4.2.3 Contexte politique et social
En rappel, la mise en oeuvre de la
décentralisation sanitaire est intervenue à partir de 1993. Sur
le plan politique, cette période correspond à un renouveau,
marqué par l'avènement de la IV République. En 1991,
l'adoption de la constitution venait sceller l'ouverture politique avec pour
conséquence la prolifération de partis politiques, des
associations de la société civile.
35
Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
De proche en proche, le débat public
commençait à prendre corps avec les actions des différents
partis politiques et la rivalité politique avec. Dans son combat pour
l'hégémonie politique qui passe l'adhésion du maximum
d'individus à ses idéaux, le parti au pouvoir use de toutes
sortes de stratégie dont la politisation de l'administration publique.
Ainsi, tous les postes stratégiques et aux prérogatives juteux
sont confiés aux militants du parti. Les cadres sont choisis moins
à cause de leur technicité que de leur militantisme
avéré. C'est cette façon de cooptation des cadres qui
explique les incessants changements au niveau des directions des
différents ministères dont celui de la santé.
En effet, de 1993, date du début du processus
de décentralisation à nos jours, ce sont quatre ministres qui se
sont succédés à la tête du ministère de la
santé. Le changement de ministre est généralement suivi
d'un mouvement de personnel. Le nouveau ministre met en place une nouvelle
équipe à même de l'assister dans l'exécution de ses
nouvelles fonctions. Le changement de cadres aux postes de
responsabilité ne s'arrête pas seulement au niveau central, il
touche aussi la périphérie. C'est ainsi que les coordonnateurs de
programme et projets, les directeurs régionaux et les médecins
chef de district subissent le changement. Il est très souvent
reproché aux ministres de procéder à des nominations de
complaisance dans certains cas car ne privilégiant que des
critères politiques. Combien sont- ils, les cadres dont les
compétences ne font l'objet d'aucun doute qui sont réduits
à leur plus simple expression car mis en rebut, victimes de leur
appartenance politique. Ils ne sont pas nombreux les cadres, membres des partis
de l'opposition à occuper des postes importants au niveau du
ministère de la santé et même dans les autres
ministères. La politisation de l'administration porte un coup dur
à la mise en oeuvre des politiques, car elle favorise la mise à
l'écart de certaines sensibilités dont la participation pourrait
apporter un plus. Une des conditions de l'aboutissement d'une politique
publique est sans conteste la mobilisation et l'implication de tous les acteurs
dans le processus.
Un médecin, ayant occupé de hautes
fonctions au sein du ministère de la santé précisait que
l'essentiel des cadres ayant travaillé sur le dossier de la
décentralisation sanitaire pendant la conception, ont été
écartés lorsqu'il s'est agit de la mise en oeuvre car on leur
rapprochait mais sans le leur dire ouvertement, de ne pas s'afficher
politiquement, d'être de connivence avec des syndicats.
(Enq04).
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Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
Le traitement du dossier de la décentralisation
sanitaire relevait des compétences de la direction
générale de la santé et de la CADSS. Ces deux structures
ont toujours été touchées par les vagues de mouvement de
cadres. En effet, un de nos informateurs précisait que de 1993 à
2006, ce sont 5 directeurs généraux de la santé qui se
sont succédé et plus de 7 coordonnateurs au niveau de la CADSS.
Les motifs de départ ne sont autres que politiques (Enq03). Cette
instabilité n'est pas sans conséquence sur le déroulement
du processus.
L'une des conséquences majeures de cette
réalité reste la mauvaise couverture du pays en structures
sanitaires. En effet, pendant que des régions ne disposent pas du
minimum, on procède l'implantation de CSPS, CMA et autres dans des
localités pour tout simplement faire plaisir au ministre dans l'optique
de conserver son poste.
La politisation de l'administration tue la
compétence tout en valorisant le clientélisme, le
népotisme, le favoritisme. Cette façon de gérer
l'administration ne favorise pas la présence de « mémoire
vivante »4, tout élément qui conduit à
revenir à la case départ à tout moment. Le processus de
décentralisation du système sanitaire souffre moins de manque de
sources finacières que de compétences pour lui impulser un nouvel
dynamisme. Les cadres du ministère qui peuvent traiter cette question
sont mis au garage, ce qui a poussé certains à partir.
(Enq04).
La politisation de l'administration influe les
orientations ou du moins la compréhension des orientations. Qu'un nombre
important de cadres pilote le processus de décentralisation du
système de santé, imprime au processus, différentes
visions dont la gestion ne peut que saborder la mise en oeuvre. Il aurait
été plus salutaire de confier le processus d'implantation
à une équipe inamovible pour une durée bien
déterminée, ce qui à n'en point douter aurait permis
d'avancer convenablement, avec plus de professionnalisme et de
clarté.
La plupart des CoGes se caractérise par un taux
d'analphabétisme très élevé des membres avec
logiquement une méconnaissance des textes ; d'ou un mauvais
fonctionnement qui se traduit par des malversations de toutes sortes. Il est
indéniable que le niveau de scolarisation n'est pas sans
4 Nous parlons de ces cadres qui ont passé
beaucoup de temps dans leurs postes, ce qui leur donne l'avantage d'être
bien informés
37
Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
conséquence sur l'efficacité et le bon
fonctionnement des CoGes qui jouent un rôle important voire même
capital dans le dispositif de la décentralisation du système de
santé.
Le taux de scolarisation dans l'ensemble du pays est
très faible. Selon l'INSD (2005) le taux brut de scolarisation au
primaire en 2005 était de 55% soit 107% en milieu urbain contre 48% en
milieu rural. Dans beaucoup de localités notamment en milieu rural, peu
de personnes savaient lire et écrire. Or l'essentiel des CoGes
siègent en zone rurale. La difficulté de trouver des personnes
sachant lire et écrire pour animer ces structures est réelle. Ce
qui dénote leur faible niveau de fonctionnement actuel. Aussi, le
contexte économique se distingue par un taux de chômage
très élevé et des activités économiques qui
se réduisent aux activités agricoles ; 81,9% des ménages
du pays pratique l'agriculture comme principale activité
économique (INSD, 2005). Cette situation dénote une faiblesse des
revenus des ménages ; ce qui n'est pas sans conséquences sur
leurs capacités contributives au financement de la santé. Les
conditions de vie des ménages n'encouragent pas les membres des CoGes
à accepter le bénévolat. C'est sans doute ce qui explique
leur absentéisme fréquent dans l'animation de ces structures
d'appui.
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