SARM est entre 25 et 50% ou moins
que 25% [26 ,44]. Elle était de 36% au Bénin en 2006 avant de
diminuer en 2008 avec un taux de 14 ,5% ; (10%) à Tunisie dans une
étude réalisée à l'hôpital Charles Nicolle
[47] et 10% au Maroc comme rapportée par Elazhari et al.
à Casablanca [48]. Cependant, cette prévalence de SARM est
aussi élevée comme celles rapportées dans certains pays de
l'Europe : Grèce (44%), Italie (38%), Espagne (38%), Grande Bretagne
(44%) et Irlande (42%) [49].
D'autre pays européens gardent une faible
prévalence de SARM, comme la Belgique (13%) et l'Allemagne (5%) [50]. Et
même en dessous de ce seuil pour la Hollande, le Danemark, la
Suède et la Finlande [49]. Cette situation s'explique par l'importance
de l'engagement des hôpitaux de ces pays dans des programmes
conséquents de lutte anti-SARM. Ces programmes sont
développés et mis en pratique depuis longtemps, ils concernent la
surveillance des infections nosocomiales et leur prévention, d'où
une meilleure gestion du risque de leur survenue et une meilleure
maîtrise et utilisation des antibiotiques.
La prévalence locale de SARM est bien inférieure
aux valeurs qui ont été rapportées dans d'autres pays de
l'Afrique sub saharienne: Sénégal (sang) (72%) [51],
Algérie (plaies chirurgicales) (75%) [52]; Egypte (malades du cancer)
[53]; Nigeria (blessure) (73.8%) [54]; Rwanda (types de l'échantillon
multiples) (82%) [55], Erythrée (types d'échantillons multiples)
(72%) [56]. Des hautes fréquences de SARM ont été aussi
rapporté dans d'autres parties du monde: Pérou (80%) [57] et
Colombie (90%)[ 58], USA( 70% ) [59].
Ces variations intra et intercontinentales de la
prévalence de SARM peuvent être lié à plusieurs
facteurs : la différence dans le type d'étude, types
d'échantillon pour prélèvement, les techniques de
laboratoire, la population d'étude et la durée d'étude. En
plus de cela, la
28
politique de la prévention et contrôle des
infections dans chaque pays expliqueraient ces variations.
Le SARM a été retrouvé chez 57,8%
d'hommes et aucune différence significative n'a été
retrouvée entre le sexe et la présence de SARM. Ces
données sont similaires à celles retrouvées
récemment en Ethiopie et en Alger [60, 61]. La plupart des études
confirme cette observation, en dehors d'une seule qui suggère que le
taux de bactériémies dues au SARM serait plus élevé
chez les femmes que chez les hommes [62]. Cependant les données sur la
responsabilité du sexe sont insuffisantes dans la littérature
puisque la majorité des études cas-témoins
réalisent, entre autres critères, un appariement sur le sexe.
Aucune différence significative n'a été
observée entre l'âge et le SARM. Néanmoins, les adultes de
25 à 40 ans sont les plus touchés par le SARM avec un cumul de
67,7%. Ces résultats joignent celui trouvé au Maroc par
Elhamzaoui [63], où on note une prédominance de la
résistance à la méthicilline chez les adultes (77,6%),
même résultats obtenus par Garnier à Pologne [64]. Ce
résultat ne concorde pas avec la littérature qui souligne que
l'âge est un facteur de risque infectieux aux deux
extrémités de la vie, avant 1 an et après 75 ans ou ceci
peut aisément s'expliquer par l'importance de la morbidité chez
le sujet âgé[65]. C'est comme dans une étude menée
récemment en Erythrée où le taux d'isolement de SARM
était considérablement élevé chez les patients de
moins de 18 ans [56]. La fréquence élevée de SARM chez les
adultes, moins susceptibles d'avoir des antécédents
récents d'antibiothérapie ou des facteurs de risque liés
aux soins ; dans notre milieu serait lié à l'absence d'une
assurance maladie qui favoriserait une non accessibilité des sujets aux
âges extrêmes aux soins et examens médicaux à faveur
des jeunes et adultes qui ont des moyens pour ce payer des soins.
Les SARM ont été retrouvé en 79% chez les
habitants de la ville. Cependant, il n'y avait pas de différence
significative entre l'adresse et la présence de SARM. Ceci ferait penser
à la présence d'un foyer d'épidémie de SARM dans la
ville, ou alors aux conditions précaires de mesures préventive et
contrôle des infections. Cette différence serait également
liée à l'accessibilité facile aux antibiotiques dans la
ville, ce qui favoriserait la résistance et l'émergence des
germes multirésistants [29]. Dans la littérature, nous n'avons
retrouvé aucun auteur ayant pris en compte ce paramètre pour
l'étude de SARM. Cette prédominance de SARM dans la ville qu'en
dehors de la ville serait liée aux différences des conjonctures
géographiques, culturelles et économiques rencontrée dans
les deux milieux.
