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Effets de débordement des politiques budgétaires en union monétaire hétérogène: cas de l'union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA)


par Ismaila SANGHARE
Université Cheikh Anta Diop Dakar (UCAD) - Doctorat  2021
  

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INTRODUCTION GENERALE

1

La concrétisation d'un processus stable de développement socio-économique est un objectif pour tous les pays. Face à un tel défi, les pays d'Afrique de la zone franc ont longtemps poursuivi le processus d'intégration régionale pour compléter et renforcer les politiques mises en place au niveau national et multilatéral pour un développement harmonieux. C'est dans ce contexte que huit (08) pays de l'Afrique de l'Ouest ont exprimé leur volonté de donner une impulsion nouvelle et décisive par une harmonisation accrue des politiques et des législations, à travers la création d'une Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cette forme d'intégration débouche sur un arrangement des politiques macroéconomiques qui, au-delà de ses avantages et coûts, soulève quelques préoccupations majeures.

En effet, au sein d'un tel espace, la politique budgétaire demeure spécifique à chaque Etat membre. Les avantages de ce type d'arrangement sont multiples sur le plan théorique. Ils ont trait à la facilitation du commerce intra-communautaire pour Rose et Engel, (2002) à la réduction du taux d'inflation des pays membres selon Alesina et Barro, (2002), à la baisse des taux d'intérêt et à l'accroissement de l'investissement débouchant sur une croissance économique plus rapide d'après De Grauwe, (2000). Pourtant, ces avantages théoriques s'accompagnent de coûts en termes de flexibilité de la politique macroéconomique pour les pays. Ces derniers ne peuvent plus recourir à la politique monétaire pour stabiliser les cycles économiques. Une telle architecture soulève alors un certain nombre de préoccupations, dont celle liée à la stabilisation des chocs asymétriques pouvant toucher les Etats. Selon Zumer (1998), « le choc défini comme toute perturbation affectant une économie donnée, est dit asymétrique dans un contexte d'union monétaire, s'il ne frappe qu'un seul pays, quelques pays ou même l'ensemble des pays de l'union, mais dans des proportions différentes ». Ces chocs sont le grand problème des unions monétaires et ne peuvent faire l'objet d'une réponse commune. Si la politique monétaire est efficace pour l'économie en cas de chocs symétriques, elle devient inefficace cependant aux chocs asymétriques. Alors, la stabilisation doit passer par d'autres politiques économiques, Guillaumin (2007).Dans un tel contexte, la politique budgétaire retrouve un regain d'importance. Elle reste le seul moyen à la disposition des pouvoirs publics pour faire face aux chocs asymétriques conjoncturels, pouvant menacer la viabilité d'une union monétaire, Schalck (2006). Au sein d'un espace intégré, l'instauration d'un mode d'organisation institutionnelle des fonctions budgétaires pour discipliner les politiques nationales et les rendre compatibles avec le renforcement de la monnaie commune, trouve toute sa légitimité, Oros et Turcu, (2008) ; Echinard et Laurent (2010). De facto, l'on a toujours supposé que les pays en union monétaire présentent des économies structurellement identiques. Pourtant, des théories de Mundell et Fleming à ce jour, aucune union n'est fondée sur des économies homogènes ; malgré la volonté manifeste des gouvernements. Le vrai constat est que les économies sont hétérogènes. En effet, il y a des différences entre pays en ce qui concerne les comportements, les structures économiques et les préférences des agents. Parfois même, les politiques discrétionnaires nationales sont susceptibles de renforcer l'hétérogénéité ; puisque les règles budgétaires (Pacte de stabilité) sont peu respectées.

