II. Cadre de références
II.1. Le corps
Selon le Larousse, le corps se définit par la partie
matérielle d'un être animé considérée en
particulier du point de vue de son anatomie et de son aspect extérieur.
Cette définition reste tout de même discutée à
travers les siècles notamment dans le domaine de la médecine.
II.1.1. L'Histoire du corps
L'Histoire du corps débute dès la
Préhistoire. En effet, que ça soit par les rites
funéraires paléolithiques, les débats de la dissociation
de l'âme et du corps de l'Antiquité ou l'apparition des
différents types de corps au Moyen-Age, l'homme s'est toujours
questionné sur la place physique et spirituelle qu'il a dans son
existence. Plusieurs philosophes appartenant à différents
mouvements ont développé leur questionnement selon leur courant
de pensée. Chez Platon puis chez Aristote, nous retrouvons la
confrontation du corps et de l'âme, ces deux entités qu'ils
dissocient par la matérialité et l'immatérialité.
Dans l'Antiquité, alors que les grecs font du corps beau et sain un
objet de culte pour ressembler aux dieux, les romains, eux, donnent naissance
au concept de « personne » et « individu » grâce
à Marc-Aurèle, philosophe stoïcien.1
Au Moyen-Age puis à la Renaissance, la double vision du
corps permet de faire émerger différents courants de
pensée, dont le cartésianisme, qui remanie l'approche dualiste
antique par René Descartes en 1641 dans ses Méditations
métaphysiques, et plus tard le rationalisme, illustré par
Emmanuel Kant dans la notion de dignité du corps. A la fin du
XVIIème siècle, le cartésianisme se confronte au
jansénisme : pourtant, un point commun persiste, celui du rejet du
corps.2
La réflexion de René Descartes marque une
rupture avec le monde antique car pour la première fois, l'Homme devient
sujet, vérité et certitude contrairement à la nature qui
devient objet. Ainsi, il différencie des statuts du corps : le corps
machine, le corps cadavre, le corps représenté ou encore le corps
objet. Cette méthode provient de ce que Descartes considère comme
la science, c'est-à-dire la médecine associée à la
morale et la mécanique. Son approche marque l'histoire de la
médecine car il introduit l'idée selon laquelle l'âme se
localiserait dans l'épiphyse et donnerait au corps sa cohérence
faisant de lui un individu. Il considère donc que
1 Braunstein, F et Pépin, J. 1999, p.
17-86. Alinéa 8
2 Braunstein F et Pépin J. 1999, p. 87-129.
Alinéa 4.
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même si un corps humain est amputé, l'individu
reste un, car il a une âme. Ce discernement le conduit à se
questionner sur la place du corps en tant qu'état d'âme ou comme
un objet de science et d'étude.
Au XIXème siècle, l'Homme devient sujet
pensant, maître de ses actes, de ses idées, en quête
d'identité1, un individu produit par son histoire.
L'effervescence des découvertes techniques et scientifiques conduisent
à l'apparition des sciences humaines et vont rompre avec les anciennes
philosophies. Ainsi la phénoménologie distinguera le corps objet
étudié par la science, du corps sujet et du corps propre
appelé la chair2.
L'apparition du stéthoscope et des rayons X ont permis
d'associer les sciences humaines aux sciences exactes. En effet, à
partir de ce moment la distinction du corps intérieur et
extérieur se fait sans ouvrir le corps malade3.
En 1865, Claude Bernard, médecin et physiologiste, pose
les premières bases d'une réflexion sur la
propriété du corps humain et pose la question des rapports entre
les sciences politiques et le corps humain. Ainsi, les expérimentations
sur les corps morts vont être légitimées puisqu'elles
poursuivraient un but scientifique.
Avant 1804, le Code Civil ne s'intéressait pas à
l'appartenance du corps pour soi ou autrui et avait une conception
désincarnée de la personne, mais les idées ont
évolué depuis. En effet, depuis la loi du 29 juillet 1994
relative au corps humain, un chapitre relatif au respect du corps a
été intégré dans le Code Civil.
Le questionnement de la place du corps comme objet ou sujet
dans la loi donne la possibilité d'introduire les notions de droit de
propriété ou de droit de personnalité. Le droit de
propriété légitime le droit de disposition de son propre
corps (non-patrimonialité) et permet de distinguer le corps de la chose.
Le droit de propriété est complété par la
reconnaissance d'un droit de l'individu et repose sur la liberté qu'un
sujet exerce sur son intégrité. Ce droit permet de se
protéger contre tout acte extérieur menaçant son
intégrité et ne porte pas seulement sur
1 Braunstein F., Pépin J, 1999, p. 131-177.
Alinéa 2.
2 « La chair n'est pas matière, n'est pas esprit,
n'est pas substance. Il faudrait, pour la désigner, le vieux terme
d'«élément» au sens où l'on employait pour
parler de l'eau, de l'air, de la terre et du feu, c'est-à-dire au sens
général... » (M. Merleau-Ponty, Le visible et
l'invisible, op. cit., p. 184).]
3 COURTINE, J. 2015, p.15-26
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« l'enveloppe corporelle » mais sur le respect que
tout tiers doit montrer. Ainsi, le Code Civil introduit non pas un droit sur le
corps mais un droit au respect du corps.
Le Code Civil précise par l'article 16 à
l'alinéa 2 et l'alinéa 3 que le corps est inviolable et ne fait
pas l'objet de patrimonialité. Ainsi comme l'explique Astrid Marais,
1« Le principe d'inviolabilité du corps humain
protège la personne contre les atteintes matérielles
portées à son corps par autrui. Les principes de non
patrimonialité et d'indisponibilité, quant à eux,
encadrent les actes juridiques ayant pour l'objet le corps humain ».
D'un point de vue juridique, pour qu'un tiers puisse valablement porter
atteinte au corps par un acte matériel, il doit alors remplir deux
conditions : une finalité légitime et un recueil du consentement
de la personne.
Ainsi la personne est indissociable du corps humain, le corps
est le substratum2 de la personne ce qui explique la protection
légale du corps. C'est pourquoi il est important pour le soignant
d'identifier le type de corps auquel il est confronté : le corps
souffrant, le corps silencieux, le corps malade ou dénudé.
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