Analyse des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à 2020: cas du Togo et de la Côte d'Ivoirepar Gnimpale BARTCHE Université de Kara - Master 2022 |
SECTION 2 : LA NECESSAIRE IMPLICATION DE LA CEDEAODepuis les années 1990, le monde connaît de nombreuses crises sociopolitiques. L'Organisation des Nations Unies, une organisation à vocation universelle ayant pour objectif principal le maintien et la consolidation de la paix et de la sécurité internationale, face à cette multitude de crises, a confié la gestion de ces dernières aux organisations régionales. C'est dans ce prolongement que l'UA se verra confier la gestion des crises au niveau continental. La dimension continentale de l'Union africaine limite sa capacité à résoudre des conflits à 98 Rapport d'enquête sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011 44 caractère sous régional. L'approche de l'UA a donc été de confier la gestion des crises à ses correspondantes dans le sous-continent concerné, les organisations d'intégration régionale, voire à des regroupements ad hoc. C'est ainsi que la situation au Mali a été confié à l'IGAD et celle du Zimbabwe à la SADC. L'Afrique de l'Ouest ne sera pas en marge de cette donne ; ainsi donc et en s'alignant derrière Francis Saudubray99, la gestion des crises togolaise et ivoirienne sera confiée à la CEDEAO. Créée au départ en 1975 à Abuja avec pour objectifs le développement, la coopération et l'intégration économique, sociale et culturelle pour aboutir à une union économique et monétaire, la CEDEAO comme son nom l'indique, est un regroupement des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Son traité a été révisé le 24 juillet 1993 pour élargir les objectifs de cette dernière à la prévention et au règlement des conflits régionaux de la communauté. En effet, la multiplicité des conflits en Afrique de l'ouest, la prise de conscience de la dangerosité de ces crises qui prévaut dans cette partie du continent et la nécessité de l'afro-appropriation des crises sont quelques raisons qui vont emmener la CEDEAO à s'immiscer dans les crises sociopolitiques de son espace avec pour objectif de maintenir la paix et la sécurité. Il sera question d'étudier ici dans un premier paragraphe, la sécurité collective de la CEDEAO et dans un second paragraphe, les actions de cette dernière dans les crises togolaises et ivoiriennes. Paragraphe 1 : La sécurité collective au sein de la CEDEAOAu cours du XXe siècle, la communauté internationale a pris conscience que la paix ne se décrète pas par des traités, mais qu'elle dépend largement de l'instauration d'une communauté internationale capable d'agir comme acteur collectif. Un nouveau millénaire a été ainsi donc inauguré par la fin de la guerre froide. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué la naissance des organisations internationales telles que la SDN, l'ONU. Selon Delphine Deschaux-Dutard, « la création des Organisations internationales a introduit une idée nouvelle : la guerre et l'équilibre des puissances entre les Etats ne constituent plus des instruments permettant de garantir une sécurité durable sur la scène internationale »100 ; poursuivant son analyse, elle souligne que « la fin de la guerre froide a offert aux 99 SAUDUBRAY Francis, « Les vertus de l'intégration régionale en Afrique », Afrique contemporaine, vol. 227, no. 3, 2008, pp. 175-185. 100 DESCHAUX-DUTARD Delphine. « Les acteurs régionaux et la sécurité internationale », Presses universitaires de Grenoble, 2018, 45 organisations régionales de sécurité comme l'OTAN, l'Union européenne ou l'Union africaine une opportunité sans précédent de s'occuper de la sécurité internationale »101. En effet, cela reste l'une des répercussions de la fin de la confrontation Est-Ouest. Barry Buzan, l'un des premiers universitaires à s'intéresser dans les années 1980 aux « complexes régionaux de sécurité » postule que le niveau classique d'analyse de la sécurité internationale, c'est-à-dire le niveau du système interétatique, qui se focalise sur quelques puissances majeures, ne permet pas de rendre compte de l'ensemble des problématiques de sécurité contemporaines pour les Etats. Dans cette perspective, va naître au sein des Nations Unies la promotion des accords régionaux destinés à régler les affaires