CHAPITRE II : SOLUTIONS GEOMATIQUES ET PALUDISME:
ETAT
DE L'ART
Introduction
Le discours sur le paludisme dans le monde a fait et continue
de faire l'objet d'une curiosité scientifique. Cet engouement vis
à vis des maladies tropicales est à l'origine d'une
littérature abondante et variée. En effet, l'analyse des
relations entre la vulnérabilité, l'occupation des bas-fonds et
le paludisme en milieu urbain nous contraint à nous pencher d'abord sur
les liens qui existent entre le milieu de vie de l'homme et la qualité
de sa santé, ensuite aux facteurs à risques liés au
paludisme et enfin aux différentes stratégies exogènes et
endogènes de lutte contre le paludisme.
2-1. DIFFERENTS FACTEURS ASSOCIES AU PALUDISME 2-1-1.
Paludisme et statut socioéconomique
Le paludisme est généralement associé
à la pauvreté (Worrall E, Basu S, Hanson K. Sonko ST, Jaiteh M,
Jafal D'Alessandro U, Camara A, et al.). Au niveau mondial, le paludisme est
principalement localisé dans les pays en développement. Au sein
de ces pays, la maladie sévit de manière plus importante en
milieu rural ( Zoungrana A, Chou Y-J, Pu C.). Certaines études, en se
référant au cadre global de l'interrelation entre la
pauvreté et la santé, évoquent l'idée de la
dualité de relation entre la pauvreté et le paludisme ( Somi MF,
Butler JR, Vahid F). Le paludisme et la pauvreté forment un cercle
vicieux qui aggrave les inégalités sociales de santé et
les inégalités de niveau de vie (Somi MF, Butler JR, Vahid F et
Tusting LS, Willey B, Lucas H,).
Les pays développés ayant réussi
l'élimination du paludisme ont mis l'accent sur le développement
socioéconomique et l'amélioration du cadre de vie des
populations. À côté des interventions antipaludiques
traditionnelles, certains auteurs suggèrent d'agir aussi sur les
déterminants sociaux de la maladie ( Sonko ST, Jaiteh M, Jafali J, Jarju
L, et Obaldia N.). L'analyse du lien entre le paludisme et la pauvreté
permet la conception des interventions cohérentes et efficaces
permettant de réduire simultanément le paludisme et la
pauvreté.
Par ailleurs, si dans la littérature les auteurs
s'accordent à dire que l'élimination du paludisme passe par une
approche multisectorielle (Obaldia N.), le lien entre le statut
socioéconomique et le paludisme est complexe et diversement
interprété.
2-1-2. Paludisme et comportement des
populations
Pour Trape J. et Rogier (1996) cité par Gantcho S. E.
(2004), la recrudescence du paludisme est liée aux comportements
adoptés par la population pour la prévention et le traitement de
la maladie. C'est l'utilisation anarchique des médicaments
anti-palustres qui serait à l'origine de l'émergence de certaines
formes de résistances aux antipaludique et due à la persistance
de l'endémie. Ils pensent aussi que le recourt tardif des malades au
dispensaire ou à l'hôpital, la primauté qu'ils accordent
à l'automédication et parfois à la tradi-thérapie,
la non survie du traitement et les changements d'itinéraires
thérapeutique à contre temps qui sont à l'origine de
l'émergence du paludisme.
2-1-3. Paludisme et situation
géographique
Trape J. F. (1986) pense que le paludisme en milieu urbain
appartient aux fronts d'urbanisation et quartiers d'urbanisation récente
à haute densité de population, zones directement riveraines des
espaces à vocation maraîchère préservée,
zones industrielles et leur périphérie immédiate.
Dans une étude sur l'exploitation des bas-fonds et la
transmission du paludisme en milieu urbain réalisée par Adja A.
M. et al (2008), à Abidjan, les résultats ont montré que
les populations vivant à la périphérie sont trois fois
plus exposées au paludisme que celle vivant au centre de la ville. Ils
pensent par ailleurs que cette forme de propagation est due en partie par
l'exploitation des bas-fonds qui offrent facilement des gîtes favorables
au développement des agents vecteurs du paludisme. D'après le
site http/paludisme.htm (20 janvier 2011), le paludisme résiste
aujourd'hui plus dans les pays tropicaux et subtropicaux, notamment en Afrique
subsaharienne, Asie du Sud-est. De même, la construction des
systèmes d'irrigation et ses réservoirs dans certaines pentes du
monde peuvent avoir un grave impact sur la distribution du paludisme et sur
l'intensité de sa transmission. Ainsi, l'OMS estime que la principale
charge de morbidité due au paludisme (90%) est située en Afrique
subsaharienne avec un nombre estimé de décès
dépassant un million par an. Dans la même lancée, le
Réseau Sida Afrique (2007) dans une étude menée sur la
cartographie de la lutte contre le paludisme au Cameroun, nous montre la liste
des ONG/associations de coordination ainsi que leur répartition sur le
territoire nationale pour une meilleure mise en oeuvre du PNLP.
