I.1.2 Accès à
l'alimentation
La crise politico-militaire déclenchée en 2012 a
provoqué la détérioration de la sécurité
alimentaire dans un pays où le tiers de la population se trouvait
déjà en situation d'insécurité alimentaire (PAM,
2014). Avec la fragilisation des moyens d'existence, les ménages se sont
rabattus sur des activités secondaires (cueillette, travaux journaliers,
taxi-moto...). Ces mécanismes n'ont pas suffi à assurer la
sécurité alimentaire à long terme : une baisse de la
fréquence et de la qualité des repas a été
observée.
Le niveau global de l'insécurité alimentaire
reste actuellement très préoccupant en RCA. Au bout de quatre
années de crise, les ménages ont vu leurs ressources
progressivement s'éroder alors que l'insécurité et les
déplacements se poursuivent.
Selon l'ENSA de 2016, 54% des ménages font face
à l'insécurité alimentaire dont :
· 48% des ménages en insécurité
alimentaire modérée. Ces ménages ont une consommation
alimentaire déficiente donc ne peuvent assurer leurs besoins
alimentaires minimum sans avoir recours à des stratégies
d'adaptation irréversibles telles que la réduction des
dépenses de santé ou d'éducation, le retrait des enfants
de l'école ou la mendicité ;
· 6% des ménages en insécurité
alimentaire sévère. Ces ménages dépendent
étroitement de l'assistance alimentaire et ont une consommation
alimentaire extrêmement pauvre. Ils sont dans une situation de
très grande vulnérabilité économique et recourent
à des stratégies qui mettent irréversiblement en
péril leurs moyens de subsistance futurs (vente de maison, de parcelle
de terrain...).
L'insécurité alimentaire est inégalement
répartie dans le pays. Ainsi la situation est plus critique à
cause des problèmes sécuritaires dans certaines
préfectures où l'insécurité alimentaire touche plus
de 60% des ménages. Il s'agit des préfectures du Haut Mbomou avec
66%, de l'Ouham avec 64%, de la Ouaka avec 63%, de la Lobaye avec 61% et de la
Basse Kotto avec 60% comme le montre la figure suivante. Par ailleurs, les
réfugiés, les retournés et les personnes
déplacées en camps/sites/enclaves sont particulièrement
touchés par l'insécurité alimentaire avec respectivement
77% et 58% des ménages qui se retrouvent le plus souvent dans une
situation de grande vulnérabilité économique.
Figure 1 : Situation de
la sécurité alimentaire par préfecture
Source : Auteur à partir des données de
la FAO (FAOSTAT, 2019)
L'insécurité alimentaire des ménages est
liée à leur pauvreté. Ces ménages sont fortement
dépendants des marchés pour s'approvisionner et ont du mal
à y accéder financièrement.
Pour plus de 90% des ménages, les marchés sont
la principale source d'approvisionnement et sont donc très
vulnérables à la hausse des prix (VAM, 2017). A cela s'ajoutent
une forte variabilité des prix des denrées sur le territoire
depuis novembre 2016 et la mauvaise intégration au marché due
à des difficultés de transport, à
l'insécurité et à la baisse de production des principales
spéculations du pays les quatre dernières années.
Les prix du riz, du maïs et de l'huile de palme ont
augmenté graduellement surtout entre janvier et mars 2017 (VAM, 2017).
Cette situation a entraîné un faible pouvoir d'achat et des
difficultés d'accès alimentaires pour les ménages pauvres.
En outre, en raison de la recrudescence du conflit, on observe la baisse de la
plupart des sources de revenus et d'alimentation ainsi que des circuits de
commercialisation traditionnels qui restent perturbés à travers
le pays, ce qui va donc continuer d'affecter l'accès à
l'alimentation des déplacés, des retournés, des familles
hôtes et des ménages pauvres. L'agriculture constitue
l'activité principale de la majorité des ménages en RCA.
Ces ménages tirent la majeure partie de leurs revenus de la vente de
leurs productions agricoles.
Les ventes de produits agricoles interviennent de façon
massive au moment des récoltes (entre août et décembre en
fonction des zones agro-écologiques), période où la
disponibilité de ces produits est la plus forte et donc les prix les
plus bas. Les ménages se trouvent ensuite dans l'obligation d'avoir
recours aux marchés pour leur alimentation, aux périodes
où les prix remontent (du début de l'année aux
premières récoltes vers juillet). Les stratégies
commerciales ainsi développées par les ménages, sont
finalement peu efficaces et ne leur permettent pas de tirer le meilleur profit
de leur production. La dépendance des ménages aux marchés
pour leur alimentation et la précarité de leur stratégie
commerciale, les rendent particulièrement vulnérables aux
chocs.
L'accès matériel ou financier aux denrées
alimentaires a été entravé par le déplacement des
populations, l'insécurité et les grandes perturbations du secteur
agricole. La baisse de la production agricole a aussi fait largement augmenter
le prix des denrées alimentaires. Par ailleurs, les consommateurs ont
perdu un tiers de leur pouvoir d'achat par rapport à 2012, ce qui a
encore aggravé leur précarité. Les femmes, les populations
déplacées, les minorités isolées dans les enclaves,
les populations de retour et les réfugiés sont les plus gravement
touchés par l'insécurité alimentaire.
Les systèmes traditionnels de solidarité sociale
se sont effondrés et les déplacements ont détruit les
réseaux de solidarité communautaire et affaibli la
cohésion sociale. Les personnes pauvres et vulnérables ne
bénéficient pratiquement d'aucune protection sociale, hormis les
programmes financés par les bailleurs de fonds. Les dispositifs
nationaux existants sont principalement contributifs et centrés sur les
employés de la fonction publique (RCPCA, 2016).
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