B- La problématique des sanctions de la
discrimination
Les sanctions, quelle que soit leur nature ont une double
finalité. Elles ont soit une fonction préventive destinée
à dissuader la commission de la discrimination ; soit une fonction
punitive ou répressive visant à condamner l'auteur de la
discrimination à des peines et à réparer le
préjudice causé. Elles peuvent avoir les deux fonctions à
la fois. En droit togolais, l'auteur de la discrimination dans le monde du
travail s'expose à trois types de sanctions : des sanctions
disciplinaires, civiles ou pénales.
D'abord, les sanctions disciplinaires sont des actes
unilatéraux que la loi habilite l'employeur à prendre pour punir
le comportement fautif de l'employé. En effet, à l'instar de
l'article 41.al1er du CTT qui dispose qu'est passible d'une sanction
disciplinaire tout salarié qui commet des actes de harcèlement
sexuel, le SGFPT en son article 166 prévoit que « tout
manquement aux [...] conventions internationales (relatives à la
lutte contre la discrimination) ratifiées par la République
togolaise, constitue une faute disciplinaire passible d'une sanction
disciplinaire ». Le CTT n'a cependant pas définie la liste de
ces sanctions disciplinaires. Ce qui n'est pourtant pas le cas du
SGFPT86. Nous supposons que de par son silence, le CTT laisse la
latitude aux
85 DANIS-FANTÔME (A.), « Le dispositif propre
à la charge de la preuve, frein ou outil de lutte contre les
discriminations ? », La Revue des droits de l'homme [En ligne],
mis en ligne le 04 mars 2016.
86Article 171 : Les sanctions disciplinaires du 1er
degré : l'avertissement, le blâme avec ou sans inscription au
dossier, le déplacement d'office, la mise à pied ne pouvant
excéder un (01) mois et 172 SGFPT : Les sanctions disciplinaires du
2ème degré : la rétrogradation ou l'abaissement de classe,
la révocation sans suspension des droits à pension, l'exclusion
temporaire, la radiation d'avancement d'échelon.
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
25
employeurs de pouvoir choisir eux-mêmes ces sanctions.
Mais, le législateur ne doit-il pas encadrer une telle liberté ?
Dans la mesure où l'employeur peut la compromettre en infligeant aux
salariés coupables des sanctions qui ne reflètent pas leur
véritable identité. Pour se mettre à l'abri d'une telle
éventualité le CTT doit déterminer la liste devant
définir les sanctions disciplinaires. Toutefois, l'employeur peut se
référer à la liste des sanctions prévues par
l'article 58 de la CCIT87. Néanmoins une sanction
disciplinaire est nulle si elle a pour base un critère de
discrimination.
Ensuite, les sanctions civiles : la victime est titulaire de
l'action civile. Cependant, le législateur reconnaît ce pouvoir
aussi bien aux représentants syndicaux88 qu'aux
délégués du personnel89. Par contre, la loi a
limité la représentativité de la victime en instance
civile en ignorant de prendre en considération la société
civile en lutte contre la discrimination aussi bien dans le CTT que dans le
SGFPT.
Le législateur a procédé à une
distinction des sanctions civiles selon qu'il s'agisse de la nullité
absolue de certaines mesures discriminatoires ou de l'allocation des dommages
et intérêts D'une part, le législateur illumine notre
religion par deux textes de loi au sujet de la nullité absolue des
mesures discriminatoires. Ainsi par l'article 3 al 3 du CTT, il dispose
qu'« est nulle de plein droit toute disposition discriminatoire
figurant dans un contrat de travail, un barème de salaire, une
convention ou un accord collectif de travail ». De même, aux
termes de l'article 39 al. 3 du même code, le législateur
déclare que « toute disposition ou tout acte contraire à
l'égard d'un salarié est nul de plein droit ». De ces
deux dispositions précitées, il résulte que les mesures
prises par l'employeur n'ont aucun fondement légal, raison pour laquelle
le législateur évoque leur nullité. Le législateur
a aussi un souci de protection du salarié. Mais ces dispositions sont
insuffisantes car elles ne protègent pas les stagiaires. Cette situation
est justifiée par l'absence de réglementation de leur travail
aussi bien par le CTT que par le SGFT.
D'autre part, les dommages et intérêts sont
destinés à la réparation du préjudice moral ou
corporel subi par la victime de la discrimination. Ils peuvent être
compensatoires ou moratoires. Ce sont des sanctions pécuniaires. Aux
termes de l'article 41 al 2 du CTT, les dommages et intérêts sont
dus en cas de discrimination directe ou indirecte90 et de
harcèlement sexuel91
87 L'avertissement avec inscription au dossier, la
mise à pied d'un à huit jours avec privation de salaire, la mise
à pied aggravée de un à quinze jours avec privation de
salaire, le licenciement avec préavis, le licenciement sans
préavis en cas de faute lourde.
88 Articles 7al 1 CTT et 243 SGFPT
89 Article 212 al 1 CTT
90 Article 39 CTT
91 Article 40 CTT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
26
pratiqués à l'encontre d'un salarié.
Mais, comment peut-on évaluer ces dommages et intérêts ? Le
législateur n'ayant pas abordé ce sujet, il revient aux juges de
fixer cette indemnité. Toutefois, ils devraient prononcer des dommages
et intérêts à la hauteur de la gravité des pratiques
discriminatoires.