2-2. DIFFERENTES APPROCHES D'ANALYSE DE LA VULNERABILITE
2-2-1. Vulnérabilité et risque
Le concept de vulnérabilité a sa propre histoire
dans des disciplines et champs spécifiques. En médecine et
épidémiologie, il se réfère souvent à des
processus biologiques et physiologiques, mais en raison de la transition de la
santé (ou du risque) cette compréhension s'est élargie
pour inclure les aspects sociaux et économiques, par exemple dans la
recherche sur le SIDA (Delor et Hubert, 2000) et sur d'autres maladies
liées à la pauvreté telles que la tuberculose et la
malaria (Bates et coll., 2004a; Bates et coll., 2004b). La définition de
la vulnérabilité de Chambers a été largement
citée, et son approche continue à stimuler la recherche, à
la fois dans le champ académique et dans les champs appliqués, en
particulier dans les études sur le développement, la
sécurité et la globalisation (Bohle, 2001; Watts and Bohle 1993;
Watts, 2002; Krüger et Macamo, 2003). En ce qui concerne la recherche sur
la santé, cela fournit clairement une nouvelle perspective pour examiner
les liens complexes entre la santé et la pauvreté. Dans cette
perspective, la vulnérabilité va bien au-delà des
dispositions physiques et mentales et doit être étudiée en
référence aux dimensions sociales et économiques qui
façonnent le « livelihood » des personnes.
Au cours des décennies passées, de nombreuses
études épidémiologiques ont été
menées pour décrire l'étendue, la nature et la
distribution des problèmes de santé des populations urbaines et
pour mesurer l'impact sur la santé de nombreux facteurs (Satterthwaite,
1993; Harpham et Tanner, 1995; Atkinson et coll., 1996; Harpham et Molyneux,
2001; Mc Granahan et coll., 2001). Les risques urbains de santé varient
entre les aspects tangibles de l'environnement physique (tels que la
qualité de l'eau et de l'habitat, la disposition des déchets et
la qualité du sol) et une synergie complexe de facteurs de risques
physiques et sociaux, de stress chronique, et à court terme, de
blessures et de violence.
Ces études se centrent généralement
autour du concept de risque. Elles décrivent qualitativement et
analysent quantitativement les facteurs de risque pour fournir une base
à la planification basée sur des éléments tangibles
et les interventions de santé. Ces interventions sont souvent
avantageuses en termes de coût, mais font face au problème de la
conformité si les risques sont mesurés et les interventions
formulées sans inclure le point de vue des bénéficiaires
visés.
2-2-2. Vulnérabilité urbaine
Moser (1998) a appliqué l'approche de Chambers à
l'étude de la vulnérabilité urbaine dans le contexte
des livelihoods urbains, en particulier dans les villes
affectées par des crises macroéconomiques. Elle définit la
vulnérabilité comme «insécurité et
sensitivité dans le bien-être des individus, des ménages et
des communautés face à un environnement changeant, et
implicitement, leur capacité de réponse et la résilience
aux risques qu'ils affrontent durant de tels changements négatifs.»
(Moser, 1998).
L'approche de Moser (1998) identifie trois grandes
caractéristiques de la vulnérabilité urbaine: la
marchandisation, les aléas environnementaux, et la fragmentation
sociale. La marchandisation se réfère au fait que dans
l'économie urbaine, un abri, la nourriture, l'eau et de nombreux autres
biens et services constituent des marchandises. Les gens ont besoin d'argent
pour les payer. On pourrait dire que plus leur niveau de revenu est bas, plus
ils ont de difficultés à obtenir l'accès aux
nécessités de base, et plus haut est leur risque de destitution.
Les aléas environnementaux principaux que Moser mentionne sont la faible
qualité de l'habitat et l'approvisionnement inadéquat en eau, en
systèmes d'égouts et de traitement des déchets solides. En
ce qui concerne la fragmentation sociale, Moser signale qu'une plus grande
hétérogénéité sociale et économique
peut affaiblir la communauté et les mécanismes de confiance et de
collaboration internes au ménage, spécialement dans des
conditions de difficulté économique.
L'approche de Moser fournit donc un cadre pour examiner divers
aspects du cercle vicieux de la pauvreté et de la santé: les
pauvres sont plus exposés au risque de santé, et non seulement
cela les rend plus faibles physiquement, mais cela épuise
également leurs ressources, réduit leur productivité et
ainsi les pousse d'autant plus vers la pauvreté.
