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Médias de Mbujimayi et le traitement des informations politiques pendant la campagne électorale de 2018.


par Ronsard Luabeya
Université de Mbujimayi - Licence en journalisme 2018
  

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1.3.3. Laura Calabrese : Rectifier le discours d'information médiatique

Dans son article, Laura Calabresse (2014) explique que le discours d'information n'est pas caractérisé par une obscurité sémantique. Et si ce discours fait appel à des discours spécialisés, il n'en produit pas autant lui-même. Selon l'auteure, le discours d'expert est gage de réalité, de sérieux, jouant le plus souvent le rôle de preuve ou expliquant un phénomène de société, un problème public, un évènement. Elle conçoit que le discours d'expert est souvent convoqué et fait partie des protocoles de rédaction des journalistes, mais n'est pas constitutif du discours d'information.

Elle avance que la matière sur laquelle est construit le discours d'information est constituée de connaissances mondaines (au sens de phénomènes) auxquelles les citoyens lambda n'ont pas d'accès direct, c'est effectivement l'inscription socio-professionnelle des acteurs qui légitime ce discours et qui lui permet d'accéder au rang de discours spécialisé. Ce n'est donc pas la nature de la connaissance qui importe ici, mais son mode de donation médiatisé et asymétrique.

Dans cette optique, nous pensons que le processus de légitimation du discours médiatique, tel que conçu dans le cadre de cette étude, se limite à démontrer les éléments qui ont participé à la construction des événements politiques et à déterminer leur mise en forme. Notre intention n'est pas de reprendre la conception de Laura Calabresse. Ce que nous recherchons, c'est d'approcher la matière sur laquelle est construit le discours.

1.3.4. Patrick Charaudeau : Ethique du discours médiatique

Patrick charaudeau (2009, 51-57) analyse la sphère médiatique par une double logique. Cette sphère fonctionne par la logique symbolique qui s'inscrit dans une finalité démocratique en se mettant idéalement au service de l'opinion publique et de la citoyenneté en l'informant sur des événements qui se produisent dans l'espace public et en contribuant au débat social et politique par la mise en scène de la confrontation des idées.

Charaudeau explique que la logique pragmatique cherche à capter le public, car pour pouvoir survivre, tout organe d'information doit tenir compte de la concurrence sur le marché de l'information, en mettant en oeuvre des stratégies de séduction qui entrent en contradiction avec le souci de bien informer. C'est dans cette contradiction, selon lui, que se trouve le discours médiatique.

Charaudeau fait une démarcation entre le dispositif socio-communicationnel et l'acte de mise en scène du discours. Pour lui, le dispositif fait partie des conditions contractuelles de production de l'acte langagier, avec les instructions qu'il donne au sujet, mais il n'en constitue pas la totalité. Dans cette démarcation, découlent deux actes de communication (englobant) et d'énonciation (spécifiant).

Ainsi, il nait deux situations de communication et d'énonciation. Charaudeau soutient que la situation de communication surdétermine en partie le sujet en lui imposant des instructions discursives, celui-ci dispose d'une certaine marge de liberté pour procéder à une mise en scène qui d'ailleurs peut avoir, à terme, une influence sur le contrat lui-même.

L'auteur explique ce qui différencie le récit médiatique du récit historique. Le temps de l'histoire n'est pas celui des médias, écrit-il. Les évènements rapportés par les médias doivent faire partie de l'actualité, c'est-à-dire d'un temps encore présent, considéré nécessairement comme tel, car il est ce qui définit "la nouvelle". Celle-ci a donc une existence en soi, autonome, figée dans le présent de son énonciation. Les événements dont s'occupe l'histoire appartiennent à un passé qui n'a plus de connexion avec le présent et dont l'existence dépend d'un réseau évènementiel que l'historien doit ordonner et rendre cohérent.

Selon l'auteur, la mise en scène du discours rapporté devrait également satisfaire à un principe de distance et de neutralité qui oblige le rapporteur journaliste à s'effacer et dont la marque essentielle est l'emploi des guillemets encadrant le propos rapporté. C'est là encore se soumettre à l'enjeu de crédibilité. Charaudeau pense que le discours journalistique ne peut se contenter de rapporter des faits et des dits, son rôle est également d'en expliquer le pourquoi et le comment afin d'éclairer le citoyen. Le discours explicatif journalistique se présente sous la modalité de l'affirmation: modaliser serait une preuve de faiblesse au regard de la visée de crédibilité de la machine informative. En cela, le discours de commentaire journalistique s'apparente davantage à un discours de vulgarisation sans avoir la prétention, car ce serait contreproductif.

Insistant sur le discours journalistique qui rapporte des évènements et propose des explications, l'auteur estime que l'objectif de ce discours est de capter le public en se livrant à une certaine dramatisation qu'il définit comme un processus de stratégie discursive qui consiste à toucher l'affect du destinataire. Un affect socialisé, ce pourquoi il est possible d'avoir recours à des procédés discursifs qui ont des chances d'avoir un certain impact sur le récepteur. Les médias en usent et abusent parce qu'il est le meilleur moyen de satisfaire l'enjeu de captation. Reiffel (2005, 177) considère la dramatisation comme une sorte de théatralisation qui, selon lui, consiste à assimiler la politique à un spectacle, à jouer constamment sur les affects aux dépens des programmes, des propositions et des idéologies. D'où trois types de discours que développe Charaudeau: de victimisation, de portrait de l'ennemi, d'héroïsation, le tout obtenu par un procédé d'amalgame. Ainsi, Charaudeau estime que ces trois types de discours sont à la base de cette dramatisation, qu'il appelle aussi une surdramatisation. Il parle du discours de victimisation, de portrait de l'ennemi et d'héroisation.

L'auteur avance que le discours de victimisation est celui qui met en scène toutes sortes de victimes: des victimes présentées en grand nombre (pour compenser leur anonymat), des victimes singulières différemment qualifiées de célèbres pour qu'elles soient dignes d'intérêt, des victimes de la logique de guerre, des victimes du hasard ou de la fatalité pour l'incompréhension angoissante, des victimes innocentes. Un tel discours, explique l'auteur, est une invite de la part de l'énonciateur à partager la souffrance des autres, d'autant plus que celle-ci est rapportée soit par les victimes elles-mêmes, soit par des témoins extérieurs mais proches, et l'on sait que paroles des victimes et paroles de témoins sont indiscutables. Lecteur, auditeur ou téléspectateur se trouvent alors dans la position de devoir entrer dans une relation d'empathie.

Pour ce qui est du portrait de l'ennemi, Patrick Charaudeau considère que ce discours est centré sur la description de l'agresseur. Il consiste à mettre en scène le portrait de l'ennemi. Et là, la surdramatisation est encore à l'oeuvre, car ce n'est que dans la figure du "méchant absolu" que pourrait se produire un effet de "catharsis" sociale. Le méchant, représentant du mal absolu, est à la fois objet d'attirance et objet de rejet, autrement dit de fascination. C'est la cité d'obscur de force, la puissance du diable que l'on retrouve de façon omniprésente dans les fictions fantastiques du cinéma moderne.

Pour le discours d'héroisation, l'auteur rappelle que ce discours met en scène une figure de héros réparateur d'un désordre social ou du mal qui affecte ces victimes. Cette figure peut être celle des sauveteurs occasionnels et anonymes qui interviennent pour porter assistance aux victimes d'un attentat, d'un bombardement ou d'une catastrophe naturelle. Ce peut être aussi celle d'un grand sauveur porteur des valeurs symboliques comme fut présenté George W. Bush après l'attentat du 11 septembre 2001. La recherche d'une figure de héros est si forte dans ce type de discours que parfois sont montées en épingle les actions d'une personne ordinaire, dès lors que celle-ci semble avoir accompli un acte de solidarité humaine extraordinaire, comme cela est mis en scène dans les télé-réalités. Mais sont également glorifiées les actions d'une personnalité lorsque celle-ci se prévaut d'avoir réussi une entreprise jugée impossible. Mais, lorsque l'enjeu de captation est dominant et il l'est souvent, indique l'auteur, la visée informative disparaît au profit d'un jeu de spectacularisation et de dramatisation. Il finit par produire des dérives qui ne répondent plus à l'exigence d'éthique qui est celle de l'information citoyenne.

Deux procédés discursifs transforment l'actualité événementielle en "suractualité" en produisant des effets déformants. Le procédé de focalisation qui consiste à amener un événement sur le devant de la scène (par les titres de journaux, l'annonce en début de journal télévisé ou du bulletin radiophonique). Il produit un effet de grossissement. La nouvelle sélectionnée est mise en exergue, et du même coup elle envahit le champ de l'information donnant l'impression qu'elle est la seule digne d'intérêt. Cela participe d'un phénomène discursif plus général: toute prise de parole est un acte d'imposition de sa présence de locuteur sur l'interlocuteur, et donc celle-ci doit pouvoir être justifiée. Ce qui la justifie est que le propos qu'elle véhicule est obligatoirement digne d'intérêt, c'est-à-dire: pertinent. On retrouve là le principe d'intentionnalité. Dans la communication médiatique, le sujet qui informe étant légitimé par avance (contrat de communication), le propos véhiculé prend encore plus d'importance au point de faire oublier d'autres nouvelles possibles. Il impose une "thématisation" du monde.

Le procédé de répétition qui consiste à passer une même information en boucle d'un bulletin d'information à l'autre, d'un journal télévisé à l'autre, d'un journal à l'autre et d'un jour à l'autre. Cette information, répétée de la même façon ou avec des variantes, produit un effet de réification: la nouvelle prend une existence en soi, se trouve par là même authentifiée, se fige et donc s'inscrit de façon indélébile dans la mémoire. A preuve que ce sont ces nouvelles qui sont ensuite le plus facilement colportées dans les conversations ordinaires, se transformant parfois en rumeur. Il s'agit là encore d'un phénomène discursif général: la répétition d'un propos dans une configuration identique à elle-même donne l'impression d'être le gage d'une vérité.

Par ces deux procédés et les effets qu'ils produisent l'énonciateur journaliste a beau disparaître derrière une absence de marques personnelles ou l'emploi de marques impersonnelles, la prise de parole focalisante et la récurrence essentialisante imposent au récepteur de la nouvelle une suractualisation événementielle.

Dans le cadre de ce mémoire, le procédé de focalisation est compris comme participant à la spectacularisation en ce sens qu'il devient un outil qui nous permet de voir les éléments sur lesquels ont insisté les médias pendant la campagne électorale, la personne (Qui ?), l'objet (Quoi ?), le lieu (Où ?) que nous retenons comme indicateurs. Et nous ne ferons pas usage du procédé de répétition comme le suggère Patrick Charaudeau. Cependant, nous le privilégierons, dans notre analyse, pour constater les personnalités politiques, les institutions politiques et autres à partir desquelles les médias ont reconstruit les événements dans une logique de médiatisation.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard