L'enjeu du développement durable dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce l'émergence d'un modèle de diplomatie écologique et commerciale.par Caleb MOISE Université de Paris - Master II 2010 |
4.8 La théorie de l`intégration régional de VinerJacob Viner39 a élaboré une théorie de l`intégration régionale selon laquelle une Union douanière engendre deux effets contradictoires : un effet de trafic créateur de commerce et un effet de diversion du trafic destructeur du commerce. Le premier effet - qui correspond au fait que les consommateurs de chaque Etat membre achètent de plus grandes quantités aux producteurs des autres Etats membres - améliore la situation du pays importateur ; le second effet - qui correspond au fait que les consommateurs achètent aux producteurs des autres Etats membres uniquement en raison des différences de coûts créés artificiellement - détériore la situation du même pays importateur. Et le résultat final est incertain. Viner a montré par ailleurs que si les accords régionaux crée bien de l'échange à l'intérieur de la zone, ils en en détruisent aussi par rapport à l'extérieur, alors même que la nature du résultat final pour la zone n`est pas assuré. Le modèle de Viner repose, en effet, sur la théorie traditionnelle des avantages comparatifs qui justifie le libre-échange par le gain qu'il procure aux consommateurs. Les importations libérées permettent aux économies de se spécialiser et d'affecter leurs ressources rares dans les secteurs où ils sont comparativement les plus efficaces. Cette réorientation de l'activité crée un surplus de production exportable qui équilibre les importations. La diminution du prix relatif des biens importés améliore la situation des pays qui s'ouvrent à l'échange. Notons que le modèle proposé par Viner correspond à la situation de l'après-seconde guerre mondiale, où des pays voulaient conserver des niveaux de protection élevés, hérités des années 1930, alors même qu`ils mettaient en place les 39 Viner J. (1950), Studies in the Theory of International Trade, 1937; The Customs Union Issue; (1923), Dumping: a problem in international trade; (1943) Trade Relations Between Free-Market and Controlled Economies; (1950), A Modest Proposal for Some Stress on Scholarship in Graduate Training; (1951), International Economics; (1952), International Trade and Economic Development. 31 accords de Bretton Woods et le GATT qui avaient pour principale mission d`orienter les économies occidentales vers la libéralisation des échanges. Si les accords régionaux permettaient d'abaisser, voire de supprimer les tarifs au profit d'un nombre limité de pays, les négociations multilatérales menées au sein du GATT visaient à les abaisser vis-à-vis de tous. . 32 Section III : Les interactions problématiques entre commerce international et développement durable : les théories 1. Rôle du commerce international dans la dégradation de l`environnement, et l`hypothèse de la décroissance et de la limitation du libre-échange . Avec l`expansion rapide et massive du commerce international et la libération croissante des échanges après la Seconde Guerre mondiale, des scientifiques, des économistes ou encore des associations et mouvements écologiques ont attiré l`attention sur les effets éventuels du commerce international sur l`environnement. Ils soulignent notamment les effets liés à la pollution directe engendrée par les transports, à l`accroissement des productions (polluantes et génératrices d'exploitation de la nature), et les problèmes de régulation internationale des polluants. En outre, en raison de la division internationale du travail engendré le commerce international, la spécialisation des pays - induisant des allers-retours de marchandises d'un pays à l'autre dans le cadre des différentes étapes du processus productif - provoque encore plus de dommages à l`environnement. Ainsi l'organisation ATTAC prend l'exemple de la production de crevettes pour souligner un phénomène de gaspillage énergétique : « Les crevettes que nous consommons font un long trajet avant d`arriver dans nos assiettes : pêchées dans la mer du Nord, elles voyagent du Nord au Sud dans des camions réfrigérés pour être épluchées par la main-d`oeuvre féminine bon marché du Maroc, et repartent ensuite, toujours en camion réfrigéré, pour être vendues sur les marchés d`Europe...»40. 40 Attac France (12 octobre 2004) « La question énergétique en débat ». 33 En effet les transports apparaissent comme le principal moyen par lequel le libre-échange a des conséquences directes sur l`environnement. Selon la Commission de Coopération Environnementale de l'Amérique du Nord41, « même si la plupart des évaluations des effets du commerce sur l`environnement révèlent un lien indirect et plutôt ténu entre le commerce et les changements touchant l`environnement, certains éléments confirment l`existence d`un lien direct et solide entre l`environnement et le commerce dans le secteur des transports ». Des études précises ont mesuré l'impact de l'essor des transports à certains endroits particuliers suite à la mise en place de l'ALENA en Amérique du Nord. Selon la Commission de Coopération Environnementale d'Amérique du Nord, la pollution constatée aux frontières États-Unis/Canada et États-Unis/Mexique a augmenté, en particulier dans les villes frontalières à proximité des grands axes de communications. Notons aussi que le transport en ville des marchandises contribue à la hausse des nuisances sonores, ce qui nuit à la qualité de la vie. A La pollution de l`air s`ajoute celle des mers, aggravée surtout par le fait que des bateaux de transports pratiquent le dégazage en mer - ce qui leur permet d'éviter de payer des frais de nettoyage assez élevés, sans parler des accidents donnant lieu à des catastrophes (marée noire) très nuisibles à la nature et provoquant la disparition d`espèces marines. De plus, le transport des marchandises considéré comme vecteur de bouleversement de la faune et de la flore constitue une menace pour la biodiversité. La Commission de Coopération Environnementale d'Amérique du Nord cite l`US Global Survey42 selon lequel aux États-Unis vivent durablement plus de 6000 espèces d'animaux, de plantes et de microbes importées involontairement qui menacent les espèces locales. Les transports de marchandises pourraient donc contribuer au déplacement de ces espèces. Par ailleurs, certains économistes comme Raúl Prebisch et Hans Singer43 ont émis l`idée selon laquelle le libre-échange provoquerait des dégradations considérables de l`environnement dans les pays du Sud, en raison notamment de la 41Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord, 2002, « Libre-échange et environnement : un tableau plus précis de la situation », p.4. 42US Geological Survey (1998). Status and Trends of the Nation's Biological Resources, volume one, Washington. DC. 43Singer H. (1998) "The Terms of Trade Fifty Years Later - Convergence and Divergence", The South Letter, n.30. 