Nous vivons dans un monde qui s'urbanise rapidement. Pour la
première fois dans l'histoire, le monde aura bientôt plus de
résidents urbains que ruraux (ONU, 2004). En Europe, Amérique du
Nord, Amérique du Sud et Caraïbes, une majorité vit
déjà dans les espaces urbains. En Afrique et en Asie, les niveaux
d'urbanisation sont plus bas, mais ils les rattrapent rapidement. La croissance
urbaine en Afrique s'est produite essentiellement au cours des cinquante
dernières années, passant d'environ 32 millions en 1950 à
plus de 350 millions en 2005. La vitesse et l'échelle de cette
croissance posent de formidables défis à la région et aux
différents pays.
L'urbanisation influence clairement de nombreux aspects de la
santé et du bien-être des gens (Galea et coll., 2005,): ce qu'ils
mangent, l'air qu'ils respirent et l'eau qu'ils boivent, où ils
travaillent, l'habitat qui les abrite, les arrangements familiaux, où
ils se rendent pour les soins de santé, le danger qu'ils rencontrent
dans la rue, et qui est disponible pour le soutien pratique, émotionnel
et financier. L'urbanisation ne constitue pas forcément une menace pour
la santé, comme le montre l'expérience de nombreuses villes dans
des pays riches. Toutefois, si la croissance urbaine rapide se combine avec le
déclin économique, la mauvaise gestion et/ou les troubles
politiques, les administrations des villes ne sont plus capables de
protéger les habitants des aléas naturels et humains, incluant
les effets négatifs de la globalisation (Tabibzadeh et coll., 1989).
C'est le cas dans de nombreuses villes africaines où environ 50 pour
cent de la population vit dans des bidonvilles, manifestation physique et
spatiale de la pauvreté urbaine et de l'inégalité
intra-ville caractérisée par un habitat de moindre qualité
ou informel, le manque d'accès aux services de base, la pauvreté
et l'insécurité (ONU-Habitat, 2003).
2-3. CONTRIBUTION DE LA GEOMATIQUE A LA SANTE
PUBLIQUE
La géomatique avec son approche systémique et
ses méthodes d'analyses spatiale et temporelle joue de plus en plus un
rôle clé d'interface entre l'environnement, la santé et
l'épidémiologie.
C'est au début des années 70 qu'un
ingénieur géographe employa pour la première fois le mot
« géomatique » pour faire allusion au mariage des sciences de
l'étude et des mesures de la Terre avec l'informatique. De nos jours, la
géomatique est définie comme étant un champ
d'activités qui a pour but d'intégrer les moyens d'acquisition et
de gestion des données à référence spatiale en vue
d'aboutir à une information d'aide à la décision, dans un
cadre systémique. La notion de système explique la prise en
compte de tout ce qui concourt à la réalisation d'un projet de
géomatique : les données, les équipements, les logiciels,
les spécialistes, le cadre physique de travail ainsi que les
procédures qui les coordonnent.
Des expressions synonymes du mot géomatiques sont
utilisées dans d'autres langues; c'est le cas de l'anglais avec
l'expression « Geographic Information System (GIS) » qui est souvent
traduite en français par « Système d'Information
Géographique (SIG)». Depuis la fin des années 90, les
scientifiques utilisent de plus en plus l'expression « science de
l'information géographique » pour éviter la confusion dans
la désignation du domaine de la géomatique et des logiciels qui
supportent cette dernière.
Si la géomatique s'adresse avant tout à des
objets relativement à leur position sur la Terre, les scientifiques, par
abus de langages, intègrent dans son champ, d'autres activités
traitant d'objets dont la référence n'est pas notre
planète : c'est le cas entre autre de certaines applications
médicales où la référence est l'être
humain.
2-3-1. Liens complexe entre la santé,
l'environnement humain et physique (Territoire)
Les interactions entre l'environnement et la santé
publique se situent à plusieurs niveaux. Avec le développement
industriel, les espaces ouverts ont pris du recul; les substances chimiques
potentiellement toxiques sont plus rependues et la pollution complexe change le
climat global.
Comment peut-on contribuer à la recherche de cette
situation globale en mettant l'accent sur les interactions entre les
phénomènes multiples suivants: la description des patrons
spatiaux de la mortalité et de la morbidité, les facteurs
socio-environnementaux associés à ces patrons, l'étiologie
et la diffusion d'une maladie, la distribution spatiale, la diffusion et la
régionalisation des ressources dédiées à la
santé, l'accessibilité et l'utilisation des ressources relatives
à la distribution d'un service sanitaire particulier, les espaces
spatiaux et temporels des interactions entre la maladie et la
disponibilité et l'offre des soins de santé (Quénel,
1995)?
