1.5.3Guylaine Martel : Incarner la politique
S'interrogeant également sur cette relation, Guylaine
Martel (2018, 2) estime que la prégnance de la médiatisation
contribue à accroitre l'importance de la personne dans l'exercice
politique, et cette personnalisation permet d'établir une sorte de
relation d'intimité avec les électeurs qui se trouvent à
distance. Plus que jamais la vie politique se matérialise à
travers les gestes dans ses représentants, que les médias
diffusent maintenant dans leurs états. A ce sujet, Reiffel y voit une
personnalisation de l'homme politique et la considère comme une
stratégie obligeant les hommes politiques à se construire un
personnage, légitimant une grille de lecture qui les désacralise
et qui, de fait, néglige les enjeux politiques puisqu'elle
décontextualise les problèmes en réduisant les campagnes
électorales à une lutte entre personnalités. Selon
Guylaine Martel(2018,12), dans ces conditions, le journalisme d'information est
supplanté par le journalisme de communication. Le journalisme
d'information, essentiellement fondé sur la fonction
référentielle du discours, c'est-à-dire le rendu factuel
des événements est concurrencé depuis une vingtaine
d'années par un journalisme de communication, lequel se distingue du
précédent par l'explication des composantes discursives qui
contextualisent la nouvelle et personnalisent l'interaction,
explique-t-elle. Elle souligne que le journalisme, en tant pratique de la
parole publique, ne peut exister et se réaliser que si les règles
discursives qui le régissent sont congruentes avec celles qui
régissent le fonctionnement technique, économique,
organisationnel, politique des médias. (Guylaine M., 2018)
Aujourd'hui, il nous parait que la médiatisation du
politique a énormément contribué à façonner
une nouvelle image du politique. Les médias de Mbujimayi ont directement
ou indirectement inscrit leur traitement des informations dans la logique
globale de certains acteurs politiques. Lesquels avaient pour objectif de
créer une forte intimité, dont parle Reiffel, entre eux et les
électeurs. Se laissant tombés dans le filet de ces acteurs
politiques, les médias ont fait de l'information un outil par lequel ils
devaient développer leur nouvelle perception auprès des
électeurs. Comme ces auteurs, nous pensons que les médias ont,
par le traitement de l'information, personnalisé les
événements en mettant sur un accent particulier sur les candidats
par une rhétorique beaucoup mieux élaborée.
1.5.4. Eithan Orkibi: Images des candidats
Il est clair que les candidats savent également se
servir des médias en leur faveur pour promouvoir leur image. Dans cette
optique, EithanOrkibi(2015) conçoit l'image du candidat dans une
campagne électorale comme ayant fait objet d'un domaine d'études
bien établi dans les études électorales et la
communication. L'auteur s'appuie sur la définition que donne Kenneth L.
Hacker. L'image du candidat est une accumulation des perceptions des
électeurs sur les candidats. Selon lui, cette définition souligne
les rapports dynamiques qui se forment entre les messages de la campagne et
l'évaluation du candidat par le public. Les images transmises
stratégiquement par les directeurs de campagne, jointes à celles
diffusées par les médias, s'entrecroisent avec les impressions
préexistantes des électeurs, et se transforment en des
représentations cognitives socialement partagées.
Eithan essaie de comprendre cette notion d'image des candidats
par deux approches. La première est décrite comme constituant
« attributs d'un homme politique », c'est-à-dire les
caractéristiques du candidat associées à la perception
commune d'un homme ou d'une femme politique ou d'un leader. Balmas et shaefer
(2010:206) donnent eux aussi quelques-unes des caractéristiques. Ils
estiment que l'image du candidat doit faire preuve de compétence, des
qualités de dirigeant, de puissance, de l'intelligence, de la
crédibilité et de la moralité.
La deuxième approche est considérée comme
« des attributs personnels ». Elle est liée aux
diverses caractéristiques du candidat en tant personne. Il s'agit de la
perception qu'a l'électeur du candidat en tant que personne
privée, ses traits personnels significations. Ces attributs personnels
peuvent être son tempérament, sa bienveillance, la dévotion
à sa famille et à son conjoint, ou sa conjointe ainsi que son
comportement communication: humour, sensibilité, attitude amicale,
apparence physique. L'auteur donne une distinction entre deux types d'images
qui découlent d'un candidat. D'abord, l'image du candidat
hétéro-attribuée qui est principalement construite par une
tierce partie. Ensuite, l'image du candidat auto-attribuée est celle qui
se construit par l'information qui provient directement du candidat
lui-même.
De son ouvrage, Guylaine Martel (2018,6) tente de saisir la
notion de l'image des politiciens telle qu'eux-mêmes la construisent
à l'intérieur de leur propre production discursive. Sous une
approche goffmanienne, l'auteure définit l'image comme une
représentation, celle qu'on a de soi-même et qu'on cherche
à projeter sur les autres dès lors qu'on est en présence
sociale, « un effet dramatique qui se dégage d'un
spectacle ». Elle n'a qu'un rapport très relatif avec la
personne réelle qui lui sert de support. L'image est donc le
résultat d'une performance entre l'acteur et son public.(Guylaine,
2018)
De son côté, Martin Rosenhaum (1997, 19) souligne
que les hommes politiques utilisent l'image pour représenter leurs
programmes, leurs idées ou leurs actions et soignent leur image de
marque dans l'espoir d'influencer, voire de manipuler l'image mentale que les
électeurs se forgent à leur sujet, c'est-à-dire
« l'ensemble des caractéristiques que le public associe
à un homme politique ».
Nous estimons que cet effort de soigner son image que l'homme
politique consent ne passe pas seulement par ses actions ou ses idées,
comme l'explique Martin Rosenhaum, mais aussi la médiatisation des
actions ou des idées de celui-ci contribue à façonner une
vraie image de lui-même. La campagne électorale a
été donc un moment privilégié pour cet exercice. A
ce sujet, Mulumbati note que la campagne électorale vise d'abord
à faire connaitre aux électeurs un candidat, ses idées et
ses actions, ensuite à le faire aimer lui, ses idées et ses
actions, enfin à le préférer lui, ses idées et ses
actions aux autres candidats, à leurs idées et à leurs
actions. (Mulumbati 2010: 421).
Il nous semble que ces auteurs reconnaissent le pouvoir des
médias dans la construction des images des hommes politiques. Car, nous
pensons que recourir aux médias s'avère la stratégie
ultime pour tout homme politique. Sa popularité ou la popularisation de
ses actions dépendraient du niveau de relation qu'entretiendrait celui
avec les médias. On l'a remarqué pendant la campagne
électorale pour les élections de 2018. Les candidats ont
trouvé une place de choix dans les médias où leurs
publicités pouvaient passer en permanence.
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