6 CHAPITRE 3 :
REVUE DE LA LITTERATURE
D'après Aktouf (1987 : 55), la
revue de la littérature est « l'état des
connaissances sur un sujet ». Il s'agit d'une recension
sélective des travaux ayant trait au sujet dont aborde le chercheur.
Dans le cadre de notre étude, nous allons aborder principalement les
notions de qualité de vie d'une part et de projets structurants en lien
avec la question du développement d'autre part.
6.1.1 3.1. La
notion de qualité de vie
Nous examinerons cette notion sous cinq
aspects : historique du concept de qualité de vie, la
qualité de vie vue sous son aspect environnemental, la qualité de
vie en relation avec la santé, la qualité de vie vue comme un
tout et les indicateurs de la qualité de vie.
6.1.2 3.1.1.
Historique du concept de qualité de vie
Un certain nombre d'auteurs comme Bech (1987), Mercier et
Filion (1987), Perault (1992), Shea et King-Farlow (1976), Spitzer (1986)
s'accordent pour dire qu'à l'origine, le terme de Qualité de la
Vie est « un slogan », « un slogan
politique », « un slogan
américain » lancé par Lyndon B. Johnson en 1964
dans son message à la nation intitulé « The Great
Society ». Ce Slogan s'inscrit dans le coeur même de la
constitution américaine de Jefferson qui fait du bonheur, un droit
inaliénable de tout citoyen américain (Spitzer, 1986).
L'intérêt politique du vocable était
d'être suffisamment flou pour englober tant les éléments de
la Qualité de Vie Objective que Subjective, mais surtout de donner
à l'« American Way of life » une dimension
morale, un but. Quant au contenu du concept, il est dès le
départ laissé à l'appréciation du citoyen
américain et non aux scientifiques ou aux technocrates.
Nous retiendrons que pour l'ensemble des auteurs de cette
époque, bonheur et qualité de vie se situaient dans des univers
conceptuels proches l'un de l'autre : le bonheur était éminemment
subjectif, composé essentiellement d'affects positifs, de l'ordre de la
complétude, avec pour antonyme le malheur évoquant, en anglais,
tant la souffrance que la malchance. La qualité de vie avait une
connotation plus réaliste et ouvrait l'espoir de pouvoir établir
des indicateurs ou standards objectivables (opérationnels).
Les sociologues et psychosociologues insistèrent,
dès le début, sur le fait que seul le « bonheur
exprimé » (avowed happiness) était du champ de la
recherche scientifique par l'approche des opinions et des attitudes (Shin et
Jonhson, 1978). Ils soulignèrent cependant le biais introduit par cette
méthodologie : toute échelle de bonheur exprimée
surestimant le bonheur au mal-être (Goldings, 1954). Cette remarque a
son importance : on ne sera pas étonné du fait que l'ensemble des
études sur le sujet constate une distribution asymétrique des
réponses exprimées.
Le concept de qualité de vie s'est construit au fil du
temps par l'intégration de différents indicateurs issus de
diverses disciplines : le bonheur (philosophie), le
bien-êtrematériel et le bien être subjectif
(sociologie et psychologie), la santé physique
(médecine), et la santé mentale (psychiatrie).
Selon Mercier et Corten (1994) trois grands courants
conceptuels vont émerger notamment la Qualité de Vie vue sur
son aspect environnemental, la Qualité de Vie en relation avec la
Santé et la Qualité de Vie abordant tous les domaines de la vie
et vue comme un tout.
3.1.2. La Qualité de vie vue sur son aspect
environnemental
Les premières études ont concerné les
secteurs proches des programmes politiques : pollution, nuisances, crimes,
délinquance, revenus, confort, indicateurs sociaux... Elles se
basaient, essentiellement, sur des critèresobjectifs (Mercier, 1994).
Ainsi, a-t-on pu établir une cartographie de la meilleure à la
pire des villes américaine, ou de pays entre eux (Rabier, J.R., 1974).
Une grande étude fut lancée en 1969 par l'US Departement of
Health and Education et elle aboutissait à deux conclusions qui allaient
donner au concept de Qualité de Vie une nouvelle dimension. D'une part,
il n'y a pas de corrélation entre les conditions objectives de vie
observées et le vécu des populations. A partir de ce moment, un
autre type d'approche de la Qualité de Vie va émerger : la
Qualité de Vie subjective(Demaison, M., 1994).
D'autre part, Il n'y a pas de corrélation entre les
évaluations d'un observateur externe et l'appréciation des
individus eux-mêmes. Bref, si l'on veut étudier la Qualité
de la Vie Subjective, il n'y a qu'un seul observateur compétent pour
dire que sa vie est de qualité ou pas : le sujet lui-même.
« Si vous voulez savoir combien je suis heureux, eh bien, vous
n'avez qu'à me le demander » disaient Irwin et Kamman
(1979) dans le titre d'un de leurs articles. Dans ce sens l'enquête
auprès des personnes vivant à proximité de la centrale
à gaz de Kribi nous permettra, à partir de leurs réponses,
de voir l'incidence du projet sur leur qualité de vie.
3.1.3. La Qualité de vie en relation avec la
Santé
Lorsque l'OMS va décréter que la santé
n'est pas uniquement l'absence de maladie, les chercheurs dans le champ de la
médecine, vont explorer d'autres composantes que la symptomatologie, la
morbidité ou la mortalité. Ainsi, va émerger un concept
« d'Etat de Santé » (Health Status)
(Torrance, 1976 ; Patrick, 1976) qui aboutira à celui de
Qualité de Vie liée à la santé (Health Related
Quality of Life).
A nouveau, la première démarche se fera du
côté des variables objectivesou objectivables. Ainsi va
naître toute une réflexion autour de l'implication des troubles
fonctionnels sur la santé. Dans un premier temps, ce sont les
capacités fonctionnelles sur le plan physique qui seront les plus
étudiées (mobilité, activités de la vie
journalière...) (Berg, Hallaner et Berk, 1976). Dans le cadre de
l'approche psychosociologique, le concept de qualité de vie lié
à la santé s'intéresse à la « perception
subjective qu'a un individu de son état physique
(fonctionnementorganique), émotionnel (psychique) et social (aptitude
à engager des relations avec autrui)après avoir pris en
considération les effets de la maladie et de son traitement
(séquelles,handicap) » (Millat, 1996, cité par Morin,
2004). La santé physique renvoie à l'état physique du
sujet mis en évidence par la prise en compte de symptômes et
d'indicateurs biologiques (la douleur, le sommeil, la fatigue, l'énergie
etc.) mais aussi aux capacités fonctionnelles. Celles-ci renvoient
notamment à la mobilité du sujet et à son degré
d'autonomie (ou de dépendance).
Dans bon nombre d'études, les capacités
fonctionnelles sur le plan social seront inclues en s'intéressant,
essentiellement, aux « rôles sociaux » (comme le
travail) (Patrick et Erickson, 1987)et les « interactions
sociales » (Guadagnoli et Mor, 1990). Mais bien souvent, ces
fonctionnalités sociales sont considérées dans un sens
assez restreint. Certains auteurs - et non des moindres (Torrance, 1987)
excluent même, a priori, le fonctionnement social du concept de
Qualité de Vie liée à la Santé. Enfin, vers la fin
des années 80, la dimension mentale entrera dans le concept de
Qualité de Vie liée à la santé, à travers
les capacités intellectuelles d'abord (vieillissement et retard mental),
et l'impact des maladies mentales ensuite. La dimension psychologique fait
notamment appel aux dysfonctionnements et aux perturbations psychiques
attribuables à la maladie et aux traitements.
Toutes ces études s'intéressent plus
particulièrement aux problèmes de dépendance et, par
extension, feront appel au concept d'autonomie. Cette approche des troubles
fonctionnels et de l'autonomie, a donné lieu à une
littérature abondante, concernant les habiletés sociales et les
compétences (Chambon et al., 1992), de même qu'un essai de
classification par l'OMS (1989). Elle tentait de différencier :
déficience (perte de substance ou altération d'une structure ou
d'une fonction.), incapacité (correspond à toute réduction
de capacité à accomplir une activité
« normale ») et handicap (correspond à un
désavantage pour exercer pleinement un rôle). Cette classification
n'a cependant pas eu le succès escompté, vu ses
difficultés sémantiques et ses difficultés
opérationnelles, en particulier en psychiatrie (Wiersma, 1986).
Pour résumer, les études de la Qualité de
la Vie liée à la santé ont développé une
approche multiaxiale, tenant compte des symptômes, des troubles
fonctionnels et de la souffrance. Ne faut-il pas quelque chose de plus que
l'absence de souffrance, comme le plaisir surajouté ? Ne faut-il pas
quelque chose de plus que l'absence d'handicap, comme la capacité
à se dépasser ? Ne faut-il pas quelque chose de plus que
l'absence de symptôme, comme la vitalité et l'énergie ?
Il est certes vrai que, ces dimensions, de la qualité
de vie liée à la santé sont pertinentes car celui qui est
en santé est bien portant et donc capable des actions dans le sens
d'améliorer sa vie. Cependant notre étude insiste sur le fait que
par exemple en situation de pauvreté, bien qu'étant en
santé, on ne peut prétendre à une bonne qualité de
vie. C'est pourquoi nous insistons sur l'objectif 1 des OMD
(« réduire l'extrême pauvreté et la
faim »)
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