C'est à cette que les géomaticiens en
collaboration avec les géographes et les spécialistes de la
santé publique tente d'apporter des éléments de solution
efficaces et robustes. Les effets environnementaux et de santé ont un
point commun : ils s'articulent dans l'espace et sur le territoire et peuvent
donc être analysés et gérés à l'aide des
outils de la géomatique : télédétection,
cartographie, SIG, modélisation. Mais ces outils, qui relèvent de
la haute technologie, ne sont pas toujours utilisés au mieux de leurs
possibilités. En effet, un rapport de l'OMS (1999) met en
évidence le fait que l'analyse spatiale et la cartographie
appliquée à l'épidémiologie sont connues depuis
longtemps mais jusqu'à une époque récente leur utilisation
en santé publique est restée limiter. En guise d'exemple, citons
Wartenberg et al. (1993) et Stallones et al. (1992) qui ont
intégrés des méthodes de surveillance
d'épidémiologie dans les SIG pour identifier les personnes
à risque dans le voisinage des lignes hydroélectriques de haute
tension pour les premiers et aux abords de sites d'enfouissement des
matières dangereuses pour les seconds.
2-3-2 Cartographie du risque de paludisme entre 1900
et 1960
La science et l'application de la cartographie du risque de
paludisme en Afrique connaît une longue histoire sur le continent.
Seulement quelques années après la découverte par Sir
Ronald Ross du rôle joué le vecteur-moustique, ont commencé
à être développées des cartes
détaillées des zones de reproduction des
moustiques par rapport aux lieux d'habitat humain pour la ville de Freetown en
Sierra Leone. Rassembler les connaissances cartographiques des hôtes
humains par rapport aux lieux de reproduction des moustiques, à la
topographie, au climat et à l'agriculture était crucial pour les
efforts précoces de lutte contre le paludisme en Algérie, au
Maroc et dans les centres européens de commerce et d'administration
établis, dont la Guinée, le Burkina Faso, le Malawi et la
Tanzanie (Le Lannou 1936). Ces cartes fournissaient aux agences de lutte une
opportunité de planifier le contrôle des larves, la gestion de
l'environnement, l'administration massive des médicaments ainsi que les
réponses douteuses et non éprouvées telles que la
ségrégation raciale.
La portée globale et les risques posés par le
paludisme ont été cartographiés pendant les années
1930 (Le Lannou 1936). Cependant, les informations utilisées pour
développés ces cartes n'ont jamais été
documentées et l'on peut même présumer qu'elles
étaient largement qualitatives, des avis experts sur la graduation des
zones en partant des zones exemptes de paludisme aux zones à faible et
forte « endémicité ».
Au début de la Seconde Guerre mondiale, l'armée
américaine commençait à développer des cartes
mondiales de risques de maladies, dont le paludisme, en préparation aux
engagements militaires à l'étranger. Cela a résulté
en un atlas, Global epidemiology: a geography of disease and sanitation
(Epidémiologie mondiale: géographie des maladies et des
installations sanitaires), publié en 1944 (Sergent E. 1905).
À partir des années 1950, de nombreuses représentations
cartographiques de la répartition mondiale du paludisme ont
été développées par des paludologues et la toute
nouvelle Organisation mondiale de la santé (OMS) (Douglas M. 1985).
Après la Seconde Guerre mondiale, George Macdonald offrait la carte la
plus précise en matière de risque de paludisme dans le monde,
fondée sur la répartition des vecteurs formant 12
éco-zones zoographiques faiblement connectées à ses
concepts de stabilité (Douglas M. 1985).
2-3-3. La renaissance de la cartographie du risque de
paludisme au cours des années 1990
En 1996, une collaboration panafricaine a vu le jour pour
faire renaître la cartographie du paludisme. Le Mapping Malaria Risk in
Africa/Atlas du Risque de la Malaria en Afrique (MARA/ARMA) a
débuté comme collaboration entre les instituts africains de
recherche pour rassembler un recueil de données disponibles
déjà publiées ou pas sur la prévalence de
l'infection paludique, les espèces vectrices de paludisme dominantes des
complexes An. gambiae et An. funestus, les taux d'inoculation
entomologique et le taux d'incidence. Les recherches ont été
menées dans des bibliothèques nationales de recherche et à
partir de
matériel publié en utilisant cinq noyaux
régionaux. En 1998, la collaboration avait regroupé des
informations sur la prévalence des parasites dans 2529 lieux
d'enquête entreprises entre 1926. En 2001, le financement de la
première phase de ce projet africain a pris fin. En 2006, l'Institut
tropical et de santé publique Suisse, à Bâle, a
continué de recueillir environ 13 000 données d'enquête sur
la prévalence du parasite (OMS 2010).
