Le contentieux des résultats de l'élection présidentielle en droit positif congolaispar Ephrem HAKIZUWERA SANGANYA Université de Goma - Licence 2018 |
SIGLES ET ABBREVIATIONSACJC : Annuaire congolais de Justice constitutionnelle BRTC : Bureau de réception et de traitement des candidatures CADEG :Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance CC : Cour constitutionnelle CE :Conseil d'Etat CEI :Commission électorale indépendante CENCO :Conférence épiscopale nationale du Congo CSAC :Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication CSJ :Cour suprême de Justice CSM :Conseil supérieur de la magistrature CENI :Commission électorale nationale indépendante DO :Dynamique de l'opposition politiquecongolaise DUDH :Déclaration universelle des droits de l'homme LGDJ :Libraire générale de doit et de jurisprudence MLC :Mouvement de la libération du Congo PIDCP :Pacte international relatif aux droits civils et politiques PUF :Presses universitaires de France PUG :Presses universitaires de Graben RCE :Rôle des contentieux électoraux RDC :République Démocratique du Congo RRSSJ :Réseau pour la réforme du secteur de sécurité et de justice SEN :Secrétariat exécutif national SEP :Secrétariat exécutif provincial UA :Union africaine UDPS : Union pour la démocratie et le progrès social UNC :Union pour la nation congolaise INTRODUCTIONCe travail porte sur le contentieux des résultats de l'élection présidentielle en droit positif congolais. Cette introduction générale requiert que soient présentés l'objet de la recherche et la justification du sujet(A).Par la suite, il est question de déterminer, tour à tour, la problématique et les hypothèses retenues (B), les techniques et méthodes de recherche (C) et le plan de l'étude (D). A. OBJET DE LA RECHERCHE ET JUSTIFICATION DU SUJETL'élection est inséparable de la démocratie. Elle est devenue, selon la formule de Philippe Ardant, « un rite démocratique ».1(*) La démocratie est un régime politique où ni un individu, ni un groupe d'individu ne s'approprie le pouvoir, ses titulaires sont désignés par le peuple, par voie d'élections périodiques et sont contrôlés par lui.2(*) Elle fait l'objet d'une reconnaissance internationale car le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, est inscrit dans différents instruments juridiques internationaux3(*) et nationaux.4(*) Ainsi, dans une compétition électorale, la fraude, les intimidations, les restrictions à l'accès aux médias, l'utilisation des deniers publics à des fins personnelles, les tueries, etc. ne devraient pas être utilisés pour s'assurer la victoire. L'élection présidentielle est considérée comme un scrutin de tous les enjeux, on la présente d'ailleurs justement comme le thermomètre de la température démocratique d'une nation.5(*) La fonction présidentielle est précisément au coeur des systèmes politiques, du moins dans les régimes présidentiels et semi-présidentiels.6(*)Par conséquent, à partir du moment où l'on est passé, dans une certaine mesure « des pouvoirs hérités aux pouvoirs élus »,7(*)il s'est avéré indispensable qu'émerge et se développe en Afrique un corps de règles encadrant l'organisation et le bon déroulement des élections.8(*)Il s'agit du droit électoral qui régit les élections par lesquelles le citoyen désigne ses représentants.9(*) L'important n'étant pas uniquement l'organisation du scrutin, il est plutôt nécessaire d'organiser de bonnes électionsdont ses résultats reflètent le choix du peuple souverain. D'où la nécessité d'élaborer une procédure de contestation des élections des autorités chargées d'exercer le pouvoir d'Etat, c'est-à-dire d'organiser le contentieux électoral, car le vote produit mécaniquement la possibilité des pratiques déviantes qui l'assimileraient à une scène productrice de perversions.10(*) Dans un système électoral, il existe plusieurs types des contentieux, qui varient selon les règles procédurales et de compétences applicables à chaque type de contentieux. Nous avons ainsi, le contentieux des listes, le contentieux des candidatures, le contentieux de la campagne électorale, le