I.3.2. Analyse et questionnement de la situation
n°1
Dans la première situation, je prenais en soin le
patient tout en étant moi-même prise en charge par l'infirmier.
L'encadrement de ce dernier était nécessaire étant
donné que je découvrais ce soin. Ainsi, dans cette situation, le
patient est devenu spectateur de mon apprentissage et donc « objet »
de cet apprentissage. En dépit du fait que son consentement ait
été méticuleusement recueilli, Monsieur L montrait des
signes d'inquiétude concernant le soin que j'effectuais car ma technique
était encore en cours d'amélioration.
C'est pourquoi j'ai guidé mon questionnement sur la
place du patient dans l'apprentissage d'un soin infirmier, notamment autour du
concept de « patient objet », et plus précisément ce
qu'on appelle « cobaye humain » ou « patient cobaye ».
Il convient dans un premier temps de distinguer les deux types
de soins pratiqués auprès de ce patient : d'une part les soins
relationnels et d'autre part les soins techniques, chacun devant
nécessairement faire l'objet d'un apprentissage.
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Concernant le relationnel, nous le travaillons tous depuis
l'enfance au sein de notre environnement social, même si nous
l'appréhendons chacun différemment selon nos
personnalités. Cependant, le relationnel dans les hôpitaux ou
autres structures de soins diffère des interactions sociales
habituelles.
Les soins techniques sont, pour ma part, entièrement
nouveaux, et requièrent donc un entraînement. Je suis d'abord
passée par l'observation, puis par la verbalisation avec mon tuteur. Il
m'a ensuite proposé de m'entraîner sur un patient. C'est à
partir de ce moment que l'apprentissage du soin m'a perturbé en raison
du rôle imposé au patient, qui devint « objet d'exercice ou
d'apprentissage ».
On peut également retrouver ce concept (que je
détaillerai par la suite) dans ma seconde situation en stage en
hospitalisation à domicile, décrite ci-dessous.
I.3.3. Analyse et questionnement de la situation
n°2
Dans cette situation, la notion de « patient cobaye
» est explicitement exprimée par la patiente. Cependant, le
consentement ne fut pas recueilli de la même manière que pour la
situation précédente. En effet, dans la première
situation, on peut considérer que le consentement n'a pas
été correctement recueilli car je n'ai pas dit explicitement au
patient que c'était la première fois que j'effectuais le soin. Il
ne disposait donc pas de toutes les informations permettant de donner un
consentement « éclairé »1. En revanche, lors
de mon stage en hospitalisation à domicile, j'ai été
particulièrement vigilante sur la transparence des informations que je
fournissais pour recueillir le consentement. Malgré cela, on a pu
observer que la notion de cobaye était toujours présente.
Selon le Petit Robert2, après la
définition désignant le cobaye comme un mammifère rongeur,
le cobaye est défini tel « un être utilisé comme
un sujet d'expérimentation ». Ce terme est souvent
utilisé dans le jargon médical pour désigner un sujet
(volontaire ou non) d'expérience.
Il s'agira donc de déterminer les causes pouvant faire
d'un patient un sujet d'expérimentation, d'exercice ou
d'apprentissage.
1 Selon le Code de la Santé Publique, le
consentement est éclairé après avoir reçu de la
part d'un soignant une information claire, compréhensible,
adaptée à ses capacités de comprendre la nature des actes
(article R. 412735).
2 Le petit Robert par Paul ROBERT, Dictionnaire de la
langue française, mars 1984.
Tout d'abord, le patient devient cobaye1 lorsque
les effets produits par les traitements ou les soins ne peuvent être
prédis avec la même certitude que ceux habituellement
administrés.
Un patient devient cobaye également lorsqu'il fait
l'objet d'un traitement ou d'un soin inconnu du soignant. Cette situation
implique donc deux rôles : le soignant, une personne se trouvant dans une
situation de découverte d'un soin (que ce soit pour la recherche ou
l'apprentissage), et le patient, qui subit la situation d'objet d'apprentissage
du soin par le soignant.
Ainsi, il est nécessaire de distinguer le soin lambda,
dont les effets sont prévisibles avec une marge d'erreur faible
grâce à l'expérience, du soin effectué sur un
patient cobaye où l'expérience manque et où certains
effets sont inconnus et/ou imprévisibles. La qualité de cobaye
réside donc dans l'exposition à un risque plus
élevé d'incertitude quant aux effets possibles du traitement
réalisé sur la personne.
Pour pallier le défaut d'expérience des
étudiants ou des soignants, il est nécessaire d'en passer par des
patients cobayes, qui sont les seuls supports fiables dans une démarche
scientifique pour expérimenter, adopter puis pratiquer les soins et
traitements sur l'Homme. De fait, cette pratique a pour objectif
d'améliorer les traitements et de réduire la marge d'erreur en
favorisant la prévention des effets secondaires et indésirables.
Les expériences sur les animaux sont utiles, mais insuffisantes pour
transférer un soin ou traitement directement sur l'humain.
Les patients cobayes sont, en temps normal2,
volontaires. Or, nous observons dans la pratique que certains patients sont
« instrumentalisés » contre leur gré, notamment lors de
l'apprentissage d'un soin à un soignant. Cette déviance
s'explique par une faille dans le recueil du consentement ou dans la
transmission d'informations auprès du patient.
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1 CHAMAYOU, G 2014, pp.
287-310. Alinéa 40.
2 CHAMAYOU, G 2014, pp.
287-310. Alinéa 6
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