2- Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
2-1- Les anomalies de structure
Les anomalies de structure affectent la fonction normale du
gène touché ou la fonction d'autres gênes intervenant dans
la poursuite de la grossesse (Theisen et Shaffer, 2010). Ces anomalies peuvent
être des délétions, des duplications, des translocations ou
des inversions ; seules les translocations et les inversions jouent un
rôle majeur dans les fausses couches spontanées à
répétition. Toutefois, pendant la gamétogenèse, la
plupart des anomalies chromosomiques ont été
développées de novo, tandis qu'une faible proportion a
été héritée d'un parent qui a eu un
réarrangement équilibré (Goddijn et Leschot, 2000).
2-1-1- La translocation réciproque
La translocation est une mutation génétique
caractérisée par l'échange réciproque de
matériel chromosomique entre des chromosomes non homologues après
cassure sur chacun des chromosomes. Si chacun des parents est porteur d'une
translocation équilibrée, il est possible que leur enfant
hérite d'une translocation déséquilibrée dans
laquelle il y a un « morceau » de plus sur un chromosome et/ou un
« morceau » manquant sur un autre. Les patients porteurs de ces
translocations n'ont pas de phénotype particulier en dehors de troubles
de la fertilité. Ce type de translocation s'observe plutôt en cas
d'avortements à répétition ou de stérilité
(Sanlaville et Turleau, 2011).
On peut également retrouver des fusions centriques
aussi appelées translocations robertsoniennes. Elles se produisent entre
chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21 et 22) par fusion centrique ou, le
plus souvent, par cassures dans les régions juxta-centromériques.
La perte du bras court des chromosomes transloqués n'a pas de traduction
clinique. Lors de la méiose, il existe un risque de formation de
gamètes déséquilibrés donnant des zygotes
trisomiques ou monosomiques pour la totalité d'un chromosome. Le type
des translocations contrôle le taux des risques des fausses couches
spontanées, ce risque est plus élevé si la femme est la
porteuse d'une translocation (Sanlaville et Turleau, 2011).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
41
2-1-2- Inversion chromosomique
Anomalie fréquente chez les couples avec ASR, suite au
crossing-over méiotique, des gamètes
déséquilibrés se forment, due à une inversion de
l'ordre des gènes. Par ailleurs, l'inversion péricentrique est
exposée à la formation de recombinants aneuploïdes, en
fonction de la taille du segment inversé. Un segment chromosomique de
plus de 100 Mpb, soit plus de 50% du chromosome, est à l'origine de
large recombinant dont le produit de conception résulte dans les
avortements. En revanche, aucun déséquilibre ne se produit pour
les petites inversions dont la taille est inférieure à 50 Mpb,
soit inférieure à 40% du chromosome. Dans le cas
intermédiaire, quelques gamètes recombinants seront formés
(Anton et al., 2005). À côté de la taille, la
probabilité du déséquilibre génétique
dépend du segment chromosomique impliqué dans l'inversion, plus
spécifiquement, les points de cassures générés. Le
risque reproductif au cours de l'inversion chromosomique soit multifactoriel et
qu'il s'y s'ajoute un effet interchromosomique (EIC) à l'origine de
l'augmentation des aneuploïdies (Demirhan et al., 2008).
2-2- Erreurs de méiose
Durant la méiose, le jeu diploïde parental
habituel de 46 chromosomes est réduit au nombre haploïde de 23
chromosomes. Des évènements non-disjonctionnels durant la
méiose I ou II, pouvant toucher aussi bien les ovocytes que les
spermatozoïdes, peuvent entraîner des produits de conception
monosomiques ou trisomiques suite à la formation d'un gamète avec
un chromosome en plus ou en moins par rapport au nombre haploïde. À
l'exception de la monosomie X complète, il apparaît que les
monosomies autosomiques sont létales au début du
développement embryonnaire et ne sont généralement pas
identifiées dans les grossesses évolutives (Haoud, 2014).
2-3- Les anomalies de nombre
De manière générale, la plupart des
anomalies chromosomiques rencontrées résulte soit d'une erreur
méiotique, soit une erreur mitotique (menant à un
mosaïcisme), soit d'une erreur lors de la fécondation (Haoud,
2014).
