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La discrimination dans le monde du travail au Togo.


par KOMLA DJIGNEFA YAO
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master en Droit Privé Fondamental 2016
  

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B- La problématique des sanctions de la discrimination

Les sanctions, quelle que soit leur nature ont une double finalité. Elles ont soit une fonction préventive destinée à dissuader la commission de la discrimination ; soit une fonction punitive ou répressive visant à condamner l'auteur de la discrimination à des peines et à réparer le préjudice causé. Elles peuvent avoir les deux fonctions à la fois. En droit togolais, l'auteur de la discrimination dans le monde du travail s'expose à trois types de sanctions : des sanctions disciplinaires, civiles ou pénales.

D'abord, les sanctions disciplinaires sont des actes unilatéraux que la loi habilite l'employeur à prendre pour punir le comportement fautif de l'employé. En effet, à l'instar de l'article 41.al1er du CTT qui dispose qu'est passible d'une sanction disciplinaire tout salarié qui commet des actes de harcèlement sexuel, le SGFPT en son article 166 prévoit que « tout manquement aux [...] conventions internationales (relatives à la lutte contre la discrimination) ratifiées par la République togolaise, constitue une faute disciplinaire passible d'une sanction disciplinaire ». Le CTT n'a cependant pas définie la liste de ces sanctions disciplinaires. Ce qui n'est pourtant pas le cas du SGFPT86. Nous supposons que de par son silence, le CTT laisse la latitude aux

85 DANIS-FANTÔME (A.), « Le dispositif propre à la charge de la preuve, frein ou outil de lutte contre les discriminations ? », La Revue des droits de l'homme [En ligne], mis en ligne le 04 mars 2016.

86Article 171 : Les sanctions disciplinaires du 1er degré : l'avertissement, le blâme avec ou sans inscription au dossier, le déplacement d'office, la mise à pied ne pouvant excéder un (01) mois et 172 SGFPT : Les sanctions disciplinaires du 2ème degré : la rétrogradation ou l'abaissement de classe, la révocation sans suspension des droits à pension, l'exclusion temporaire, la radiation d'avancement d'échelon.

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employeurs de pouvoir choisir eux-mêmes ces sanctions. Mais, le législateur ne doit-il pas encadrer une telle liberté ? Dans la mesure où l'employeur peut la compromettre en infligeant aux salariés coupables des sanctions qui ne reflètent pas leur véritable identité. Pour se mettre à l'abri d'une telle éventualité le CTT doit déterminer la liste devant définir les sanctions disciplinaires. Toutefois, l'employeur peut se référer à la liste des sanctions prévues par l'article 58 de la CCIT87. Néanmoins une sanction disciplinaire est nulle si elle a pour base un critère de discrimination.

Ensuite, les sanctions civiles : la victime est titulaire de l'action civile. Cependant, le législateur reconnaît ce pouvoir aussi bien aux représentants syndicaux88 qu'aux délégués du personnel89. Par contre, la loi a limité la représentativité de la victime en instance civile en ignorant de prendre en considération la société civile en lutte contre la discrimination aussi bien dans le CTT que dans le SGFPT.

Le législateur a procédé à une distinction des sanctions civiles selon qu'il s'agisse de la nullité absolue de certaines mesures discriminatoires ou de l'allocation des dommages et intérêts D'une part, le législateur illumine notre religion par deux textes de loi au sujet de la nullité absolue des mesures discriminatoires. Ainsi par l'article 3 al 3 du CTT, il dispose qu'« est nulle de plein droit toute disposition discriminatoire figurant dans un contrat de travail, un barème de salaire, une convention ou un accord collectif de travail ». De même, aux termes de l'article 39 al. 3 du même code, le législateur déclare que « toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit ». De ces deux dispositions précitées, il résulte que les mesures prises par l'employeur n'ont aucun fondement légal, raison pour laquelle le législateur évoque leur nullité. Le législateur a aussi un souci de protection du salarié. Mais ces dispositions sont insuffisantes car elles ne protègent pas les stagiaires. Cette situation est justifiée par l'absence de réglementation de leur travail aussi bien par le CTT que par le SGFT.

D'autre part, les dommages et intérêts sont destinés à la réparation du préjudice moral ou corporel subi par la victime de la discrimination. Ils peuvent être compensatoires ou moratoires. Ce sont des sanctions pécuniaires. Aux termes de l'article 41 al 2 du CTT, les dommages et intérêts sont dus en cas de discrimination directe ou indirecte90 et de harcèlement sexuel91

87 L'avertissement avec inscription au dossier, la mise à pied d'un à huit jours avec privation de salaire, la mise à pied aggravée de un à quinze jours avec privation de salaire, le licenciement avec préavis, le licenciement sans préavis en cas de faute lourde.

88 Articles 7al 1 CTT et 243 SGFPT

89 Article 212 al 1 CTT

90 Article 39 CTT

91 Article 40 CTT

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pratiqués à l'encontre d'un salarié. Mais, comment peut-on évaluer ces dommages et intérêts ? Le législateur n'ayant pas abordé ce sujet, il revient aux juges de fixer cette indemnité. Toutefois, ils devraient prononcer des dommages et intérêts à la hauteur de la gravité des pratiques discriminatoires.

Enfin, les sanctions pénales, évoquer ses sanctions revient à s'intéresser aussi bien à celles que prévoient le CTT que le CPT. Le législateur fait de la discrimination un délit. Ce qui fait que tout comportement discriminatoire qu'il soit une discrimination directe ou indirecte ou un harcèlement sexuel est passible d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement.

S'agissant des textes répressifs du CTT, ce sont des amendes qui sont des peines pécuniaires obligeant le condamné à verser une certaine somme d'argent au trésor public92. Celles-ci sont de cent mille (100 000) à un million (1 000 000) de francs fixés par l'article 301alinéa 1du CTT. Aussi, le même article prévoit des peines d'emprisonnement dont le quantum est de trois (03) à six (06) mois d'emprisonnement. Ce sont des peines privatives de liberté, de nature correctionnelle consistant à l'incarcération du condamné pendant un temps fixé par le juge dans les limites prévues par la loi.

Ces deux peines précitées peuvent être aussi bien cumulatives ou non. Toutefois, l'article 301 alinéa 2 du CTT dispose qu'« en cas de récidive, la peine est portée au double ». Malheureusement, ces deux sanctions sont non dissuasives au regard de la gravité de l'infraction et sa persistance.

Malgré la réforme du CTT de 2006 et celle du SGFPT de 2013, ils sont encore parsemés de lacunes. Ils ne contiennent pas de dispositions sanctionnant les personnes morales. Dans ce cas, n'est-il pas possible qu'une personne morale se rende coupable de délit de discrimination dans le monde du travail ? On pourrait supposer que c'est parce que, le CPT93 a déjà décanté la situation que le CTT et le SGFPT ont jugé utile de ne plus en parler. Jusqu'alors, le CTT ne sanctionne pas la violation des règles du contrat de travail temporaire et celui des stagiaires alors qu'ils sont constamment objet de discrimination. Même si les sanctions civiles sont très prisées, le législateur s'efforce tout de même de créditer les peines pénales.

En ce qui concerne la répression des discriminations par le CPT, dans sa nouvelle version, le législateur a prévu une pléiade de sanctions.

92 Articles 75 et 76 du CPT

93 Articles 53 et 54 du CPT

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L'article 308 al.1er du CPT dispose que « tout acte de discrimination en matière d'emploi et de profession est puni d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d'une amende de cinq cent mille (500. 000) à deux millions (2.000. 000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines ». Il s'agit des mêmes peines que prévoit le CPT en matière de discrimination d'ordre général94, de discrimination dans le domaine de l'enseignement95, de discrimination à l'égard des femmes96 et de discrimination à l'égard des personnes atteintes du Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH)97. Si pour une première fois dans l'histoire du Togo, le CPT interdit la discrimination dans le domaine de l'enseignement, il faut reconnaître qu'il compatit aux cris d'alarme des femmes et aux sollicitations de la société civile qui lutte contre la discrimination et qui prône l'égalité du genre car, en pénalisant la discrimination à l'égard des femmes, le CPT entend donner la liberté aux femmes dans l'exercice de leur droit. Le CPT fait du harcèlement sexuel une priorité en infligeant aux personnes qui se rendent coupables de ce délit, des peines supérieures aux autres types de discrimination incriminées par ce code98. Ces sanctions dénotent la particularité de celles-ci.

Le harcèlement moral et l'injonction de discriminer restent quant eux impunis aussi bien par le CTT que par CPT. Alors qu'ils sont omniprésents dans le monde du travail togolais.

L'homosexualité est interdite par l'article 392 al.1er du CPT et sanctionnée par l'article 393 du même code. On pourrait penser qu'il s'agit en principe d'une discrimination flagrante dont se rend coupable le législateur togolais. Mais compte tenu de nos moeurs, ériger cette orientation sexuelle en délit n'est pas une discrimination en soi. C'est à juste titre que le Président sénégalais Macky SALL répondait à l'ancien Président des Etats Unis Barack OBAMA que si l'homosexualité constitue un droit en Occident, en Afrique, c'est une question de société99. Rappelons qu'en France, l'homosexualité reste un droit100.

Le CPT a fait l'effort d'être un fourre-tout. Eu égard aux sanctions prévue par ce code, on voit bien que le législateur a fait un effort louable en prévoyant des peines pour certains types de discrimination, ce que n'avait pas fait l'ancien code pénal. Il reste que ses sanctions soient

94 Article 305 CPT

95 Article 310 CPT

96 Article 312 et 313 CPT

97 Article 315, 316 CPT

98 Art. 400 du CPT, coupable : 01à 03 ans d'emprisonnement et 1.000.000 à 3.000.000 F.CFA d'amendes. Harcèlement commis : 03 à 05 ans d'emprisonnement et 3.000000 à 5.000000 F.CFA d'amendes.

99 Propos tenus à la conférence de presse à Dakar au Sénégal en 2013 lors de la visite de Barack OBAMA

100 Cass.soc. 6 novembre 2013 n° 12-22.270

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effectivement mises en application d'autant plus que souvent de beaux textes sont élaborés mais finissent par somnoler dans les placards de l'administration.

Outre les insuffisances des sanctions prises par le législateur pour contrer la discrimination, il faut également souligner que la plupart des dispositions mises en place pour protéger les personnes qualifiées de vulnérables présentent des lacunes.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius