1. 3 INFORMATION COMME DISCOURS MEDIATIQUE
1.3.1 Perception de l'information
Dans les années 70 et 80, nombreux ont
été les travaux novateurs consacrés aux médias qui,
participant d'un mouvement plus large affectant l'ensemble des sciences
sociales, ont porté l'attention sur la production de sens, sur
l'élaboration du réel, sur la construction de l'actualité,
et qui ont montré que ces opérations étaient
repérables grâce à l'examen des discours verbaux et non
verbaux véhiculés par les médias étudiés
(Roger Bauthier, 2004).
François Giroud (1979) qui étudiait
déjà l'écriture du journalisme estimait qu'il était
nécessaire de séparer nettement l'information et le commentaire,
cette séparation devant donner au lecteur la possibilité de
former son propre jugement. Pour Roger Bauthier, cette logique de
séparation est aussi remise en cause dans certains travaux, lesquels
soutiennent l'aspect « construit » des discours
médiatiques. Les tenants de cette tendance prennent leurs distances avec
la doctrine libérale de l'information et, notamment, entre le fait et le
commentaire, qu'ils sont souvent amenés à critiquer directement.
(Roger Bauthier, 2004).
L'idée de construction en communication, indique Gilles
Gauthier (2003), est rarement avancée en état théorique
plus large. Le plus souvent, son expression draine de considérations
analogiques et épistémologiques. Elle se transforme en position
philosophique : le constructivisme. Il s'agit donc, d'une part, de la
radicalisation de l'approche consistant à reconnaitre une dimension de
construction dans l'information diffusée qui devient l'affirmation que,
dans sa nature même, l'information est construite, d'autre part, d'une
conception de la communication qui « nie tout à la fois que le
journalisme produise une description de la réalité, que la
transmission de cette description induise une connaissance de la
réalité et que cette description et cette connaissance puissent
être fidèles à la réalité.
Ces deux dimensions en discussion nous paraissent totalement
liées à la notion du traitement de l'information. Car, c'est
à ce niveau que le journaliste essaie soit de prendre distance avec les
faits soit de développer un point de vue personnel. De ce point de vue,
l'information n'est autre que la description de la réalité
(évènement). Une description qui passe par une mise en formeafin
d'être saisie et interprétée par le public.
1.3.2. Claude Jamet et Anne-Marie Jannet: Mise en
scène de l'information
La recherche menée par Claude Jamet et Anne-marie
Jannet (2008) dans Mise en scène de l'information a permis de
comprendre la construction du discours médiatique et le travail qui se
profile en amont et en aval de toute production de l'information et de son
impact sur le récepteur. Leur ouvrage s'attache à étudier
la question des dispositifs entendus comme mis en temps et en espace, en image
et en son attribution. Il passe en revue les situations d'énonciations
des médias et les discours, qui permettent de distinguer les
identités et les formes de régularité dans la prise de
parole et, plus largement dans l'organisation du discours. Cet ouvrage pousse
les auteurs à questionner le rapport du discours médiatique avec
la réalité extralinguistique en vue d'envisager les
différents mécanismes de co-construction.
Les auteurs introduisent leur ouvrage sur les composantes du
discours médiatique, approche de Jean-Francois Tétu. Par leur
volonté de mettre en place les matériaux nécessaires
à l'analyse et à l'appréhension de l'information de
presse, ils conçoivent ce que Tétu considère comme
instrument d'apprentissage et un manuel du discours de l'actualité
« les formes basiques du discours ».
Ainsi, ils mettent en exergue l'approche des
éléments constitutifs du discours médiatique nonobstant
les variations, l'évolution et le devenir de ce discours. Sur base de
l'approche linguistique, les auteurs allient les théories de l'analyse
du discours. Ils s'appuient sur les résultats des travaux de Ducrot pour
l'approche polyphonique du discours et des concepts-clés qu'elle
subsume, à savoir l'intertextualité, la présupposition,
l'ironie et les différentes manifestations du discours
rapporté.
Pour le discours du journal télévisé, les
auteurs transposent l'essentiel des matériaux empruntés à
l'analyse du discours en y ajoutant les ingrédients spécifiques
à l'écran à savoir, la voix, le son, l'image
présentés dans le schéma sur l'énonciation à
l'écran qui reprend l'essentiel de la configuration des intervenants
dans cet outil audiovisuel.
Jamet et Jannet interrogent les indicateurs
représentatifs du dispositif dans une optique informative, assortie d'un
commentaire portant sur le sens et le contenu des discours
appréhendés pour comprendre la préoccupation des
médias en tant que représentation originale d'un microcosme
sensé être reconnaissable par le lecteur et de l'importance de la
compétitivité, la crédibilité et la
fidélisation des lecteurs-récepteurs. Sur ce, les auteurs ont mis
en place une grille d'analyse. Ils conçoivent quatre niveaux
d'analyses.
Au premier niveau, ils parlent de la dichotomie
spatio-temporelle, l'identité visuelle du journal et le contrat
d'interaction, l'organisation discursive du journal. Les auteurs expliquent que
le journal télévisé mobilise, quant à lui, une
terminologie sui generis au traitement de l'image et du son en tant que
supports incontournables de passation des messages de l'écran et la mise
en scène imposée par la matière informative. Cette partie,
indiquent-ils, est conçue comme une plateforme de corrélation
entre le produit et sa transmission par les canaux et les techniques
appropriées que le langage regorge.
Le second niveau d'analyse que proposent les auteurs consacre
la problématique de l'énonciation et l'alternance de points de
vue et le degré de distance entre les instances discursives ainsi que
l'impact recherché à travers la scénographie des jeux de
rôles. L'analyse énonciative préconisée
considère le discours médiatique comme un discours polyphonique
où s'imbriquent plusieurs points de vue avec plus ou moins de
distance.
Concernant la presse écrite, les auteurs
s'arrêtent sur les indices d'énonciation immanents au discours,
à savoir la titraille, la signature et les indices externes du discours
en considérant la mise en scène de l'énonciation ainsi que
la hiérarchie des voix intervenant au sein d'un discours.
Le troisième niveau d'analyse se rapporte aux
indicateurs de l'énonciation face à un évènement
cité. Ce niveau s'arrête sur le rôle des déictiques,
du nom propre et de ses fonctions et de l'usage des verbes et de leur
pertinence et de l'impact de ces instruments dans la construction du sens. Le
choix des formes verbales attire l'attention sur toute la dimension du
dire et du faire, combien pertinente pour l'illustration des
intentions de l'écriture.
En se penchant sur la nomination, les auteurs
rétractent le sens et amoindrissent l'impact: "Le faire est
essentiellement exprimé pour la forme active, l'être pour la
phrase nominale. La forme passive et la nominalisation sont au croisement des
deux effets dans la mesure où elles résultent de l'un pour
construire l'autre.
Le quatrième niveau d'analyse se rapporte à un
aspect sémantique, à savoir l'étude de l'implicite,
concept de la polyphonie qui renvoie à la présupposition et au
sous-entendu. Les variations discursives que regorgent les
énoncés renseignent sur les choix établis pour chaque
situation et les alternatives potentielles de l'énonciateur. Ce
procédé est omniprésent dans toute expression
écrite ou visuelle en tant que composante dans la compréhension
globale d'un énoncé. Il joue les rôles variés pour
conforter les dires d'un locuteur, conserver la bienséance,
insérer des touches ironiques et prendre position.
Pour ce mémoire, cette recherche est
intéressante parce qu'elle nous propose une grille d'analyse très
importante. Notre conception de l'information va dans le sens qu'abordent les
auteurs, c'est-à-dire, considérer l'information comme discours.
Parmi les différents niveaux d'analyse que nous présentent les
auteurs dans leur ouvrage, nous pensons que le troisième niveau
d'analyse serait plus proche de l'idée que nous nous faisons du
présent objet d'étude. Car, il met l'accent sur un certain nombre
d'éléments qui permettent de mieux approcher l'information pour
comprendre le sens que recèle sa construction. On peut reprocher
à Jamet et Jannet de réduire toutes les analyses qu'ils font sur
l'information de presse à la structure linguistique.
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