2-3-1- Les dysgonosomies du chromosome X
C'est une anomalie qui touche le nombre des chromosomes X et
est responsable majoritairement d'infertilité primaire. La plupart de
ces aneuploïdes résultent principalement des erreurs au cours de la
méiose chez la femme tandis que < 5% résultent des erreurs
méiotiques chez l'homme (Hassold et Hunt, 2009).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
42
Des études de Fécondation In Vitro
(FIV) ont suggéré que l'apparition des aneuploïdies
ovocytaires est menée suite à une sensibilité
élevée des ovocytes envers les désordres méiotique
et les changements chiasmatiques. Cette sensibilité ovocytaire est
liée à l'âge maternel avancé qui favorise
l'incidence des non-disjonctions chromosomiques (Chiang et al., 2012).
Généralement, les formes mosaïques sont plus
fréquentes chez le couple victimes d'ASR. Il s'agit le plus souvent
d'une monosomie (45;XO) ou d'une trisomie (47;XXY) respectivement chez les
femmes et les hommes. En revanche, parmi les dysgonosomies homogènes, le
syndrome triple X est aussi fréquent chez les femmes victimes d'ASR. Les
grossesses avec monosomie X ont un phénotype considérablement
variable et peuvent présenter une dysmorphie marquée. La plupart
de ces grossesses subit un arrêt de croissance embryonnaire
précoce et se présente sous forme d'un sac gestationnel vide, ou
sous forme d'un petit nodule nécrotique du tissu embryonnaire pendant au
bout du cordon ombilical (Solveig et Pflueger, 2005). Les monosomies
chromosomiques sont relativement rares, 9% des aneuploïdies correspondent
aux monosomie X et 0,5% d'associations trisomies-monosomie X (Stephenson et
al., 2002).
2-3-2- Les trisomies
Les trisomies sont relativement fréquentes et
représentent le groupe d'anomalies le plus souvent rencontrées
conduisant à une perte de grossesse spontanée. Environ le quart
des caryotypes de produits avortés spontanément sont trisomiques.
Toutes les trisomies autosomiques ont été rapportées dans
les différentes études menées à la seule exception
du chromosome 1, pour lequel, la trisomie semble létale avant même
l'implantation et aurait peu de chances de subsister assez longtemps pour
être mise en évidence dans les séries habituelles des AS.
La majorité des produits de conception trisomiques, même ceux avec
des caryotypes viables chez le nouveau-né, se termine par une
fausse-couche. Les trisomies autosomales sont fréquemment
détectées et représentent jusqu'à 60% de toutes les
aneuploïdies. La trisomie 16 suivie de la trisomie 22 sont toutefois les
plus fréquentes, tandis que la trisomie 1 est rarement
détectée dans les produits de la conception. La majorité
des trisomies autosomiques est d'origine maternelle, avec des erreurs lors de
la première division de la méiose plus fréquentes que lors
de la deuxième division de la méiose, mais ceci varie en fonction
du chromosome impliqué. La prédisposition à la
non-disjonction ne peut pas être la même pour tous les chromosomes
et le risque de récidive peut dépendre du chromosome
impliqué dans la trisomie, du parent apportant le chromosome
supplémentaire et du risque de base associé à l'âge
maternel (Sheth et al., 2013).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
43
2-4- Erreurs de la mitose
Une mauvaise ségrégation lors de la
première division mitotique peut donner lieu à une
tétraploïdie. Les conceptus tétraploïdes sont
généralement « éliminés » très
tôt lors de la grossesse, bien qu'il existe de rares exceptions. La
non-disjonction mitotique se traduit souvent par un mosaïcisme qui est
caractérisé par la présence de deux ou plusieurs
lignées cellulaires avec une constitution chromosomique
différente. Lorsque la non-disjonction se produit très tôt,
elle peut entraîner un modèle généralisé de
mosaïcisme, tandis que sa survenue plus tard dans la grossesse peut
conduire à un mosaïcisme limité à l'un des deux :
soit le foetus, soit le placenta (Haoud, 2014).
2-4-1- La mosaïque placentaire et
germinale
Le mosaïcisme placentaire confiné est un
problème potentiel, même chez le foetus à caryotype normal.