34 dégradation des termes de l`échange. Selon la thèse de la dégradation des termes de l'échange, durant les trente dernières années, la valeur des produits qu`exportent les pays pauvres (traditionnellement des matières premières) est en baisse comparativement à celle des productions industrielles et technologiques des pays riches. Cette situation s`expliquerait par le fait que, d`un côté, les États du Nord fabriquant des produits manufacturés voient la technicité et les prix de leurs produits s'accroître, et, de l`autre, les États du Sud fournissent au nord des matières premières dont les prix baissent progressivement. En conséquence, pour une même quantité de matière première produite et vendue aux États du Nord, les pays du Sud ne peuvent acheter qu'une quantité de plus en plus réduite de produits manufacturés. Il en résulte une dégradation des termes de l`échange et une réduction croissante du pouvoir d`achat des pays du Sud. À long terme, ce phénomène appauvrit les pays du Sud et les contraint à une surexploitation de leurs ressources naturelles pour obtenir une quantité égale de productions des pays riches, au détriment de la protection de l`environnement et du principe du développement durable. De ces constatations sur les impacts du commerce international sur l`environnement a émergé l`hypothèse de la décroissance et de la nécessaire limitation du libre-échange. Selon cette hypothèse, les dégradations environnementales, inhérentes à l`activité humaine, doivent être minimisées, autant que faire se peut, par la prise de conscience et l`action volontaire des sociétés humaines. Cette hypothèse s`appuie notamment sur l`idée que le commerce international, fondée sur la division internationale du travail et la spécialisation, favorise une productivité de plus en plus poussée, ce qui donne lieu à une surexploitation de la nature et à des dégradations de l`environnement, tel que nous l`avons exposé précédemment. D`où l`idée de la nécessité d`une décroissance. A l`origine, le concept de la décroissance désigne la remise en cause de la notion de croissance économique telle qu`elle est mesurée par le PIB. Les promoteurs44 du concept de décroissance affirment que la croissance ainsi mesurée 44 Notamment Nicholas Georgescu-Roegen (1971), The Entropy law and the Economic Process, traduit par Jacques Grinevald (1979), sous le titre Demain la décroissance. Entropie, écologie, économie; Günther Anders (1956), L'Obsolescence de l'homme ; Hannah Arendt (1958), Condition de l'homme moderne ; Ivan Illich (1973), La Convivialité. 45 Les Rapports Meadows : (1972), Limits to Growth ? (Halte à la croissance ? dans son édition française) ; (1974), Sortir de l'ère du gaspillage : demain. 35 n'est que quantitative, puisqu'elle ne mesure que l'augmentation de la production et de la vente de biens et services sans tenir compte du bien-être des populations, de la santé des écosystèmes et des équilibres climatiques. De plus, elle ne tient pas compte du fait que la Terre est limitée aussi bien dans ses ressources naturelles que dans sa capacité à supporter la destruction de son biotope Ils privilégient des indices de développement alternatifs tels que l'indice de développement humain, l'empreinte écologique, l'indice de santé sociale. Nicholas Georgescu-Roegen, le principal promoteur de cette thèse, affirme en effet que le modèle économique néoclassique est fondé sur le paradigme de la mécanique newtonienne et ne prend pas en compte le principe de la dégradation de l'énergie et de la matière. Il se fonde quant à lui sur le paradigme de la thermodynamique et introduit le principe d'entropie dans son modèle économique. Il associe aux flux économiques de la matière et de l'énergie qui par le biais des différents processus de production se dégradent de manière irréversible. Par exemple les matières premières utilisées pour la construction des ordinateurs sont fragmentées et disséminées à travers toute la planète et il devient pratiquement impossible de reconstituer les minerais d'origine. Quant à l'énergie utilisée pour leur fabrication, elle est dissipée à jamais. Par ailleurs, la thèse de la décroissance a également été reprise par le Club de Rome dans ses rapports45 où il souligne notamment les dangers économiques de la croissance de la consommation des matières premières et de la croissance démographique que connaît alors le monde. Depuis, le concept de la décroissance s'oppose au productivisme économique, lequel est également par la suite remis en cause par le concept de développement durable. Notons que les théoriciens de la décroissance voient toutefois dans le concept de développement durable une contradiction dans les termes. Pour eux, le développement, la croissance économique comme principal fondement, crée des déséquilibres tels qu`il ne saurait être durable. Ils estiment que pour être durable et soutenable sur une planète finie, le développement humain devra au contraire pouvoir se passer d'une croissance matérielle perpétuelle, au profit de réponses justes aux besoins matériels et socio-psychiques (incluant la santé et la sécurité affective, individuelle et collective), et au 36 profit d'une croissance partagée de la qualité et du plaisir de vie, du savoir et des cultures. La décroissance s`opposerait donc en partie au développement durable lorsque celui-ci est défini comme nécessitant une croissance durable ou continue des systèmes de production matérielle et d'échange de biens et valeurs financières. Rejetant donc la notion de développement, certains théoriciens de la décroissance préfèrent parler de « décroissance soutenable » 46, faisant ainsi référence au développement durable. Il en reprend l'objectif, qui est de « répondre aux besoins des générations actuelles, sans pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Les tenants de la « décroissance soutenable » ajoutent que cet objectif ne peut correspondre qu'à une diminution de l'empreinte écologique collective et individuelle dans les situations où le seuil de durabilité est dépassé. Privilégiant la relocalisation des économies (priorité à la production et à la consommation locales et à la réduction des transports motorisés), ils préconisent la nécessité de faire profiter les pays du Sud des meilleures techniques et stratégies en matière d'efficacité énergétique et écologique. Dans ce cadre, le commerce doit non seulement être réglementé mais surtout limité. Si les théoriciens de la décroissance ne rejettent pas complètement les échanges internationaux, ils soutiennent la nécessité d`internaliser les coûts environnementaux et sociaux dans les prix internationaux et de retrouver une certaine autosuffisance des communautés nationales. Reconnaissant les difficultés qu`il y a à concilier libre-échange et internalisation des coûts environnementaux sur une base multilatérale, ils oscillent entre retour à l`autosuffisance des communautés nationales et projet émancipateur d`une société civile mondiale en formation. 46 Latouche S. (2003), Vivre simplement, Justice sans limites, le défi de l'éthique dans une économie mondialisée ; (2004), Survivre au développement ; (2006), Le pari de la décroissance. Lafargue P. (1880), Le Droit à la paresse. Aubin J. (2006), Croissance : l'impossible nécessaire. 37 2. Impacts du libre-échange sur les niveaux de vie et l`environnement, et l`hypothèse de la courbe sociale et environnementale de Kuznets En 1993, Gene Grossman et Alan Krueger47 ont publié une étude sur les conséquences de la libéralisation des échanges en Amérique du Nord dans le cadre du futur ALENA créant une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique en 1994. Ils ont distingué dans cette étude des effets contradictoires de la libéralisation des échanges économique sur l`environnement: il y a tout d`abord l`effet d`échelle qui veut que, selon la théorie du commerce international, le libre-échange permet un accroissement absolu de la production. Cependant, au plan environnemental, la hausse de la production, induite par la spécialisation de chacun dans la production où il est le plus performant, se révèle nocif pour l`écosystème. Nous avons analysé précédemment cet effet dans l`étude des rôles du libre-échange dans la dégradation de l`environnement et l`hypothèse de la décroissance et de la limitation du libre échange. Mais à cet effet d`échelle ces auteurs opposent un effet technique qui comprend deux aspects : il suppose tout d`abord que la libéralisation commerce permet la généralisation à l`échelle planétaire des techniques les plus avancées et généralement les moins polluantes. La technologie se propagerait ainsi des milieux innovateurs vers le reste du monde à travers le commerce international. Ce mécanisme suppose un impact direct et positif du commerce sur l`environnement parce qu`il implique la généralisation de l`utilisation, grâce au libre échange, de technologies de plus en plus propres. C`est ainsi que certains économistes48 ont en effet essayé d`isoler empiriquement l`effet technique du commerce sur l`environnement et ils concluent que la diffusion de technologies propres est 47 Grossman, G.M. and Krueger, A.B. (1993), « Environmental Impacts of a North American Free Trade Agreement ». In The Mexico-U.S. free trade agreement, P. Garber, ed. Cambridge, Mass.: MIT Press. 