1.2.1. La compétence du juge de l'ordre
administratif de droit commun dans l'interprétation des règles
constituées dans le statut particulier des agents et cadres
administratifs et techniques de la CENI
I. La compétence interprétative du juge
administratif sur les règles du statut
des agents de carrière des services publics
de l'Etat constituées dans le
statut des agents et cadres administratifs et
techniques de la CENI
Ici, le juge devrait étendre sa compétence
interprétative sur les règles du statut des agents de
carrière des services publics que si le statut particulier des agents et
cadres administratifs et techniques de la CENT s'est inspiré.
Mais, cette extension devrait être limitée. Comment
devrait-il faire ?
En effet, sur base d'une part, de procédé
d''interprétation analogique qui part de l'argument pari
c'est-à-dire, une opération intellectuelle de comparaison qui
consiste à étendre la règle de droit énoncée
pour un cas à un cas qui est reconnu analogue et pour lequel il n'existe
pas de solution donnée par la règle de droit (A situations
semblables, règles semblables) et sur base de maxime
d'interprétation de la règle de droit « Ubilex non
distinguit, nec nos distinguere debemus » qui postule qu'il ne faut pas
distinguer là où la loi ne distingue pas. Ce qui signifie que
l'interprète n'a pas le pouvoir de restreindre l'application d'une loi
conçue en termes généraux et de l'autre part,
réitérant « le cas d'extension de contrôle du conseil
d'Etat français sur le statut des fonctionnaires parlementaires qui,
dans le système juridique français, ont leur statut autonome par
rapport au statut général des fonctionnaires de l'Etat »
(255) , nous estimons que la compétence du juge administratif
congolais devrait s'exercer comme suite :
? Dans le contentieux précontractuel : Au nom du
principe d'égalité à l'accès aux emplois publics
prescrit par l'article 13 de la constitution congolaise du 18 février
2006 telle que modifiée en 2011, le concours de la CENI peut ouvrir des
voies au contentieux pour les candidats qui jugent mal et
irrégulière la sélection effectuée par la
composition des jurys. Ce contentieux peut être ouvrir une voie à
un recours administratif ou juridictionnel.
En effet, pour le recours administratif, même si le
règlement intérieur ou le règlement administratif et
financier aucun de ces deux textes ne le fait pas allusion, nous estimons que
ce recours peut se faire devant le président de la CENI qui peut annuler
les délibérations du jury dans le cas où elles violent le
règlement
(255) CE, 4 nov. 1987, Assemblée nationale c/
Mme Cazès, AJDA 1988, CE, 29 déc. 2000, Pétriarte, Dr.
Adm. 2001 N° 94, obs. R.S., CE, 19 janv. 1996, Escriva, Dr. adm. 1996,
N° 164, CE, 10 juin 1998, Maillard, Dr. adm. 1998 N° 346, in
JEAN-MARIE AUBY, JEAN-BERNARD AUBY, DIDIER JEAN-PIERRE ET ANTONY, op.
cit, p. 387.
187
intérieur et le RAF car celui qui veille au regard des
dispositions de l'article 25, 1 de la loi organique du 28 juillet 2010 telle
que modifiée et complétée à ce jour, qui lui confie
l'attribution de veiller à l'application effective des lois et
réglementations électorales. Ceci nous en déduisons de la
position du conseil d'Etat français qui « admet l'existence de
recours hiérarchique même non prévu par les textes ce qui
permet au ministre d'annuler les délibérations du jury si elles
ont méconnu la réglementation » (256). Sur ce,
soulignons en passant que le président de la CENI en vertu de l'article
23 quinquies la loi organique, a le rang d'un ministre et les autres membres le
rang de vice-ministre en RDC.
Quant au recours juridictionnel, nous estimons que celui-ci
est de la compétence du juge administratif commun notamment le Conseil
d'Etat car la décision de recrutement de la CENI, est une
décision du Bureau qui d'un organe de gestion de la CENI et par
conséquent administratif. Le contrôle de façon
conformément aux régimes juridiques que nous avions
établis pour la CENI, « est un contrôle de la
légalité qui porte sur l'opération de concours, les vices
de forme et de procédure n'entraînant l'annulation que si
l'irrégularité a eu l'influence sur le résultat. Sur le
fond, le juge n'effectuera qu'un contrôle limité se refusant de
contrôler l'appréciation du jury sur les mérites des
candidats » (257).
? Par contre, dans le contentieux statutaire et contractuel,
le juge administratif congolais devrait se comporter en « juge
administratif spécial » en connaîssant la
légalité des décisions de la CENI prises dans le cadre du
statut particulier des agents et cadres administratifs et techniques par «
voie indirecte de l'exception d'illégalité »
(258). A ce titre, il devrait exercer aussi le contrôle de
conformité des actes de gestion des agents et cadres administratifs et
techniques électoraux au règlement administratif et financier de
la CENI. Il pourrait interpréter et appliquer leurs dispositions
statutaires. Vérifier que les agents et cadres administratifs et
techniques électoraux bénéficient des avantages et droits
accordés aux agents de carrière de services publics de l'Etat que
lorsque le règlement administratif et financier de la CENI y fait
recours ou mention.
(256) CE, 20 avril 1984, Kasakus, cité par JEAN-MARIE
AUBY, JEAN-BERNARD AUBY, DIDIER JEAN-PIERRE ET ANTONY TAILLEFAIT,
Précis de Droit de la fonction publique : Etat. Collectivités
locales. Hôpitaux, 4ème édition, Dalloz,
Paris, 2002, p. 162.
(257) JEAN-MARIE AUBY, JEAN-BERNARD AUBY, DIDIER JEAN-PIERRE
ET ANTONY, op. cit, pp. 162-163.
(258) En droit administratif pour qu'un recours soit
jugé au fond c'est-à-dire pour que le juge se prononce sur ce qui
lui est demandé, il ne suffit pas qu'il soit porté devant la
juridiction compétent. Encore, faut-il aussi qu'il soit recevable. Les
conditions de recevabilité sont l'intérêt d'agir, la
règle de décision préalable, le délai de recours et
l'obligation d'un recours administratif préalable. Dans le cas
où, conformément à la règle, les recours sont
dirigés contre une décision, ils doivent être
exercés dans le respect des délais légaux. Si le
délai est expiré sans que le recours ait été
exercé, tout recours est irrecevable. Le requérant est «
forclos ». Et la décision devient définitive. Mais,
n'était pas une décision juridictionnelle, elle n'acquerra pas
pour autant une autorité qui la rendrait incontestable. Elle ne peut
plus être attaquée de front, mais dans certaines limites, elle
peut faire l'objet d'une contestation oblique d'un grand intérêt
pratique. Techniquement à l'appui d'un recours formé contre une
décision procédant de celle qui est devenue définitive (la
décision de base), le justiciable invoquera « une exception
tirée de son illégalité. Si cette exception est
fondée, la décision attaquée apparaîtra comme
viciée par manque de légalité et, de ce fait, son
illégalité sera établie. Lire René CHAPUS, Droit
administratif général, Tome I, op. cit, p. 803.
188
Cependant, en vertu d'une part, de la technique
d'interprétation stricte des dispositions d'exception, qui postule que
les règles d'interprétations sont plus rigoureuses que les
règles de principe et donc, il faut en limiter le champ
d'interprétation uniquement à ce que le texte vise et d'autre
part, appuyer de la maxime d'interprétation « Exceptio est
strictissime interpretatanis » qui veut que lorsque le législateur
admet une exception, celle-ci doit être comprise de manière
restrictive. Il ne faut pas étendre son application, nous soutenons que
le de contrôle du juge administratif au statut particulier des agents et
cadres administratifs de la CENI devrait être toutefois limité car
le juge ne pourrait pas porter son contrôle sur la conformité de
ces actes de la CENI à toutes lois et tous règlements applicables
aux agents de carrière de services publics de l'Etat. Il ne pourrait
connaitre de la légalité d'un acte règlementaire pris par
la CENI « par voie du recours pour excès de pouvoir »
(259) qu'au cas où il est saisi au nom de
l'intérêt général par le ministère public en
vertu de l'article 136 alinéa 1 de la loi organique sur les juridictions
de l'ordre administratif ou par l'organe de surveillant notamment, l'inspection
nationale des élections que nous suggérons dans ce travail, et
ce, reconnu de l'attribution que nous avions suggéré notamment,
de déférer devant le juge pour cause d'illégalité,
les actes administratifs de la CENI soumis à l'avis obligatoire de
juridictions ou à la transmission ou concertation obligatoire avec
l'inspection nationale des élections.
II. La compétence interprétative du
juge administratif sur les règles du statut
particulier inspirées du statut des
travailleurs du code de travail et les règles propres au statut
particulier des agents et cadres administratifs et techniques de la
CENI
Ici la question sera de savoir la compétence de juge
administratif sur les litiges qui lui serait soumis et qui portent sur
règles du statut des travailleurs du code de travail et des
règles spécifiques ou propres au statut particulier des agents et
cadres administratifs et techniques de la CENI dès lors que ces les
litiges qui touchent ces règles ne rentrent pas dans ses attributions.
Faudra-t-il sursoir de statuer au fond du litige ou se déclarer
incompétent?