Sa présence a été associée à des niveaux de
hCG anormaux et est de mauvais pronostic quant à l'issue de la
grossesse, pouvant entraîner soit un Retard de Croissance In
Utéro (RCIU), soit une Mort Foetale In Utéro
(MFIU), soit à un avortement spontané (Kalousek et Barrett,
1994) Un caryotype foetal normal n'exclut pas une anomalie
cytogénétique dans le placenta pouvant être à
l'origine d'une interruption spontanée de la grossesse, ce qui
suggère la nécessité d'analyser à la fois le
caryotype foetal et celui des tissus placentaires dans les naissances mortes
inexpliquées. Des études moléculaires ont montré
que les aneuploïdies autosomiques en mosaïque peuvent provenir soit
d'erreurs mitotiques post-zygotiques soit d'erreurs méiotiques avec
correction post-zygotique avec perte subséquente de l'un des chromosomes
surnuméraires conduisant à la production d'une lignée
cellulaire euploïde ou bien duplication du chromosome en monosomie
à l'origine d'une lignée cellulaire euploïde responsable
d'une disomie uniparentale. La probabilité de survenue de l'un ou de
l'autre des mécanismes peut varier en fonction du chromosome
impliqué. Robinson et ses collègues suggèrent que les
trisomies en mosaïque impliquant les chromosomes 13, 18, 21, et X sont le
plus souvent dues à une perte somatique d'un chromosome
surnuméraire issu d'une non-disjonction méiotique. D'autre part,
la trisomie 8 en mosaïque peut avoir plus de probabilité de survie
lorsque la lignée aneuploïde survient tardivement comme le
résultat d'une erreur mitotique post-zygotique, dans un produit de
conception chromosomiquement normal à l'origine. Le mosaïcisme
placentaire pourrait être un facteur déterminant dans la survie
des embryons trisomiques. Des cas de trisomie 13 et 18 qui survivent à
terme semblent avoir une lignée de cellules diploïdes dans le
cytotrophoblaste. Par contre, le mosaïcisme ne semble pas être
à un facteur de survie dans le cas de la trisomie 21, sans doute
à cause des effets moins délétères de cette
trisomie sur la fonction placentaire (Kalousek et al., 1989).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
44
2-5- Les erreurs de la fécondation
Des erreurs survenant lors de la fécondation peuvent
conduire à des grossesses avec un lot chromosomique
supplémentaire complet (triploïdie) et des grossesses
diploïdes anormales dans lesquelles les deux lots chromosomiques
proviennent d'un seul et même parent (grossesse môlaire ou
môle hydatiforme). Un jeu chromosomique haploïde
supplémentaire d'origine maternel (digynie) ou paternel (diandrie) peut
entraîner un embryon triploïde. Un caryotype à 69,XYY est
indicatif de l'origine paternelle du lot chromosomique supplémentaire,
tandis qu'un caryotype 69,XXX ou 69,XXY, peuvent être le résultat
soit d'une digynie soit d'une diandrie. Différents
évènements peuvent conduire à la présence d'un jeu
chromosomique supplémentaire. Les triploïdies d'origine paternelle
résultent de la fécondation d'un ovule haploïde par deux
spermatozoïdes, ou de la fécondation de l'ovule par un
spermatozoïde diploïde (Haoud, 2014).
2-5-1- Polyploïdie chromosomique
Elle peut se traduire sous forme de triploïdie, (3n=69)
ou tétraploïdie (4n=92). La triploïdité est
relativement plus fréquente que la tétraploïdité,
représentant environ 10% de la perte de grossesse précoce.
L'embryon polyploïde se produit indépendamment de l'âge
maternel et peut résulter d'un ensemble d'haploïdes
supplémentaires, maternel ou paternel (Filges et al., 2015). La
dispermie est en général la cause commune de toutes les
triploïdies, mais elle peut être également le résultat
de la formation des ovocytes diploïdes provoqués par des erreurs
méiotiques maternelles. La tétraploïdie, quant à
elle, représente environ 2% des pertes précoces de grossesses et
est habituellement causée par des erreurs qui surviennent après
la fécondation. Des études ont révélé une
relation entre l'origine de la polyploïdie chromosomique et le
développement foeto-placentaire. Un ensemble de chromosomes
supplémentaires paternel est associé à un foetus en
croissance normale mais un grand placenta cystique, tandis que l'origine
maternelle de la polyploïdie est associée à un retard
sévère de croissance intra-utérine du foetus (Hardy et
al., 2015).