48 Wheeler, D. and Martin, P. (1992): «Prices policies and the international diffusion of clean technologies the case of wood-pulp production», in Low, P. (ed): International Trade and the Environment. World Bank Discussions Papers n°159. Reppellin-Hill, V. (1999): «Trade and Environment: An Empirical Analysis of the Technology Effect in the steel industry», Journal of Environmental Economics and Management, vol. 38. pp. 283-301. 38 influencée positivement par l`ouverture commerciale. D`autres travaux49 ont montré que, en raison de cet effet technique, le commerce international peut avoir un impact positif sur la gestion de la problématique environnementale dans les pays pauvres, puisque ces derniers bénéficient de la diffusion des technologies propres. Le deuxième aspect de l`effet technique concerne les résultats de la croissance économique. Il suppose la possibilité d`une augmentation de la demande de qualité environnementale résultant de l`impact positif que le libre échange aurait sur la croissance économique et sur les niveaux de revenu par tête de pays participants. En fait, cette hypothèse repose sur l`idée que la hausse des revenus induite par la hausse de la production aurait pour effet de sensibiliser les habitants à l`environnement. Ce serait donc un revenu per capita plus élevé, et non pas le commerce directement, qui provoquerait un changement dans les préférences des consommateurs envers l`environnement. Il est important de noter ici que l`idée selon laquelle la croissance économique peut contribuer à améliorer l`ensemble des niveaux de vie se fonde sur la courbe sociale de Kuznets représentée ci-dessous en forme d`un graphique en U inversé : La courbe de Kuznets représente la relation entre la croissance économique (mesuré en PIB/hab) en fonction de son niveau de développement et son niveau d'inégalité. Elle s'inspire des travaux de Simon Kuznets50 sur le développement économique dans les années 50. Celui-ci avait fait remarquer que, dans les premiers 49 Frankel, J.A. and Rose, A. (2005):»Is trade good or bad for the environment? Sorting out the casuality», The review of Economics and Statistics, vol. 87. pp. 85-91. 50 Kuznets S. (1971), « Economic Growth and Income Inequality », in The American Economic Review, vol. 45, no 1, p. 1-28. Economic Growth of Nations: Total Output and Production Structure, Harvard University Press. 39 stades de développement, lorsque l'investissement dans le capital infrastructurel et dans le capital naturel est le principal mécanisme de croissance, les inégalités encouragent la croissance en partageant les ressources en faveur de ceux qui épargnent et investissent le plus. A l'inverse, dans les économies plus avancées, l'accroissement du capital humain prend la place de l'accroissement du capital physique comme source de la croissance. Ce qui donne lieu à un ralentissement progressif des inégalités. En 1995, Grossman et Krueger51 soutiennent que la courbe de Kuznets peut être observée dans le domaine de l`environnement. Ces auteurs avancent que la croissance est nuisible à l`environnement jusqu`à ce que soit atteint un certain niveau de revenu par habitant, et qu'au-delà les effets favorables à l`environnement deviennent dominants. Ils démontrent que beaucoup d`indicateurs de santé comme l`eau ou la pollution de l'air montrent une courbe en U inversé au début du développement économique : on se soucie peu de l`environnement et de la hausse de la pollution qui va de pair avec l`industrialisation. Lorsque les besoins primaires sont pourvus, on atteint un seuil où le souci pour l'environnement s'accroît et où la tendance s'inverse. La société a alors les moyens et la volonté de réduire le niveau de pollution et l`utilisation de ressources pour créer une unité de PIB (de richesse) tend à diminuer. Par conséquent, plus une société est riche, plus elle sera juste et plus elle sera propre. Cette évolution est représentée ci-dessous par ce qu`on appelle couramment par la « courbe environnementale de Kuznets » : 51 Grossman, G.M. and Krueger, A.B. (1994), "Economic Growth and the Environment", Quarterly Journal of Economics, Vol. 110 (2). 40 Notons que la thèse de la courbe environnementale de Kuznets a fait l`objet de nombreux critiques qui montrent notamment qu`un niveau de revenu plus élevé n`implique pas l`augmentation de la demande de qualité environnementale. Brenchin & Kempton52 (1994) et Inglehart (1995)53, par exemple, ont soutenu que les préférences envers une plus haute demande de qualité de l`environnement sont fonction des différences culturelles et des niveaux de pollution supportés par une population donnée et, non pas du niveau de revenu. Par ailleurs une étude empirique de Kevin Gallagher54 sur le Mexique a également l`hypothèse de la courbe environnementale : il montre que le revenu-seuil au-delà duquel la pollution tend à diminuer est estimé à environ 5 000 dollars, et le Mexique avait déjà atteint ce seuil en 1985. Or, selon l'institut national de statistique mexicain, la libéralisation du commerce des années 1990 s'est accompagnée d'une faible augmentation du revenu moyen, tandis que la dégradation de l'environnement a brusquement augmenté. Ainsi, pour 1999, l'augmentation du revenu représente 14 milliards de dollars, tandis que la dégradation est évaluée à 47 milliards. Il apparaît donc que la seule croissance induite par le libre-échange ne permet pas de ralentir ou diminuer les effets néfastes sur l'environnement. 52 Brechin, S. and Kempton, W. (1994): «Global environmentalism: a challenge to postmaterialism thesis?» Social Science Quarterly, vol.75, n° 2, pp.245-269. 53 Inglehart, R. (1995): «Public support for environmental protection: objective problems and subjective values in 43 societies» Political Science and Politics, vol. 28, pp.57-72 54 Kevin P. Gallagher (2004), Free Trade and the Environment: Mexico, NAFTA, and Beyond. 55 Mabey N. et Mc Nally R. (1999), Foreign Direct Investment and the Environment: from Pollution Haven to Sustainable Development. 41 3. Conséquences des mesures environnementales des pays du Nord sur les pays du Sud, et l`hypothèse de la migration des industries polluantes La question ici est de savoir si les entreprises profitent du libre-échange pour se délocaliser dans des pays où la réglementation environnementale est moins contraignante, leur permettant ainsi de polluer davantage que si elles étaient demeurées dans le pays d'origine où les réglementations obligent à adopter des méthodes de production moins compétitives mais plus respectueuses de l'environnement. En effet, depuis une trentaine d`années, les pays développés ont mis en place des législations environnementales contraignantes vis à vis des entreprises. L`efficacité de telles mesures pourrait se trouver amoindrie par le fait qu`il suffirait à une entreprise de délocaliser son activité dans les pays ayant des normes environnementales moins contraignantes. Par exemple, dans le cadre de l`ALENA, des études empiriques ont pu faire remarquer que la délocalisation des productions de solvants - production hautement nuisible à la qualité de l`air - se faisaient dans les maquiladoras mexicaines (villes à la frontière américaine), du fait de la souplesse de la réglementation sur la qualité de l`air au Mexique comparativement aux États-Unis55. Ces constatations ont donné lieu à des débats sur la possibilité de l`existence d`un paradis de pollution dans les pays du Sud, en raison du dumping environnemental favorisé à la fois par des grandes firmes transnationales et aussi les pays du Sud. Selon cette hypothèse, c`est la politique environnementale de chaque pays qui détermine la localisation spatiale des activités économiques. C`est ainsi que certains économistes considèrent que les pays du Sud qui n`ont pas mis en place une politique environnementale (ou qui en ont une très faible) ont un avantage 42 comparatif dans des productions polluantes56. Une situation serait aggravée par le fait que des entreprises en profiteraient réaliser une migration vers le Sud l`ensemble de leurs industries polluantes57. Dans le même sens, William Baumol et Wallace Oates58 ont proposé un modèle générant un cercle vicieux. Comparant un pays riche appliquant une réglementation contraignante et un pays pauvre aux normes environnementales laxistes, ces deux auteurs ont conclu que les industries polluantes se délocaliseraient dans le pays pauvre et que celui-ci avait donc intérêt à pratiquer un dumping environnemental. Les conséquences du libre-échange s`enchaînent alors dans un cercle vicieux favorisant la pollution. La fabrication polluante du produit dans le pays sans normes est moins coûteuse, ce qui provoque une baisse des prix et donc une hausse de la demande de ce produit. La production polluante augmente alors dans le pays sans normes. Cette hausse de la production provoque alors une hausse de la pollution et le pays pauvre a intérêt à conserver des normes laxistes s`il veut continuer l`expansion de l`industrie concernée. Par ailleurs, d`autres auteurs59 ont essayé de montré que les entreprises qui délocalisent dans les pays du Sud ne cherchent pas nécessairement à profiter du laxisme de les législations environnementales de ces pays, mais qu`il s`agit tout simplement des conséquences de l`effet de composition du libre-échange. Cet effet de composition suppose que la spécialisation des pays selon leurs avantages comparatifs et selon leur dotation facteurs de production (capital, travail et aussi ressources naturelles. En effet, selon le théorème HOS, les entreprises concentrent leur production nécessitant beaucoup de capital dans les pays fortement dotés en capital, et leur production très demandeuse de travail dans les pays fortement dotés en main-d`oeuvre. D`où il découle un effet inverse à celui prévu par Baumol et Oates : les industries à forte intensité capitaliste (la chimie par exemple) fortement polluantes restent dans les pays riches tandis que les industries de main d`oeuvre peu polluantes (le textile par exemple) se délocalisent dans les pays pauvres. Selon 56 Birdsall, N. and Wheeler, D. (1992): «Trade policy and industrial pollution in Latin America: Where are the pollutions havens?» in Low, P. International Trade and the Environment, World Bank discussion les paper n°159, pp.159-169. 57 Low, P. and Yeats, A. (1992): «Do dirty industries migrate?» in Low, P. International Trade and the Environment, World Bank discussion paper n°159. World Bank, Washington D.C. 58 Baumol W.J. & W.E. Oates (1975), The Theory of Environmental Policy, Prentice Hall. 59 Antweiler, W.; Copeland, B. R. and Taylor, M.S. (2001): «Is free trade good for the environment?», The American Economic Review, vol. 91, n°4, pp. 877-908. 43 ce modèle, les différences de législation environnementale entre pays ne jouent qu`un rôle secondaire dans les décisions d`implantation des entreprises. D`ailleurs, une étude de la Banque mondiale60 va dans le sens du modèle HOS et contredit l`hypothèse de Baumol et Oates. Cette étude établit qu`en 1986 les pays en développement étaient déjà importateurs nets de biens à la production particulièrement polluante, et les pays les plus pauvres étaient relativement les plus faibles exportateurs de produits polluants. En 1995, cette tendance s'est accentuée : loin d'un dumping environnemental, on constate une concentration supérieure de productions polluantes destinées à l'exportation chez les pays les plus riches. Dans le graphique ci-dessous, l`étude de la Banque montre l`évolution du ratio exportations/importations de produits à forte intensité de pollution entre 1986 et 1995. On peut remarquer que si le dumping environnemental existe de façon ponctuelle, il n'est pas confirmé à grande échelle. Source : Banque Mondiale, 1998. 60 Banque mondiale (1998), Indicateurs du Développement mondial. 44 4. Interactions entre libre-échange et mesures environnementales : l`hypothèse du renforcement mutuel entre libre-échange et promotion de l`environnement La question qui se pose ici consiste à savoir si, dans les relations difficiles et parfois contradictoires entre le libre-échange et l`environnement, il ne peut pas y avoir certaines compatibilités ou même un renforcement mutuel. Il s`agit aussi de comprendre si le commerce international et l`environnement doivent nécessairement s`inscrire dans une relation d`opposition ou si, au contraire, les politiques commerciales et environnementales ont vocation à cohabiter. L`enjeu de la mise en cohérence des politiques environnementales et commerciales est double : éviter la montée d`un protectionnisme déguisé utilisant la protection de l`environnement comme argument, et assurer la durabilité de la croissance économique par une meilleure valorisation des ressources naturelles. Notons tout d`abord que la question d`une possible conciliation entre commerce international et mesures environnementales a commencé à se poser avec l`affaire des tortues marines, déjà menacées d`extinction, qui se noient dans les filets des crevettiers. Dans un premier temps, les États-Unis ont réussi à imposer que tous les chaluts à crevettes opérant dans les eaux américaines devraient être équipés de cages (systèmes d`exclusion des tortues) laissant les crevettes pénétrer dans le filet mais permettant aux tortues de s`enfuir. Mais les pêcheurs américains estimaient que cette mesure assurait un avantage indu aux flottes de pêche étrangères, tandis que les groupes de défense de l`environnement souhaitaient que le dispositif soit appliqué à l`échelle internationale. L`ensemble de ces forces ont donc contribué à l`extension de la mesure, et des interdictions ont été édictées contre les importations de crevettes en provenance de tout pays qui n`appliquait pas un mécanisme de protection des tortues analogue à celui des États-Unis. 45 Ainsi, pour préserver leurs exportations, plusieurs pays ont imposé à leurs crevettiers d`utiliser les systèmes d`exclusion des tortues. Le Costa Rica fut l`un d`entre eux. Toutefois, les engins en question, importés des États-Unis et conçus en fonction des conditions de pêche américaines, se sont bientôt révélés inadaptés aux eaux peu profondes et encombrées de débris dans lesquelles les pêcheurs costaricains tirent leurs chaluts. Dans les eaux du Costa Rica, avec un système d`exclusion des tortues conçu pour la pêche aux États-Unis, les chaluts ramenaient en moyenne 70% de débris et 30% de crevettes. En conséquence, les autorités costaricaines ont mis au point un système d`exclusion des tortues mieux adapté à leurs conditions locales, et elles ont fini par convaincre les autorités américaines que leur dispositif offrait un degré de protection des tortues équivalent. On voit ici comment des mesures environnementales peuvent finalement contribuer à l`innovation, déboucher sur des technologies plus efficaces, et donc sur des produits commerciaux plus compétitifs. Cette situation semble confirmer l`hypothèse de Michael Porter61 qui considère que les règlementations en matière de l'environnement ne vont pas à l'encontre de la concurrence internationale. Il remarque que les pays soumis aux règlementations écologiques les plus sévères sont souvent des leaders de l'exportation de leur produit. Selon lui, cette situation paradoxale est due au fait que les règlementations obligent les sociétés à revoir leurs conceptions technologiques, à innover, à trouver de nouvelles façons d'utiliser les déchets. A moyen et long terme, on constate que les coûts sont plus faibles et les produits de meilleure qualité. Grâce à ces procédés, on utilise moins de ressources rares ou toxiques, et on utilise utilement les sous-produits auparavant gaspillés. Cette hypothèse semble par ailleurs se vérifier dans les relations commerciales entre les pays du Sud et les pays du Nord. Les pays en développement veulent en effet améliorer leur revenu grâce aux exportations. Or les pays industrialisés importateurs exigent que les biens importés répondent à leurs propres prescriptions internes en matière de santé, de sécurité et d`environnement. Souvent, les consommateurs de ces pays souhaitent aussi minimiser l`impact environnemental lié à la production de ces marchandises. En théorie, l`ensemble de ces exigences 61 Porter M. (1990), The Competitive Advantage of Nations. 