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Industrie 4.0, une revolution industrielle et sociale ?


par Vincent Kergueme
ESLI - Master 2 2020
  

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B. L'industrie du futur et ses conséquences sur le monde du travail

Que signifie l'industrie du futur pour l'homme au travail ?

On voit dès aujourd'hui se dessiner les tendances suivantes. Premièrement, l'organisation du travail est de plus en plus flexible dans le temps et dans l'espace. Deuxièmement, les opérations tendent à s'affranchir des hiérarchies et du centralisme. Troisièmement, les processus gagnent en transparence. Quatrièmement, de plus en plus de tâches routinières sont numérisées et automatisées.

La question au coeur de toutes les préoccupations est la suivante : la progression du numérique va-t-elle condamner au chômage les personnes travaillant dans les entreprises de production ? Il semble difficile d'apporter une réponse définitive à cette question, tant les analyses demeurent incertaines.

1. Conséquences à l'échelle macroéconomique pour l'emploi

La disparition des emplois ?

Alors que les révolutions technologiques successives se sont accompagnées jusqu'à présent du développement de l'emploi suite à des redistributions (le « déversement sectoriel » d'Alfred Sauvy), la diffusion du numérique - et demain de l'intelligence artificielle - dans les sites de production fait craindre une diminution globale du besoin en travail humain. De nombreuses études, parfois contradictoires, certaines très alarmistes, d'autres plus rassurantes, font état du remplacement du travail humain par des robots ou d'autres formes d'automatisation des tâches.

Par ailleurs, l'épuisement des ressources naturelles et les enjeux climatiques, amènent à repenser le modèle de croissance qui doit évoluer vers une plus grande sobriété. Une priorité environnementale qui pourrait peser sur l'activité économique tandis que la productivité, avec la numérisation de l'industrie, continuera à progresser. Les effets conjugués de ces deux phénomènes pourraient réduire les marges de redistribution, comme jamais ce ne fut le cas antérieurement.

« Le remplacement de l'homme par la machine est peu à peu devenu une réalité ». C'est ce qu'affirme le cabinet Roland Berger Strategy Consultants dans un rapport de 2014 intitulé Les classes moyennes face à la transformation digitale. Dans ce rapport, le cabinet affirme que 42 % des métiers seront automatisables d'ici à 20 ans. Et ce ne seront pas uniquement des métiers manuels. D'ici à 2025, 3 millions d'emplois risqueraient d'être détruits en France par la digitalisation de l'économie. Cette étude suivait celle, très commentée, de deux chercheurs de l'université d'Oxford, Frey et Osborne, affirmant que 47 % des emplois aux États- Unis présentent un fort risque d'automatisation d'ici 10 à 20 ans.

La méthode pour parvenir à ces estimations - et donc la signification même de ces chiffres - sont très controversées. Vu d'Allemagne, ce scénario semble d'autant moins réaliste que les systèmes de production et les profils de qualification y sont différents de ceux des États-Unis. En outre, les conséquences de l'industrie 4.0 sur l'emploi pourraient être moins drastiques en Allemagne que dans d'autres pays, ne serait-ce que du fait de l'évolution démographique et du risque de manque de main-d'oeuvre qualifiée.

Un tel scénario catastrophe est également contesté en France : le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), une instance d'expertise rattachée aux services du Premier ministre, indique que ce sont « seulement » moins de 10 % des emplois en France qui sont en danger à cause de l'automatisation. Il préfère souligner l'impact positif, sans pouvoir le chiffrer, que la numérisation de l'économie peut avoir sur les créations d'emplois. « Parmi les 149 nouveaux métiers apparus depuis 2010, 105 appartiennent au domaine du numérique », soulignent les auteurs du document.

En réalité, personne n'est vraiment capable de prédire, au niveau macro-économique, par quels nouveaux emplois les emplois perdus seront compensés. Mais selon Louis Gallois, il importe que les futurs emplois créés soient, dans des proportions aussi fortes que possible, des emplois exposés à la concurrence mondiale, car ces types d'emploi sont mieux rémunérés et ont un effet d'entraînement plus important sur le reste de l'économie. Par nature, tous les territoires sont en compétition entre eux pour attirer et fixer les emplois « nomades ». Ce qui nécessite une réflexion poussée sur les conditions d'attractivité territoriale de ces emplois, qui reposeront sur la qualité des infrastructures matérielles et immatérielles, concentrées dans des pôles interconnectés ou « hubs ».

La polarisation des emplois ?

Parmi les conséquences de la numérisation de l'économie, on évoque également depuis plusieurs années la « polarisation » de l'emploi. Cette thèse renvoie à l'idée que la part des métiers les plus qualifiés augmente, de même que la part des métiers les moins qualifiés, alors que la part des emplois intermédiaires diminue. On parle alors de courbe en U ou smiling curve. Cette tendance semble surtout vérifiée aux États-Unis. En France, on observe effectivement une élévation de la part des plus qualifiés, mais la part des moins qualifiés ne croît qu'en raison de la récente explosion des emplois de services à la personne : si l'on fait abstraction de ce phénomène, les emplois sont détruits d'autant plus vite qu'ils sont moins qualifiés, notamment dans l'industrie. L'avenir de ces évolutions reste incertain : d'aucuns pensent que les tâches routinières vont connaître une disparition accélérée qui touchera l'ensemble des qualifications, qu'elles soient faibles ou élevées, et l'ensemble des secteurs (industrie et services). Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, en France, on observe que le chômage de masse touche prioritairement les moins qualifiés, comme l'indique le graphique 7ci-après, ce qui justifie d'inciter les jeunes à acquérir un niveau élevé de qualification.

La tendance qui se dessine est donc celle d'un nécessaire monté en compétences du travail humain, qui devra aller de pair avec une réforme profonde des systèmes éducatifs et de la formation tout au long de la vie professionnelle, afin d'assurer aux travailleurs le niveau requis par des emplois de plus en plus exigeants, et d'accompagner les reconversions issues de la redistribution des activités.

Figure 7. Le chômage de masse concerne en France les travailleurs peu qualifiés

Source : Marché du travail : la grande fracture, Institut Montaigne

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore