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La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale: cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018


par Isambya Jean-Claude
Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2019
  

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§.2. APERCU SUR L'EXERCICE DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION SUR INTERNET EN RDC

Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) changent rapidement la nature des interactions sociales et politiques à travers le monde. La République démocratique du Congo, le deuxième plus grand pays d'Afrique avec une population de près de 79 millions d'habitants, adopte lentement l'utilisation des TIC, bien que la plupart des lois et législations régissant les communications numériques soient en brouillon78(*). Ce qui est inquiétant, ce que le pays continue également à enregistrer des violations croissantes des libertés sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC augmente. Il y a cinq principaux opérateurs de télécommunications offrant des services d'appels et des données : Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, Africel RDC et Standard Telecom, dont la plupart d'entre eux fournissent l'accès à la connectivité 3G et 4G également79(*).

Le Congo n'a pas encore créé de fonds pour l'accès universel aux TIC. En 2014, la RDC a lancé la cinquième phase du Projet Backbone Centrafricain (CAB5) avec le soutien de la Banque Mondiale pour accroître la connectivité et faciliter une économie numérique plus inclusive. L'objectif de développement de cette phase du programme CAB5 est d'accroître la portée et l'utilisation géographique de l'infrastructure à large bande régionale et de réduire le prix des services pour permettre un accès plus large aux services TIC.

L'Agence Nationale des Renseignements (ANR) est considérée comme une menace pour la liberté de la presse80(*). Selon l'indice mondial de la liberté de la presse de 2016, le Congo se classait 152ème sur 180 pays81(*). En 2015, 72 attaques documentées contre la liberté de la presse incluaient la détention et le harcèlement de journalistes, entravant la libre circulation de l'information, la fermeture des maisons de presse, la censure de la presse et la coupure de l'Internet. Cette répression des médias a été critiquée par les organes des droits de l'homme.

Par exemple, en Février 2016, la Coalition pour le respect de la constitution, un réseau de 33 organisations congolaises de défense de la démocratie et des droits de l'homme, s'est déclarée préoccupée par les attaques fréquentes contre les médias et les défenseurs des droits humains.

Suite à la répression médiatique, certains journalistes et maisons de presse pratiquent l'autocensure et s'abstiennent souvent de publier des informations qu'ils jugent sensibles. Beaucoup de maisons de presse sont la propriété de politiciens, ce qui nuit également à leur indépendance. Dans certaines circonstances, des acteurs des médias attendent que les médias internationaux publient des articles critiques sur l'action du gouvernement, ainsi, ils les recueillent, les publient et font référence à ces médias internationaux comme source de l'histoire. Relativement, les citoyens et les groupes de défense des droits humains jouissent plus de leur liberté d'expression en ligne (sur Internet) que sur les médias traditionnels. En tant que tel, les journalistes qui pratiquent l'autocensure au sein de leurs organes de presse sur le contenu jugé trop controversé pour être publié, se tournent souvent vers les blogs, les groupes Facebook et WhatsApp pour partager leurs points de vue souvent anonymement. Ceux qui parlent en ligne sous leur véritable identité se gardent bien d'être accusés d'avoir «insulté le président» ou d'avoir «incité les gens à la désobéissance civile».

Les agences gouvernementales qui peuvent «légalement»surveiller les communications des citoyens comprennent l'Agence Nationale de renseignement (ANR), créée en vertu du décret 003-2003, ayant pour mandat de rechercher, de centraliser, d'interpréter, d'utiliser et de diffuser des informations politiques, diplomatiques, stratégiques, culturelles, scientifiques et d'autres informations intéressantes sur la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat; Détection militaire des activités anti-patrie (DEMIAP) qui est le service de renseignement militaire qui a été utilisé pour réprimer l'opposition et le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) créé en vertu de l'article 212 de la Constitution en charge de la réglementation des médias.

Des coupures d'Internet ont eu lieu lors d'événements majeurs comme les élections et les manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC, les élections ont souvent été marquées par un accroissement significatif des violations des droits de l'Homme et par la restriction de l'espace démocratique82(*). La présente période électorale ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du calendrier électoral pour les élections à venir a accru les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs des droits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la condition d'un recensement national avant l'organisation des élections présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel recensement, manifestement impossible à organiser avant les échéances électorales, retardait le processus électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19 décembre 2016.