2-6- Les anomalies mineures
2-6-1- Les variants chromosomiques
Le nombre d'accidents abortifs augmentés chez le
couple, dont l'un est porteur du variant chromosomique, permet d'évoquer
leurs rôle important dans la genèse des troubles reproductifs. En
effet, ces variants concernent des gros satellites surajoutés sur des
chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21 et 22) (Frikha et al.,
2012).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
45
L'élargissement de l'hétérochromosome de
ces derniers a été rapporté dans des études
concernant des couples colligés pour des troubles de la reproduction. Il
semble que l'hétérochromatine élargie a tendance à
s'agréger avec d'autres blocs hétérochromatiques par le
biais de ces séquences d'ADN satellites. Cela peut favoriser les
non-disjonctions et aboutir à des trisomies qui sont létales dans
plus de 50% des cas. Il est donc difficile d'exclure la contribution de telles
anomalies sur le produit de conception ; cependant, le rôle de
l'hétérochromatine et des variants, bien que possible, reste
hypothétique (Frikha et al., 2012).
2-6-2-Biais de l'inactivation de l'X
Certains couples font préférentiellement des FCS
sur les embryons mâles et ne donnent naissance qu'à des filles,
faisant évoquer l'hypothèse de maladies géniques
létales récessives liées à l'X transmises par la
mère. L'exemple le plus connu est celui de l'incontinenta
pigmenti, maladie létale chez l'individu de sexe mâle et
diagnostiquée chez les femmes porteuses à l'état
hétérozygote par l'existence de taches cutanées
pigmentées. Toutefois, d'autres maladies récessives liées
à l'X létales chez l'embryon mâle pourraient être
responsables de FCS précoces. Or, l'existence d'un X porteur d'une telle
mutation chez une femme entraîne un biais d'inactivation de ses
chromosomes X avec une inactivation préférentielle de l'X
muté souvent supérieure à 10/90. Ce
déséquilibre d'inactivation de l'X peut être mis en
évidence par biologie moléculaire qui différencient les
gènes méthylés ou non parmi les X d'origine maternelle et
paternelle. Toutefois, la limite entre normal et pathologique est difficile
à définir, d'autant plus que le taux d'inactivation de l'X varie
avec l'âge et avec le tissu étudié (Sharp et al.,
2000).
2-7- Les troubles de gène unique et polymorphisme
nucléotidique simple
La fécondation des ovocytes et l'implantation
d'embryons sont des processus très compliqués
contrôlés par des centaines de molécules codées par
plusieurs gènes. Toutefois, le dépistage de ces gènes est
potentiellement difficiles (Quintero-Ronderos et al., 2017). La
mutation de certains gènes, tel que le gène associé au
syndrome de Smith-Lemli-Opitz, au méthémoglobinémie ainsi
que le gène associé à l'anémie falciforme peuvent
être impliqué dans l'étiologie des ASR (Lazarin et
al., 2017). Le polymorphisme nucléotidique correspond à une
variation ou un remplacement d'un nucléotide qui se produit à une
position spécifique dans le génome. Certaines mutations sont
responsable de ce polymorphisme, ainsi, la majorité de ces variations ne
modifient pas la fonction cellulaire et n'ont donc aucun effet. Cependant,
d'autres Polymorphisme Nucléotidique Simple (SNP) ont été
découverts lors de la contribution au développement de certaines
pathologies sévères parmi lesquelles : les ASR (Salk et
al., 2018).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
46
Le gène qui code pour l'enzyme de l'oxyde nitrique
synthase endothéliale joue un rôle clef dans l'angiogenèse
utérine et placentaire et il est exprimé par les
syncytiotrophoblastes pendant la grossesse. Un polymorphisme au niveau de ce
gène pourrait modifier son expression et induire par conséquence
un avortement spontané (Azani et al., 2017 ; Zhao et
al., 2019).
Les gènes de la métalloproteinase-2
(MMP2) et de la métalloproteinase-9 (MMP9) sont
essentiels à la prolifération cellulaire, à l'apoptose et
à l'angiogenèse. Leur expression et activation par les
trophoblastes est indispensable pour une grossesse normale. Dans certains cas
d'ASR, plusieurs SNP ont été détectés au niveau des
séquences promotrices de ces gènes (Li et al., 2018).
