Le contentieux des résultats de l'élection présidentielle en droit positif congolaispar Ephrem HAKIZUWERA SANGANYA Université de Goma - Licence 2018 |
B. Mode du scrutin présidentielAvant la modification de la Constitution par la Loi constitutionnelle du 20 janvier 2011, l'article 71 prévoyait le scrutin majoritaire à deux tours. Ce mode consiste à déclarer élu le candidat qui a obtenu, au premier tour, la majorité absolue des suffrages exprimés. Autrement dit, l'élu est celui qui a obtenu la moitié des voix plus une, faute de quoi, on procède au second tour du scrutin entre les deux candidats qui se seraient classés en ordre utile à l'issue du premier tour. Ainsi, lors de l'élection présidentielle de 2006, seuls pouvaient se présenter au second tour, les deux candidats qui avaient obtenu le plus grand nombre des suffrages exprimés au premier tour,86(*)à savoir Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila. Dans un tel système, la psychologie de l'électeur est différente.Au premier tour, il lui est possible de se prononcer pour le candidat de son choix, même si celui-ci n'a aucune chance de l'emporter. Il fait ainsi connaitre son opinion et apporte son soutien à l'une des forces politique en compétition. C'est pourquoi le premier tour peut seul renseigner valablement sur la physionomie politique du pays.87(*)Les conséquences de ce mode de scrutin sont moins nettes que celles du scrutin majoritaire à un tour, car le scrutin à deux tours a été présenté, d'ailleurs à juste titre, comme associé au multipartisme.88(*)Il permet au futur Président d'être toujours élu par une majorité absolue d'électeurs et donc de bénéficier d'une légitimité confortable. En 2011, le constituant dérivé a modifié le mode de scrutin à l'élection présidentielle. L'article 71 modifié de la Constitution prévoit désormais son élection à un seul tour à la majorité simple des suffrages exprimés.Invoquée pour la première fois le 3 janvier 2011, la proposition de loi de révision constitutionnelle a reçu le soutien de l'Assemblée nationale huit jours plus tard, le 11 janvier 2011. Le lendemain, le 13 janvier 2011, c'était au tour du Sénat de se prononcer en sa faveur avant que le congrès ne l'approuve les 14 et 15 janvier 2011. Sa publication au journal officiel par le Président de la République est intervenue le 20 janvier 2011. Ainsi tout s'est passé « dans un mois à peu près ».89(*)D'où la qualification de la révision express de la Constitution selon Stéphane Bolle.90(*) L'adoption du nouvel article 71 de la Constitution est intervenue au cours de la préparation des élections du 28 novembre 2011, alors que le Président à l'époque, Monsieur Joseph Kabila préparait le renouvellement de son mandat de cinq ans, obtenu en 2006. En guise de justification de cette révision, le constituant a simplement indiqué que « certaines dispositions se sont révélées handicapantes et inadaptées aux réalités politiques et socioéconomiques de la République démocratique du Congo »91(*)sans toutefois préciser de quelle réalité il s'agit.92(*)Deux motifs ont cependant été avancés par le gouvernement en faveur de cette révision constitutionnelle. Le premier est tiré de l'expérience des élections présidentielles de 2006, qui par l'effet de la bipolarisation au second tour entre joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, ont divisé le pays en deux camps (Ouest-Est), au point d'aboutir une véritable dérive identitaire. Le deuxième motif est que le gouvernement avait invoqué le coût exorbitant d'une élection à deux tours, sous prétexte que les finances de l'Etat étaient peu reluisantes. Sans avancé aucun budget de dépenses électorale pour justifier leur importance, mais aussi leur impact qui aurait été négatif pour le pays.92(*) Le système majoritaire à un tour est un des plus simples qui soient : à l'issue du tour unique est déclaré élu le candidat qui a obtenu le plus de voix, quelque soit le total des voix obtenues par ses adversaires.93(*)Ce mode présente tous les mérites de la simplicité. De tout ce qui précède, nous estimons que le scrutin majoritaire à deux tours convient mieux, car il permet d'élire le Président de la République par une majorité absolue d'électeurs et accroit donc sa légitimité. Le cas de l'élection présidentielle au Sénégal est on ne peut plus instructif à ce propos: Au premier tour, le 26 février 2012, Abdoulaye Wade a obtenu 36% et MackySall 26% ; au second tour, le 25 mars 2012, le premier n'a obtenu que 34, 80% et le second 65, 20%. Si la Constitution sénégalaise avait été révisée dans le sens malheureux de la Constitution congolaise,Abdoulaye Wade aurait été élu avec une très faible légitimité populaire, sans que le peuple, dans sa majorité, se soit reconnu dans cette élection.94(*)On peut envisager qu'à l'avenir aucune révision constitutionnelle ne pourra intervenir dans l'année qui précède l'élection présidentielle, surtout si la matière a un lien direct ou indirect avec cette dernière. * 86Loi électorale n°06/006 du 9 mars 2006, article 114(3). * 87BibombeMuamba et Kihangi Bindu, Formes de l'Etat, régimes politiques et systèmes électoraux. Dossiers de Droit constitutionnel et institutions politiques, Université libre des pays des grands lacs, Faculté de Droit, 2002, p.166. * 88Ibid. * 89Wetsh'okonda et Kahombo, supra note 76, p.13. * 90 Stéphane Bolle, cité par Marcel Wetsh'okonda et Kahombo, supra note 76, p.13. * 91 Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, para.2. Article 79 (4) * 92BalingeneKahombo, « Les fondements de la révision de la Constitution congolaise du 18 février 2006 », Librairie africaine d'études juridiques, vol.1, 2014, pp.428-453. * 93Muambaet Bindu, supra note 87, p.163. * 94 Constantin YatalaNsomweNtambwe, « Le scrutin présidentiel et le respect de la volonté du corps électoral en République Démocratique du Congo » (12 décembre 2011) < http://www.election-pr-sidentielle-rdc-2.pdf> 02août 2019, pp.1-16. |
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