Face à la recrudescence des chocs asymétriques, l'instrument budgétaire est souvent utilisé comme une réponse. Cela a des conséquences positives ou négatives sur le niveau de l'activité économique de l'union. Ces conséquences connues sous le nom « effets de débordement » en français ou « spill-overs » en anglais, continuent d'alimenter les débats ; à la recherche de solutions optimales pour les unions monétaires. Ce recours excessif à l'instrument budgétaire amplifie le niveau de déficits et d'endettements publics au sein des unions monétaires. Ce qui remet au goût du jour la question de l'efficacité de la politique budgétaire, Engone (2005).

La résurgence des réflexions sur la politique budgétaire1 dans les unions

monétaires fait l'objet de vives discussions. Ces débats portent entre autres sur

1 Selon A. BENASSY (1990), la politique budgétaire est un instrument de politique économique qui consiste

à utiliser le budget de l'Etat pour atteindre certains objectifs, tels que : la croissance économique, le plein

les effets de débordement budgétaires et les canaux de transmission. En effet, dans une union monétaire, une politique budgétaire d'un pays donné transite par des canaux pour affecter les comportements des agents économiques d'autres pays, Bénassy-Quéré et Cimadomo, (2006). Par canaux de transmission, on attend les voies par lesquelles une décision de politique économique (budgétaire ou monétaire) dans un pays affecte l'économie d'un autre pays (Wyplosz, 2002). Ces impacts sont des externalités connues sous le nom d'effets de débordement. Ils caractérisent les effets voulus et attendus2, engendrés par une décision de politiques budgétaires d'un pays membre, et qui peut avoir des répercussions positives ou négatives sur l'activité économique du pays en question et sur ces partenaires commerciaux. (Biales, 2010 ; Schalck et Benassy,

2007). La connaissance des mécanismes de transmission d'une politique budgétaire permet aux décideurs de surveiller correctement l'état de l'économie et de prendre les décisions appropriées. À contrario, la méconnaissance des mécanismes de transmission peut avoir des conséquences : réactions cycliques ou contra- cycliques dans les économies, (Angeloni et al, 2003).

Toutefois, les économistes ne s'accordent pas trop sur les effets des politiques budgétaires. La théorie keynésienne stipule que la politique budgétaire peut stimuler la demande globale et relancer une économie stagnante. Ainsi, les politiques budgétaires produisent des effets positifs sur l'économie d'un pays par le mécanisme du multiplicateur keynésien puisque les dépenses publiques représentent une composante de la demande globale au même titre que la

consommation, l'investissement et les exportations. Celles-ci produisent grâce au

emploi et la réduction de la pauvreté. Pour R.A MUSGRAVE (1959), la politique budgétaire se définit aussi comme l'ensemble des instruments dont dispose un gouvernement pour influer sur l'activité économique, ce qui lui permet d'assurer les fonctions de stabilisation, d'allocation et de redistribution.

2Augmentation du revenu ; accroissement des exportations ; accroissement des importations ; hausse de la production des entreprises ; hausse des taux d'intérêt ; hausse des prix ; détérioration de la balance courante ; perte de compétitivité de l'économie ; hausse de l'endettementmécanisme du multiplicateur, un accroissement important de la production nationale, Keynes (1936).

Dans la théorie néo-fonctionnaliste, Haas (1958) a mis l'accent sur la notion d'engrenage ou « spillover » dans les communautés européennes. Il trouve sans équivoque une forme de déterminisme économique ; puisque la décision prise par les gouvernements européens de placer un secteur économique donné sous l'autorité d'institutions supranationales, a créé inévitablement, une pression favorable à l'extension de l'autorité de ces institutions à d'autres secteurs voisins.

La théorie de la Nouvelle Économie Classique (NEC) dont les auteurs (Lucas, Sargent, Wallace et al, 1970), montre que la politique budgétaire de stabilisation n'a aucun effet favorable sur l'activité économique ; puisque les gouvernements utiliseraient la politique budgétaire à mauvais escient, à des fins électoralistes et non à des fins de régulation ; les déficits publics seraient généralement trop élevés, conduisant à une forte accumulation de dette publique. Par ailleurs, les déficits publics seraient nuisibles en entrainant une hausse des taux d'intérêt, une baisse de la demande privée (puisque les agents anticipent les impôts qu'ils devront payer demain) et une baisse de l'offre (en raison de l'anticipation des effets néfastes des impôts futurs). Barro (1974) aborde dans le même sens à partir du principe « d'équivalence ricardienne3» pour lequel, un déficit budgétaire n'a pas l'effet attendu sur la demande car les individus anticipent une augmentation future des impôts afin que l'État rembourse sa dette. Ils réduisent donc leur consommation et augmentent leur épargne pour payer les impôts futurs. Aussi, Kydland et Prescott (1977) ont analysé le problème de l'incohérence dans le temps des décisions des pouvoirs publics. Ils démontrent que les

politiques publiques mises en oeuvre par les pouvoirs publics sont incapables de

3 Selon ce théorème, il y aurait, sous certaines conditions, équivalence entre l'augmentation de la dette publique aujourd'hui et l'augmentation des impôts requise demain pour le remboursement de cette dette et le paiement des intérêts.réaliser les objectifs fixés dès que les conséquences de leurs engagements sont

parfaitement intégrées dans les anticipations d'agent considéré comme rationnel.

Aussi, la théorie néo-réaliste ou inter-gouvernementaliste a mis en évidence la place de la politique intérieure dans les espaces communautaires. Certains auteurs comme Hoffmann. S et Moravcsik. A (1980) concluent que les priorités essentielles des gouvernements nationaux restent les programmes qui leur sont propres. Ainsi, la Commission Européenne devient l'institution internationale destinée à faciliter les marchandages entre Etats (interstate bargains) qui constituent en réalité le véritable moteur de l'intégration européenne.

Krugman (1991) dans sa théorie des zones d'intégration « naturelle 4» a mis en évidence le résultat des « effets frontières ». Dans ces conditions on peut admettre que lorsque les zones de préférences institutionnelles ne recouvrent pas les zones d'intégration « naturelle », les effets de débordement sont importants ; ce qui peut réduire les échanges par les accords commerciaux officiels. L'importance du rôle des effets de proximité dans ces zones est liée notamment aux coûts de distance ; c'est-à-dire « l'ensemble des coûts supportés pour transférer un bien de son lieu de production à son lieu de consommation » (Siroën, 2000). Il peut s'agir des coûts de transport, des difficultés de consommation et autres barrières non tarifaires. Ces facteurs jouent en faveur de la dispersion des activités industrielles en créant une protection « naturelle 5» qui conduit à localiser les activités à proximité du lieu de consommation. À l'inverse lorsque les externalités positives se généralisent, les avantages de la concentration des activités se diffusent dans un espace plus large par « effets de contagion » ; favorisant ainsi la réduction des disparités de revenus. Entre ces

deux situations, on peut observer le cas intermédiaire où la concentration

4 Ce sont les zones où les pays qui sont proches naturellement et dont les transactions sont facilitées par cette proximité

5 Pour Krugman [1991], une zone naturelle se définit comme une zone à l'intérieur de laquelle, en l'absence de barrières aux échanges et d'accords de préférence, les échanges seraient plus intenses qu'avec le reste du Monde.d'activités dans une région donnée implique des effets de débordement à la fois locaux et globaux.

Solow (2002) dans sa théorie de réhabilitation de la politique budgétaire montre qu'il est très difficile, voire impossible d'imaginer une politique budgétaire pure qui n'ait aucun effet sur la répartition des revenus ou sur l'affectation des ressources. Cette affirmation remet en cause l'opinion dominante des années 80 sur l'incapacité de la politique budgétaire à stabiliser la conjoncture. Or, la mise en place de l'Union Européenne redonne à cette question une nouvelle actualité soutenue par le débat que soulève la nouvelle Théorie anti-Keynésienne (TAK) des finances publiques (Giavazza et Pagano, 1990 et 1995 ; Besson et Echinard,

2000 ; Mathieu et Sterdyniak, 2005).