46 devraient non seulement inciter les pays du Sud à adopter des méthodes de production plus écologiques62, mais aussi décourager la pratique de dumping environnemental par des firmes transnationales qui, d`ailleurs, exportent une bonne part des biens produits dans le Sud vers le Nord. Nous venons de voir que les mesures environnementales peuvent, dans certaines conditions, contribuer à un commerce international plus harmonieux et plus compétitif. Des économistes ont cherché à montrer par ailleurs le libre-échange peut en retour contribuer à protéger l`environnement. Plus précisément, ils ont montré que l`absence de libre-échange, le protectionnisme et les entraves au commerce international peuvent se révéler néfastes pour l`environnement. Robert Feenstra63 utilise l`exemple des restrictions des exportations des véhicules japonais aux États-Unis pour parler d`un effet négatif du protectionnisme sur l`environnement. En effet, afin de compenser la restriction, les japonais ont modifié la structure de leurs exportations en privilégiant la qualité : c`est-à-dire en exportant en priorité des véhicules haut de gamme et gourmands en essence, si bien que le parc automobile américain est devenu plus nuisible à l`environnement. Jagdish Bhagwati en conclut pour sa part que « des conséquences néfastes pour l'environnement peuvent résulter des restrictions au commerce : les ventes des modèles les moins polluants déclinent, alors que celle des modèles plus voraces augmentent »64. 62 Mais il faut noter également que ces exigences environnementales des pays du Nord peuvent également constituer une forme déguisé de protectionnisme qui peut avoir des conséquences néfastes sur le développement des pays du Sud. C'est ainsi que des recherches effectuées par la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement ont montré que certains pays en développement avaient subi des pertes à l'exportation considérables, faute de pouvoir satisfaire aux normes et réglementations environnementales des pays développés. La question se pose alors sur les moyens et le délai nécessaires à accorder aux PED afin qu'ils puissent se conformer aux normes environnementales internationales. 63 Feenstra, R. C. (1993), "Measuring the Welfare Effect of Quality Change: Theory and Application of Japanese Autos", NBER Working Paper No. W4401. 64 Bhagwati J. (2005), Eloge du libre-échange, p.68. 47 CHAPITRE II : LIBERALISATION ET REGULATION DU COMMERCE INTERNATIONAL ET GESTION DE L'ENJEU DU DEVELOPPEMENT DURABLE Section I : Libéralisation et régulation du commerce international 1. Le GATT Le GATT est né dans un contexte de crise économique et de guerre commerciale. La crise économique des années de 1929 a favorisé l`exacerbation des nationalismes et la fermeture des frontières. Les États-Unis et l`Europe deviennent protectionnistes et se livrent à une guerre de dévaluation compétitive de leur monnaie respective. Cette pratique du dumping monétaire va amener les anglo-saxons à se réunir en pleine guerre, dès 1940 pour préparer le retour au libre-échange. En 1944 est organisée la conférence de Bretton Woods avec la participation de 44 États. Cette conférence a été l`occasion de jeter les bases de l'ordre économique mondiale d'après-guerre et de créer trois organisations internationales : le Fonds Monétaire Internationale pour réguler la monnaie, la Banque Mondiale pour reconstruire l'Europe ruinée par la guerre, et pour soutenir les pays en développement ex-socialistes. 48 Pour ce qui concerne la gestion du commerce international, une conférence est organisée à la Havane en 1947 au cours de laquelle a été mise en place une Charte dont un des objectifs est la création d`une Organisation Internationale du Commerce (OIC). Mais la Charte de la Havane n`ayant pas été ratifiée par les Etats-Unis, en guise de la création de l`OIC, 23 États ont détaché la partie commerciale de la Charte qui devient l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). L'adoption du GATT marque l'adoption du système commercial multilatéral (SCM) fondé sur trois principes : la non discrimination, la réciprocité et la négociation. 1.1 Le principe de non-discrimination Le principe de non-discrimination interdit aux Etats d`établir des discriminations soit entre partenaires commerciaux, soit entre ses propres produits ou services et les produits ou services étrangers. Pour éviter ces discriminations, deux clauses ont été mises en place : a. La clause la nation la plus favorisée La clause de la nation la plus favorisée, pilier du système commercial mondiale, veut que tout avantage accordé à un Etat soit également automatiquement étendu à tous les autres Etats. Dans la cadre du commerce des marchandises65, l`art I du GATT stipule : « Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes. Cette disposition concerne les droits de douane et les impositions de toute nature perçus à l'importation ou à l'exportation ou à l'occasion de l'importation ou de l'exportation, ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds effectués en règlement des importations ou des exportations, le mode de perception de ces droits 65 Notons que la clause de la nation la plus favorisée sera par la suite appliquée également au commerce des services (Article II § 2 de l'AGCS) et à la propriété intellectuelle (Article IV de l'Accord sur les ADPIC). 49 et impositions, l'ensemble de la réglementation et des formalités afférentes aux importations ou aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l'objet des paragraphes 2 et 4 de l'article III. » A cette clause sont ajoutées des dérogations, telles que la possibilité de créer des zones d'intégration régionales. Les Etats qui souhaitent entretenir des relations commerciales privilégiées entre eux sont autorisés à la faire dans le cadre d`une zone d`intégration régionale (Article XXIV § 4 du GATT : « les parties contractantes reconnaissent qu'il est souhaitable d'augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords librement conclus, une intégration plus étroites des économies des pays participants à de tels accords ». Les zones d`intégration régionales considérées comme légitimes et licites sont les zones de libre-échange (Article XXIV § 8 b du GATT) ou les Unions douanières (Article XXIV § 8 a du GATT). Notons aussi que, par la suite, les décisions des Parties contractantes du 25 juin 1971 a autorisé les pays en développement à déroger aux dispositions de l'article premier du GATT. Cette dérogation est la base légale du traitement préférentiel et sans réciprocité que les pays développés accordent aux pays en développement. Il s'agit du système généralisé des préférences qui est un mécanisme permettant aux pays développés d'accorder des avantages commerciaux aux produits manufacturés en provenance des pays en développement. La dérogation de 1971 sera remplacée en 1979 par une clause d'habilitation incluse dans les accords du GATT permettant aux pays développés d'accorder des avantages commerciaux aux pays en développement sans qu`ils soient obligés de les accorder à des pays développés. Toutefois cette clause d'habilitation est accompagnée d'une clause de graduation en vertu de laquelle les pays en développement bénéficiaires des avantages commerciaux doivent revenir au droit commun du GATT lorsqu'ils atteignent un niveau de développement jugé suffisamment élevé par les pays donneurs. En vertu de la clause du traitement national, tous les produits sur un territoire