5.1.6 Décentralisation et équité
L'équité selon le petit Larousse
illustré 2006 se définit « vertu de celui qui
possède un sens naturel de la justice ou encore justice naturelle ou
moral considérée indépendamment du droit en vigueur
». Le concept d'équité se définit en termes de
justice mais en référence surtout à la distribution de
biens et de services entre individus et groupes d'individus. La philosophie qui
sous tend l'idée est de donner à chacun selon son besoin. Dit
autrement, l'équité doit amener à une distribution des
biens et des services de telle sorte que ceux qui ont le plus besoin y
accèdent facilement. Appliqué à la santé, le
concept a toujours été rattaché à la
réduction des inégalités. Ainsi, l'une des
définitions les plus souvent citées de l'iniquité en
santé se réfère à de différences de
santé considérées comme évitables et injustes
(Gwatkin, 2000). Parlant d'équité les pauvres sont ceux qui ont
le plus besoin de soins mais dans la pratique ce sont eux qui éprouvent
d'énormes difficultés financières à se faire
soigner.
C'est pourquoi, depuis plus d'une décennie, il
est revendiqué plus d'équité dans le domaine de la
santé. « La santé pour tous » au-delà
d'être un slogan reste de nos jours un principe fondateur de nombre de
politique de santé. L'application de ce principe se traduit par le
développement d'un certain nombre de stratégies : le partage des
couts, le ciblage, la décentralisation. La décentralisation du
système de santé du Burkina a-t-il favorisé
l'équité ? Fautes d'enquête de terrain, nous nous servirons
de données empiriques et la littérature disponible pour essayer
de discuter la question précédente. Notre ambition est moins de
faire une analyse de l'équité dans les politiques publiques de
santé comme on l'a bien fait Valéry Ridde (2005) que de rendre
compte de ce que les études précédentes mentionnent au
sujet de l'équité dans le contexte de décentralisation du
système de santé.
«Eu égard des études disponibles,
nous croyons que ce sont les questions d'administration et de gestion qui ont
pris le pas sur les préoccupations d'accès aux soins. Dit
autrement, l'aspect équitable de l'IB a été
négligé et les préoccupations premières des acteurs
ont été concentrées sur l'efficacité de
l'organisation à mettre en place » (Ridde, 2005) .Nous souscrivons
au constat de l'auteur, ce d'autant plus que la mise en oeuvre de l'IB et
l'implantation de décentralisation sont difficilement séparables.
La décentralisation dans la pratique est focalisée sur ce qu'on
appelle au niveau du ministère de la santé l'
opérationnalisation des districts qui se résume à
la
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Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
construction des infrastructures, l' équipement
des salles de soins, la mise en place des structures, la formation des acteurs.
Peu d'attention est accordée au fonctionnement des districts, comme il
suffit de mettre en place les structures pour que tout fonctionne.
L'organisation du pays en district sanitaire ne semble pas permettre de prendre
en compte les préoccupations des pauvres. Des mécanismes existent
dans les districts pour traiter de la situation des plus démunis ? Nous
affirmons que non car ni les données empiriques, ni les études
antérieures n'ont fait cas de l'existence de « règles
connues, claires et transparentes » dans un quelconque district pour
favoriser l'accès des pauvres aux services de santé. En effet, la
question de l'équité occupe une bonne place parmi les
recommandations de plusieurs études. (Ministère de la
santé juin 1995, 2001, ABSP 2000 ; Nitiéma, Ridde et al, 2003),
toute chose qui indique qu'en dépit des nombreuses réformes
assorties de bonnes intentions en faveur des pauvres, la santé continue
d'être un luxe pour une bonne partie des pauvres. Pour l'instant, la
décentralisation du système de santé comme
stratégie de réduction des iniquités ne semble pas
pertinente ; les efforts des districts et de leurs partenaires convergent plus
vers la réalisation d'infrastructures, l'achat de matériel, que
vers l'instauration d'un débat franc qui aurait permis de
débaucher sur des solutions à cette question. Le taux
d'utilisation des services de santé ne connaîtrait une
amélioration véritable que lorsque cette question aurait
trouvé une réponse satisfaisante. La décentralisation,
comme bien d'autres stratégies adoptées dans le secteur de la
santé ne pourront venir à bout de l'équité car
« il est extrêmement rare que l'on ait défini des objectifs
de santé en termes pertinents du point de vue du renforcement de
l'équité ou du recul de la pauvreté. Les objectifs
sanitaires sont presque toujours exprimés en moyenne pour l'ensemble de
la société (Gwatkin, 2000). Aussi, « les acteurs des
réformes sanitaires en Afrique, comme dans bien d'autres continents,
semblent plus préoccupés par la maximisation de leurs gains et de
la conversation de leurs pouvoirs que par l'amélioration des
systèmes de santé et la prise en charge des exclus permanents
». (Ridde, 2005).
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