La protection juridique des droits de l’enfant en situation de conflit armé: l’exemple de la république centrafricainepar Stephane YOUFEINA Universite de Nantes en France - Master 2 en Droit International et Europeen des Droits Fondamentaux 2017 |
Paragraphe2: La faiblesse des actions des Organisations non gouvernementalesIl s'agit ici d'analyser les limites des actions de la Minusca (A) avant de voir celles des autres organisations non gouvernementales (B) par rapport la protection de l'enfant en situation de conflit armé en Centrafrique. A. Les limites des actions de la Minusca en CentrafriqueLa persistance des violations des droits de l'enfant en présence des contingents Onusiens, révèle l'absence d'une efficacité en ce qui concerne la protection des enfants et des civiles. La situation dramatique des droits de l'enfant malgré la présence des Casques bleus a pour explication les problèmes stratégiques que connaissent ces opérations. Malgré les bonnes intentions des Nations Unies, le mandat de protection des civils attribué aux missions se solde toujours par des échecs, d'où l'expression de crise du maintien de la paix employée par des auteurs qui estiment que « les casques bleus sont déployés dans les zones de plus en plus risquées, sans processus de paix préalable, et pour mettre en oeuvre des mandats76(*). Premièrement, la notion de protection des enfants n'est pas assez claire pour les casques bleus77(*). Les rapports des experts indépendants rendus publics ont révélés en février 2016 et en mars 2018 ont mentionné des cas d'abus sexuels dont les militaires des opérations de maintien de la paix sont présumés auteurs en Centrafrique. Ce manque de clarté dans les mandats complique la tâche de ces dernières dans le domaine de la protection des civils et est l'un des facteurs entrainant la persistance des violations des droits de l'enfant. Au niveau stratégique, l'on constate le manque d'une réflexion systématique sur la façon dont pourraient intervenir les forces militaires en cas de massacre. Ce manque de stratégie diminue les potentialités des missions dans la protection des civils. C'est la raison pour laquelle dans certains conflits comme en Centrafrique, les missions se sont soldées par des échecs malgré les moyens importants mis à leur disposition. Les moyens sans la stratégie ne peuvent pas produire d'effets, une stratégie efficace pour la protection des enfants sur le terrain des conflits se présente comme un gage de réussite78(*). Le maintien de la paix des Nations-unies s'est avéré être un instrument essentiel pour la paix et la sécurité mondiales au fil des ans.Ces dernières années, l'on constate que les missions ont été déployées dans des environnements de plus en plus difficiles et complexes, et que la demande de maintien de la paix ne cesse d'augmenter. La mise en oeuvre du mandat est entravée par la lenteur des troupes sur le terrain, la micro-gestion par des organes directeurs, un déficit de confiance avec les États membres et le personnel, des ressources inadéquates, une mise en oeuvre inefficace des mandats et le manque de transparence et de responsabilisation79(*). Les solutions politiques sont souvent absentes et les missions semblent avoir des mandats qui manquent d'orientation et de priorités claires. Des menaces complexes dans plusieurs environnements provoquent une augmentation du nombre de victimes et de blessés parmi les Casques bleus, et les missions ont parfois manqué de personnel et d'équipement pour faire face à ces menaces. Les opérations de maintien de la paix ont également rencontré des difficultés pour s'acquitter de mandats de protection et pour contribuer à une paix durable à long terme, et pour parvenir à la cohérence avec d'autres acteurs opérant dans les mêmes contextes. De tout ce qui précède, seule une reforme pourra rendre efficaces les missions de maintien de la paix à travers le monde.Actuellement beaucoup des enfants en Centrafrique continuent de vivre les atrocités dans un pays où 12 préfectures sur les 16 que compte le pays. Ils sont devenus les témoins directs et impuissants des atrocités commises contre leurs parents ou d'autres membres de leur famille80(*). Ils sont tués, mutilés, recrutés, pour combattre, emprisonnés ou séparés de leur famille. L'enfant qui participe aux hostilités est non seulement placé en danger de mort, mais devient