(259) Autrement appelé «
déféré préfectoral (en France) » il se
définit comme « le recours qui est ouvert même sans texte
contre tout acte administratif et qui a pour effet d'assurer,
conformément aux principes généraux de droit, le respect
de la légalité ». Ce recours pose la question de droit
objectif, de la légalité, celle-ci étant constituée
de l'ensemble des normes juridiques d'ordre constitutionnelle,
législative, jurisprudentielle, et essentiellement, procédant de
traités internationaux, ainsi que des normes édictées par
des diverses autorités administratives. Il se caractérise d'une
triple façon : 1. Il est un procès fait acte : parce
qu'il consiste à poser la question au juge si l'acte attaqué
est-il légal ? Il ne s'agit pas pour le juge de reconnaître que le
requérant est titulaire d'un droit à l'encontre de
l'administration, ou que cette dernière est tenue par l'obligation
à l'égard du requérant. Il s'agit de décider le
sort de l'acte. Donc, le recours n'est pas un procès fait partie, ni
l'administration n'est pas partie. 2. Il est un recours d'utilité
publique, 3. Il est un recours d'ordre public : Dans ce sens que son objet
est la sauvegarde de la légalité à cause de son
caractère suivant : - qu'on ne peut pas renoncer, ni à l'exercice
du recours, ni au bénéfice de la chose jugée, - que le
requérant peut en tout de cause revenir sur désistement, - que le
moyen tirer de l'annulation d'une décision prononcée sur recours
pour excès du pouvoir est moyen d'ordre public. Lire René CHAPUS,
Droit de contentieux administratif, Tome III, 13ème
Edition, Montchrestien Paris, 2008, pp. 211, 215, 223 et 232.
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Cette question a été résolue tant par la
doctrine que par la jurisprudence française, car le droit administratif
français a déjà beaucoup évolué par rapport
à notre droit administratif congolais qui, d'ailleurs le conseil d'Etat
congolais son installation effective a eu lieu que récemment en 2018.
En effet, commençant par la doctrine, René
CHAPUS (260) note qu'au nom de la maxime « Le juge de l'action
est le juge de l'exception » qui signifie que le juge saisi des litiges
relevant de sa compétence est en principe compétent pour se
prononcer sur l'ensemble des moyens invoqués devant lui, tant par le
demandeur que par le défendeur, il n'y a n'aurait pas des questions
préjudicielles au sein de l'ordre des juridictions administratives. Ceci
corrobore selon avec l'esprit de l'expose de motifs point 6 de la loi organique
du 15 octobre 2016 sur les juridictions de l'ordre administratif qui affirme la
compétence de principe des juridictions de l'ordre administratif en
matière de contentieux électoral (...).
Et quant à la jurisprudence, la place des dispositions
du code de travail qui sont copiées dans le statut particulier des
agents et cadres administratifs et techniques de la CEN devant le juge
administratif trouve la réponse sur le cas similaire de la question
préjudicielle que le Conseil d'Etat Français a eu à rendre
dans l'Arrêt BILLARD et VOLLE (261). Dans cet arrêt, le
conseil avait déclaré illégales des dispositions d'un
règlement du même personnel navigant commercial d'Air France
réservant au personnel masculin la faculté de prolonger son
activité en vol au-delà de 50 ans et jusqu'à 55 ans. Mais
il avait déduit cette illégalité de la
contrariété de ces dispositions statutaires aux «
Principes rappelés par le préambule de la constitution de
1946 » prohibant toute discrimination dans les conditions d'emploi
des hommes et des femmes. Le problème soumis par la question
préjudicielle dans l'affaire Billard et Volle avait trait, lui, au
rapport entre les dispositions du statut des relations collectives à
la SNCF, prévoyant à l'époque des sanctions
pécuniaires, et le code du travail dont une disposition,
introduit par l'article L. 122-42 de la loi du 4 août 1982 et reprise par
l'article L. 1331-2 nouv. C. trav., interdit « les amendes et autres
sanctions pécuniaires » en ajoutant que « Toute disposition ou
stipulation contraire est réputée non écrite ».
L'intérêt particulier de cet Arrêt du
1er juillet 1988 a été de modifier l'un des termes du
conflit de normes dénoncé par les agents sanctionnés : le
statut ne se heurte pas à l'article du code mais au principe
général du droit du travail « énoncé
» par le législateur à travers l'édiction de ce texte
; un principe applicable en tant que tel aux entreprises publiques dont le
personnel est doté d'un statut règlementaire. Et ces
dispositions contestées sont déclarées illégales
parce que ce principe n'apparaît pas incompatible avec les
nécessités de la mission de service public confiée
à la SNCF.
(260) René CHAPUS, Droit de contentieux
administratif, Tome III, 13ème édition,
Montchrestien, Paris, 2008, p. 280.
(261) CE, Ass. 1er juillet 1988, Billard et Volle c.
SNCF in Jean Pélissier, Antoine Lyon-Caen, Antoine Jeammaud et Emmanuel
Dockès, op. cit, pp. 50, 56.
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Donc, le juge administratif du droit commun congolais
appliquerait les règles du statut des travailleurs du code de travail
contenues dans le règlement administratif et financier de la CENT en
tant que « principes généraux du droit de travail
pourvues que ces règles ne soient pas incompatibles avec les
nécessités des (opérations électorales et
référendaires) ».
Et enfin, pour ce qui concerne les règles propres au
statut particulier des agents et cadres administratifs et techniques de la CENT
que nous avions appelées « les règles de droit
électoral », le juge devrait « les interpréter
et les appliquer telles qu'elles sont fixées dans le règlement
administratif et financier de la CENI en se prononçant sur
régularité aux textes qui régissent les
élections».
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