La phase initiale de la collaboration MARA/AMRA a fourni de
nombreux résultats importants qui ont commencé à modeler
la valeur attachée à la cartographie du risque de paludisme
après avoir été négligé en Afrique pendant
de nombreuses années. Premièrement, la collaboration a recueilli
des informations sur la prévalence du parasite à partir d'une
grande variété de sources d'archives nationales, ce qui n'avait
pas été le cas depuis plus de 30 ans. Cela a permis de mettre en
lumière une richesse d'informations disponibles dans les
bibliothèques nationales et ministères de la santé
à travers le continent africain. 64% de l'ensemble des informations
disponibles ont été recueillies auprès de
ministères de la santé ou de rapports non publiés (Dubois
R. 1973).
Deuxièmement, alors qu'elles ne sont pas basées
sur des données empiriques, de nombreuses données climatiques
basées sur des modèles de répartition du paludisme et la
saisonnalité de la transmission du paludisme (Dubois R. 1973) ont
été développées. Ces cartes peuvent encore
être trouvées dans les bureaux des Programmes nationaux de lutte
contre le paludisme et sont souvent utilisé pour illustrer les risques
paludiques dans les stratégies nationales, les demandes auprès
des bailleurs de fonds et les examens des programmes. Cependant, malgré
le fait que la carte relativement floue sur les conditions climatiques
favorables à la transmission stable du paludisme P. falciparum
a été une étape importante de la cartographie du
paludisme en Afrique, elle demeure largement mal interprétée. En
effet, elle représente une mesure de la probabilité que la
transmission stable peut avoir lieu, plutôt qu'une échelle
d'intensité de la transmission, comme cela est souvent
présumée dans les programmes nationaux.
Les avancées informatiques, les systèmes
d'informations géographiques, les données satellites dans des
procédés de télédétection sur le climat et
l'écologie et le développement de méthodes
géostatistiques basées sur un modèle (MBG) (OMS, 1999) ont
révolutionné la cartographie des maladies infectieuses (Dubois R.
1973), en particulier le paludisme. L'unique avantage du MBG dans la
cartographie des maladies est la gestion des incertitudes. L'interpolation de
données d'enquêtes rares et souvent mal
échantillonnées afin de prédire la prévalence d'une
maladie dans de grandes régions donne lieu à des cartes de
risques d'une précision intrinsèquement variable, avec le niveau
d'incertitude variant spatialement en fonction de la
Pour pallier à ces contraintes, nous suggérons
une solution globale avec sur la collaboration entre géographes,
épidémiologistes et géomaticiens. Pour ce faire, le
géomaticien doit
densité, de la qualité et de la taille de
l'échantillon de données disponibles, et modéré par
la variabilité spatiale sous-jacente de la maladie en question.
2-3-4. Epidémiologies et
géomatique
L'épidémiologie étudie la distribution
spatiale d'une maladie ou d'une condition psychologique de la population et les
facteurs qui influencent cette distribution. Un exemple classique est celui de
John Snow en 1854. Les connaissances des variations géographiques et des
migrations de population contribuent à la découverte des facteurs
de risques dans de nombreuses maladies : le lymphome de Burkitt en Afrique et
le virus Epstein-Barr, les immigrants japonais aux Etats-Unis et le cancer
gastrique. Les grands centres urbains et certains modes de vie sont à la
base de risques pour des maladies comme le SIDA.
L'introduction des outils de géomatique dans la
pratique de l'épidémiologie doit surmonter un certain nombre de
contraintes pour atteindre les objectifs souhaités. En effet, les
méthodes épidémiologiques actuelles ne sont pas capables
d'utiliser ou de synthétiser les données distinctes provenant de
petites unités géographiques d'une façon statistiquement
acceptable, comme peuvent le faire aisément les SIG (Mott et al., 1995).
La technologie de géomatique permet mieux que tout autre outil de faire
ressortir les tendances, les corrélations et les interrelations entre
environnement et santé, et de ce fait, elle constitue un excellent moyen
de visualiser et d'analyser les données épidémiologiques
(OMS, 1999). Les contraintes à surmonter sont les suivantes (Richards et
Croner, 1999):
- La difficulté de production et la rareté des
données géo-référencées utiles à
l'épidémiologiste (handicap non négligeable).