doivent être traités de la même manière et les produits étrangers introduits sur un b. La clause du traitement national 50 territoire ne doivent pas subir un traitement moins favorable que les produits nationaux. Article 3 :1 du GATT : « Les parties contractantes reconnaissent que les taxes et autres impositions intérieures, ainsi que les lois, règlements et prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution ou l'utilisation de produits sur le marché intérieur et les réglementations quantitatives intérieures prescrivant le mélange, la transformation ou l'utilisation en quantités ou en proportions déterminées de certains produits ne devront pas être appliqués aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale » Article 3 :4 du GATT : « Les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux 14 produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur. Les dispositions du présent paragraphe n'interdiront pas l'application de tarifs différents pour les transports intérieurs, fondés exclusivement sur l'utilisation économique des moyens de transport et non sur l'origine du produit. » 1.2 Le principe de réciprocité La GATT formule ce principe de la manière suivante : « Au cours de ces négociations et dans cet accord, qui pourra comporter des compensations portant sur d'autres produits, les parties contractantes intéressées s'efforceront de maintenir un niveau général de concessions réciproques et mutuellement avantageuses non moins favorable pour le commerce que celui qui résultait du présent Accord avant les négociations.» (Article 28.2 du GATT) « Les parties contractantes reconnaissent que les droits de douane constituent souvent de sérieux obstacles au commerce; c'est pourquoi les négociations visant, sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, à la réduction substantielle du 51 niveau général des droits de douane et des autres impositions perçues à l'importation et à l'exportation, en particulier à la réduction des droits élevés qui entravent les importations de marchandises même en quantités minimes, présentent, lorsqu'elles sont menées en tenant dûment compte des objectifs du présent Accord et des besoins différents de chaque partie contractante, une grande importance pour l'expansion du commerce international. En conséquence, les parties contractantes peuvent organiser périodiquement de telles négociations » (Article 28 bis.1 du GATT) Issu du droit romain, le principe de réciprocité suppose « la conclusion d=accords sur base de réciprocité et avantages mutuels ». La réciprocité dans les relations commerciales internationales exige la libération du commerce et l`ouverture des frontières soient réciproques. Mais surgit alors le problème de l`égalité effective des Etats. En effet, si les Etats sont juridiquement égaux, ils ne sont pas tous face au libre-échange et à la mondialisation. Le problème se pose notamment pour les pays en développement qui possèdent des« industries naissantes »66, qui seraient trop fragiles si on les exposait au libre-échange. C`est donc pour cette raison que le GATT à prévu une dérogation au principe de réciprocité. Il s`agit du principe de la non-réciprocité dans les relations Nord- Sud, une non-réciprocité qui doit se faire au profit des pays en développement : « Les parties contractantes développées n'attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par elles dans des négociations commerciales de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce des parties contractantes peu développées. » (Article XXXVI. 8 du GATT) Notons que cette dérogation pose le problème qui consiste à pouvoir définir, avec l`évolution des Etats, à quel moment ils ne peuvent plus être considérés comme des pays en développement. 66 Voir la théorie des industries naissantes de Friedrich List, que nous avons exposée plus haut. 52 1.3 Le principe de négociation Selon ce principe, également fondateur du système commercial multilatéral, il est nécessaire de négocier sans cesse pour ne pas tomber dans le protectionnisme. En effet, le GATT étant des accords en forme simplifiés et ne disposant pas d`une structure organisationnelle pour promouvoir la libération du commerce, le processus de libération et régulation des échanges s`est fait dans le cadre d`une série de Négociations Commerciales Multilatérales appelées aussi Cycles ou Rounds. La libéralisation des échanges est donc la résultante de multiples Négociations Commerciales Multilatérales entre Parties contractantes. Toutes les conclusions des Cycles ou Négociations Commerciales Multilatérales ont été annexées au GATT. 53 2. Les évolutions du commerce international du GATT à l`OMC De 1947 à 1994, le GATT a évolué concrètement à travers l`organisation de 8 Cycles de négociation que l'on peut diviser en trois catégories : les 6 premiers, entre 1947 et 1967, étaient presque exclusivement consacrés à la baisse des droits de douane, lesquels étaient très élevés après la Seconde Guerre mondiale en raison de la guerre commerciale de l'entre-deux-guerres. Le 7ème Cycle, le Tokyo Round, de 1973 à 1979, portait à la fois sur les droits de douane et les obstacles non-tarifaires. Le 8ème Cycle, l`Uruguay Round, de 1986 à 1994, est un Cycle globale se penchant à la fois sur les droits de douane, sur les obstacles non-tarifaires mais aussi sur de nouveaux domaines comme le commerce des services et la propriété intellectuelle. L'Uruguay Round a également considéré de nouveaux domaines comme l'agriculture et les textiles qui étaient restés durant une longue période à l'écart de la libéralisation des échanges. C`est aussi l`Uruguay Round qui a permis la mise en place d`une nouvelle organisation économique internationale plus solide par la création de l`Organisation Mondiale du Commerce. En effet, si le GATT constituait le principal cadre juridique pour le système commercial multilatéral pendant près de 50ans, il reste cependant qu`il était affecté de faiblesses et de limites nécessitant la création de l`OMC. Alors que le GATT n`était qu'un simple accord commercial, l'OMC est une vraie organisation internationale qui constitue un cadre général et permanent. En outre, le GATT n'avait qu'un champ d'intervention très limité, il surveillait le déplacement d'un produit d'une frontière à l'autre. En revanche, l'OMC a un champ d'intervention beaucoup plus étendu, elle concerne les marchandises, les services, la propriété intellectuelle, le textile et l'agriculture. Par ailleurs, alors les pays en développement considéraient le 54 GATT comme un Accord créé par les riches pour les riches, ils sont en revanche très impliqués dans les travaux de l'OMC. Enfin, comme nous le verrons plus loin plus en détail, le mécanisme de règlement des différents au sein de l'OMC est beaucoup plus efficace et crédible que celui qui existait dans le cadre du GATT. Notons néanmoins que le texte du GATT reste toujours valable dans le cadre de l`OMC. Les textes de l`OMC contiennent donc le texte du GATT actualisé, auquel ont été ajoutés le texte sur l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), le texte sur les Aspect des Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (ADPIC), et aussi l'Accord cadre instituant l'OMC, avec les principes de base, les objectifs, les structures, la manière pour devenir membre, etc. Par ailleurs, les Cycles de négociations ou Rounds dans le cadre du GATT ont été remplacés par des conférences ministérielles qui, théoriquement, ont lieu une fois tous les deux ans. C`est ainsi que, depuis la création de l`OMC en 1994, ont eu lieu les conférences ministérielles de Singapour (1996), Genève (1998), Seattle (1999), Doha (2001), Cancun (2003) et Hong Kong (2005). Notons que si presque toutes ces conférences ministérielles ont relativement été soldées par des échecs, celle de Doha a réalisé une avancée décisive notamment en envisageant l`adoption d`un programme de développement élaboré dans l'intérêt des pays en développement. En effet, ce programme constitue depuis près de dix ans un enjeu majeur pour l`OMC. Il porte notamment sur la libéralisation des produits agricoles, réclamée par les pays en développement mais refusée par certains pays développés. Le programme de Doha porte également sur l`accès au marché pour les produits non-agricoles, domaine qui constitue un lieu de conflit entre les pays industriels et les pays émergents. Il porte enfin sur les services, qui occupent une place très importante dans l'économie mondiale et dans les échanges internationaux. 