Analyse des crises sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à 2020: cas du Togo et de la Côte d'Ivoirepar Gnimpale BARTCHE Université de Kara - Master 2022 |
Paragraphe 1 : Le rôle des matières premièresAvec une superficie estimée à 30 415 873 km2, le continent africain est sans doute le continent le plus doté en richesses naturelles. Pour Hegel, « c'est le pays de l'or »55. L'origine de la richesse de ce continent se trouve dans son sol. L'Afrique possède plusieurs types de minerais. Selon Isabelle Ramdoo, on peut estimer à environ 60 types de minerais différents, totalisant ainsi un tiers des réserves minérales mondiales, tous les minerais confondus. Elle poursuit en soulignant qu' « à titre d'exemple, elle est dotée de 90 pour cent des réserves de platinoïdes ; 80 pour cent de coltan ; 60 pour cent de cobalt; 70 pour cent du tantale ; 46 pour cent de diamant; 40 pour cent des réserves aurifères et 10 pour cent des réserves pétrolières »56. Reconnu mondialement, la Côte d'Ivoire est connue comme un grand producteur de café et de cacao dans le domaine de l'agriculture. Dans le domaine de l'industrie, ce pays produit également de l'Or et autres. L'immensité des richesses de ces pays du continent fait d'eux un terrain où se jouent les intérêts de bon nombre de puissances. A cet effet, comme le remarque Tanguy STRUYE DE SWIELANDE, « la conquête de l'Afrique, un continent riche en matières premières (pétrole, or, cobalt, diamant, bois, uranium etc.) constitue, en ce début de XXIe siècle, un enjeu majeur. Il est, en outre, au coeur d'un jeu d'influence de plus en plus agressif, souvent au détriment des pays africains eux-mêmes. On observe dès lors sur l'échiquier africain un vrai jeu de go, chaque puissance essayant de s'y profiler »57. Ces propos de Tanguy Struye de Swielande illustrent très bien les enjeux des matières premières africaines et les risques qui peuvent en découler. En effet, les ressources naturelles 55 FRIEDRICH Hegel, La Raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de l'histoire, Paris, UGE, 1965, p. 247. 56 RAMDOO Isabelle, « L'Afrique des ressources naturelles », International Institute for sustainable Development, 2019 57 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, La Chine et les grandes puissances en Afrique: Une approche géostratégique et géoéconomique, Presses universitaires de Louvain, 2011, consulté en ligne le 07 octobre 2021 sur https://books.openedition.org/pucl/1222?lang=en#:~:text=La%20%%AB%20conqu%C3%AAte%20% %BB%20de%20l%27,des%20pays%20africains%20eux%2Dm%C3%AAmes. 30 constituent un enjeu stratégique en raison de leur valeur économique et du pouvoir qu'elles consacrent aux pays qui y ont accès. La ruée des ressources fut l'un des enjeux majeurs de l'entreprise coloniale et a poursuivi de l'être même après la décolonisation.58 Roland Marchal et Christine Messiant soulignent que la fin de la guerre froide a considérablement modifié la configuration des relations internationales, avec des conséquences sur les guerres.59 Dans un monde où les Etats cherchent à étendre leurs puissances au détriment des autres, c'est l'histoire et la vie du continent africain qui en payent les risques. C'est ce qui fait dire Geraud Magrin que: « la course aux ressources observée depuis la fin des années 1990, attisée par la montée en puissance des pays émergents géants (Chine, Inde, Brésil), semble conforter l'assignation du continent à sa fonction de pourvoyeur vulnérable et dominé de produits primaires. Une telle trajectoire a souvent été qualifiée de «malédiction des ressources naturelles», construite sur l'idée contre-intuitive que les pays riches en ressources, lorsqu'ils ont des institutions faibles, seraient déterminés à subir toutes sortes de dysfonctionnements (économiques, politiques, sociaux) »60. En conséquence il faut noter que la conquête des ressources naturelles menace la paix et la stabilité des Etats africains ; elle a pris une place prépondérante surtout dans un monde où les ressources deviennent rares. La présence des pays émergents tel que souligné précédemment n'est pas vaine de sens ; cela est également dû à la faiblesse des Etats africains. Après avoir été un enjeu de la rivalité Est-Ouest et la chasse gardée des anciennes puissances coloniales, l'Afrique est désormais la proie des pays émergents à l'instar de la Chine et Inde. Pour reprendre les propos de Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski dans leur ouvrage Chindiafrique61, au centre du « grand jeu » planétaire, le continent est l'échiquier des luttes d'influence aux multiples facettes. Selon Demba Moussa Dembélé62, la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l'Afrique se fait sous des formes diverses, en particulier à travers des interventions militaires dans les régions riches en ressources énergétiques, au nom d'objectifs « humanitaires », comme « le droit de protéger» ou « l'ingérence humanitaire ». 58 WACKERMANN G., Géographie des conflits non-armés, Ellipses, Paris, 2011, p.130 59 MARCHAL Roland et MESSIANT Christine, « Une lecture symptomale de quelques théorisations récentes des guerres civiles », Lusotopie, 2006, consulté le 28 octobre 2021 sur http://journals.openedition.org/lusotopie/1382 60MAGRIN Géraud, « L'Afrique entre « malédiction des ressources » et « émergence » : une bifurcation ? », Revue Française de Socio-Économie, vol. -, no. 2, 2015, pp. 105-120. 61 BOILLOT Jean-Joseph, DEMBINSKI Stanislas, Chindiafrique, Odile Jacob, 2013, 368 p 62 DEMBELE Demba Moussa, « Libye : réflexions sur une guerre », Afroscopie, l'Harmattan, 2012. 31 La crise du capitalisme mondial a exacerbé la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud, particulièrement celles de l'Afrique. Cette ruée se fait sous des formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les régions riches en ressources énergétiques (pétrole et gaz) ». Cette doctrine a été mise en oeuvre de manière tragique en Libye par l'impérialisme occidental, par les soins de son bras armé, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Le but réel de cette intervention n'était nullement la protection de la population, mais un moyen d'assurer la mainmise des entreprises occidentales sur les ressources du pays Selon les données de la Banque Mondiale, la Côte d'Ivoire « enregistre une croissance économique dynamique, forte et stable depuis 2012 avec un ralentissement en 2020, dû aux conséquences de la crise de COVID-19 »63. Ce pays Malgré tout, demeure le principal poumon économique d'Afrique de l'Ouest francophone et exerce une réelle influence dans la région. Toutefois les réalités géopolitiques influencent et sont influencées par les ressources naturelles du continent. Ces dernières sont à l'origine d'une grande partie des crises, tensions et manifestations d'instabilité que vit le continent. La volonté des puissances étrangères d'avoir accès à ces ressources les conduit à un certain contrôle de l'organe politique tendant à le manipuler. C'est le cas également au Togo avec le phosphate par exemple. Les richesses naturelles de la Côte-d'Ivoire font également d'elle un pays convoité par de nombreuses puissances qui travaillent dans l'installation de la machine politique des Etats africains. Autrement dit, ces puissances instrumentalisent la vie politique des Etats africains à l'instar du Togo et de la Côte-d'Ivoire. C'est ce qui entraîne parfois les crises sociopolitiques dans les Etats africains. En dehors de la quête des matières premières qui constituent un facteur majeur dans la recrudescence des crises sociopolitiques, il sera question dans le second paragraphe d'analyser la part de l'ingérence extérieure. |
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