- L'interprétation des phénomènes
épidémiologiques en fonction de l'échelle spatiale des
données: le non spécialiste de la manipulation des DRS se trouve
confronté au problème de gestion des détails et de la
généralisation de l'information; avec des données
numériques et la cartographies assistée par ordinateur (CAO), les
effets de ce problème pourraient être réduis mais encore
faut-il offrir à des coûts raisonnables ce genre de produit.
- Parce que les SIG sont puissants dans l'intégration
ou la fusion des données de sources de données et
d'échelles diverses, le praticien peut être tenté de sauter
rapidement aux conclusions quant à l'interprétation et
l'utilisation des résultats. Il peut courir ainsi le risque de la «
technology push ».
comprendre et savoir appliquer les principes de bases de
l'épidémiologie qui se résument en termes de : analyse des
besoins, formulation des questions et spécification des indicateurs
correspondant aux réponses anticipées. Synthèse des
hypothèses de travail, relation entre les causes et les effets
(dualité Environnement-maladie) qualité des données,
formulation et représentation des informations d'aide à
décisions. Quant à l'épidémiologiste et aux
géographes de la santé, ils doivent s'initier aux sciences des
technologies de la géomatique, l'appréciation des mesures et
images (GPS et de Télédétection). Interprétation
des informations produites à l'aide des outils de la CAO. Traitement
d'images et de SIG, c'est seulement dans ce cadre que l'on pourra profiter des
retombées du mariage entre épidémiologie et
géomatique, compte tenu de l'hyper spécialisation de
systèmes de formation actuel.
Les exemples de pathologies présentées
ci-dessous ont un point commun : elles se transmettent à l'être
humain à partir des vecteurs vivants dans son milieu environnant. C'est
pourquoi il faut souligner la nécessité d'une collaboration entre
les zoologistes, les vétérinaires, les agents de santé
publique, les géographes de la santé, les technologues de
l'information à référence spatiale.
Mott et al. (1995) ont mis en évidence la contribution
de la géomatique à la compréhension des facteurs
environnementaux qui influence les distributions de certaines maladies telles
que la maladie de Chagas. La schistosomiase, la leishmaniose et des
infestations par les trématodes. La maladie de Chagas de plus en plus
présente dans les zones urbaines et périurbaines, voit son mode
transmission par le biais des produits sanguins s'accroitre rapidement. Aussi
peut-on comprendre l'urgence de pouvoir bien retracer son évolution ?
Dans le cas de la Leishmaniose, l'analyse spatiale, bien peu
démonstrative dans la mise en relief du bien rural entre les
observations environnementales et épidémiologiques a permis de
mettre en évidence l'efficacité des mesures de lutte standard
axées sur des considérations géographiques. Connor et al
(1996) ont utilisé les SIG dans l'identification et le contrôle
des facteurs environnementaux associés à la transmission des
maladies liées aux agents vecteurs. Leurs travaux sur le
lalebansese dans le sud du Soudan, ont permis
d'identifier et de définir les sites accessibles de favoriser la survie
de l'agent vecteur dans les régions forestières peuplées
essentiellement d'acnés. Ils ont abouti à des cartes de
distribution spatiale de l'agent vecteur et par conséquent de
l'évolution spatiale de la maladie.
2-4. PALUDISME ET ETAT DES LIEUX DE CETTE ENDEMIE AU
CAMEROUN
Le paludisme (malaria en anglais) est une maladie infectieuse
due à un parasite du genre Plasmodium. Le parasite est transmis à
l'homme par une piqûre de moustique infecté du genre
Anophèles. Le Rapport sur le paludisme dans le monde,
publié en décembre 2016 par l'OMS, rappelle que près de la
moitié de la population mondiale a été exposée au
risque de contracter le paludisme en 2015 dans 91 pays, qu'on a compté
212 millions de cas de paludisme et 429 000 décès. Mais le
Rapport souligne qu'entre 2010 et 2015, l'incidence du paludisme a
reculé de 21% au niveau mondial et que le taux de mortalité a
baissé de 29%. On estime que 6,8 millions de décès dus au
paludisme ont été évités depuis 2001.
2-4-1. Généralités sur le
paludisme
Dans la plupart des cas, le paludisme est transmis par les
piqûres d'Anophèles femelles (voir figure 1). Il existe plus de
400 espèces moustiques différentes de moustique
Anophèles, dont une trentaine sont des vecteurs très
importants du paludisme. Toutes les espèces importantes vectrices du
paludisme piquent entre le crépuscule et l'aube. L'intensité de
la transmission dépend de facteurs liés au parasite, au vecteur,
à l'hôte humain et à l'environnement.
