Conclusion de la deuxieme partie
Conclusion generale
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INTRODUCTION GENERALE
1. La mondialisation rapide du système commercial et
du système financier, la libre circulation des marchandises, des
capitaux et de la main d'oeuvre, ainsi que le déplacement des bases de
la production industrielle et les progrès des technologies d'information
et de communication (TIC) ont considérablement transformé les
modèles de fonctionnement économique1.
En conséquence, l'évitement d'impôt est
« devenu plus facile dans le contexte actuel marqué par une grande
liberté et rapidité de circulation des capitaux et par le
développement du commerce électronique. Ces comportements ont
pour conséquence d'impacter négativement des ressources
disponibles pour le financement des services publics indispensables à la
collectivité nationale, de créer des distorsions de concurrence
et des inégalités au détriment des contribuables
honnêtes et de générer de leur part des frustrations et un
mécontentement justifié2».
2. Parler de fuite devant l'impôts, c'est parler
naturellement de fraude fiscale, mais également de fraude légale
ou légitime, de droit de résistance à l'oppression
fiscale, de fraude illégale, d'optimisation fiscale, de gestion fiscale
ou d'habilité fiscale, d'évasion légale, d'évasion
illégale, d'évasion internationale, de paradis fiscaux ou de
refuges bancaires, d'abus de droit ou d'acte anormal de gestion, de
sous-estimation fiscale, de dissimulation fiscale, d'économie
souterraine ou informelle, etc. Autrement dit, autour de la notion de fuite
devant l'impôt gravite tout un kaléidoscope d'images et toute une
mosaïque de situations, qui rendent très difficiles la
compréhension et la délimitation de ce phénomène
(Feld et Tyran, 2008)3.
Les stratégies d'évasions et de fraudes se
diversifient, se complexifient et s'internationalisent.
1 Organisation Mondiale des Douanes,
Directives visant à renforcer la coopération et
l'échange
d'informations entre les autorités douanières et
les autorités fiscales au niveau national, Octobre 2016, p.3
2 Monsieur Abdelhamid HASSOUNE, Séminaire
sur la réforme des politiques fiscales axées sur l'innovation et
la modernisation des institutions en charge de la collecte et de la gestion du
patrimoine public, Centre Africaine de Formation et de Recherche
Administratives pour le Développement, Hôtel Intercontinental
Tanger (Maroc), 29 Novembre-1er Décembre 2010, p.2
3 RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi : Civisme fiscal
au Maroc ; à la recherche du compromis, Vol 3 N°3, op.cit.,
p.343
9
3.
La fraude est considérée par la sociologie
fiscale comme une catégorie de déviance1. C'est «
la transgression des règles sociales et juridiques ou l'utilisation
pernicieuse ou pervertie » qui constitue un sujet inquiétant pour
l'Etat2.La fraude fiscale est un délit contre toute la
société3.
En revanche, l'évasion fiscale vise à
réduire l'imposition en utilisant des failles du système fiscal
pour le contourner. Elle concerne autant les particuliers que les entreprises.
L'évasion fiscale est un évitement de l'impôt qui se trouve
à la frontière de la fraude fiscale4.
Selon l'OCDE, l'évasion fiscale est
caractérisée par la réunion des trois
éléments : le détournement de l'intention du
législateur, l'existence d'un élément d'artifice et un
élément de confidentialité. On distingue l'évasion
interne et internationale, l'évasion légale et
illégale.
4. La majorité des gens ont tendances à
confondre entre fraude et évasion. Les deux notions ne sont pas
identiques, si la fraude fiscale signifie l'usage de manoeuvre frauduleuse pour
fuir l'impôt : c'est une infraction. L'évasion signifie alors
l'exploitation des défaillances au niveau des textes fiscaux pour payer
moins d'impôt : Elle est licite.
C'est sans doute au regard des deux notions juridiques
préexistantes de « fraude fiscale » et d'« évasion
fiscale » que le concept légal d' « abus fiscal » a
été ainsi dénommé5.