2-8- Fausses couches spontanées à
répétition inexpliquées
En dehors des rares cas d'anomalies chromosomiques
létales mises en évidence sur la culture du trophoblaste, toutes
les FCS sont inexpliquées et l'enquête étiologique
précédemment décrite ne recherche que des facteurs
favorisants, dont certains sont accessibles à des traitements. Dans une
série publiée en 1996 par Stephenson et portant sur 197 couples
avec au moins trois ASR, aucun facteur potentiellement étiologique n'est
retrouvé dans 42,6% des cas (Stephenson, 1996). Environ la moitié
de ces fausses couches précoces inexpliquées pourraient
être en relation avec une cause génétique male. Dans les
autres cas, une réponse allo-immune du fait d'un défaut
d'induction de tolérance vis-à-vis des antigènes paternels
pourrait être à l'origine de la perte foetale (Stern et Chamley,
2006).
2-9- Prévalence des anomalies chromosomiques en
fonction du nombre de FCS
L'augmentation du risque d'avortement spontané avec le
nombre d'accidents antérieurs est un argument en faveur de la
réalité d'un syndrome d'ASR. En effet, si les
événements étaient indépendants, le risque d'avoir
deux AS successifs serait de 2,3% et pour trois AS de 0,34%. Or, après
un avortement, le risque moyen de récidive est de 20%, après deux
AS de 28%, après trois AS de 30% et de 45% après quatre. Le
risque d'AS augmente avec :
- La gravidité, quelle que soit l'issue des grossesses
précédentes : ainsi, on distingue les ASR primaires (en
l'absence d'accouchements antérieurs) et les ASR secondaires
(après la naissance d'un enfant) ; toute naissance entre les AS
ramène le taux de récidive à 10% environ.
- L'âge des femmes (25% de risque après trois AS
pour un âge inférieur à 30 ans versus 52% pour un
âge supérieur à 40 ans).
- La notion d'infertilité chez le couple.
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
47
Par ailleurs, les études fondées sur
l'évaluation pronostique chez le couple souffrant d'ASR ont
constaté une décroissance du taux de naissances en fonction du
nombre de FCS. Cependant, certains auteurs ont noté une
décroissance de l'incidence des anomalies chromosomiques au fil de la
récurrence des ASR. D'autres ont constaté que la
prévalence des anomalies chromosomiques parentales est
indépendante du nombre de FCS (Carp et al., 2004).
2-10- Implications paternelles
Les ASR sont généralement abordés
à partir de facteurs maternels en raison de la relation maternelle
intime avec l'embryon en développement. Récemment, une plus
grande attention a été accordée à l'effet des
facteurs masculins sur les ASR. L'examen clinique en laboratoire des hommes
implique une analyse de routine du sperme pour en évaluer les
paramètres tels que la concentration, la motilité, la
viabilité et la morphologie du sperme. La morphologie des
spermatozoïdes fournit des informations importantes concernant le
processus de spermiogénèse qui présente un impact sur la
fonction du sperme et par conséquence, avoir un impact sur la
reproduction (Puscheck et al., 2007).
À la fin des années 1990, Bonde et al
ont rapportés que les hommes dont la morphologie des
spermatozoïdes était anormale avaient une possibilité
réduite de parvenir à une grossesse (Slama et al.,
2002). La qualité du sperme peut affecter le développement
embryonnaire précoce, que ce soit à cause d'un ADN anormal ou /et
une protéine membranaire du sperme anormale (Nagy et al.,
2000). La morphologie de la tête du sperme a un impact majeur sur
l'efficacité hydrodynamique du sperme. Plusieurs études ont
démontré qu'un taux élevé de morphologie anormale
des spermatozoïdes était corrélé à
l'échec de l'embryon à un stade précoce du clivage et
qu'un ADN défectueux dans le sperme influençait l'expression et
la régulation adéquates des gènes paternels au cours des
étapes précoces du développement embryonnaire (Gillies
et al., 2009).
2-10-1- Fragmentation de l'ADN
La fragmentation de l'ADN est la séparation ou la
rupture des brins d'ADN en morceaux. La présence d'une fragmentation
significative de l'ADN du sperme a des implications profondes sur
l'embryogenèse, la croissance prénatale et postnatale ainsi que
les malformations congénitales (Nanassy et al., 2003 ; Auger
et al., 2009).