Les larves d'anophèles se développent dans des
collections d'eau naturelles ou d'origine anthropique de tailles variables. Le
cycle de vie des anophèles comporte quatre stades successifs : l'oeuf,
la larve, la nymphe et l'adulte (figure 1). Les trois premiers stades se
déroulent au-dessous de la surface de l'eau, et le dernier stade est
aérien.
Figure 1: Le cycle biologique des anophèles (Source:
OMS)
Les Anophèles pondent leurs oeufs dans l'eau.
Ces oeufs éclosent en larves puis deviennent des moustiques adultes. Les
moustiques femelles recherchent un repas sanguin pour nourrir leurs oeufs.
Chaque espèce a ses préférences; certaines par exemple
préfèrent l'eau douce de faible profondeur comme celle des
flaques et celle présente dans les empreintes laissées par les
sabots d'animaux, que l'on trouve en abondance pendant la saison des pluies
dans les pays tropicaux.
La transmission est plus intense aux endroits où les
espèces de moustiques ont une durée de vie relativement longue
(ce qui permet au parasite d'achever son cycle de développement à
l'intérieur du moustique) et piquent plutôt les êtres
humains que les animaux. La longue durée de vie et la forte
préférence pour l'homme des espèces africaines de vecteurs
expliquent que près de 90% des cas de paludisme surviennent en
Afrique.
La transmission dépend aussi des conditions climatiques
qui peuvent influer sur l'abondance et la survie des moustiques, telles que le
régime des précipitations, la température et
l'humidité. À beaucoup d'endroits, la transmission est
saisonnière avec un pic pendant ou juste après la saison des
pluies.
En 2015, près de la moitié de la population
mondiale était exposé au risque de contracter le paludisme. La
plupart des cas de paludisme et des décès dus à cette
maladie surviennent en
Afrique subsaharienne. Toutefois, l'Asie du Sud-Est,
l'Amérique latine et le Moyen-Orient sont également
affectés. En 2016, 91 pays étaient confrontés à une
transmission continue du paludisme selon le rapport annuel de l'OMS.
Certains groupes de la population courent un risque beaucoup
plus élevé que d'autres de contracter le paludisme et
d'être gravement atteints: les nourrissons, les enfants de moins de 5
ans, les femmes enceintes, les personnes atteintes du sida, les migrants non
immunisés, les populations itinérantes et les voyageurs. Les
programmes nationaux de lutte contre le paludisme doivent prendre des mesures
particulières pour protéger ces groupes du paludisme, en tenant
compte de leur situation.
Selon les dernières estimations de l'OMS,
publiées en décembre 2016, on a compté en 2015, 212
millions de cas de paludisme et 429 000 décès. Entre 2010 et
2015, l'incidence du paludisme a reculé chez les populations
exposées de 21% au niveau mondial tandis que le taux de mortalité
a baissé de 29%. On estime que 6,8 millions de décès dus
au paludisme ont été évités dans le monde depuis
2001.
La Région OMS de l'Afrique supporte une part
disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2015, 90% des
cas de paludisme et 92% des décès dus à cette maladie sont
survenus dans cette région. 76% des cas de paludisme et 75% des
décès dus à cette maladie surviennent dans 13 pays
principalement en Afrique subsaharienne. Entre 2010 et 2015, le taux de
mortalité chez les enfants de moins de 5 ans a baissé de 29% au
niveau mondial. Toutefois, le paludisme demeure toujours un facteur majeur de
mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et un enfant en meurt
toutes les deux minutes.
La lutte antivectorielle est un élément
essentiel de la prévention du paludisme. Lorsque la couverture est
suffisamment large, la lutte antivectorielle permet de réduire ou
d'interrompre efficacement la transmission du paludisme. Les deux mesures de
base, largement applicables, pour protéger l'homme contre les
piqûres de moustiques vecteurs du paludisme sont les moustiquaires
à imprégnation durable (MID) et la pulvérisation
intradomiciliaire (PID). Dans des endroits donnés et dans des
circonstances particulières, ces interventions de base contre les
vecteurs (les MID et la PID) peuvent être complétées par
d'autres méthodes telles que :
- La gestion des gîtes larvaires (modification ou
manipulation de l'habitat, traitements larvicides et lutte biologique) ;
- La pulvérisation intradomiciliaire (PID) ;
- Les mesures de protection individuelle.
L'OMS recommande d'assurer une lutte antivectorielle efficace
pour protéger toutes les populations exposées au
risque de contracter le paludisme. Plusieurs formes de lutte antivectorielle
sont efficaces dans beaucoup de situations telles que: les moustiquaires
imprégnées d'insecticide, la pulvérisation d'insecticides
à effet rémanent à l'intérieur des habitations et
la gestion des gîtes larvaires.
