CHAPITRE 3:
INTRODUCTION GENERALE
La Communauté Urbaine de Yaoundé a mis en oeuvre
depuis 2003 une politique d'aménagement et d'assainissement de la ville.
Plusieurs actions ont été entreprises dans le sens de son
embellissement et de la réduction de l'insalubrité en son sein.
Parmi elles, figurel'aménagement des trottoirs, jusqu'ici fortement
encombrés par les petits commerçants du secteur informel, dont la
présence donne à la capitale politique du Cameroun l'aspect d'une
métropole en proie à la banalisation de son espace publique
urbain. Des injonctions ont alors été données de
libérer ces espacespour s'installer dans de nouveaux sites
octroyés par la CUY. Tels que le site de l'ancienne foire de Tsinga et
le nouveau marché de Mvog-Betsi. Pour exécuter ses
décisions, la CUY a procédé au déguerpissement
forcé avec l'aide des forces de l'ordre (police et gendarmerie) puis
à la mise en place des postes et secteurs de surveillance pour
empêcher les opérateurs de trottoirs de s'installer à
nouveau. Afin de dissuader ces derniers, les autorités publiques
procèdent parfois à la confiscation et à la destruction
des marchandises, à des arrestations et au repoussement des
transgresseurs de la norme par jets d'eau saumâtre (Mbouombouo, 2012).
Cependant, les commerçants de trottoirs font montre d'une
ténacité quasi légendaire. On note leur retour aux lieux
initiaux et la persistance de l'occupation marchande des endroits interdits,
malgré les affrontements réguliers avec les forces de l'ordre et
les agents de la police municipale communément appelé «
Awara ».
Cette situation dénote d'une part le bas niveau de
culture aux civilités urbaines des populations, et d'autre part la
difficulté des méthodes -trop enclines à la
répression-employées par les pouvoirs publics à
éduquer à la citoyenneté urbaine les populations
concernées.
D'où la question de savoir si le style autoritaire en
éducation extrascolaire à l'ordre urbain ne contribue-t-il pas
à la résistance au changement des commerçants de
trottoirs.
L'intérêt de cette problématique s'est
d'ailleurs confirmé au cours des travaux préparatoires de la
présente étude. En effet, l'éducation est habituellement
décrite comme le moyen par excellence d'édification de l'homme et
de transformation des mentalités. Toutefois, il est impératif que
la méthode pédagogique employée soit adaptée
à la cible. L'éducation extrascolaire, en tant qu'elle s'adresse
parfois à une cible hétérogène, souffre du
problème d'harmonisation de ses méthodes. Aussi, les
problématiques d'éducation des adultes, qui se situent au coeur
des préoccupations de l'éducation extrascolaire (Furter, 1976)
sont très souvent négligées ou ignorées. Or, dans
le contexte spécifique du Cameroun où le taux d'achèvement
du primaire est relativement faible,de « 23% dont 36% en
milieu urbain et 10% en milieu rural » et le taux net de
scolarisationlargement en dessous de la moyenne, de « 38% avec en
moyenne 10% dans les régions septentrionales » (DCSE,
2010, p70), il faut pouvoir compter avec l'éducation extrascolaire pour
harmoniser le développement citoyendes populations. Pour ce faire, il
convientde connaître les méthodes et stratégies propres
à ce domaine éducatif afin de rendre son action efficace. Tel est
l'objet de ce mémoire qui s'interrogesur la démarche
éducative extrascolaire mobilisée par les autorités
publiques de Yaoundé pour venir à bout du phénomène
d'occupation marchande des trottoirs.Il s'agit de déterminer si la
résistance au changement des commerçants de trottoirs ne serait
pas une conséquence d'une démarche éducative non
appropriée.
Examiner une telle problématique impliquait un
important travail bibliographique et ce travail doit beaucoup aux enseignements
de Malcom Knowles (1990) dans « L'apprenant adulte: vers un
nouvel art de la formation», de Annie Cardinet (1995) dans
« Pratiquer la médiation en
pédagogie » et de Gilles Pinson (2003) dans
« le chantier de recherche de la gouvernance urbaine et la
question de la production des savoirs dans et pour l'action ». Une
telle étude exigeait également l'analyse de sources plus
directes, comme les entretiens auprès des commerçants de
trottoirs, auprès des responsables de la CUY, les enquêtesin
situ dans les différents marchés de Yaoundé, la
consultation de la presse écrite et numérique, etc.
L'exploitation de ces sources devait permettre de répondre à une
série d'interrogations en rapport avec le sujet : l'utilisation
d'une démarche essentiellement autoritaire ne serait-elle pas l'une des
causes de la résistance des commerçants aux trottoirs ?Ne
serait-il pas plus productif d'impliquer les commerçants de trottoirs
à l'élaboration des politiques d'aménagement de l'espace
urbain ? La consultation de ses commerçants ne peut-elle pas offrir des
pistes d'un développement urbain pour et avec les
bénéficiaires? La sensibilisation et la négociation ne
peuvent-elles pas être des leviers efficaces pour un changement
pérenne de comportements de ces commerçants ?
Intitulé « Style autoritaire en
éducation extrascolaire et résistance au changement: cas des
commerçants de trottoirs du marché Melen », ce
mémoire a pour objectif de démontrer que les pouvoirs publics
gagneraient à orienter leurs démarches éducatives vers des
méthodes plus participatives qui impliquent les
bénéficiaires. Le style autoritaire en éducation
extrascolaire à l'ordre urbain semble contre-productif. Loin de modifier
la perception qu'ils ont des trottoirs, il contribueraità braquer les
commerçants de trottoirs et à les liguer contre les pouvoirs
publics.
La première partie de ce travail est consacrée
au cadre théorique où l'on expose la problématique de
l'étude, la revue de la littérature et les théories
explicatives. Ensuite, la deuxième partie, expose le cadre
méthodologique et opératoire qui permet de comprendre l'approche
méthodologique de l'étude, de présenter et d'analyser des
résultats et enfin de les interpréteret de faire des
suggestions.
PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE
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