qui touchent à la paix et à la sécurité internationale. A titre illustratif, on peut citer l'article 52 de la charte des Nations Unies qui dispose qu' : « aucune disposition de la présente Charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies »102. L'origine de la discipline des Relations Internationales et le principe de « sécurité collective » « découlent tous deux des effets terribles de la Première Guerre mondiale et tous deux ont eu pour objectif d'éviter que ne se reproduise une telle catastrophe »103. Par ailleurs, ce concept de « sécurité collective » diffère de celle de « communauté de sécurité » dite pluraliste, théorisé par Karl Deutsch. Ainsi selon Paul Elvic Batchom, « si cette dernière proscrit l'usage de la violence, elle est toutefois, comme la sécurité collective, centrée sur les États qui en sont membres, entre lesquels le recours à la force est impensable »104. Depuis 1999, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est devenue un acteur majeur dans la sécurité collective ouest-africaine qu'elle s'évertue par ailleurs à structurer et à consolider. L'évaluation de son agenda et de ses activités durant 1990 à 2020 confirme la prépondérance des problématiques liées à la paix et à la sécurité. En effet, à partir des années 1990, le continent africain a été affecté par le phénomène des instabilités politiques et la mauvaise gouvernance. En 1991, alors que l'on vivait le conflit Sierra-Léonais, des militaires réunis grâce à l'organisation sous régionale CEDEAO 101 DESCHAUX-DUTARD Delphine, Op.cit. 102 Article 52 de la Charte des Nations Unies 103 HATTO Ronald, Le maintien de la paix. L'ONU en action, Armand Colin, 2015, pp. 21-35. 104 BATCHOM Paul Elvic, « La sécurité collective en Afrique post-guerre froide », consulté en ligne le 13 Novembre 2021 à l'adresse https://www.academia.edu/10517034 46 s'engagent comme observateurs en soutien au président Joseph Momoh qui fait face à une rébellion du RUF. Mais la première intervention explicite de la CEDEAO a lieu comme corollaire à la décision Dec. A/DEC/7/8/97 intervenue suite au coup d'Etat du 25 mai 1995, qui renverse le président démocratiquement élu Ahmed Tejan Kabbah. Comme il a été souligné précédemment, ce n'est qu'à partir de 1999 que la CEDEAO décide de faire de l'Economic Community of West African States Cease-Fire Monitoring Groupe (ECOMOG) une instance permanente dotée d'objectifs105 précis. Selon Paul Elvic Batchom, il s'agissait d'une institutionnalisation dont les usages ont constitué la première phase d'un processus de redéfinition institutionnelle. Cette politique de la sécurité collective n'est pas principalement en Afrique de l'Ouest. En effet, c'est le cas également dans d'autres espaces sous régionales telles que la CEMAC avec la crise politique en 2002 qui opposait le Président Ange-Félix Patassé au général François Bozizé Yangouvounda en RCA. L'élargissement des compétences de cette dernière, conformément au protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ; ce protocole a vu le jour avec la participation des Chefs d'Etats et de Gouvernement des Etats membres de cette communauté. En effet, dans la perspective de restaurer la paix et la sécurité dans la sous-région, la CEDEAO s'est dotée le 10 décembre 1999 à Lomé, d'un mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Ce mécanisme réaffirme les engagements pris au titre du protocole de non-agression signé à Lagos le 22 avril 1981 et les dispositions de la déclaration des principes politiques de la CEDEAO adopté à ABUDJA le 06 juillet 1991 sur la liberté, les droits des peuples et la démocratisation. Par ailleurs, la CEDEAO comporte plusieurs institutions à savoir la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements, le conseil de médiation et de sécurité, le secrétariat exécutif. Le mécanisme dispose de trois organes : la commission de défense et de sécurité, le conseil des sages, le groupe de contrôle du cessez-le-feu de la CEDEAO-ECOMOG. Depuis son adoption, les institutions du mécanisme ont été mises en place et ont pris en charge l'ensemble des questions relatives à la paix et à la sécurité dans la sous-région. Les 105 Les objectifs de l'ECOMOG sont : 1) observer et superviser les cessez-le-feu ; 2) maintenir et construire la paix ; 3) effectuer des interventions humanitaires ; 4) effectuer les déploiements préventifs ; 5) désarmer, démobiliser les forces armées non régulières. 