De la limitation de la responsabilité civile du transporteur aérien face au principe de la réparation intégrale.par Pascal Claude Muhima Université Libres des Pays des Grands Lacs - Licence en droit 2019 |
A. Condition de fauteSans doute, la faute qualifiée du transporteur aérien ou de ses préposés.... pourra aggraver l'obligation de réparation du transporteur aérien telle qu'elle est prévue par la convention. Mais pour ce qui concerne le principe de la responsabilité, la mise en jeu de la responsabilité du transporteur aérien n'est pas subordonnée à la preuve d'une faute41. En effet, la loi congolaise et la Convention de Montréal prévoient la responsabilité automatique du transporteur aérien lorsque « le préjudice est survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager», ou pour le « dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés... » Il en est de même pour les dommages résultant d'un retard42. Cela est expliqué par le fait que, de par le contrat de transport aérien le transporteur est tenu par l'obligation de résultat ; alors que, pour ces types d'obligations, le débiteur engage sa responsabilité par le seul fait que le résultat promis n'a pas été fournie. Au plan de la preuve, en cas d'inexécution du contrat, le passager (créancier) ne cherchera pas, comme dans l'obligation de moyen, à prouver la faute du transporteur (débiteur), mais devra simplement établir l'existence de l'obligation dont il s'agit43. Ainsi, puisque la responsabilité du transporteur aérien n'est pas fondée sur la preuve d'une faute, il est évidemment à priori responsable. Donc sa responsabilité est fondée sur une présomption simple. 41 M. DE JUGLART, Traité de Droit aérien, tome 1, Paris, LGDJ, 1989, p1112. 42 Articles 17 à 19 de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, Signée le 28 mai 1999 à Montréal et les articles 136 à 140 de la loi n° 10/014 du 10 décembre 2010 relative à l'aviation civile, 52eme édition, première partie, numéro spéciale, in JORDC, Kinshasa, 16 janvier 2011. 43 A. KAHINDO NGURU, Notion de droit civil des obligations, Notes des Cours à l'Usage des étudiants de Troisième année de Graduat, année 2015-2016, p.111, inédit. Page | 17 A cet effet, s'agissant s'il est question de la présomption de responsabilité ou de faute44, nous estimons, en nous ralliant sur la doctrine dominante qu'il s'agit d'une présomption de responsabilité, qui n'est toutefois pas irréfragable, car le transporteur peut invoquer des causes d'exonérations qui écarteront ou atténueront sa responsabilité45. En d'autres termes, si par ailleurs la présomption à la charge du transporteur aérien est une présomption de faute qui souffre la preuve du contraire ou une présomption de responsabilité qui ne tombe que devant la double preuve, d'une part que le dommage est dû à une cause connu extérieur au transporteur et que d'autre part, cette cause entre dans une liste de cas d'exonération limitativement énumérés par la loi. La présomption de responsabilité s'accompagnant d'une présomption de causalité,... il faudrait donc conclure qu'il s'agit d'une présomption de responsabilité46. Cependant en matière de retard, il n'est donc pas possible de conclure que le transporteur est responsable de plein droit, par le fait que, la nuance introduite dans l'article 19 de la Convention de Montréal47 implique, pour la victime du dommage, une obligation supplémentaire dont, un lien de causalité direct devra être établi48. De sorte que, le demandeur devra non seulement prouver son préjudice, mais également prouver la relation de cause à effet entre le retard et son préjudice. Les autres penseurs en droit utilisent l'un de ces termes (Présomption de responsabilité ou présomption de faute) en lieu et place de l'autre49. En un mot, il est important de dire que l'ayant droit à la marchandise ou la victime ou l'ayant droit de la victime n'ont pas à prouver la faute du transporteur pour mettre en jeu sa responsabilité, à la suite d'un dommage survenu à la personne, aux marchandises, aux bagages, sauf pour les dommages résultant du retard. 44 Présomption de faute, le débiteur est a priori responsable mais il se libère de sa responsabilité en prouvant l'absence de faute ; alors que la présomption de responsabilité, il s'agit d'une présomption de faute renforcée doublée d'une présomption de causalité. La présomption de responsabilité dite encore de plein de droit est d'abord une présomption de faute, c'est-à-dire, le débiteur de l'obligation ne peut s'exonérer qu'en faisant la preuve que d'une part, que cette cause entre dans l'énumération des cas d'exonération limitativement énumérés par la loi, d'autre part, la présomption de responsabilité comporte une présomption de causalité, c'est-à-dire que le lien de causalité entre le fait qui déclenche la responsabilité et le dommage est lui-même présumé. 45 R. DE BARBEYRAC, Op. Cit., p.86. 46 M. DE JUGLART, Op. Cit., tome1, p.1114. 47 Voir aussi l'article 140 de la loi sur l'aviation civile. 48 R. DE BARBEYRAC, Op. Cit., p.88. 49 A. KAHINDO NGURU, Cours de droit aérien précité, p.6. 50 Article 3, 2) de la loi N° 10/014 du 31 décembre 2010 relative à l'aviation civile, 52ème édition, première partie, numéro spécial, in JORDC, Cabinet du président de la république, Kinshasa, 16 janvier 2011 Page | 18 B. Condition tenant à la nécessité d'accident ou à l'événement affectant l'aéronef Il n'est pas nécessaire au sens des dispositions des articles 17 et 18, 136 à 139 notamment de la Convention de Montréal et de la loi congolaise sur l'aviation civile, pour engager la responsabilité du transporteur aérien, de prouver que le dommage est dû à un accident ou à un évènement affectant l'aéronef ou le voyage de l'aéronef lui-même. S'agissant du terme accident, il est compris comme un événement lié à l'utilisation d'un aéronef, qui se produit entre le moment où une personne monte à bord (avec l'intention d'effectuer un vol et le moment où toutes les personnes qui sont montées dans cette intention sont descendues, et au cours duquel :
Page | 19 Contrairement à la jurisprudence américaine (qui tend à considérer « l'accident » comme étant les cas, l'accident de l'aéronef), le législateur congolais s'est inspiré du droit français qui admet que, l'accident doit être pris au sens large, c'est-à-dire au sens de fait générateur du dommage51. Ainsi, « le fait pour le passager de se briser le col du fémur en circulant à l'intérieur de l'avion, accident qui est propre à l'individu en question, constitue un accident au sens de la Convention, ou bien encore l'accident peut être infligé à un passager par un tiers »52. Donc, il suffit que le dommage soit survenu au temps du transport ou pendant le temps qui lui est assimilé par les articles 17, 18 de la Convention de Montréal et 136 de la loi sur l'aviation civile. La loi congolaise affirme, dans ce cas, que l'accident, fait générateur du dommage, doit se produire au temps du transport. Cette conception corrobore avec l'idée selon laquelle, la couverture de la responsabilité civile à l'égard des passagers, en cas de décès, de blessures ou de toutes autre lésion corporelles, porte sur tous les risques liés à l'activité aérienne, y compris les opérations d'embarquement ou de débarquement53. En effet, comme la loi et la Convention ne précisent aucunement qu'il est fait référence à l'accident de l'aéronef, de manière exclusive ; Or cette position est d'ailleurs conforme au vieux principe général de droit selon lequel : « Là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer»54, du fait que là où la loi veut, elle dit clairement, et quand elle ne veut pas quelque chose, elle se tait55. De ce fait, un accident qui serait propre au passager lui-même (par exemple, une chute dans le couloir de circulation de l'aéronef) constitue bien un accident au sens de la loi et de la Convention. Bref, pour mettre en jeu la responsabilité du transporteur, il n'est pas nécessaire de prouver sa faute, le dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage, encore moins la nécessité d'un accident ou évènement affectant l'aéronef, du fait que sa responsabilité est 51 R. DE BARBEYRAC, Op. Cit., p85. 52 Cour de cass. 11 mars 1965, RFDA, 1965.222 cité par M. De Juglart, Op. Cit., T1 p.1116. 53 Article 284 alinéa 2 de la loi n°15 /005 du 17 mars 2015 portant code des assurances in JORDC, Cabinet du Président de la République, 56ème année, Numéro spécial, le 30 avril 2015.. 54 En latin « Ubi lex distinguit, nec nos distinguere debemus », voir Anonyme, Locutions juridiques latines disponible sur http// www.iurisma.com consulté le 16 janvier 2020, à 13h54. 55 Ceci est confirmé par le vieux principe latin selon lequel «Ubi lex noluit dixit, ubi voluit tacuit », traduit litéralement en ces mots « quand la loi a voulu quelque chose, elle l'a dit ; quand elle ne l'a pas voulu, elle s'est tue » Page | 20 présumée. Cependant, la victime ou ses ayants droits doit établir la survenance du dommage au passager ou à la marchandise, et cela pendant la période du transport ou celle assimilée à celui-ci. Ce qui implique l'étude des faits dommageables pouvant occasionner la responsabilité du transport aérien. |
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