Conclusion
En définitive, il convient de souligner que les
interactions entre le commerce international et l`environnement sont telles que
toute évolution dans l`un des domaines entrainera nécessairement
des conséquences dans l`autre. Et si, a priori, ces interactions sont
souvent supposées se produire sous un mode antagoniste avec des
conséquences négatives dans l`un ou l`autre domaine, nous avons
vu que, a posteriori, la libération du commerce et la protection de
l`écosystème peuvent se réconcilier et se renforcer
mutuellement. Rappelons qu`il a été établi que les
incidences du libre-échange sur l`environnement se produit sous trois
formes dont l`une négative - l`effet sur «l`échelle«
qui favorise augmentation de la production et donc simultanément une
augmentation des émissions des gaz à effet de serre - et les deux
autres positives - l`effet sur la «technique« qui favorise
l`accès à de nouvelles technologies et des améliorations
de l`efficacité énergétique, et l`effet sur la
«composition« qui suppose que le libre-échange peut faire
baisser les émissions des gaz à effet de serre en raison du
principe des avantages comparatifs. Néanmoins, il faut noter qu`il est
difficile de prévoir le résultat global de ces trois effets
combinés, car tout dépendra de l`intensité relative
à chaque type d`effet. De plus, comme les effets sur la technique et sur
l`échelle ont tendance à se produire de manière
contradictoire (et donc s`annulent), c`est surtout l`effet sur la composition
qui dépend des avantages comparatifs de chaque pays et de l`expansion de
l`un ou l`autre secteur plus ou moins gourmand en énergie qui va
déterminer les incidences globales du libre-échange sur
l`écosystème.
De ces premières remarques conclusives découle
une autre observation : c`est que les considérations environnementales
dans les règles de l`OMC sont parfaitement légitimes. En effet,
comment admettre l`existence nécessaire
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d`interactions entre le commerce international et
l`environnement sans faire des considérations environnementales dans les
règles sur le commerce international ? Notons que les rapports entre
l`OMC (et aussi le GATT qui l`a précédée) et la
problématique du développement durable ont aussi connu des
évolutions importantes. En effet, à l`origine, la présence
des considérations environnementales dans les règles de l`OMC
semblait viser essentiellement, non pas à mettre en place des mesures
pour protéger l`environnement, mais surtout à lutter contre de
nouvelles formes de protectionnisme déguisé ou «
protectionnisme vert ». Mais progressivement, on a vu la
problématique du développement durable s`imposer comme un
corrélat indispensable au libre-échange. Si bien que les textes
fondateurs de l`OMC font de l`enjeu du développement durable la
finalité de la libération du commerce. Comme le précise
l`Accord de Marrakech, "l'accroissement des échanges n'est pas une
fin en soi, mais un moyen pour parvenir à l'objectif du
développement durable". Se pose donc cependant la question de
l`adaptation ou de la pertinence des règles de l`OMC dans
l`accomplissement de cet objectif de développement durable.
S`interrogeant sur la pertinence des règles de l`OMC
pour la réalisation de l`objectif du développement durable, on
serait aussi en droit de se demander pourquoi recourir à des
règles d`une institution à vocation commerciale pour promouvoir
l`environnement. En effet, même si les règles de l`OMC peuvent,
dans une certaine mesure, s`avérer pertinentes pour renforcer les
mesures environnementales, ne serait-il pas plus judicieux que la question de
l`environnement soit traitée dans un cadre réglementaire
essentiellement dédié à cela ? Tel est le voeu de certains
mouvements écologiques selon lesquels l`environnement est non seulement
une victime du libre-échange mais aussi le seul domaine à
dimension international n`ayant pas un cadre réglementaire qui lui est
aussi dédié à l`échelle internationale. Il
s`agirait donc de créer, à l`instar de l`OMC, une organisation
mondiale de l`environnement. Reste à savoir s`il serait possible
d`isoler le champ environnemental des autres composants du développement
durable, et du composant économique notamment.
D`ailleurs, ne pourrait-on pas penser que les entrecroisements
et les contradictions internes au concept de développement durable
reflètent bien les relations alliances-oppositions qui existent entre le
commerce international et les
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mesures environnementales ? Et, dans l`optique de la
création d`un cadre réglementaire international essentiellement
dédié à l`environnement, serait-il possible d`envisager
que cette nouvelle institution international prenne des mesures
environnementales sans prendre en compte les incidences de ces mesures sur le
commerce international ? Quelle serait donc la nature des relations entre l`OMC
et une organisation internationale de l`environnement ?
Cette question s`est en effet déjà posée
avec les AEM qui, pour certains d`entre eux, ont des liens très
étroits avec le commerce international mais qui, le plus souvent, vont
à l`encontre du principe du libre-échange. Nous avons ici une
illustration des difficultés que pourraient présenter des
règles environnementales et commerciales énoncées par deux
institutions à visées parfois contradictoires. Mais les relations
établies actuellement entre l`OMC et les AEM pourraient aussi constituer
un modèle ou un précurseur du mode de coopération qui
pourrait exister entre deux institutions internationales où se
négocieraient conjointement les enjeux commerciaux et environnementaux.
C`est là ce que nous appelons l`émergence d`une diplomatie
hybride, à la fois écologique et commerciale.
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