47 différentes crises sont examinées de façon profonde par les structures appropriées du mécanisme en vue de restaurer une paix durable dans la sous-région. L'analyse de la sécurité collective au sein de la CEDEAO nous révèle de multiples interventions. L'heure n'est pas au bilan, mais il s'agit tout simplement de s'interroger sur la question des actions de la CEDEAO tant au Togo qu'en Côte-d'Ivoire. Paragraphe 2 : Les actions de la CEDEAO dans la résolution des crises togolaises et ivoiriennes La gestion d'une situation de crise implique bon nombre d'action. En effet, pour gérer une crise, il est important de prendre en compte trois périodes. Il s'agit de la période avant la crise, la période pendant la crise et la période après la crise. Généralement, il y'a crise lorsque les mécanismes mis en place pour le prévenir ont été inefficaces. C'est le cas de toute cette panoplie de crises sociopolitiques que nous vivons partout dans le monde et en Afrique en particulier. Le continent africain à partir des années 1990 a connu de multiples crises. Ces crises ont toujours fait l'objet d'intervention d'une organisation internationale ou régional. L'Afrique de l'ouest est cette partie du continent qui intéresse cette étude et plusieurs actions ont été menées pour résoudre les crises dans les pays de cet espace. Les actions menées par la CEDEAO au Togo et en Côte-d'Ivoire dans la résolution de leurs crises sociopolitiques peuvent varier les unes des autres en raison de la spécificité des crises. Face à ces situations de crises, la CEDEAO a utilisé deux mécanismes fondamentaux pour intervenir dans les crises et conflits qui secouent ces deux Etats membres. Il s'agit de la diplomatie et de la force avec toutes les conséquences qui en découlent. Ces mécanismes ont permis de faire face aux crises qui ont eu lieu au Togo et en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il faut noter que ces deux mécanismes ont été employés en Côte-d'Ivoire ; par contre au Togo, il a été question d'utiliser la diplomatie pour amener le pays a une sortie de crise. Durant la période 1990 à 1998, les émissaires de la CEDEAO et des envoyés spéciaux des Nations Unies et de la France avaient pris part aux pourparlers de la conférence nationale de 1991 au Togo. Ceci sur appel de l'élite intellectuelle togolaise qui composait la classe de l'opposition politique d'alors. Cette sollicitation pour observer les dérives du pouvoir du général Eyadema, aboutit à la suspension de l'aide de l'Union Européenne au développement. C'est d'ailleurs la seule mesure contraignante de la communauté internationale envers le 48 régime d'Eyadema. Ainsi, c'est dans cette situation de tension que la constitution de 1992, fut votée et adoptée par référendum. Aux lendemains de la conférence nationale togolaise dont la CEDEAO a joué un rôle très important qui a abouti à la constitution de 1992, et déboucher sur les pressions de la communauté internationale notamment l'UE, la CEDEAO n'a joué qu'un rôle minime sur cette période au Togo. L'élection du général Eyadema à la présidence de la CEDEAO en 1999 va être le départ d'une nouvelle forme d'immixtion de l'organisation ouest africaine dans la crise togolaise. Durant la période 1998 jusqu'à la mort du général en 2005, la CEDEAO a de nouveau intervenu dans les crises togolaises. Mais après les élections présidentielles `'douteuses»de 1998, les répressions de l'union européenne étaient fermes. Après plusieurs tentatives, le général n'a pu résoudre les crises qui minent ; la sous-région se retrouve face à une crise économique. Le pays entre dans une crise politique pointue que les échanges engagés à la fin de l'année 1998 entre le gouvernement et l'opposition ne parviennent pas à résoudre. Boycottées par l'opposition, les élections législatives de mars 1999 confèrent au RPT la totalité des sièges au Parlement. Grâce à la médiation de plusieurs pays africains et européens, le dialogue inter-togolais aboutit au mois de juillet à la signature d'un accord entre gouvernement et opposition. C'est ainsi que « la situation politique au Togo, ne trouvera une réelle amélioration tant sur le plan des violations