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Quelle(s) finalité(s) pour le droit du travail sénégalais?


par Alassane SECK
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en droit privé et sciences criminelles 2017
  

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CONCLUSION GENERALE

En définitive, le droit du travail sénégalais, qui était, jadis, fort protecteur envers le salarié, s'est progressivement relâché, au rythme des multiples réformes qu'il a souffert dans une perspective d'adaptation aux contingences du monde économique. Aujourd'hui, il est partagé entre l'économie et le social, l'épanouissement de l'entreprise et la protection des salariés. En même temps qu'il protège les travailleurs, il légitime, autorise leur soumission272. Le législateur a-t-il atteint, aujourd'hui, son ambition de 1997 lorsqu'il réformait le droit du travail ? Dans le projet de la loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant sur le nouveau Code du travail, on pouvait lire « le présent projet de loi a pour objet de réformer le Code du travail pour l'adapter aux réalités économiques et sociales de notre pays, en faire un vecteur dynamique de croissance (...) ; il a pour ambition de moderniser les relations sociales, de poser les jalons de l'épanouissement de l'entreprise sans déprotéger les travailleurs ».

Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que la précarité a atteint un niveau très élevé et l'on se demande si l'intérêt de l'entreprise n'a pas pris le dessus sur la protection des salariés. La neutralisation légale de l'effectivité de la protection des travailleurs a été accompagnée, de manière subtile, par l'inefficience des organes de contrôle. L'inspection du travail et de la sécurité sociale s'est vue, progressivement et de manière indirecte, dépouillée de ses prérogatives la privant des moyens indispensables à l'accomplissement de ses missions. Par ailleurs, les difficultés d'accès à la justice, ajoutées à celles d'exécution des décisions qu'elle rend, ont fini par réduire les possibilités de faire sanctionner les dérives des praticiens qui tendent à abuser des formes souples de mise au travail273.

La représentation collective que l'on croyait être la panacée pour décanter la situation par l'élaboration de normes professionnelles, garantes d'une prise en compte des intérêts divergents des partenaires sociaux, reste encore insuffisamment assurée. Les syndicats et les délégués du personnel, seuls organes de représentation, restent encore victimes de certaines pesanteurs. Ils n'ont pas accès à l'information économique et, bien souvent, manquent d'expertise274 alors Malheureusement, le projet d'Acte Uniforme relatif au droit du travail ne semble pas avoir pris la mesure de cette orientation. Tout au plus, envisage-t-il une présence syndicale dans l'entreprise sans en définir le contour. De même, on retrouve la même inertie dans l'application

272 E. PESKINE, C. WOLMARK, op. cit., p. 10

273 Y. BODIAN., « Précarité de l'emploi et droit du travail sénégalais », op. cit., p. 368.

274 I.Y. NDIAYE, Droit du travail sénégalais et transfert de normes, op. cit., p. 176.

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des conventions internationales ratifiées275. Il s'agit là autant de situations qui obscurcissent davantage la face du droit du travail sénégalais.

Une auteur s'interrogeait d'ailleurs sur l'avenir radieux que pourrait avoir un droit du travail dans un système de relations professionnelles dominé par des exigences antagonistes, entre un État envahi par les programmes d'ajustement et de réduction de déficit, de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, des entreprises préoccupées par leur survie et des objectifs de rentabilité dans un environnement économique marqué par une concurrence impitoyable, et des travailleurs plus soucieux de maintenir leurs emplois que de se lancer à la conquête de nouvelles conditions de travail plus avantageuses, pour ne pas dire plus humaines276. Assurément, la problématique demeure complexe.

Certes, il demeure pertinent de s'interroger sur la construction d'un modèle de politiques juridiques cohérentes et socialement acceptables qui assurent l'efficacité économique tout en évitant d'être trop défavorables aux travailleurs. Un droit du travail adapté aux réalités sénégalaises susceptible de prendre en charge tous les secteurs économiques277 y compris les relations professionnelles dans le secteur informel, secteur essentiel de la population active dans notre économie. Un droit du travail où l'interventionnisme législatif est quasi-néant mais, remplacé par une participation féconde des partenaires sociaux pour une libéralisation du domaine de la négociation collective dans l'entreprise. Nous estimons que la contractualisation du droit du travail est le meilleur moyen pour l'adapter à nos réalités actuelles.

275 Ibid.

276 M. SAMB., Réformes et réception des droits fondamentaux du travail au Sénégal, op. cit.

277 Ibid.

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