La fécondation d'un ovocyte avec un spermatozoïde
endommagé peut entraîner une augmentation des dommages à
l'ADN dans le génome embryonnaire résultant, ce qui pourrait
entraîner des erreurs d'ADN à différents niveaux
d'embryogenèse. Cela peut se manifester soit comme léthal pour un
embryon et contribuer donc à des ASR (Lewis et Simon, 2010).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
48
Gopalkrishnan et al ont étudié plus en
détail les noyaux de sperme et la condensation de la chromatine du
sperme et ont observé une augmentation des vacuoles nucléaires du
sperme et une condensation anormale de la chromatine dans le groupe ASR
(Gopalkrishnan et al., 2000). L'échec de la
décondensation du sperme dans les ovocytes peut être la
conséquence d'une anomalie subtile du sperme comme des défauts
structurels ou biochimiques associés à l'empaquetage ou à
l'organisation de la chromatine pendant la spermatogenèse. Les dommages
liés à la chromatine précèdent la perte du
potentiel de fécondation et la mauvaise qualité de l'embryon,
entraînant une perte de grossesse (Saxena et al., 2008).
Grâce aux progrès de la génétique
moléculaire, il a été démontré que
l'intégrité de l'ADN du sperme affecte la fécondation, le
développement ultérieur de l'embryon, l'implantation et la
grossesse. Bien qu'un certain degré de dommages à l'ADN se
produise naturellement pendant le transport du sperme et puisse être
réparé dans le cytoplasme de l'ovocyte lors de
l'insémination, des issues de grossesse défavorables peuvent
survenir lorsque les dommages dépassent la capacité de
réparation du cytoplasme (Agarwal et al., 2016).
Les varicocèles sont une cause connue de dommages
à l'ADN des spermatozoïdes et de nombreux urologues
évalueront leur présence dans les couples atteints d'ASR. Des
facteurs modifiables supplémentaires qui ont été
associés à une augmentation de la génération
d'espèces réactives de l'oxygène et à une
fragmentation anormale de l'ADN des spermatozoïdes comprennent l'alcool,
le tabagisme, et certaines toxines environnementales. Une autre
possibilité que certains hommes aient une prédisposition
génétique inhérente non reconnue qui rend l'ADN de leurs
spermatozoïdes susceptible de se fragmenter. Cette possibilité doit
encore être étudiée en profondeur et nécessiterait
des évaluations génétiques raffinées, y compris
l'évaluation des modifications épigénétiques dans
le génome du sperme (Wang et al., 2012).
Il est largement admis que le développement de
l'embryon est soumis au contrôle maternel dès les premiers stades
et que les gènes paternels affectent le développement au stade 4
à 8 cellules. Par conséquent, à ce stade, les
conséquences des dommages à l'ADN paternel peuvent devenir
apparentes, altérant le développement embryonnaire (Nanassy et
Carrell, 2008).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
49
2-10-2- Microdélétion du chromosome
Y
La présence d'une oligospermie ou d'une azoospermie
sévère lors de l'analyse de routine du sperme justifie une
enquête plus approfondie, y compris une évaluation de la
microdélétion du facteur azoospermique (AZoospermic Factor AZF)
sur le chromosome Y (Perrin et al., 2005). Des chercheurs ont
étudié la prévalence des microdélétions du
chromosome Y dans leurs populations de couples atteints d'ASR. Trois
études ont montré une prévalence significativement plus
élevée de microdélétion du chromosome Y dans le
groupe ASR par rapport aux témoins et cette prévalence varie de
16% à 82% (Dewan et al., 2006). Très peu d'études
ont évoqués le mécanisme plausible par lequel la mutation
des facteurs azooseprmiques peut être impliquée dans les fausses
couches. Certaines de ces études mettent en cause des mutations de la
région AZF avec un défaut de la méiose, qui peut
être associée à une augmentation des pertes de grossesse
(Perrin et al., 2005). Une explication alternative est que ces
microdélétions sont des polymorphismes et qu'en raison de la
présence de zones palindromiques, il est probable qu'il y ait des
événements de croisement avec le chromosome X produisant une
anomalie génétique qui pourrait entraîner des ASR (Dewan
et al., 2006 ; Auger et al., 2009).