des droits de l'homme, que sur le plan de la décrispation de la situation politique, que si une volonté du pouvoir en place est effective »106. A la suite de l'élection présidentielle de juin 2003, la CEDEAO tout comme la communauté internationale ont dénoncé le processus électoral mais ont pris acte du résultat final. Dans les conditions de détente politico-économique du pays, le Président Eyadema trouva la mort le 5 février 2005. Cette situation va permettre la CEDEAO de jouer un rôle capital dans la crise sociopolitique togolaise étant donné que le mentor et personne à craindre de l'institution n'était plus, on pourrait sans doute agir sans peur de représailles de quelle nature que ce soit. La crise de succession déclenchée à la suite de la mort du général Eyadema va conduire à la démission de Faure Gnassingbé, fils du défunt censé le remplacer malgré que les dispositions constitutionnelles prévoyaient que ce soit le Président de l'Assemblée nationale. L'intervention du Président en exercice d'alors de la CEDEAO, M. Mamadou TANDJA en 106 DEGBE Kossi, Op.cit. 49 compagnie du Président malien, M. Amadou Toumani TOURE, a permis la signature le 28 février 2005 d'un accord politique entre le Gouvernement et l'opposition sur les principaux points de divergence concernant l'organisation de l'élection présidentielle. L'élection présidentielle de 2005 a connu une double intervention. Il faut noter que la CEDEAO a joué un rôle crucial dans la gestion de cette crise électorale tout comme en 2010. La CEDEAO a assuré la sécurité des élections présidentielles de 2010. Conformément à articles 3 de la section IV du protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO qui stipule que « l'armée et les forces de sécurité publique participent à l'ECOMOG dans les formes prévues à l'Article 28 du Protocole »107, la CEDEAO a envoyé 200 officiers qui ont rejoint quelques jours plus tard par une centaine d'observateurs civils. Après le passage de dénomination du « RPT » à « UNIR », les revendications se poursuivent à propos de l'Accord Politique Général (APG). Aux lendemains de l'élection de 2015, le pays vit une ère de soulèvement populaire entraînant des morts. L'insatisfaction des partis politiques de l'opposition conduit aux manifestions d'août 2017. Dans cette crise, la recomposition de la Cour constitutionnelle, la limitation à deux du mandat présidentiel, le mode de scrutin à deux tours pour l'élection du président de la République, la réalisation des réformes et le vote de la diaspora constituent les principales recommandations de la feuille de route de la 53e session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO sous la facilitation de Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de la Guinée. Malgré tout, ce dernier finira son mandat et sera réélu en 2020 face au candidat de l'opposition Agbéyomé Kodjo qui dénonce les fraudes et revendique la victoire. L'intervention de la CEDEAO au Togo est loin d'être l'unique en Afrique de l'ouest. Plusieurs crises ont jalonné le territoire ivoirien durant la période 1990 jusqu'à 2020. Par ailleurs, la CEDEAO a toujours été présente dans la promotion de la paix à travers son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Dans l'optique où les organisations africaines veulent s'approprier la gestion des crises, le rôle de la CEDEAO dans les crises ivoiriennes a été très capital. En effet, que ce soit dans le domaine de l'observation électoral, la bonne gouvernance ou le règlement des conflits, la CEDEAO a toujours joué son rôle. La crise ivoirienne de 2002 a été pour elle un moment fort où elle a joué un rôle décisif avec la bénédiction de l'Union africaine. 