Du tableau III, il ressort que 67,6% des SARM étaient
d'origine communautaire. Nos résultats ne sont pas similaires à
ceux trouvés par d'autres études. Une étude menée
par
29
Dicko au Mali montre que sur 494 souches de Staphylococcus
aureus, 297 étaient d'origine hospitalière [66]. Au Canada,
entre 2007 et 2009, le programme CANWARD a évalué les
caractéristiques démographiques, la sensibilité
antimicrobienne et l'épidémiologie moléculaire du SARM-C
et du SARM-H dans les hôpitaux canadiens. Parmi les 3589 souches de S.
aureus qui ont été soumises à cette évaluation, 889
(24,8 %) étaient résistantes à la méthicilline; on
a de plus identifié des phénotypes de SARM-C et de SARM-H chez
224 (25,2 %) et 644 (72,4 %) de ces souches, respectivement [67].
L'élévation du taux des souches de SARM d'origine communautaires
dans notre milieu est liée aux conditions de promiscuité
favorisant un contact étroit entre les individus et une hygiène
inadéquate.
Le SARM a été plus trouvé dans les
échantillons de la sphère uro-génital (frottis
urétral, urines et frottis vaginal) avec un cumul de 65,7%. Le type
d'échantillon n'est pas statistiquement lié à la survenue
de SARM ; mais les infections ORL présentent significativement un taux
élevé de SARM (P =0.046). Ce résultat concorde
avec plusieurs investigations qui ont rapporté une prévalence de
SARM beaucoup plus importante au niveau des urines (61 - 64%) qu'au niveau des
hémocultures et des pus [66, 68]. Cette prédominance des SARM
dans les urines, les sécrétions vaginales et le frottis
urétral serait lié au fait que les infections urinaires et
génitales sont une des symptomatologies pour lesquels
l'automédication aux antibiotiques est plus pratiquée [29,30].
Ceci est source d'émergence de germes multirésistants. Concernant
les sécrétions ORL, Chatterjee et al. avait
déjà trouvé que la prévalence of S. aureus
dans les colonisations nasales est de 52.3% et que 3.89% sont des SARM,
indiquant un taux élevé de S. aureus et SARM dans les
sécrétions nasales [69].
IV.2. Staphylococcus aureus résistant à la
methiciline et antibiogramme
Cette étude révèle que le germe non SARM
ont un taux de sensibilité plus élevé à
l'augmentin, la ciprofloxacine, la clindamycine, la doxycilline comparativement
aux souches SARM. Cette différence est statistiquement significative.
Ces résultats sont similaires à ceux trouvés au Mali par
Dicko ; où les souches de SASM sont plus sensibles aux antibiotiques que
les souches de SARM [66]. Ceci était déjà trouvé
démontré par d'autres études quant à ce qui est de
la ciprofloxacine et la doxycilline [66, 70] ; tandis que d'autres auteurs
avaient plutôt un avis contraire par rapport à la ciprofloxacine
[71]. Cette différence serait liée au type d'échantillon
considérée. Ce dernier avait pris en compte les pyodermites alors
que dans le nôtre il s'agissait des échantillons multiples.
30
Le SARM a été plus sensible à la
vancomycine (67,8%) et l'augmentin (43,9%) qu'à tous les autres
antibiotiques testés. Les non SARM étaient plus sensibles
à la neomycine (48,4%) et à l'oxacilline (38,3%). Ceci ne
s'éloigne pas des résultats des autres études prouvant la
sensibilité maximale de SARM à la vancomycine [25, 71,72].
Néanmoins, la résistance à la vancomycine a
été démontrée dans d'autres études [56,73].
La vancomycine est une molécule rarement prescrite par les
médecins dans nos hôpitaux ; ce qui serait un facteur justifiant
la bonne sensibilité des germes à celle-ci. Des études
menées en rapport avec la sensibilité de la néomycine aux
non SARM sont rares. Cependant, il est évident que l'oxacilline soit
parmi les antibiotiques adaptés dans les infections aux staphylocoques
non SARM.
Au-delà de la résistance à l'oxacilline,
le SARM a été plus résistant à la
meropenème, cotrimoxazole, clarythromycine et à l'azythromycine
tandis que les non SARM ont exprimé une forte résistance à
l'amykacine et au ceftriaxone. Une hyperproduction de pénicillinase par
les SARM peut être responsable de l'hydrolyse des pénicillines M,
céphalosporines et des carbapénèmes dont fait partie
l'oxacilline et la meropenème, et ceci expliquerait la résistance
à ces antibiotiques. Dans la littérature, il est dit qu'aucun
carbapénème n'est actif sur SARM [74]. Mais cette situation est
alarmante car dans nos conditions de travail où l'antibiothérapie
est conduite de manière empirique, la meropenème est presque le
dernier recours des cliniciens alors que le SARM est assez fréquent dans
les infections à germes multi résistants. La forte
résistance de SARM à la cotrimoxazole avait déjà
aussi retrouvé dans une étude mauritanienne où 77% des
souches était inactif à la molécule [25]. D'autre part,
l'usage des macrolides comme l'azythromycine et la clarithromycine
étaient déjà découragé dans le traitement
des infections à SARM [75,76].