2-10-3-Aneuploïdie du sperme
L'aneuploïdie du sperme a été
détectée à un taux accru chez les partenaires masculins de
femmes atteintes d'ASR par rapport aux témoins dans plusieurs
études (Zidi-Jrah et al., 2003). Certains couples atteints
d'ASR ont un partenaire masculin avec des paramètres d'analyse du sperme
essentiellement normaux mais une aneuploïdie du sperme ou des anomalies
chromosomiques. Ainsi, les couples avec = 2 avortements spontanés
devraient avoir le partenaire masculin dépisté pour ces
conditions via un test FISH. Ce test vérifie les aneuploïdies des
chromosomes 13, 18, 21, X et Y. Les couples avec un test FISH positif pour
l'aneuploïdie du sperme peuvent choisir de subir un test
génétique préimplantatoire pour les défauts
monogéniques avec FIV (Auger et al., 2009 ; Ramasamy et
al., 2014).
2-10-4-Longueur des télomères
Les télomères ont une fonction
spécialisée dans le maintien de l'intégrité
chromosomique et dans les cellules germinales, on pense qu'ils aident à
la recombinaison méiotique et à l'appariement des chromosomes
homologues. Le raccourcissement des télomères dans les cellules
somatiques entraîne la perte de leur capacité de protection
physique de l'extrémité des chromosomes, ce qui entraîne
des translocations non réciproques, une instabilité
chromosomique, des délétions, une aneuploïdie et des
dommages à l'ADN (Murnane, 2006).
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
50
Chapitre III Cytogénétique des avortements
spontanés à répétition
Thilagavathi et al ont émis l'hypothèse
que si les télomères sont connus pour jouer un rôle
important dans divers troubles, et pourraient jouer un rôle au niveau du
génome des spermatozoïdes et des ovules dans l'ASR
(inexpliquée). Leur étude impliquait des analyses de la longueur
des télomères de leucocytes obtenus à partir de 25 couples
ayant subi des ASR et 20 témoins fertiles. Les auteurs ont
découvert que la longueur moyenne relative des télomères
leucocytaires chez les hommes et les femmes atteints d'ASR était
significativement plus faible par rapport aux témoins. Ce fut une
découverte intéressante et a conduit à conclure que les
télomères raccourcis pourraient jouer un rôle dans l'ASR
inexpliquée. Cependant, cela devrait être davantage
justifié en analysant les longueurs des télomères au
niveau des cellules germinales (Thilagavathi et al., 2013).
2-10-5- L'épigénétique du
sperme
Le profil épigénétique des
spermatozoïdes pourrait fournir une information historique sur l'ensemble
du processus de spermatogenèse. Pendant la maturation du sperme, environ
90% des histones sont remplacées par des protamines, ce qui permet un
conditionnement plus efficace de la chromatine compactée et
protège également le sperme des dommages oxydatifs. Toute
modification de ce processus aurait un impact sur l'intégrité de
l'ADN du sperme et le rendrait vulnérable aux dommages à l'ADN
(Oliva, 2006). Des auteurs ont découvert que les spermatozoïdes des
partenaires masculins de femmes atteintes d'ASR contenaient de la protamine-1
et de la protamine-2 significativement plus élevés et que le
rapport d'acide ribonucléique messager (ARNm) de la protamine
était plus faible dans le groupe de cas. Les auteurs suggèrent
que non seulement les protamines sont importantes pour la fécondation,
mais qu'elles peuvent jouer un rôle supplémentaire dans
l'embryogenèse précoce; bien que par un mécanisme
incertain (Rogenhofer et al., 2017). Les microARN sont
également des ARN codants non protéiques qui induisent un
silencing génique post-transcriptionnel et assurent la
médiation de la répression traductionnelle (Lim et al.,
2005). Une étude comparative cas-témoins de couples avec ASR
inexpliqués a démontré des différences dans les
polymorphismes de microARN parentaux. Il s'agissait de la première
étude à les impliquer dans l'ASR (Amin-Beidokhti et al.,
2017).
2-10-6- L'âge paternel
Certaines études ont montré qu'avec
l'augmentation de l'âge paternel, le pourcentage de morphologie normale
des spermatozoïdes tend à diminuer. L'analyse du sperme d'hommes de
20 à 60 ans a démontré que l'âge était
négativement corrélé avec le pourcentage de morphologie
normale du sperme et qu'il a commencé à décliner
progressivement à l'âge de 30 ans ((Auger et al., 2009 ; Zhu
et al., 2011).
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