4.2.2 Des stratégies non
expérimentées
Une des étapes importantes dans la mise en
oeuvre des politique publiques est la définition des stratégies
qui sont, sommes toutes, très déterminantes pour l'aboutissement
de la politique. On note souvent qu'il y a un décalage entre la
formulation et la mise en oeuvre et certains auteurs (Muller et Surel, 1998,
Pineault R, Daveluy, 1995 ; OMS, 1995) estiment que ce décalage est en
partie attribuable au choix des stratégies pour l'implantation. Les
stratégies qui servent à l'implantation de la politique de
décentralisation sanitaire se résument à :
- la formation des médecins en chirurgie
essentielle et en gestion
- la mise en place des CoGes ;
- le bénévolat dans les CoGes ;
- la mise en place des ECD
- la construction tout azimut de CMA
- la co-gestion des structures sanitaires avec les
populations.
Pour la mise en oeuvre de la politique de
décentralisation du système de santé, le ministère
de la santé n'a pas jugé nécessaire de procéder
à une expérimentation à travers une phase pilote avant une
extrapolation à échelle du pays. Un ancien cadre du
ministère justifie ce choix en ces termes : « Je trouve que la
meilleure décision, c'est celle qui a été prise. La raison
fondamentale, c'était une question d'équité. On ne peut
vouloir résoudre ces genres de questions en disant voilà notre
plan de développement ; on va mettre 5 districts cette année, et
l'année prochaine et ainsi de suite. Comme on connaît nos pays,
dix après on peut ne pas finir notre plan de couverture et là
ça devient difficile. Et comment justifier qu'on développe une
zone avec tout le nécessaire et on dit de l'autre côté,
ça c'est dans 3 ans alors qu'il y a un minimum qui permet de commencer ?
La question de fond était que là on ne peut pas faire une
intervention chirurgicale, on peut faire autre chose dans le cadre du
développement du district. Le district, c'est tout processus de
développement qui peut avoir des stades différents d'un moment
à l'autre selon la dynamique des régions ».
(Enq02)
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Analyse de la politique de décentralisation du
système de santé du Burkina Faso
Les raisons invoquées par les autorités
sanitaires de l'époque pour justifier l'absence de phase pilote dans la
mise en place des districts ne semblent pas convaincre certains acteurs. En
effet, selon un jeune médecin rencontré : « Avec l'IB,
on a pris soins d'expérimenter le recouvrement des coûts avant de
commencer ; même avec ça, il reste qu'il y a des
difficultés. On aurait fait la même chose que certaines
difficultés seraient relevées et analysées
profondément pour déboucher sur des solutions efficaces. Tout ce
qu'on fait, c'est de tourner en rond sans bien sur avancer ».
(Enq04)
Nous estimons qu'une phase pilote aurait
été nécessaire pour des « raisons techniques et
tactiques ». En effet, cette étape aurait permis de tester la
faisabilité de la décentralisation sanitaire telle que
conçue au Burkina, tout chose qui n'allait pas manquer de faire surgir
les premières difficultés, de juger de la pertinence et de
l'efficacité de certains choix techniques. Il reste que tout choix
technique a un coût et oblige à des changements. Ce faisant la
phase pilote offre une opportunité d'évaluer réellement le
coût des composantes techniques de la politique, d'estimer la
capacité à innover des différents acteurs. Former un
médecin de district en chirurgie et en gestion coûterait environ
3.000 000 millions de FCFA. Ce sont de nos jours environ 300 médecins
qui ont bénéficié de cette formation, ils ne sont plus
nombreux à exercer dans un district. La phase pilote n'aurait -elle pas
permit de réfléchir sur ce choix avant d'engager des
dépenses importantes. Sur le plan tactique, cette phase allait
être mise à contribution pour engager un véritable
débat avec les principaux acteurs, tout élément
indispensable à leur adhésion au projet.
Une phase pilote aurait permis
l'expérimentation et l'adoption progressive des différentes
stratégies. Il aurait également été judicieux de
développer quelques activités de recherche sur les
capacités contributives réelles des populations et sur les
modalités de payements des services de santé. (Ministère
de la santé, 1994).
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