55 3. L`organe de règlement des différends du GATT à l`OMC67 Une procédure de règlement des différends a été mis en place dans le cadre du GATT de 1947 pour éviter les Etats à prendre des mesures unilatérales au cas où ils estimaient que d`autres Etats ne respectaient pas leurs promesses ou enfreignaient les règles commerciales. Mais comme cette procédure ne comportait aucun calendrier établi, il était à certains Etats de bloquer les décisions et beaucoup d`affaires traînaient en longueur sans arriver à une solution. Le mécanisme de règlement des différends du GATT de 1947 n`était pas un mécanisme juridictionnel, mais ressemblait à une forme de règlement diplomatique et était donc particulièrement fragile. Les parties au règlement des différends pouvaient même ne pas appliquer les décisions. C`est ainsi que, à la création de l`OMC, le Mémorandum d`accord issu du Cycle d`Uruguay a mis en place un processus plus structuré, dont les étapes sont plus clairement définies. Il établit une discipline plus rigoureuse quant au délai imparti pour le règlement d`une affaire ainsi que des échéances flexibles pour les différentes étapes de la procédure. Il souligne qu`un règlement rapide est indispensable au bon fonctionnement de l`OMC. Il énonce de manière très détaillée les règles de procédure à suivre et les calendriers à respecter à cette fin. La procédure complète, jusqu`à la décision de la première instance, ne doit pas en principe durer plus d`un an, ou plus de 15 mois s`il y a appel. Les délais convenus sont flexibles et, en cas d`urgence, la procédure est accélérée autant que possible. Le Mémorandum d`accord issu du Cycle d`Uruguay empêche aussi un pays désavoué de bloquer l`adoption de la décision. D`après l`ancienne procédure du GATT, les décisions ne pouvaient être adoptées que par consensus, de sorte qu`une seule opposition suffisait pour les bloquer. Mais dans le cadre de l`OMC, les décisions sont adoptées 67 Voir : http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/disp1_f.htm 56 automatiquement sauf s`il y a consensus pour les rejeter. Ainsi, un pays désireux de bloquer une décision doit amener tous les autres membres de l`OMC (y compris la partie adverse dans le différend) à partager ses vues. Pour ce qui concerne le déroulement de la procédure, il y a tout d`abord une phase de consultations (jusqu`à 60 jours) au cours de laquelle les parties au différend doivent discuter entre elles pour savoir si elles peuvent arriver à s`entendre. Si les consultations n`aboutissent pas, le pays plaignant peut demander l`établissement d`un groupe spécial. Le pays incriminé peut l`empêcher une première fois, mais lors d`une deuxième réunion de l`Organe de règlement des différends, il n`est plus possible d`y faire opposition (sauf s`il y a consensus contre l`établissement du groupe spécial). Un groupe spécial est constitué pour statuer sur le différend. Le rapport final du groupe spécial doit en principe être communiqué aux parties au différend dans un délai de six mois. En cas d`urgence, notamment lorsqu`il s`agit de produits périssables, ce délai est ramené à trois mois. Chaque partie peut faire appel de la décision d`un groupe spécial. Parfois l`une et l`autre le font. L`appel doit être fondé sur des points de droit tels que les interprétations du droit; il ne peut pas viser à obtenir le réexamen d'éléments de preuve existants ou l`examen de questions nouvelles. Chaque partie peut faire appel de la décision d`un groupe spécial. L`appel doit être fondé sur des points de droit tels que les interprétations du droit; il ne peut pas viser à obtenir le réexamen d'éléments de preuve existants ou l`examen de questions nouvelles. Les membres de l`Organe d`appel sont nommés pour quatre ans. Il doit s`agir de personnes dont l`autorité est reconnue en matière de droit et de commerce international et qui n`ont aucune attache avec une administration nationale. L`appel peut aboutir à la confirmation, à la modification ou à l`infirmation des constatations et conclusions juridiques du groupe spécial. La durée de la procédure ne doit pas dépasser, en principe, 60 jours, et en aucun cas 90 jours. L`Organe de règlement des différends doit accepter ou rejeter le rapport de l`Organe d`appel dans un délai de 30 jours, le rejet n`étant possible que par consensus. L`Organe de règlement des différends, composé de tous les membres de l'OMC, est responsable de surveiller la mise en oeuvre des décisions et recommandations, et est habilité à autoriser l`adoption de mesures de rétorsion si un pays ne se conforme pas à une décision. 57 Section II : La gestion de l'enjeu du développement durable du GATT à l'OMC 1. L`approche du Gatt de la problématique commerce-environnement Déjà en 1947, le GATT prévoit un certain nombre de cas dans lesquels les parties contractantes peuvent être exemptées des règles du commerce international. La possibilité pour les États de prendre des mesures incompatibles avec les règles du GATT est en effet formulée dans les dispositions de l'article XX relatives aux exceptions générales. Certaines exceptions concernent particulièrement la protection de l'environnement, de la santé et de la vie humaine, animale ou végétale. Des exceptions sont également prévues pour les mesures relatives à la conservation des ressources naturelles épuisables. Elles sont énoncées de la manière suivante: Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord [le GATT] ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures: b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux; g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales. ...?68 68 Texte de l'article XX du GATT. 58 Si on analyse de près ces exceptions aux règles du GATT relatives à la protection de l`environnement et de la santé humaine, on peut observer que le texte introductif de l'article XX a pour objet de prévenir l'utilisation abusive des mesures liées au commerce. Aux termes de ce paragraphe, les mesures environnementales ne peuvent pas être "appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international". Ces sauvegardes additionnelles visent principalement à faire en sorte qu'invoquer une exception pour adopter une mesure incompatible avec les règles du GATT ne soit pas un moyen détourné de recourir au protectionnisme. Le texte introductif précise aussi que la mesure ne doit pas constituer un usage abusif ou impropre de la justification provisoire offerte par l'un des paragraphes de l'article XX, à savoir qu'elle est appliquée de bonne foi. En outre, les paragraphes b) et g) de l'article XX autorisent les Membres de l'OMC à justifier des mesures incompatibles avec les règles du GATT si ces mesures sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux, ou si elles se rapportent à la conservation de ressources naturelles épuisables, respectivement. Il en résulte que, pour qu'une mesure environnementale incompatible avec le GATT soit justifiée au regard de l'article XX, un Membre doit procéder à une double analyse prouvant :