La contestation de cette proposition de loi a entrainé une série de manifestations dans tout le pays, défenseurs, citoyens et opposition politique réclamant l'alternance démocratique. Ces manifestations ont été fréquemment interdites et/ou réprimées de manière excessive par la police, l'armée et les services de renseignements qui ont également multiplié les arrestations de manifestants, d'opposants politiques et de défenseurs pacifiques, marquant ainsi le début d'une restriction alarmante des libertés publiques. L'apaisement espéré suite à la signature de l'accord du 31 décembre 2016 dit de la Saint-Sylvestre, nouvel accord politique pour régir la période de transition jusqu'à la tenue des élections, n'a malheureusement pas eu lieu, en raison notamment de la division entre majorité et opposition s'agissant des arrangements particuliers, visant la mise en oeuvre concrète dudit accord et la gestion de la transition jusqu'à la tenue des élections repoussées à la fin 2017. Après de nombreux achoppements, lesdits arrangements ont finalement été signés le 27 avril 2017 sans la participation d'une frange importante de l'opposition qui accusait la majorité présidentielle d'avoir purement et simplement fait fi de l'accord de la Saint-Sylvestre.

Dans ce contexte très tendu, le rétrécissement de l'espace démocratique et la multiplication des attaques contre les défenseurs, observés dès le début de l'année 2015, se sont poursuivis en 2017. Ainsi, entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2017, le Bureau Conjoint des Nations unies aux Droits de l'Homme en RDC (BCNUDH) a dénombré 1.958 violations des droits de l'Homme en lien avec les restrictions de l'espace démocratique ; dont 596 violations depuis le début de l'année 2017. Les violations les plus rapportées sont les atteintes au droit à la liberté et à la sécurité de la personne et à la liberté d'opinion et d'expression. Les membres de partis politiques, d'organisations de la société civile et les journalistes et autres professionnels des médias comptent parmi les principales victimes de ces violations.

La liberté de la presse et le droit à l'information ont subi des restrictions. Le nombre de visas et d'accréditations délivrés aux correspondants étrangers a considérablement diminué. Au moins un journaliste, belge, a été expulsé du pays, en septembre ; deux autres journalistes, une Française et un Américain, n'ont pas réussi à obtenir la reconduction de leur accréditation, en juin et en août respectivement. Dans au moins 15 cas, des journalistes congolais et étrangers ont été victimes d'intimidations, de harcèlement ainsi que d'arrestation et de détention arbitraires alors qu'ils faisaient leur travail. Très souvent, leur équipement a été confisqué ou ils ont été contraints d'effacer des données qu'ils avaient enregistrées. Le ministre de la Communication a pris en juillet un décret instaurant une nouvelle réglementation qui oblige les correspondants étrangers à obtenir du ministère l'autorisation de voyager hors de la capitale, Kinshasa83(*).

En août, la veille d'une manifestation de deux jours organisée par l'opposition, qui appelait les gens dans tout le pays à rester chez eux pour réclamer la publication d'un calendrier électoral, l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo a ordonné aux entreprises de télécommunication de restreindre considérablement toutes les communications et activités sur les réseaux sociaux.

La période électorale de Décembre 2018 en République Démocratique du Congo n'a pas été sans incidence sur les droits de l'homme. L'accent dans la présente étude est mis sur l'effectivité de l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.

L'indice de démocratie publié par le service de renseignement de l'Economist Intelligent Unit (EIU), classe comme autoritaires tous les pays africains qui ont coupé Internet cette année (en 2018). La RDC figure aussi sur cette liste.En effet, sur les 22 pays africains où les coupures d'Internet ont été enregistrées au cours des cinq dernières années, 77% disposent de régimes autoritaires, tandis que 23% sont classés comme hybrides. Notons que « autoritaire » est la catégorie sur l'indice de démocratie, suivie par la catégorie « hybride », en référence à des pays qui manifestent certains éléments de la démocratie et de fortes doses d'autoritarisme en même temps84(*).

Les Prédateurs des libertés sur Internet sont également les prédateurs de la liberté de la presse. Les pays qui ont ordonné des coupures d'Internet sont parmi les derniers au Classement mondial de la liberté de la presse en Afrique pour 2018.On peut citer l'Algérie, le Congo-Brazzaville, le Burundi, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, l'Ethiopie, la Guinée équatoriale, le Gabon, la Gambie, le Mali, l'Ouganda et le Zimbabwe.

* 78CIPESA, Op.cit., p. 5.

* 79Fournisseur d'accès àInternet (FAI) au Congo, en ligne sur http://www.pagesclaires.com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI, consulté le 13/05/2019.

* 80L'ANR : une menace à la liberté des médias de la RDC, disponible sur http://www.dc4mf.org/en/content/anr-threat-dr-congosmedia-freedom, consulté le 13/05/2019.

* 81RSF-Index 2016 sur la Liberté Mondiale de Presse, sur https://rsf.org/en/news/drc-ranked-152nd-world-press-freedomindex, consulté le 13/05/2019.

* 82CIPESA,Op. cit., p. 11.

* 83CIPESA, Op. cit., p. 18.

* 84CIPESA, « Dictateurs et restrictions : Cinq dimensions de coupures d'Internet en Afrique », février 2019, p. 4.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon