III.2.3. Un patient humanisé car
considéré
Ces deux parties nous auraient donc prouver l'importance du
consentement dans les soins ainsi que le respect de la dignité dans la
pratique soignante. En effet, elles nous ont finalement montrées que ces
deux démarches pouvaient avoir un but commun : celui de rendre le
patient un sujet et non un objet.
Pendant des siècles, les patients ont subi cette
médecine traditionnelle dite paternaliste où le médecin
avait la place de décideur et était gardien de
l'intérêt du patient. Le rapport entre les soignants et le patient
s'est construit de telle sorte que les professionnels de santé
évaluaient les besoins du malade et y répondaient avec leur
savoir-faire en estimant ce qui serait utile pour lui. Cette décision se
fondait donc à partir d'une relation unilatérale car le soignant
projetait ce qui serait bon pour son patient sans lui demander son avis. De ce
fait le patient n'était pas perçu comme un être
raisonnable, son approbation n'était donc pas demandée pour
effectuer un acte sur sa personne.
C'est grâce à la reconnaissance des droits des
patients et des devoirs des soignants que cette relation peut être
bilatérale et que le patient se voit reconnaître son pouvoir
décisionnel. De ce fait, les réformes hospitalières,
déterminant successivement les missions des établissements
publics ou privés, définissent depuis bien longtemps les soins
médicaux en tout genre. En revanche, à partir de la loi dite
« hospitalière » (loi n° 91-748 du 31 juillet
1991) la volonté de prendre en considération les droits des
patients fait partie prenante du processus de prise en charge de l'usager par
l'établissement. Différentes étapes ont permis d'aboutir
à la fameuse loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé. Rappelons que
le 30 avril 1980, le Comité Européen de Santé Publique
suggère aux États membres « d'encourager les malades
à participer, de façon active, aux traitements, à la
prévention ainsi qu'au maintien, à la formation et au
rétablissement de leur santé et de celle des autres ».
Puis en juillet 1986, la commission pour la réforme
hospitalière organise la première audition nationale des
associations de patients.
Ainsi, la loi du 31 juillet 1991 (n°91-748) introduit un
premier chapitre à propos des « principes fondamentaux »
qui comprend deux sections, la première sur les « droits
du malade accueilli
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dans un établissement de santé »
et la deuxième concernant « l'évaluation et [...]
l'analyse de l'activité des établissements de santé
». Ce respect des « principes fondamentaux » se
retrouve par la suite dans le Code de Déontologie Infirmier à
l'article R.4312-4 énonçant que « l'infirmier respecte
en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de
loyauté et d'humanité indispensables à l'exercice de la
profession. »
Le décret du 31 décembre 1991 (n° 91-1415)
offre alors une prise de parole aux usagers et à leur famille
grâce à la création de conseils d'établissements
dans chaque structure sociale et médico-sociale. La
représentation des associations des patients est ensuite
autorisée lors de la création du Haut Comité de la
Réforme Hospitalière en 1995.
Par la suite, la circulaire DGS/DH n°95-22 du 6 mai 1995
instaure la Charte du patient hospitalisé afin de faire connaître
et rappeler les droits de chaque patient ainsi qu'assurer une diffusion plus
large à l'ensemble des professionnels de santé. S'y ajoute
ensuite l'ordonnance n°96-316 du 24 avril 1996 qui donne l'obligation aux
établissements de santé d'informer les patients de leurs droits
en en assurant le respect.
C'est finalement à partir de novembre 1998 que les
premiers états généraux des malades sont
réalisés afin de faire entendre les revendications des patients
sur le système de santé pour en dégager des axes de
priorités à établir. C'est ainsi que « la
démocratie sanitaire » donne la possibilité aux
patients de se transformer en acteur de soin. Le 24 juin 2000, la
recommandation n° R (2000) 5 du Comité des ministres aux
États membres établit alors « le développement de
structures permettant la participation des citoyens et des patients au
processus décisionnel concernant les soins de santé ».
Enfin, les cinq messages clefs recueillis lors des états
généraux conduisent à créer les quatre grands
titres1 de la loi du 4 mars 2002.
Ainsi cette remise en cause du modèle relationnel
unilatéral a permis d'accorder au patient ce pouvoir de
co-décision ainsi que cette place d'acteur principal du soin. Le patient
devient donc valorisé et considéré par la reconnaissance
de ses droits aux yeux de la loi. Cette évolution de reconnaissance des
droits du patient ne repose pas seulement sur la manière de consentir
de
1 Le premier titre concerne la solidarité
envers toutes personnes et en particulier envers les personnes
handicapées, le second est à propos des droits des patients, le
troisième définit l'amélioration du système de
santé et enfin le quatrième titre est relatif à la prise
en charge des risques sanitaires et leur réparation.
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celui-ci, mais aussi sur la qualité de la
considération de sa dignité. C'est ce que prouve la loi du 4 mars
2002 par ces différents thèmes dont l'appel à la
dignité, au respect, à l'accès à l'information et
à la transparence du système de décisions. Comme le
résume Philippe Bataille, directeur d'étude en sociologie :
« la démocratie sanitaire ne revient pas seulement à
faire du malade un acteur autonome qui se libérerait des
dépendances de la maladie, pas plus un consommateur de soins
raisonnable, à peine un usager responsable, mais un citoyen
respecté et reconnu dans son droit à être malade, donc
protégé et garanti. ».
Pour conclure, nous pouvons citer l'IDE4 lorsqu'elle
énonce que « tout est dans la considération de la
personne même si c'est vrai que c'est sur le corps que tu vas faire le
soin mais [ce corps] a l'esprit, il a sa façon de penser, sa
façon de voir, donc [...] il faut englober l'ensemble ». Le
patient sujet est donc humanisé à partir du moment où il
est considéré dans sa globalité.
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