contentieux des résultats et le contentieux électoral pénal. Ces derniers varient, par ailleurs, selon l'élection concernée. Il a paru nécessaire de focaliser l'attention sur un type de contentieux donné, à savoir le contentieux des résultats de l'élection présidentielle. Le contentieux des résultats peut s'entendre de l'ensemble des litiges relatifs à l'application du droit électoral, ayant pour objet de vérifier la validité des résultats. Il peut aboutir à la confirmation, à la reformation ou à l'annulation de l'élection.11(*) Pour Edouard MpongoBokako, c'est le système du contentieux le plus logique12(*) car il purge le scrutin de tous les vices susceptible d'entacher la légitimité interne et internationale des élus.13(*) L'aménagement d'un contentieux des résultats de l'élection présidentielle constitue donc une nécessité dans un processus électoral. Il vise à permettre aux différents participants à l'élection présidentielle de saisir une juridiction afin d'assurer la régularité et la sincérité des résultats.14(*) Ainsi, en droit positif congolais, le règlement de ce contentieux relève de la compétence de la Cour Constitutionnelle (CC). Aux termes de l'article 161(2) de la Constitution, la CC est le juge du contentieux de l'élection présidentielle.15(*)Cette juridiction illustre, au plus haut point, le degré de contrôle exercé sur les gouvernants, qui porte sur l'expression même de la volonté générale et souveraine.16(*)Avant l'installation de cette Haute Cour, la Cour suprême de Justice (CSJ) exerçait transitoirement les compétences que lui attribue la Constitution.17(*) La régularité et la sincérité de l'élection sont garanties par son contrôle.18(*)Dans sa jurisprudence, le juge du contentieux des résultats de l'élection présidentielle s'est avéré révélateur d'une déception si pas d'une insatisfaction parfois profonde de la part de l'opinion publique, politique et doctrinale. Dans cette optique, certains doctrinaires ne s'empêchent pas d'extérioriser leur fureur, en attribuant à un de ses arrêts rendu en matière de contentieux des résultats de l'élection présidentielle le seul mérite d'exister et d'avoir juridiquement mis fin au litige en République Démocratique du Congo.19(*)On n'hésite pas, par ailleurs, d'opiner que les résultats de l'élection présidentielle en RDC ne reflète pas la volonté du peuple et les vainqueurs réels de l'élection présidentielle ne sont toujours pas connu.20(*) Comme notre lecteur s'en rendra assurément compte, la totalité des arrêts jusqu'alors rendus en matière de contentieux des résultats de l'élection présidentielle n'a pas laissé indifférents tant les analystes politiques que les spécialistes du droit. Néanmoins, l'ampleur des controverses qu'ont suscité trois arrêts, à savoir, l'arrêt RCE.PR.009 relatif à l'affaire de contestation des résultats de l'élection présidentielle du second tour du 29 octobre 2006, (arrêt MLC c. la CEI),21(*) l'arrêt RCE 011/PR relatif à l'affaire de contestation des résultats de l'élection présidentielle du 28 novembre 2011 (arrêt UNC c. la CENI) 22(*)et l' arrêt RCE 001/PR.CR relatif à l'affaire de contestation des résultats de l'élection présidentielle du 30 décembre 2018 (arrêt Dynamique de l'opposition politique congolaise (DO) c. l'UDPS/Tshisekedi) 23(*)ne saurait laisser inflexible aucun chercheur en droit. L'aspect qui nous parait le plus intéressant dans ces décisions demeure la tendance jurisprudentielle du juge de contentieux des résultats de l'élection présidentielle. La CC semblait procéder à une interprétation ou mieux à une application restreinte de certaines dispositions de la loi électorale, et partant, à une conception plus au moins minimales de ses attributions. Pourtant, selon Jean Louis EsamboKangashe, le juge électoral est autorisé à se munir de toutes les preuves dont il a besoin pour motiver sa décision. Il peut donc exiger non seulement la communication des pièces mais aussi ordonner des descentes sur les lieux ou le déploiement dans les centres et bureaux de vote, de ses délégués, en vue d'y récolter les statistiques des opérations