1.4. INFORMATION COMME EVENEMENT
1.4.1. La construction de l'évènement
Envisager l'information comme étant
événement en amont exige qu'on interroge le processus de
construction de l'événement par les médias. Lorella Sini
(2015) pense que pour que le fait se transmute en événement, il
faut qu'une dynamique événementielle soit enclenchée, ce
processus, appelé
« événementialisation », construit une
identité sociale en conférant au singulier des significations
collectives qui le sémiotisent, en quelque sorte, en lui
conférant par là-même le statut de fait institutionnel et
politique.
Dans cette approche sémiotique de
l'événement, Lamizet et alii (2013) considèrent que
l'événement est un constituant identitaire de par sa
médiation. Il se manifeste sur une échelle spatio-temporelle
aussi bien que par sa mise en forme narrative et esthétique. Qu'il soit
réel, symbolique ou imaginaire, l'évènement mis en
scène par les médias se décline sous des formes
sémiotiques multiples qui participent à la construction du sens
et de l'interprétation qu'on pourra lui donner. Aux différents
niveaux de temporalité qui structurent l'événement
« le temps réel » et sa mise en récit
« le temps symbolique », s'ajoute toute une
sémiotique de l'espace qui évoque « la scène
événementielle » des faits d'actualité et de
leurs représentations médiatiques.
Selon ces auteurs, l'événement se
présente comme ayant à la fois des bornes spatiales et
temporelles. « La sémiotique de l'événement se
fonde sur une sémiotique politique de la spatialité ».
L'espace-temps qui s'exprime en rapport avec le sujet de l'énonciation,
est inscrit dans les formes linguistiques :
· Le présent renvoie à l'actualisation
empathique
· Le passé renvoie à la distanciation
· Le futur et le conditionnel renvoient à
l'imagination ou à la volonté.
Dans une dynamique de construction, de constitution, de mise
en forme ou encore de préfiguration, Laura Calebrese (2013 :
114-115) conçoit que l'événement est soumis à un
processus de mise en sens par les médias, parmi d'autres institutions
sociales qui y participent ultérieurement dans une plus ou moins grande
mesure. L'événement médiatique, loin d'être un
produit original du méta-énonciateur, se construit selon des
normes collectives d'un stock social de connaissances et en fonction de scripts
façonnés par les imaginaires professionnels qui anticipent les
attentes du public. Selon l'auteure, l'événement
médiatique, résultant d'une pratique sociale et discursive, est
une représentation dynamique, produite collectivement dans la
cité par un certain consensus, son expression reflète les
habitus linguistiques de tel ou tel organe de presse, des formulations en
partie prévisibles mais que l'auditoire peut toujours à son tour
remodeler.
Pour Pascale Goestshel et Christophe Granger
(2011 :7-23), la question de constitution de l'événement
mérite d'être saisie pour prendre en compte les
procédés rhétoriques ou figuratifs qui, explorant les
ressources de sa mise en récit, lui donnent corps et en façonnent
durablement l'intelligibilité de la dramatisation à la
distanciation didactique, de l'allégorie à la mise en
scène réaliste, sans oublier les stratégies d'occultation
ou d'euphémisation. Ces auteurs estiment que l'événement
produit doit posséder les propriétés requises pour
accéder au marché médiatique sur lequel se
négocient désormais l'existence, la signification et parfois
l'issue des mobilisations collectives. L'événement mobilise les
ressources morales (justice, bon, droit) et affectives (attendrissement,
indignation, révolte) propres à émouvoir le public,
à se sentir concerné ou à prendre comme fait et cause.
Patrick charaudeau (2000) propose que la construction d'un
événement par les médias se fait selon trois
principes : de perception, de saillance et de prégnance. Le
principe de perception implique que l'être humain soit en mesure de voir
ce qui est modifié dans le monde. Ce serait le rôle des
médias de le faire percevoir, mais cela renvoie au problème de la
sélection. Le principe de saillance implique qu'un
évènement serait d'autant plus mieux perçu et aurait
d'autant plus d'intérêt qu'il briserait le continuum des routines
et des normes. Les médias ne se privent pas de la mise en
évidence. Le principe de prégnance implique qu'on saisisse
d'autant mieux la signification d'un évènement dans de
systèmes de référence déjà connus. Les
médias cherchent, à cette fin, à décrire et
commenter les évènements en s'appuyant sur ces systèmes de
références, les plus larges possibles.
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