79 3. Commerce et environnement dans les négociations multilatérales : L`OMC et les accords environnementaux multilatéraux (AEM) Depuis une quarantaine d`années, plus de deux cent conventions multilatérales ont été conclues (en dehors du cadre de l`OMC) traitant de diverses questions environnementales sont actuellement en vigueur. Ce sont les accords environnementaux multilatéraux (AEM). Ces accords visent notamment à préserver les ressources naturelles, les espèces animales et végétales en voie d`extinction et gérer les déchets toxiques. Or, Une vingtaine de ces accords comportent des dispositions qui peuvent affecter les échanges, par exemple en interdisant le commerce de certains produits ou en autorisant des pays à restreindre les échanges dans certaines circonstances. Parmi les mesures préconisées par ces conventions, certaines sont commerciales parce que les voies commerciales sont plus adaptées pour atteindre les objectifs environnementaux visés. Il convient notamment de citer le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d`ozone, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d`extinction soumet l`importation, l`exportation de certaines espèces à la délivrance de permis ; la Convention de Bâle qui encadre les échanges de déchets vise à empêcher d`exporter des déchets dangereux dans des pays en développement et veille à ce que les déchets dangereux dont l`exportation est autorisée soient traités de façon écologiquement rationnelle dans le pays importateur ; la Convention biodiversité qui vise la conservation de la diversité biologique contient des dispositions liées à des accords commerciaux internationaux et impose des mesures qui peuvent avoir des conséquences sur le commerce ; le Protocole biosécurité ou Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques règlemente les mouvements transfrontières d`organismes vivants génétiquement modifiés. 80 On voit donc que ces AEM utilisent des mesures commerciales pour parvenir à des objectifs environnementaux. Aussi peut-on constater que, entre ces AEM et l`OMC, il peut exister des points de friction des deux ordres juridiques. C`est en ce sens que les Membres de l`OMC, dans le cadre des négociations actuelles de Doha, font de la clarification des relations entre les accords environnementaux multilatéraux et les règles de l`OMC un des enjeux majeurs. Il s`agit d`examiner les possibilités de conciliation entre les deux ordres juridiques et de trouver les moyens d'assurer une coexistence harmonieuse entre les règles de l'OMC et les obligations commerciales spécifiques découlant de divers accords qui ont été négociés au plan multilatéral pour protéger l'environnement. Pour comprendre la nature du problème dont il s`agit ici, il faut se rappeler que, même si tous les problèmes environnementaux ne comportent pas forcément un enjeu international, les négociations multilatérales et les actions concertées restent les meilleures voies à la fois pour lutter contre les changements climatiques, et pour établir des rapports harmonieux entre les régimes du commerce et de l'environnement. En effet, le recours à l`unilatéralisme dans la poursuite des objectifs environnementaux comporterait un risque de discrimination arbitraire et de protectionnisme déguisé qui pourrait nuire au système commercial multilatéral. Les mesures commerciales dans les AEM peuvent jouer dans certains cas un rôle important dans la poursuite de certains objectifs environnementaux. Cependant, les restrictions commerciales ne sont pas le seul moyen d`action, ni nécessairement le plus efficace. Les règles de l`OMC laissent beaucoup de place à l`application de mesures commerciales résultant d`un AEM et ce en toute compatibilité. Même si, jusqu`à présent, aucune mesure ayant un effet sur le commerce, prise en application d`un AEM, n`a été contestée dans le cadre du système du GATT/de l`OMC73, la complexité des relations entre les règles environnementales et les règles 73 La question a été posée d'ailleurs au cas où un différend commercial surgit parce qu'un pays a pris une mesure affectant le commerce au titre d'un accord environnemental, en dehors du système de l'OMC, et qu'un autre pays s'y oppose. Le différend devrait-il être examiné à l'OMC ou dans le cadre de l'autre accord? Selon le Comité du commerce et de l'environnement, s'il y a différend au sujet d'une mesure commerciale prise au titre d'un accord environnemental et si les deux parties au différend ont signé cet accord, celles-ci devraient recourir aux dispositions de cet accord pour régler le différend. Par contre, si l'une d'elles n'a pas signé l'accord environnemental, la seule instance pouvant connaître du différend est alors l'OMC. Cela ne signifie pas que les questions environnementales ne seront pas prises en considération: les Accords de l'OMC autorisent les groupes spéciaux qui examinent un différend à demander l'avis d'experts sur des questions environnementales. 81 commerciales a été soulignée dans l'affaire Chili -- Espadons, et a ainsi montré qu`une issue favorable de ces négociations renforcerait néanmoins les rapports entre les deux systèmes juridiques. Les négociateurs ont fait fond sur les expériences des pays en matière de négociation et de mise en oeuvre d'accords environnementaux multilatéraux (AEM) à l'échelle nationale. Ils cherchent des moyens d'améliorer la coordination et la coopération nationales à cet égard. Ces mécanismes pourraient jouer un rôle central pour la réussite des efforts d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation à ces changements entrepris à l'échelle nationale et internationale. En outre, il ressort clairement des règles de l'OMC et de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques que les deux régimes ne fonctionnent pas isolément. Premièrement, l'article 3.5 de la Convention cadre et l'article 2.3 du Protocole de Kyoto disposent que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable ni une restriction déguisée au commerce international et devraient être appliquées de manière à réduire au minimum les effets négatifs, y compris les répercussions sur le commerce international, et les conséquences sociales, environnementales et économiques pour les autres parties. De plus, les règles de l'OMC laissent une marge de manoeuvre suffisante pour permettre dans certaines conditions l'utilisation de mesures commerciales pour protéger l'environnement. Au niveau interinstitutionnel, les Membres explorent aussi les moyens de renforcer l'échange de renseignements et la coopération entre les Secrétariats de l'OMC et des AEM. Des éléments concrets sont étudiés pour améliorer ou compléter les pratiques et mécanismes de coopération existants. Cet échange de renseignements comprend la participation à des réunions des uns ou des autres ainsi que l'organisation de sessions d'échanges d'informations et des activités conjointes d'assistance technique et de renforcement des capacités. Des liens de coopération sont déjà établis entre l'OMC et les organes chargés des changements climatiques. La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques participe à des réunions du Comité du commerce et de l'environnement (CCE) de l'OMC et a le statut d'observateur ad hoc auprès du Comité qui supervise les négociations concernant spécifiquement le commerce et l'environnement 82 (Session extraordinaire du CCE). Le Secrétariat de l'OMC assiste aux réunions de la Conférence des parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Notons qu`au stade actuel de l`examen des rapport entre les règles de l`OMC et les AME, le comité de l`OMC estime qu`il n`y a pas de contradiction entre les principes fondamentaux de l`OMC de non-discrimination et de transparence et les mesures commerciales prises à des fins de protection de l`environnement, y compris celles qui relèvent d`accords environnementaux. Il note également que certaines dispositions des accords portant sur les marchandises, les services et les droits de propriété intellectuelle permettent aux gouvernements de donner la priorité aux politiques environnementales nationales. Selon le comité de l`OMC, les accords environnementaux constituent le moyen le plus efficace de s`attaquer aux problèmes environnementaux internationaux. Il note que les mesures qui visent à protéger l`environnement et qui ont une incidence sur le commerce peuvent jouer un rôle important dans certains accords environnementaux, notamment lorsque le commerce est directement à l`origine des problèmes environnementaux. 83 |
|