de dépouillement et de centralisation des résultats.24(*) Le but principal de cette étude est de faire un état des lieux du contentieux des résultats de l'élection présidentielle en droit positif congolais. Il s'agit aussi de procéder à son évaluation en 2006, 2011 et 2019. Les trois affaires liées à la contestation des résultats de l'élection présidentielle, organisées sous la Constitution du 18 février 2006, constituent donc le substratum de ce travail. * 1Philipe Ardan, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2007, p.153. * 2Ibid., p.155. * 3 Voir Déclaration universelle des droits de l'homme, article 21 (1), Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 25... * 4 Constitution du 18 février 2006, articles 5 (4) et (5), 6 (5), 8, 14, 72,102, 106, 220. Voir aussi la Loi électorale n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections Présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, Loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, Loi n° 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la Loi n° 06/006d u 09 mars 2006 portant organisation des élections Présidentielle, législatives provinciales urbaines municipales et locales telle que modifiée par la Loi n° 11/00du 25 juin 2011 et la Loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la Loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée à ce jour. * 5 Roger ThambaThamba, « Contentieux de l'élection présidentielle devant la Cour constitutionnelle congolaise : esquisse de questions d'ordre procédural », Librairie africaine d'études juridiques.vol.4.2017, pp.614-633. * 6 Ibid. * 7 Ibid. * 8 Jean-Claude Masclet, Droit électoral, Paris, PUF, 1989, p.11. * 9Ibidem. * 10AhadisengeMilemba, « Les déterminants du vote au Congo-Kinshasa 2006-2011. Une contribution à la sociologie électorale », Revue africaine de droit et de bonne gouvernance, vol.2, 2015, p.105-276 * 11Thamba, supra note7, p.48. * 12EdourardMpongoBokakoBautolinga, Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2001, p.247. * 13Masclet, supra note 10, p.251. * 14DiéKassabo, «Le contentieux de l'élection présidentielle en Afrique » (14 janvier 2014)< http://www.afrilex.u.bordeaux4.fr> 21 mai 2019, p.3. * 15TélésphoreMuhindoMalonga, Droit constitutionnel et institutions politiques : Théorie générale et Droit constitutionnel congolais, Butembo, PUG, 2010, p.50. * 16Ibid. * 17 L'article 223 de la Constitution dispose qu' « En attendant l'installation de la Cour constitutionnelle, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, la Cour suprême de justice exerce les attributions leur dévolues par la présente Constitution ». * 18Loi électorale n°06/006 du 9 mars 2006, exposé des motifs, para.15. * 19BalingeneKahombo, « Note juridique critique sur l'Arrêt RCE 011/PR.CR de la Cour constitutionnelle du 19 janvier 2019 relatif à l'affaire de la contestation des résultats de l'élection présidentielle du 30 décembre 2018 », inédit, pp.1-12. * 20 JosephCihundaHengelela, « Les garanties juridiques de l'alternance politique en République Démocratique du Congo », Librairie africaine d'études juridiques, vol.2.2015, pp.42-69. * 21 Cour suprême de Justice, 27 novembre 2006, Arrêt RCE.PR.009, Arrêt sur requête en contestation des résultats de l'élection présidentielle du second tour du 26 octobre 2006, inédit. * 22 Cour suprême de Justice, 19 décembre 2011, Arrêt R.C.E. 011/PR, Arrêt sur requête en contestation des résultats provisoires de l'élection présidentielle du 28 novembre 2011 publiés par la CENI le vendredi 3 décembre 2011, JORDC, 52ème année, numéro spécial, 2011, pp.1-14. * 23 Cour constitutionnelle, 19 janvier 2019, Arrêt RCE 001/PR.CR, Requête en contestation des résultats provisoires de l'élection présidentielle du 30 décembre 2018, publiés par la Commission nationale indépendante (CENI) suivant sa décision annoncée et rendue public le 10 janvier 2019 vers 03 heures du matin, inédit. * 24 Jean-Louis EsamboKangashe, Le droit électoral congolais, Louvain-la Neuve, Academia/L'Harmattan, 2014, p.208. |
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