107 Article 3 Chapitre IX du protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO 50 En effet, après la tentative de coup d'Etat manqué dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la CEDEAO a clairement défendu le respect des institutions républicaines en Côte d`Ivoire. En effet, le Secrétaire Exécutif de la Communauté, Mohamed Ibn Chambas, dans un communiqué le 19 septembre a condamné fermement les violences perpétrées en Côte d'Ivoire. C'est une attitude anticonstitutionnelle avait-il ajouté. De même, plusieurs actions ont été entreprises dans la crise ivoirienne de 2010. Parmi ces actions, on peut noter par exemples la signature du cessez-le-feu du 17 octobre 2002, les négociations de Lomé (12 décembre 2002), le déploiement de la MICECI (18 décembre 2002), accord d'Accra II, sommet d'Abuja (6 octobre 2005), accord de Ouagadougou (4 mars 2007) et le démantèlement de la « zone de confiance »108. La mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire (MICECI) sera la première opération de maintien de la paix entreprise par l'organisation depuis l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme sur la prévention, la gestion et le règlement des conflits, la paix et la sécurité. Malgré toutes ces actions, une crise survient au lendemain des élections du 31 octobre 2010. La CEDEAO ne restera pas en marge de la gestion de la crise postélectorale qui s'éclate. C'est alors que la « CEDEAO avec les autres organisations internationales et pays notamment l'ONU, l'Union africaine, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union européenne, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, pour ne citer qu'eux, ont appelé Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir »109. En effet, aux yeux de la CEDEAO et de l'UA, « il est important de s'assurer que le cas ivoirien ne constitue pas un précédent qui ouvrirait la voie à la contestation des résultats électoraux par les candidats vaincus, dès lors que ceux-ci peuvent se prévaloir d'un soutien militaire »110. Ainsi, après plusieurs tentatives de médiation et face au refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, la force militaire était le seul moyen qui puisse lui contraindre à la démission. Déjà, l'on vivait un conflit opposant les « commando invisibles » d'Ibrahim Coulibaly aux troupes loyales à Laurent Gbagbo. La généralisation de ce conflit sur tout l'ensemble du territoire conduira à une attaque de la résidence présidentielle par l'ONUCI ainsi que la force Licorne de l'armée française conformément à la résolution 1975 du Conseil de Sécurité (CS). C'est ainsi que Laurent Gbagbo sera fait prisonnier. Il faut noter que l'intervention de la CEDEAO en Côte d'Ivoire n'a pas été aussi facile comme le souligne Ndiaye Papa Samba. En effet selon lui: 108 La zone de confiance est une zone qui séparait le nord et le sud ivoirien depuis la fin 2002 109 CATHELIN M., la Côte d'Ivoire entre divisions internes et stratégies internationales, institut d'études de sécurité de l'Union Européenne, Mars 2011 110 Idem 51 « la mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire a présenté quelques faiblesses comme : le manque de logistiques propres bien intégrées permettant une intervention rapide et réussie; jusqu'à présent, la CEDEAO n'a pas pu générer ses propres ressources pour ses interventions; les barrières linguistiques constituent toujours un obstacle pour la compréhension mutuelle entre soldats même si en Côte d'Ivoire le problème s'était posé avec moins d'acuité; la CEDEAO en Côte d'Ivoire n'avait pas un commandement stratégique qui donnait des orientations et des pistes à partir de son siège à Abuja pour piloter la mission »111. Somme toute, l'étude sociologique des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO nous a permis d'analyser les origines de ces crises au Togo et en Côte d'Ivoire et également d'aborder l'implication de la CEDEAO dans la gestion de ces crises. Par ailleurs, on note de multiples conséquences. Nous allons poursuivre cette recherche en analysant les conséquences ainsi que les approches de solutions. 111 NDIAYE Papa S., « Entre contraintes et bonnes intentions: Les difficultés des organisations internationales africaines dans le domaine du maintien de la paix. L'exemple de la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en Côte d'Ivoire et ailleurs (Libéria, Sierra Leone, Guinée Bissau) de 1990 à 2003 », thèse de doctorat en études politiques, Université d'Ottawa, 2011. 52 DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE SOLUTIONS 53 Partant de l'idée selon laquelle une conséquence est une suite ou un ensemble d'événements entraînés par une action ou un fait, les approches de solutions quant à elles, sont un ensemble de décisions et d'actes qui peuvent résoudre une difficulté ou les empêcher d'avoir lieu. Il s'agit là des perspectives pour éviter ou résoudre un problème. Telle que explicité, les conséquences et les approches de solutions peuvent s'observer dans plusieurs domaines (social, juridique, économique, politique...). Dès lors, lorsqu'on parle des conséquences et approches de solutions des crises sociopolitiques, c'est les effets des crises et les moyens pour remédier à ces dernières. Plusieurs réflexions ont été faites en ce sens. L'Afrique noire étant d'ailleurs un lieu par excellence des crises sociopolitiques depuis l'accession de ses Etats à la souveraineté internationale. A partir des années 1990, le continent africain a été marqué par des changements significatifs. Bien avant, un nouveau processus a débuté avec la fin de la guerre froide, et la « troisième vague de démocratisation » selon Samuel Huntington au début des années 1990 a concrètement donné lieu à quelques expériences réussies tout en maintenant en place une multitude de régimes politiques. L'avènement du multipartisme dans cette partie du globe a entraîné une reconfiguration de la politique au plan interne comme au plan international. L'Afrique de l'ouest a été confrontée par ces événements qui ont changé la vie sociopolitique de cette partie du continent. En effet, la conférence nationale au Togo par exemple a introduit les germes d'une démocratie politique ; ce qui a permis une certaine multiplication des partis politique sur la scène politique. C'est également le cas en Côte-d'Ivoire lorsque le Président Houphouët Boigny décédait et que le pays entrait dans une lutte de succession. La conquête du pouvoir politique durant cette période a entraîné des conséquences profondes dans la vie des peuples tant au plan interne qu'externe. Cette période, caractérisée par l'émergence d'une importante littérature pour expliquer les origines des mutations sociopolitiques s'identifie également par la montée en puissance des crises sociopolitiques partout en Afrique sans épargner le Togo et la Côte-d'Ivoire. Comme le souligne un adage, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C'est le cas des crises togolaises et ivoiriennes durant la période 1990-2020. Face à ce constat où les crises sociopolitiques engendrent des conséquences, il convient d'y remédier. 54 Dans les lignes qui suivent, il sera question de présenter dans un premier temps les conséquences des crises togolaises et ivoiriennes de 1990 à 2020 (Chapitre 1) et dans un second temps les perspectives de solutions aux crises sociopolitiques (Chapitre 2). 55 CHAPITRE 1 : LES CONSEQUENCES DES CRISES TOGOLAISES
ET Les crises que le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connues durant la période 1990-2020 sont énormes et leurs conséquences varient selon les secteurs. En effet, les populations de ces pays ainsi que les pays voisins ont souffert de ces crises petites ou grandes qu'elles ont été. D'ailleurs, toute crise même petite qu'elle soit, a des conséquences tant sur le plan politique, économique et social. Par ailleurs, les effets de ces crises dans un monde mondialisé ne se sont pas limités au plan interne ; on enregistre plusieurs répercussions sur les territoires externes. En effet, ce chapitre sera consacré à une analyse des conséquences des crises sociopolitiques togolaises et ivoirienne de 1990 jusqu'à 2020 aussi bien sur le plan interne (Section 1) et que sur le plan international (Section 2). SECTION 1 : ANALYSE DES CONSEQUENCES INTERNES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES DE 1990 à 2020 Toute situation de crise implique nécessairement des conséquences. L'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire sur la période 1990-2020 révèle de nombreuses conséquences à l'intérieur du pays. L'étude des causes de ces crises nous a permis de relever des facteurs aussi bien internes qu'externes. En effet, ces crises ont constitué un véritable casse-tête respectivement dans chacun de ces Etats. Le constat fait par le mouvement Flambeau Citoyen debout est que les crises sociopolitiques sont source d'énormes préjudices non seulement pour les populations, mais aussi fragilisent les fondements d'un Etat de droit. Dans cet élan, il sera question dans un premier temps d'aborder l'impact des crises sur le plan socio-économique et dans un second temps, évaluer leurs effets sur le plan politique. |
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