4.2.4 Jeu d'intérêts et logiques
d'intervention des acteurs
« La construction des politiques publiques
n'est pas un processus abstrait. Elle est au contraire indissociable de
l'action des individus ou des groupes concernés, de leur capacité
à produire des discours concurrents, de leurs modes de mobilisation.
Elle dépend aussi de la structure plus ou moins fluctuante de leurs
relations et des stratégies élaborées». (P.
Muller ; Y Surel, 1998, p 79) La mise en oeuvre de la décentralisation
du système de santé mobilise une gamme variée d'acteurs
sociaux : les cadres au niveau central, les DRS, les MCD, les membres des ECD,
les membres des CSD, les membres des CoGes, les communautés, les
fournisseurs, les associations et ONG, les partenaires bilatéraux et
multilatéraux, les partis politiques, les élus locaux, les
confessions religieuses, la chefferie traditionnelle, etc.
Chaque groupe d'acteurs va non seulement se
caractériser par les types et l'importance des ressources qu'il
contrôle (financières, humaines matérielles, symboliques)
et mais aussi par le type de logique qui devrait servir à réguler
et les interactions dans le système (Ibid).
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Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
Muller et Surel discernaient deux types de facteurs
essentiels chez les acteurs, qui à leur sens, pourraient avoir un impact
considérable sur les politiques publiques : il s'agit des ressources et
des répertoires d'action. Prolongeant la liste des
caractéristiques des acteurs à même d'influencer la
production d'une politique publique, Valéry Ridde(2005) a
identifié et documenté dix logiques chez les acteurs
impliqués dans la mise en oeuvre de l'IB, lesquelles logiques ont eu une
influence non négligeable sur cette politique. Nous nous servirons de ce
cadre pour analyser le jeu des acteurs dans la mise en oeuvre de la
décentralisation en cours dans le secteur de la
santé.
4.2.4.1 L'accaparement
L'accaparement est définit comme une
stratégie visant à acquérir certaines ressources pour des
intérêts personnels. La nature des ressources dans un
district sanitaire est diverse : les ressources financières, les
positions de pouvoir qui permettent d'accroître le capital social. Cette
logique est mobilisée pour le positionnement favorable à
l'occupation d'un poste, passage obligé vers les ressources. Le MBDHP
(Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme) et l'UIDH (Union
Interafricaine des Droits de l'Homme) ont à maintes reprises (Rapports
annuels, 2002, 2004), critiqué le prisme de certains chefs traditionnels
et religieux dans la gestion des affaires publiques locales. Dans leur lutte
d'influence certaines sommités s'immiscent sous plusieurs formes dans la
conduite des affaires. Ainsi, ils sont présents par procuration dans
toutes les institutions au niveau locale. Dans le cadre de la
décentralisation sanitaire, ils se sont accaparés du
contrôle des CoGes. Les données empiriques informent que dans la
plupart des localités où il existe un CSPS, il est très
fréquent de constater que les comités de gestion sont
composés par des proches du chef de village ou de certains chefs
religieux. Cette façon de procéder découle d'une logique
d'accaparement de toutes les instances décisionnelles et surtout de
profiter des dividendes qui seront générées ; l'argent
généré par la vente des MEG, le contact avec les
partenaires (ONG, institutions internationales, etc.) constituent les
principaux enjeux. Un interlocuteur, précédemment MCD
témoignait que les détournements sont fréquents dans les
CoGes, sans toutefois que des mesures disciplinaires soient prises car les
personnes incriminées sont dans la majorité des cas des
protégés de certaines autorités locales. Cette logique est
également mobilisée par certains infirmiers qui usent de leurs
relations pour se faire affecter dans un CSPS ou ils ont la chance d'être
ICP. Ce poste est stratégique dans le contrôle des ressources. En
effet, l'ICP est le conseiller des CoGes et mieux, il se trouve être
généralement la personne la plus instruite dans le CoGes, ce qui
n'est pas sans constituer un avantage non négligeable dans
la
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Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
gestion des affaires locales. Selon une étude
(Ministère de la santé, 2002) beaucoup d'ICP s'accaparent de la
gestion des CoGes en se muant en trésorier ou en président,
ordonnateur des dépenses.
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