Bien que l'amykacine soit faiblement utilisée et
commercialisée dans notre milieu, elle s'avère être
l'antibiotique la plus résistante aux staphylocoques non SARM. Ceci
serait lié soit à une résistance croisée aux
aminosides, ou lié à la taille de notre échantillon. Au
Liban, la résistance des Staphylocoques aux aminosides avait
été représentée par deux pourcentages relativement
éloignés ; ainsi paradoxalement à un faible taux (6.25%)
vis-à-vis de la gentamicine et de la tobramycine, et un taux
élevé (90%) vis-à-vis de l'amikacine et la kanamycine
[77].
31
IV.3. La sensibilité des antibiotiques aux
souches hospitalières et des souches communautaires de S.
aureus
Les souches d'origine hospitalière ont
été plus sensibles à la vancomycine (35%) et à
l'augmentin (20%) et ont présenté plus de résistance
à la ceftriaxone (38%) et à la cotrimoxazole (35%). Ces
résultats corroborent presque avec ceux de la surveillance
épidémiologique de SARM en milieu hospitalier où à
l'échelle nationale, aucune résistance à la vancomycine
parmi les isolats testés n'a été documentée. La
proportion d'isolats testés présentant une résistance
à la ciprofloxacine, à l'érythromycine et aux
céphalosporines et une petite proportion d'isolats présente une
résistance à la cotrimoxazole [78]. D'après l'étude
de Dicko, l'association amoxicilline + acide clavulanique avait
été la molécule la plus active sur les souches
communautaires que sur les souches hospitalières [66]. L'usage
irrationnel et abusif de la ceftriaxone dans nos hôpitaux serait la cause
de la résistance des germes à celle-ci.
Les souches d'origine communautaire ont été plus
sensibles à la vancomycine (48%) et à l'augmentin ; et ont
présenté une résistance à la cotrimoxazole (66%),
azythromycine (63%) et clarithromycine (63%) au-delà de la
résistance à l'oxacilline et la cloxacilline. La
sensibilité aux antibiotiques précédentes a
été démontré aussi dans dans plusieurs
études [25, 71, 72, 75]. La résistance élevée
à l'azythromycine et clarythromycine, toutes deux apparentées
à l'erythromycine ; de même qu'à la cotrimoxazole se
justifierait à une automédication élevée et une
usage inappropriée de ces antibiotiques dans le traitement des certaines
symptômes comme la toux.
IV.4. L'Antibioréistance des SARM par rapport au
type d'échantillon
L'activité nulle ou quasi nulle de certaines
bêta-lactamines comme l'oxacilline, la cloxacilline, la
méropèneme et la ceftriaxone sur les SARM comme trouvé
dans notre étude concorde avec les résultats des recherches
menées sous d'autres cieux comme en Mauritanie [25]. Une étude
récente menée en Iran a rapporté un taux
élévé de résistance de 100% pour les
pénicillines, 88.5% pour tetracycline ,85.7% pour les fluoroquinolones
[79]. Le taux de résistance des SARM au cotrimoxazole (100%) est
légèrement supérieur par rapport à celui
rapporté par Parhizgari [80] et Lemine Ould Salem [25] qui avaient
trouvé un taux de 86.44% au et77% à Nouakchott, toutes ces deux
études considéraient aussi des produits biologiques
diversifiés. Ce taux élevé de la résistance au
cotrimoxazole dans notre milieu peut se justifier par un usage abusif de cet
antibiotique du fait qu'il est très connu et accessible par toutes la
32
population. La résistance aux macrolides : azytromycine
(96,2%) et clarythromycine (97,8%) est un phénomène
rencontré aussi ailleurs. En Iran par exemple, le taux de
résistance à la
Clarithromycine était de 88.13%. Selon BUU-HOI , la
quasi-totalité des souches SARM est
résistante aux macrolides-lincosamides - streptogramine
(MLS) en milieu hospitalier [40]. Cependant, un taux faible a été
observé par Salem pour qui la résistance aux MLS donnant le
phénotype MLSb inductible, était
retrouvée dans 6% des souches urinaires et 27% des souches
isolées à partir des suppurations. Cette différence est
liée au fait que lui ne tenait compte que d'une résistance
associé à des molécules de 3 groupes.
Le taux faible de résistance a été
observé à la vancomycine (17,4%) indépendamment du type
d'échantillon considéré ; alors qu'ailleurs aucune
résistance n'a été soulignée quant à ce qui
est de cette molécule [25, 73, 77, 79,80]. En Erythrée, une
étude a rapporté récemment un taux de résistance de
13,8% à la vancomycine. Cependant cette étude confirme la
présence de Staphylocoque aureus vancomycine- résistant (VRSA) .
Falagas et al. avait déjà estimé que la sensibilité
de SARM isolé en Afrique à la vancomycine varie entre 82 et 100%
[44]. Ces résultats et ces estimations contredisent la conclusion
récente par Kong et al. pour qui les souches VRSA sont rares et les
évidences pour leur taux d'accroissement sont limités [81]. Comme
la vancomycine est le traitement de choix des infections à SARM [82],
notre position est que la proportion de VRSA rapporté dans cette
étude nécessite des recommandations pour une prescription
appropriée et rationnelle.
33
|