5. Quant à l'optimisation fiscale, il s'agit d'une
« pratique légale répandue, qui se distingue de
l'évasion et de la fraude. Entre l'optimisation et l'évasion ou
la fraude, il y a une différence de nature, et non une différence
de degré, comme le laissent entendre certaines ONG et même
certains gouvernements. En outre, l'optimisation fiscale n'est possible que
parce que la législation fiscale varie d'un pays à l'autre dans
des proportions importantes6 ».
6. L'Etat pour lutter contre ces inégalités
fiscales doit prendre des mesures appropriées, notamment la
fiscalité qui comporte deux éléments fondamentaux : le
niveau des recettes fiscales collectées et la manière dont ces
recettes fiscales sont prélevées, en d'autres termes
1Mohamed HARAKAT, Gouvernance et contentieux fiscal
(le cas du Maroc), Professeur à l'Université Mohammed V, Rabat,
op.cit., p.426
2Mohamed HARAKAT, ibid., op.cit., p.426
3RGUIG Mohammed & GUEMMI Faouzi, ibid, p.355
4Marc Uzan avocat fiscaliste, «
L'évasion fiscale, c'est quoi ? Suis-je concerné ? Quels sont les
risques ? 20 mai 2019
https://uzan-avocat.fr/l-evasion-fiscale-c-est-quoi-suis-je-concerne-quels-sont-les-risques
5Aymeric NOLLET, De l'« abus fiscal » ou
quand des actes juridiques des contribuables sont inopposables au fisc pour
l'établissement de l'impôt-Essai d'une théorie
générale et critique en droit fiscal belge, Thèse de
doctorat en sciences juridiques à l'Université de Liège et
à l'Université d'Anvers ,p.53
6SENAT, Proposition de directive du Conseil
modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange
automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal,18/03/2015,
http://www.senat.fr/ue/pac/EUR000001232.html
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la structure fiscale. Elle doit aussi procéder à
la collecte de l'impôt qui est l'objectif principal pour financer
l'économie.
7. La fiscalité est un outil fort à la
disposition des puissances publiques, surtout dans les pays en voie de
développement, pour orienter la politique économique vers la
réalisation de la croissance et le progrès économique et
social1.
Fiscalité équitable et lutte contre
l'évasion fiscale, sont les deux faces d'une même
pièce2. Edwy Plenel3 illustre que
: « la fiscalité n'est pas l'ennemie de la liberté, qui
comprend celles de s'enrichir. Mais elle civilise cette liberté
individuelle en l'insérant dans une relation collective ou chacun,
à la mesure de ses moyens, contribue à la richesse nationale,
afin qu'il y ait des écoles, des hôpitaux, des routes...Dans
l'espoir qu'ainsi personne ne sera laissé en dehors de la cité
commune ».
8. A travers le monde, la fiscalité est
considérée à la fois comme une importante source de
financement pour les Etats et un tremplin pour encourager les investissements
intérieurs et étrangers4.Au Maroc, elle permet de
couvrir une part importante du besoin de financement de
l'économie5.
La fiscalité a pour objectif principal d'assurer le
financement des services publics dont un pays veut se doter. Ce sont donc les
choix de société faits par les citoyens qui doivent
déterminer le niveau du prélèvement fiscal6.
9. La fiscalité permet aux États d'investir
dans le développement, d'atténuer la pauvreté et de
fournir des services publics, de sorte à pouvoir soutenir la croissance
sur le long terme7.Elle est nécessaire pour le
développement des nations.
La fiscalité est en effet, un moyen efficace pour
orienter les décisions des agents économiques (producteurs,
consommateurs, épargnants...)8. Ainsi qu'elle « doit
être comprise d'abord comme un fait politique et social ». La
contribution au bien général, est un élément de
dignité du citoyen. L'impôt trouve ici tout son sens, c'est le
critère
1 Meryem CHIADMI, Mohamed KARIM et Meriem OBADA,
Structure de la fiscalité marocaine entre les considérations
d'équité sociale et d'efficacité économique : Une
analyse en équilibre général appliquée, Professeurs
à l'Université Mohammed V - Souissi, FSJES-Salé, AMSE
(Association Marocaine de Sciences Economiques), WP N° 2013- 14,
p.2
2 RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, ibid., p.354
3 Edwy Plenel, né le 31 août 1952
à Nantes, est un journaliste politique français
4 ELHARRANE Lalla Mérieme, la réforme
fiscale au Maroc, Casablanca, Revue Espace Géographique et
Société Marocaine N°14/2016, p.87
5 ELHARRANE Lalla Mérieme, ibid., p.87
6 Les impôts au Maroc : Techniques et
procédures, Mohammed NMILI, Rabat,2017, p.11
7 Rapport, les travaux de l'OCDE dans le domaine de la
fiscalité et du développement, 2018-2019, p.9
8 Précis de fiscalité Marocaine
de l'entreprise-Tome1, Mohamed RIGAR, 4éme édition,
Marrakech, Septembre 2015, p.8
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d'appartenance à la société. Nous avons
besoin d'une contribution commune, pour construire une société
civilisée, organisée et protectrice. Cette contribution commune
s'appelle la démocratie. Henry Morgenthau,
secrétaire du Trésor du président américain
Franklin Roosevelt, disait : « L'impôt est le prix à payer
pour une société civilisée, trop de citoyens veulent la
civilisation au rabais ».
On remarque, que les impôts existent de tous le temps et
de tous les lieux1.
10. Beaucoup d'économiste ont traité la
relation entre impôt et croissance économique, une relation
implicitement basée sur le civisme fiscal2.
Il s'agit essentiellement de montrer que le civisme fiscal
existe dans l'écart entre un comportement idéalement citoyen et
la réalité des pratiques, entre le citoyen responsable, conscient
du geste qu'il accomplit en signant sa déclaration, et l'artisan
réglant sa conduite sur les normes informelles qui régissent,
dans sa profession, l'équilibre entre travail au noir et activité
déclarée3.
11. À tous les niveaux, que ce soit celui de l'Europe,
du pays, de la région, du département, de la commune, le pacte
social ne peut prospérer que si chacun acquitte une contribution juste,
à la mesure de ses moyens. Sans cette équité, sans cet
engagement partagé, sans consentement à l'impôt, il n'y a
pas de « vivre ensemble » possible4.Alors qu'un bon
impôt est celui qui est juste, équitable, non confiscatoire, non
pénalisant et qui doit servir l'intérêt de la
communauté. Il est lié à l'évolution des
sociétés, comme l'a écrit E.Seligmann ,
« le citoyen de l'Etat moderne considère l'impôt comme une
institution naturelle, si désagréable qu'il5».
Pour les contribuables « l'impôt est vécu
comme une contrainte6», en fait l'impôt est une condition
première de la justice fiscale.
12. Le Maroc et d'autres pays ont des difficultés
à mesurer l'évasion fiscale, car il est caractérisé
par un caractère secret et difficile à prouver. Le plus grand
problème est la question de preuve. Autrement dit, que le juge ici a un
rôle d'appréciation prépondérant. Si le contribuable
a recours à des moyens illégaux, l'évasion s'apparente
à de la fraude.
1 Précis de fiscalité Marocaine de
l'entreprise-Tome1, Mohamed RIGAR, 4éme édition, Marrakech,
Septembre 2015, p.21
2 RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, ibid., p.343
3 RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, ibid, p.340
4 Sans Domicile fisc, les frères
Bocquet Alain et Éric avec la collaboration de Pierre Gaumeton,
Paris,2016, p.70
5 E. SELIGMANN,op.cit.
6 Les frères Bocquet Alain et Eric, ibid.,
p.67
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Cependant, s'il s'appuie sur des techniques licites comme le
montage juridique artificiel, l'évasion devient de l'optimisation.
13. Par ailleurs, l'Etat ne doit pas
négliger la justice voire l'équité fiscale au niveau de
son système fiscal.
La justice fiscale a fait l'objet de la troisième
assise à Skhirat, au cours de laquelle le Ministre a annoncé :
« Le système fiscal national va à l'encontre du principe
d'équité fiscale et devrait être changé. En fait,
à revenus égaux, il faut des impositions
égales1 ».
Un constat que fait Nicolas Hulot2
:« L'équité n'est plus une option, c'est une condition de la
paix ».
Pour avancer vers cette solidarité, il faut une
répartition équitable, un système porter une
efficacité économique, justice et démocratie. Parce qu'un
régime fiscal solide permet d'améliorer la transparence et
l'équité et de combattre la corruption, les systèmes
nationaux de collecte des impôts favorisent également
l'établissement d'un cadre plus propice à l'investissement
privé3.
1 C'est ce qui ressort du discours prononcé par
Mohamed BENCHAABOUN, ministre de l'Economie et des Finances, à
l'ouverture à Skhirat des 3ème Assises de la fiscalité.
2 Nicolas HULOT : Né le 30 avril 1955 à
Lille, Ancien Ministre de l'Écologie du développement durable et
de l'Energie, Journaliste, Homme d'affaires et politique.
3 Rapport, les travaux de l'OCDE dans le domaine de la
fiscalité et du développement,2018-2019, p.9
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OBJET DE L'ETUDE
Intérêt du sujet :
14. Tous les pays du monde, quel que soit leur niveau de
développement, souffrent de l'existence de fraude fiscale et
d'évasion fiscale.
L'importance de la recherche est attestée par
l'importance des impôts en tant que l'un des outils efficaces pour doter
le trésor des ressources financières pour couvrir ses diverses
dépenses.
Cependant, au moment où l'Etat a besoin de recettes pour
assurer ce développement, des personnes aussi bien morales que physiques
font tout pour échapper au paiement de l'impôt.
15. C'est ainsi que ;
- L'importance de cette étude tient
à ces mauvais effets du phénomène de l'évasion
fiscale, qui a fait circuler d'énormes sommes d'argent sans
contrôle ni déduction, en privant ainsi le trésor
public.
- L'émergence du contrôle comme
outil important dans la lutte contre l'évasion fiscale. -
Mettre en évidence le rôle de la justice fiscale dans la
réalisation du principe de justice sociale.
Objectifs de recherche :
16. La recherche de notre mémoire a pour but :
- Insuffler une culture fiscale parmi les
contribuables afin de réduire les opérations d'évasion
fiscale qui nuisent à l'économie nationale.
- Mettez en évidence les dispositifs
fondés sur la lutte contre l'évasion fiscale et les moyens et
mesures les plus importants qui y sont pris.
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La problématique :
17. La problématique que nous soulevons est la
suivante : Les moyens utilisés par l'Etat sont-ils suffisants
pour lutter contre l'évasion fiscale au Maroc ?
Il existe d'autres questions que nous soulevons et
auxquelles, nous essaierons aux répondre, sont les suivantes :
- Quelles sont les formes que l'évasion fiscale
peut revêtir ?
- Quels sont les causes et les techniques que
soulève l'évasion fiscale ?
- Quels sont les moyens et techniques de lutte contre
l'évasion fiscale au niveau national et au niveau international
?
- Quelles sont les règles procédurales qui
gouvernent le contrôle fiscal ?
- Selon les mesures envisagées au Maroc pour
éviter l'évasion fiscale, peuvent-elles accéder à
la justice fiscale ?
Méthodologie de travail :
18. Le développement stratégique de la
présente mémoire s'articule autour des axes ci-après :
- Définition du concept d'évasion
interne et internationale ;
- Distinction entre l'évasion fiscale et
la fraude fiscale ;
- Détermination des causes et pratiques
de l'évasion fiscale ;
- Détermination des effets de
l'évasion fiscale ;
- Définir les moyens de lutte contre
l'évasion fiscale au niveau national et
international.
19. Par conséquent, cette mémoire sera
divisée en deux axes de recherche :
La première partie présentera une approche
d'ensemble sur l'évasion fiscale, en
faisant la distinction entre deux phénomènes qui
prêtent souvent à confusion la fraude et l'évasion fiscales
et en déterminant les diverses causes de cette dernière.
On évoquera aussi avec un grand intérêt
les développements concernant les pratiques voire les techniques de
l'évasion utilisées.
De même que les effets de l'évasion fiscale aussi
bien sur le plan économique et financière que sur le plan social
et politique.
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La deuxième partie viendra logiquement étudier
les moyens dont dispose l'Etat pour tenter d'endiguer l'évasion
fiscale.
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