5.1.2 Une vision étriquée de
l'accessibilité
Le discours officiel ne cesse de se
référer au rayon de couverture pour témoigner des efforts
faits pour rapprocher les centres de soins des utilisateurs. Lorsqu'on aborde
la question de l'accessibilité certains cadres avancent que le rayon
d'action des CSPS est passé de 20 km à 8km. Tous les efforts vont
ainsi dans le sens de construction des services de santé afin
d'augmenter la couverture sanitaire qui est d' ailleurs l'objectif 1 du
PNDS.
Nous pensons que cette seule acception qu'on donne
à la notion d'accessibilité est préjudiciable à la
décentralisation du système de santé.
L'accessibilité est une question de disponibilité, une
considération de l'autre, un plaisir à collaborer et à
servir, une possibilité financière. Que prévoit la
décentralisation sanitaire pour éviter aux populations de perdre
du temps dans les formations sanitaires en augmentant le nombre du personnel ?
A-t-on prévue des activités pour permettre aux prestataires des
soins de santé de se comprendre et de se remettre en cause afin
d'aboutir à des comportements favorables à une meilleure
collaboration avec les utilisateurs. Il urge de comprendre que
l'accessibilité des services de santé dans un contexte de
décentralisation passe en plus de la construction des infrastructures,
par l'augmentation du nombre des agents de santé et un impératif
de changement de comportement des prestataires de soins, la prise en compte des
plus démunis.
5.1.3 Décentraliser pour qui ?
« L'imputabilité, c'est ce qui manque le
plus dans la décentralisation sanitaire chez nous » ainsi
s'exprimait un de nos interlocuteurs (Enq04). L'imputabilité est ce
principe selon lequel les administrateurs publics doivent à la fois
reconnaître l'obligation de réaliser les mandats qui leur sont
confiés et rendre compte à la société ou à
ses mandataires de leurs activités et de tout le processus de transfert.
(Turgeon J, Lemieux Vincent, 1999, P 175). L'imputabilité pose à
notre sens, d'une part la question de la conscience que les administrateurs ont
des missions qui leur sont confiées et l'obligation des
bénéficiaires de demander des comptes aux premiers.
45
Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
La politique de décentralisation sanitaire,
afin de promouvoir la participation des communautés a prévu la
mise en place d'un certain nombre de structures dites communautaires à
même de constituer un cadre de contrôle, d'expression et de
revendication pour les populations ; ce sont les CoGes. L'existence seule de
ces structures suffit aux autorités sanitaires à justifier de la
participation des populations à la gestion de leurs problèmes de
santé. Ce qui est le plus important, pensons-nous, est d'aller voir dans
les pratiques, les pouvoirs que détiennent ces structures
vis-à-vis des services de santé.
Leurs activités des CoGes se limitent pour
l'instant à la gestion des fonds émanant de la vente des
médicaments. Cette structure représentative des populations
entreprend rarement des actions devant les cas d'absentéisme chronique
et injustifié des agents de santé, au cas de manquement aux
principes élémentaires de la bienséance qui
caractérisent le comportement de certains agents de santé. Le
personnel médical et paramédical utilise dans certains cas cette
structure comme des caisses de résonance ou des alliées pour
spolier les communautés. Autant de lacunes qui témoignent des
énormes insuffisances qui entachent l'existence de cette structure
sensée défendre les intérêts des
populations.
Si les populations sont représentées au
sein des CSPS qui sont les premiers point de contact avec le système de
santé, elles sont quasiment absentes au niveau de la structure de
gestion du district qui est l'équipe cadre. Aucune structure
représentative des utilisateurs des services de santé n'a
été prévue à ce niveau. Comment comprendre cet
état des faits quand on sait que c'est à ce niveau que les
questions importantes concernant la vie du district sont débattues ? On
ne rend pas compte aux utilisateurs des bénéfices
générés par le dépôt répartiteur et la
pharmacie de l'hôpital des districts. Seule l'équipe du district,
composée du personnel médical et paramédical, a un droit
de regard et d'utilisation de ces fonds. Quelle différence avec la forme
de gestion d'avant ? Que fait le MCD et son équipe cadre des plaintes
des utilisateurs du comportement des prestataires, ou des cas de malversions
des agents de santé ?
Ce qui se laisse voir dans la pratique, nous autorise
à affirmer que la décentralisation dans sa forme actuelle
n'accorde aucun pouvoir aux communautés. Ce qui permet à certains
agents de santé d'utiliser des ressources des populations à des
fins personnelles avec l'onction de certains
46
Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
cadres au niveau central. Devant les cas de
malversions constatés ça et là dans les districts, la
sanction la plus grave consiste à affecter le coupable dans un autre
district ou il est probable qu'il se répande dans le même type
comportement. L'argumentaire qui fait croire que la décentralisation
permet l'amélioration de la capacité de répondre aux
besoins des citoyens puisque ceux nouvellement chargés de les
écouter seraient plus proches d'eux, est battue en brèche par le
comportement des agents de santé qui sont loin de considérer et
d'accepter les utilisateurs comme des partenaires et pourquoi pas des
employeurs potentiels. Partant de ce constat, on est en droit de se demander
pour qui on décentralise le système de santé ?
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