Enfin, les sanctions pénales, évoquer ses
sanctions revient à s'intéresser aussi bien à celles que
prévoient le CTT que le CPT. Le législateur fait de la
discrimination un délit. Ce qui fait que tout comportement
discriminatoire qu'il soit une discrimination directe ou indirecte ou un
harcèlement sexuel est passible d'une amende et/ou d'une peine
d'emprisonnement.
S'agissant des textes répressifs du CTT, ce sont des
amendes qui sont des peines pécuniaires obligeant le condamné
à verser une certaine somme d'argent au trésor
public92. Celles-ci sont de cent mille (100 000) à un million
(1 000 000) de francs fixés par l'article 301alinéa 1du CTT.
Aussi, le même article prévoit des peines d'emprisonnement dont le
quantum est de trois (03) à six (06) mois d'emprisonnement. Ce sont des
peines privatives de liberté, de nature correctionnelle consistant
à l'incarcération du condamné pendant un temps fixé
par le juge dans les limites prévues par la loi.
Ces deux peines précitées peuvent être
aussi bien cumulatives ou non. Toutefois, l'article 301 alinéa 2 du CTT
dispose qu'« en cas de récidive, la peine est portée au
double ». Malheureusement, ces deux sanctions sont non dissuasives au
regard de la gravité de l'infraction et sa persistance.
Malgré la réforme du CTT de 2006 et celle du
SGFPT de 2013, ils sont encore parsemés de lacunes. Ils ne contiennent
pas de dispositions sanctionnant les personnes morales. Dans ce cas, n'est-il
pas possible qu'une personne morale se rende coupable de délit de
discrimination dans le monde du travail ? On pourrait supposer que c'est parce
que, le CPT93 a déjà décanté la
situation que le CTT et le SGFPT ont jugé utile de ne plus en parler.
Jusqu'alors, le CTT ne sanctionne pas la violation des règles du contrat
de travail temporaire et celui des stagiaires alors qu'ils sont constamment
objet de discrimination. Même si les sanctions civiles sont très
prisées, le législateur s'efforce tout de même de
créditer les peines pénales.
En ce qui concerne la répression des discriminations
par le CPT, dans sa nouvelle version, le législateur a prévu une
pléiade de sanctions.
92 Articles 75 et 76 du CPT
93 Articles 53 et 54 du CPT
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
27
L'article 308 al.1er du CPT dispose que «
tout acte de discrimination en matière d'emploi et de profession est
puni d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et
d'une amende de cinq cent mille (500. 000) à deux millions (2.000. 000)
de francs CFA ou de l'une de ces deux peines ». Il s'agit des
mêmes peines que prévoit le CPT en matière de
discrimination d'ordre général94, de discrimination
dans le domaine de l'enseignement95, de discrimination à
l'égard des femmes96 et de discrimination à
l'égard des personnes atteintes du Virus de l'Immunodéficience
Humaine (VIH)97. Si pour une première fois dans l'histoire du
Togo, le CPT interdit la discrimination dans le domaine de l'enseignement, il
faut reconnaître qu'il compatit aux cris d'alarme des femmes et aux
sollicitations de la société civile qui lutte contre la
discrimination et qui prône l'égalité du genre car, en
pénalisant la discrimination à l'égard des femmes, le CPT
entend donner la liberté aux femmes dans l'exercice de leur droit. Le
CPT fait du harcèlement sexuel une priorité en infligeant aux
personnes qui se rendent coupables de ce délit, des peines
supérieures aux autres types de discrimination incriminées par ce
code98. Ces sanctions dénotent la particularité de
celles-ci.
Le harcèlement moral et l'injonction de discriminer
restent quant eux impunis aussi bien par le CTT que par CPT. Alors qu'ils sont
omniprésents dans le monde du travail togolais.
L'homosexualité est interdite par l'article 392
al.1er du CPT et sanctionnée par l'article 393 du même
code. On pourrait penser qu'il s'agit en principe d'une discrimination
flagrante dont se rend coupable le législateur togolais. Mais compte
tenu de nos moeurs, ériger cette orientation sexuelle en délit
n'est pas une discrimination en soi. C'est à juste titre que le
Président sénégalais Macky SALL répondait à
l'ancien Président des Etats Unis Barack OBAMA que si
l'homosexualité constitue un droit en Occident, en Afrique, c'est une
question de société99. Rappelons qu'en France,
l'homosexualité reste un droit100.
Le CPT a fait l'effort d'être un fourre-tout. Eu
égard aux sanctions prévue par ce code, on voit bien que le
législateur a fait un effort louable en prévoyant des peines pour
certains types de discrimination, ce que n'avait pas fait l'ancien code
pénal. Il reste que ses sanctions soient
94 Article 305 CPT
95 Article 310 CPT
96 Article 312 et 313 CPT
97 Article 315, 316 CPT
98 Art. 400 du CPT, coupable : 01à 03 ans d'emprisonnement
et 1.000.000 à 3.000.000 F.CFA d'amendes. Harcèlement commis : 03
à 05 ans d'emprisonnement et 3.000000 à 5.000000 F.CFA
d'amendes.
99 Propos tenus à la conférence de presse à
Dakar au Sénégal en 2013 lors de la visite de Barack OBAMA
100 Cass.soc. 6 novembre 2013 n° 12-22.270
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
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effectivement mises en application d'autant plus que souvent
de beaux textes sont élaborés mais finissent par somnoler dans
les placards de l'administration.
Outre les insuffisances des sanctions prises par le
législateur pour contrer la discrimination, il faut également
souligner que la plupart des dispositions mises en place pour protéger
les personnes qualifiées de vulnérables présentent des
lacunes.
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