cible, à cause de son comportement immature et passionné. Arraché à l'environnement qui leur est familier, même celui qui réussit à s'échapper n'a aucune certitude quant à son avenir et à celui de ses proches. Ce sont là des expériences doucereuses pour les enfants dont l'enfance a été brisée par la guerre. En guise d'illustration le rapport du Secrétaire Général de l'ONU rendu public en 2014 sur les enfants et les conflits armés cite, dans la liste des forces ou groupes armés qui recrutent ou utilisent des enfants-soldats, les parties aux conflits en RCA, au Burundi, au Liberia, en Somalie et en RDC81(*). B. Les limites des actions humanitaires en faveur des enfants associés aux conflits armés La réponse apportée par les acteurs principaux de la protection des enfants en période de conflit armé a, en fait, montré l'ampleur de la tâche à accomplir dans la période post-crise. L'accès humanitaire est toujours limité aux zones non accessibles aux éléments des forces de sécurité et de défense. Si l'accent a été mis dans le domaine de la santé et l'éducation, par contre, la protection sociale et la prévention des enfants contre les utilisations et les exploitations diverses sont restées difficilement applicables dans la situation où les populations n'ont pas le minimum pour leur survie. L'élan de solidarité nationale et internationale qui s'est manifestée au lendemain de la crise et l'appui du Gouvernement a permis de mobiliser plusieurs dons, dont les médicaments, les dons en nature et en espèces, les prises en charge scolaire, médicale et du matériel. Le rapport du ministère des actions humanitaires de mars 2018 indique des vivres (riz, lait, huile, etc.) et des non vivres (savon, vêtement, carburant) qui ont été recueillis82(*). Le Gouvernement, à travers le ministère de solidarité et action humanitaire, a effectué des missions d'évaluation de la situation et des réponses. Notons que malgré la bonne volonté du Gouvernement et de ses partenaires, cette assistance va s'avérer insuffisante face à la persistance de la guerre et du nombre croissant des personnes déplacées83(*). Aussi force est de constater que la question de la protection des enfants n'a pas été inscrite dans la mission des différentes composantes de l'action des acteurs humanitaire de manière efficace. Ces organisations souhaitent que leur réponse tienne compte de la situation des enfants déplacés et ceux en proie dans les groupes armés mais n'ont toujours pas l'accès pour aller vers certains enfants surtout ceux dans les zones sous contrôle des groupes armés. L'attaque a répétition contre les sites des déplacés notamment à kaga-Bandoro en mars 2017, à Batangafo en juin 2017, à Alindao en mars 2018 explique à suffisance les difficultés que les acteurs humanitaires rencontrent dans leurs mission. A ces difficultés d'accès s'ajoutent les attaques ciblées contre le personnel humanitaire dans les zones sous contrôles des groupes armés. Un rapport du comité international de la croix rouge (CICR) rendu public en octobre 2018 fait état de 29 acteurs humanitaires nationaux comme internationaux tués dans l'exercice de leurs missions en Centrafrique dans la période de 2016-2018 en Centrafrique84(*). Les acteurs sociaux souhaitent également que tous les enfants victimes soient recensés afin de mieux cerner leurs problèmes et identifier les plus vulnérables. Cette attente est motivée par la volonté des acteurs sociaux d'appréhender les impacts de la crise sur les enfants, et les mesures à prendre par le gouvernement et les autres intervenants85(*). L'Invisible Children qui est une ONG américaine qui travaille sur la protection des enfants associés aux groupes armés a créé plusieurs radios de proximité devant servir à faire véhiculer des messages de sensibilisation contre l'exploitation et l'utilisation des enfants. Malheureusement ces radios font régulièrement l'objet d'attaque ciblée dans les zones Est du Mbomou et Haut Mbomou en Centrafrique. Au début du mois de février 2019 par exemple, la radio d'Obo a été attaquée et détruite par les groupes armés. L'ONG ACTED pense quant à elle à la mise en place des microprojets à travers l'octroi de crédit de réinstallation, la distribution des semences, etc. Certaines ONGs comme Enfant sans Frontière, Coopi, SOS villages d'Enfant ont consenti leurs efforts non seulement au désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement des enfant soldat mais aussi à la sensibilisation des parents et des groupes armés sur la protection des enfants. L'exploitation et l'utilisation des enfants s'inscrivent dans une dynamique sociale qui place cette question au centre de la socialisation de l'enfant. Ce qui est constaté est que les enfants qui travaillent ou se « débrouillent » ne sont pas enregistrés systématiquement par des communautés comme les personnes victimes, vulnérables. Le conflit armé semble donner une justification à des formes intolérables d'utilisation et d'exploitation des enfants. Dans le contexte d'urgence, tous les membres de la famille doivent contribuer à la satisfaction des besoins de la famille. Pour ce faire, le travail s'impose aux enfants qui, dans la majorité des cas, fréquentaient une école avant de devenir enfants travailleurs ou enfants soldats. C'est ce qui explique en partie la faible implication des communautés locales dans la protection des droits des enfants. Il est donc clair qu'il n'y a pas de stratégie de protection des droits des enfants ou de prise en charge communautaire pour les enfants victimes des formes d'exploitation et d'utilisation en période de conflit armé. Le rôle quelquefois exclusif de l'enfant dans la constitution des revenus familiaux place l'enfant dans une situation de « sur-demandeur », contrairement aux parents qui contribuent moins dans une certaine mesure. Le vécu des enfants les inscrit dans un processus familial etsocial qui tend à les responsabiliser précocement, sans qu'ils soient astreints à l'obligation scolaire86(*). DEUXIEME PARTIE La protection quasi-juridictionnelle et juridictionnelle des droits de l'enfant en situation de conflit armé Cette partie, dans un premier temps, fait une analyse de la protection quasi-juridictionnelle des droits de l'enfant en situation de conflit armé (Chapitre I) et, dans un second temps, elle met un accent sur la protection juridictionnelle des droits de l'enfant dans le contexte centrafricain (chapitre II). Chapitre1: La protection quasi juridictionnelle des droits de l'enfant en situation de conflit armé Ce chapitre nous aidera à étudier le comité des droits de l'enfant de l'ONU (section1) avant de voir celui des experts africains pour le bien-être des enfants (section2) qui est une structure importante au niveau régional de la protection des droits de l'enfant. * 76 Résolution 2387 (2017) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8102e séance, le 15 novembre 2017, consulté en Octobre 2018 * 77Les rapports des experts indépendants rendus publics en février 2016 et en mars 2018 sur la RCA consulté en Février 2019 * 78CICR, « Les enfants victimes des conflits armés », Genève, CICR, 1999, http//www.icrc.org, consulté le 24 avril 2019 * 79L. L. NTUMBA, Jean-Pierre Bemba, une lutte de libération au service d'un pays voisin, à travers une lecture de son livre « le choix de la liberté », Édition Mémoire Collective, Kinshasa, 2006, p.12-13. * 80N. R. NGANGOUE, « La protection des civils : priorités des priorités », MONUC face à la protection des populations civiles, MONUC/Magazine n°45, Vol. VIII 2009, p.5-13. * 81Deuxième Forum ministériel sur le suivi des Engagements de Paris en vue de protéger les enfants contre une utilisation ou un recrutement illégal par des groupes ou des forces armées du 29 septembre 2002, publié sur le site: http://www.franceonu.org, consulté le 6 novembre 2018 * 82L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, « Situation en République centrafricaine », UNHCR, consulté le 3 juillet 2017, sur le site: http://www.unhcr.org/fr/urgence-en-republique-centrafricaine. * 83ABDEL WAHAB (B), « Droit International Humanitaire, Institut Henry Dunant», ed., A. pedone, Paris, 1983, p.210 * 84 Le rapport du CICR rendu public en octobre 2018 sur les attaques contre le personnel humanitaire en Centrafrique * 85BOUGNION (F), « Le comité international de la croix rouge et la protection des victimes de la guerre », ed., Comité International de la croix rouge, Genève, 1994, p.442 * 86G. KAPIAMBA, « Le rôle des ONG nationales dans la lutte contre l'impunité » in La justice nationale et internationale dans la lutte contre l'impunité en République démocratique du Congo, Kinshasa, Fondation Konrad Adnauer Stiftung, 2007, p.102. |
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