II.3 La néologie
La néologie est également un
phénomène résultant de celui de contact des langues et est
source d'enrichissement des langues. L'ensemble de mots d'une langue
donnée ne peut jamais être perçu comme clos. En effet les
locuteurs d'une langue donnée font souvent recours à des
créations des mots soit nouveaux ou à partir d'autres mots qui
existent déjà dans une autre langue, gardent partiellement ou
totalement la forme de ces mots, leurs sens. C'est ce qui fait que les langues
s'enrichissent et c'est dans cette optique que Bernard Quemada déclare
« qu'une langue qui ne connaîtrait aucune forme de
néologie serait déjà une langue morte, et l'on ne saurait
contester que l'histoire de toutes nos langues n'est, en somme, que l'histoire
de leur néologie. » (Bernard Quemada, 1971, P 138).
Nous tenons à souligner que nous avons relevé
très peu de néologie lors de l'analyse de notre
corpus.
Extrait de l'enregistrement N°8 :
I1: [ wallay ]
(du zarma et songhaï) il sait pas comment [
makanda ] aime la vie hein (rire) /../ [
makanda ] (rire) /.../ [ makanda ] euh
::::::: (rire) /
I3: (rire) comme les [
moudjs ] ( algériens) la qui se suicident
< qui ont les problèmes
Dans la première intervention (celle d'I1), nous
remarquons l'emploi du terme « makanda » à trois reprises et
dans la seconde (I3) l'emploi de « moudjs », il s'agit de deux
créations lexicales que nous avons observées quotidiennement chez
notre public. Ces termes leurs servent de repère. Pour les subsahariens
dans les résidences de l'université Salah Boubnider et en
Algérie en général ces deux néologismes signifient
:
? Est qualifié de « makanda » tout
étranger subsaharien ; ? Et est qualifié de « moudj »
tout algérien.
Pour le premier néologisme ils se sont inspirés
d'une province de Kongo central en République Démocratique du
Congo. Il s'agit donc d'une néologie de forme.
Quant au second « moudj » ils se sont
inspirés du mots « moudjahidine » terme de religion
désignant une personne qui prend les armes au nom de l'Islam et qui fait
le djihad (la guerre sainte qui défend la religion musulmane.)
Chapitre III Analyse des corpus et
présentation des résultats
80
II.4 Le registre de langues le plus fréquent
Le registre de langue ou encore niveaux de langue renvoie aux
différentes manières d'exprimer un même message au sein
d'une communauté linguistique donnée. En effet ces
différentes manières peuvent varier chez un même locuteur
ou bien d'un locuteur à un autre selon la situation de communication.
Cependant il existe plusieurs types de registre de langues, nous proposons
ci-joint la classification des registres selon Françoise
Gadet32 :
+ Soutenu : recherché, soigné, cultivé,
élaboré, contrôlé, tendu ; + Standard :
standardisé, courant, commun, neutralisé, usuel ; + Familier :
relâché, spontané, ordinaire ;
+ Populaire : vulgaire, argotique.
Nous sommes référés aux
caractéristiques de ces différents registres et dans notre corpus
nous avons remarqué que le plus fréquent est le registre familier
dont les caractéristiques sont :
> De nombreuses abréviations ;
> Forme interrogative directe simple et sans inversion du
sujet ;
> Un vocabulaire relâché ;
> Remplacement de « nous » par le pronom sujet
« on » ;
> La suppression de « ne » dans les locutions
négatives ;
> L'utilisation abusive du présent de l'indicatif ;
> Une prononciation plus rapide et moins soignée ;
> Une syntaxe simplifiée et souvent approximative : des
phrases courtes, parfois inache-
vées, ou au contraire, interminables; des phrases
nominales, souvent asyntaxiques.
La plupart des caractéristiques
énumérées ci-dessus sont attestées chez nos
enquêtés, plus précisément dans leurs productions
orales que nous avons soumis à l'analyse.
Dans les extraits suivants par exemple nous remarquons la
fréquence des interrogations directes, sans inversion du sujet :
Extrait de l'enregistrement N°3 :
I2 : tu peux arranger ça non
Extrait de l'enregistrement N°4 :
32 GADET Françoise, 2003, La Variation
sociale en français, Paris, Orphrys, P.99.
Chapitre III Analyse des corpus et
présentation des résultats
81
I1: euh tu as tu as
déjà déposé le mémoire ou bien
I2: non non non j' (ne) ai
pas encore fini il me reste les parties dédicaces et
xxx
I1: et tu vas déposer quand
I1: tu veux prier
Nous constatons dans l'extrait ci-dessous l'utilisation d'un
vocabulaire relâché. Extrait de l'enregistrement N°5 :
I4: il fait comme ça /./
aujourd'hui /./ il filmait comme ça
/./ il fait ça là /../ je le
taquinais quoi ah mais toi tu (ne) t'habilles
pas bien mais prouve que tu es avec moi oh :: je le taquinais
/../ ah le gars a sorti iPhone avec trois oreilles ah
j'ai vu ça (rire) y'a pas match
Dans les extraits suivant nous soulignons le remplacement de
« nous » par le pronom sujet « On » :
Extrait de l'enregistrement N°6 :
I3: vous faites la même chose
I2: oui on fait la même chose
Extrait de l'enregistrement N°7 :
I3: parce que genre c'est très risqué au
fait /./ genre /./ nous par exemple on (ne)
sera pas en contact direct avec les patients /./ mais
/./ c'est nous on doit contrôler genre le sous dosa
/ le sous dosage le sur dosage /../ donc si
tu fais une erreur là /
Extrait de l'enregistrement N°8 :
I2: moi-même je (ne)
sais pas (rire) /./ c'est casque ou bien on doit
acheter /./ mais ce qui est sûr on doit acheter marteau
(rire)
Nous avons également souligné dans la
quasi-totalité des enregistrements la suppression de « ne »
dans les locutions négatives que nous avons pris soin de mettre entre
parenthèses et en gras comme nous l'avons souligné dans le
protocole de transcription. À titre d'exemple nous pouvons citer :
Chapitre III Analyse des corpus et
présentation des résultats
82
Extrait de l'enregistrement N°8 :
I1: tu sais que même le coupecoupe /./
on (ne) vend pas ça comme ça
hein /./ et la
scie on ne nous vend pas ça /./ on
vous demande /../ on te regarde /./
bizarrement /./ on te regarde bizarrement et
après on te demande tu vas faire quoi avec /./ mais
j'en ai besoin je (ne) vais pas me suicider est-ce que je suis
suicidaire /./ eh /../ si j'ai envie de me suicider je pars je
me jette et puis c'est bon > /
Extrait de l'enregistrement N°4 :
I2: non non non j' (ne) ai pas encore fini
il me reste les parties dédicaces et xxx
I1: on est dans la même faculté
/./ mais eux ::: ils (ne)
font pas le truc de mémoire la /../ mais chez
nous y'a ça
I1: [ wallay ]
(du zarma ou songhaï) je (ne) sais /./
je (ne) sais pas
Extrait de l'enregistrement N°3 :
I2: tu vas ici là en haut la tu (ne)
vas pas toucher
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