2-4-2. Etat des lieux de la lutte contre le paludisme au
Cameroun
L'institutionnalisation de la lutte contre le paludisme rend
compte de l'engagement des pouvoirs publics à promouvoir la santé
publique. Cet engagement se matérialise concrètement par cinq
actes institutionnels importants : la déclaration d'une politique
générale du gouvernement sur la lutte antipaludique, la
création d'un groupe de travail national pour la lutte anti-paludisme,
l'adhésion à l'initiative mondiale Roll back malaria, la
ratification de la déclaration d'Abidjan sur la lutte contre le
paludisme en Afrique et enfin l'élaboration du plan stratégique
national de lutte contre le paludisme. Dans la pratique, les pouvoirs publics
se dotent d'un programme gouvernemental spécifique pour lutter contre le
paludisme avec une structure nationale de pilotage. Cette structure est
intégrée dans l'organigramme du ministère de la
santé publique. Un Système National d'Intervention Sanitaire
(SNIS) basé au niveau périphérique (district de
santé) est mis sur pied ainsi qu'un système de surveillance
épidémiologique du paludisme. Une approche régionale de
gestion est adoptée à travers la création de dix
unités régionales du programme national de lutte contre le
paludisme.
Samé Ekobo (2005) souligne que : « de
1965 à 1990, le Cameroun a perdu en moyenne 1,3 % du taux de croissance
annuelle à cause du paludisme. Si cette maladie avait été
éradiquée 35 ans plutôt, le Produit Intérieur Brut
(PIB) augmenterait de 32 % par rapport à son niveau de l'an 2000. Cette
augmentation représente environ 1000 milliards de dollars USD, soit 9
fois plus que l'aide au développement accordée à l'Afrique
en 1999. Entre 1980 et 1995, le Cameroun aurait perdu à cause du
paludisme, environ 4227 millions de dollars USD, soit 318 dollars USD par
tête d'habitant ». Le rapport des comptes nationaux de la
santé précise que : « En 2011, la dépense
pour le paludisme est estimée à 134,4 milliards de FCFA soit
28,6% de la dépense courante de Santé. 28,8% des dépenses
liées au paludisme sont financées par les transferts issus des
revenus nationaux de l'administration publique, 19,8% par les transferts
directs étrangers et la plus grande part soit 48,2% par les autres
revenus nationaux (ménages, entreprises, ONGs nationales,...)
». En 2013, la représentante de l'OMS affirmait que
l'investissement fait au Cameroun dans le cadre de la lutte
contre le paludisme s'est multiplié par 20 de 2000 à 2012.
Le Programme National de Lutte contre le Paludisme a
adopté divers plans stratégiques d'intervention avec des
objectifs précis et d'importants moyens mobilisés par l'Etat et
les multiples partenaires internationaux. La prévention contre le
paludisme est davantage promue avec l'exonération des taxes et droits de
douane sur les moustiquaires et insecticides. Plus de 60 millions de
Moustiquaires Imprégnées de Longue Durée d'Action (MILDA)
ont été distribuées de 2002 à 2015 avec des pics
tels que 9 000 000, 8 115 879 et 12 600 000 de moustiquaires MILDA
distribuées respectivement en 2009, 2011et 2014. De janvier à
juin 2015, 12,2 millions de moustiquaires MILDA ont été
distribuées aux populations. De 2007 à 2009, les pouvoirs publics
ont approvisionné les formations sanitaires de 9,5 milliards de doses de
médicaments antipaludiques subventionnés et plus de 55 milliards
de FCFA ont été alloués à la lutte contre le
paludisme.
Ces initiatives expliquent l'augmentation du taux
d'utilisation des moustiquaires qui est passé de33 % en 2011 (INS, 2011)
à 63,7 % en 2012 (INS, 2012) et à 65,6% en 2013 (INS, 2013).
Selon INS (2013), « Pour les enfants de moins de 5 ans, le taux
d'utilisation passe de 19% à 46% et pour les femmes enceintes, il passe
de 17% à 41%. » dans la même période. Si le
coût unitaire de la moustiquaire imprégnée reste
élevé par rapport au revenu moyen des populations (3 500 FCFA),
les multiples partenariats précédemment évoqués ont
favorisé la vulgarisation de la prévention avec la moustiquaire.
Enfin, dans le cadre du projet « Scaling up malaria control for
impact in Cameroon 2011-2015 (SUFI), financé par le Fonds Mondial de
Lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme, le gouvernement
camerounais s'est engagé à atteindre la couverture universelle
des populations en Moustiquaires Imprégnées d'Insecticide
à Longue Durée d'Action (MILDA), afin de diminuer d'une
manière significative la morbidité et la mortalité dues au
paludisme ».
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