Depuis Mundell (1961) et Fleming (1962)6, la controverse est vive sur le signe et l'ampleur des externalités générées par une politique budgétaire expansive. Malgré l'enrichissement du cadre d'analyse de Mundell-Fleming par une meilleure spécification des fondements microéconomiques des comportements des agents par la nouvelle macroéconomie internationale, la littérature théorique ne fournit pas une réponse claire quant aux signes des effets de débordement de la politique budgétaire. Il ressort globalement des modèles théoriques analysant la transmission internationale de la politique budgétaire que le signe des externalités générées est fortement dépendant de la spécification des fondements microéconomiques des comportements des agents. Par ailleurs, la robustesse des arguments relatifs aux externalités négatives de demande dépend de l'importance du canal du commerce extérieur et de la réaction du taux d'intérêt commun de l'union aux changements de la politique budgétaire (Sarr, 2006).

Sur le plan empirique, Persson et Tebellini, (1995) soutiennent que dans une union monétaire, les politiques budgétaires peuvent dégager des externalités

importantes et des risques d'insoutenabilité des finances publiques. Les

6 Les premiers à avoir mis en évidence les canaux de transmission de la politique budgétaire lorsque les pays étaient interdépendants

économies sont interdépendantes au point que les politiques budgétaires adoptées par un pays affectent la performance économique des pays voisins. Des coûts peuvent clairement apparaitre : par exemple un gouvernement choisissant des politiques visant à maximiser les objectifs nationaux et ignorant les externalités imposées aux autres pays peut générer un équilibre sous-optimisé. Creel et al., (2004) ont identifié trois canaux de transmission de la politique budgétaire dans l'union européenne à savoir la consommation, l'investissement et les taux d'intérêt. Pour la même zone, Bénassy-Quéré et Cimadomo (2006) identifient quatre principaux canaux de transmission par lesquels les politiques budgétaires nationales affectent l'économie des autres pays. Il s'agit : du commerce extérieur ; du taux d'inflation ; du taux d'intérêt et de la fiscalité. Cependant, il est envisagé de porter la réflexion sur les canaux les récents pour les besoins de la recherche ; c'est-à-dire les quatre canaux identifiés.

Pour celui du commerce extérieur, les changements de politiques budgétaires nationales affectent les autres pays à travers les termes de l'échange et les changements dans la demande d'importations (Persson et Tabellini, 1995). Ainsi, un effet positif de hausse de la demande est immédiatement perceptible dans le pays en déficit et chez ses partenaires (Carton, 2005). On peut noter là une manifestation des effets keynésiens qui se propagent via le commerce extérieur.

Le deuxième est relatif à l'inflation. Sarr (2006) montre qu'une hausse des dépenses publiques peut accroître l'inflation nationale et l'inflation moyenne de l'union si la banque centrale commune réagit par une politique monétaire restrictive. Cela peut affecter négativement l'activité de tous les pays membres de l'union. Alors, il convient de dire qu'un différentiel de taux peut être à l'origine d'une transmission de choc budgétaire entre pays. Par exemple un pays en déficit perd sa compétitivité face à ses partenaires de l'union, lorsque son taux d'inflation locale est plus élevé que ses pays voisins. Ce qui se traduit à long terme par une activité moins dynamique dans le pays comparé au reste de l'union.Le troisième est celui du taux d'intérêt. Les changements dans les rendements après imposition du capital dans différentes localités affectent les autres pays en cas de mobilité parfaite ou imparfaite du capital. Selon Carton (2005) la variation de la demande (situation de déficit) provoque une hausse des prix, surtout dans le pays en question et une réaction de la politique monétaire. Ainsi, les taux d'intérêt de court terme augmentent temporairement dans l'ensemble de la zone, avec une propagation partielle de taux longs (il s'agit des taux ayant servi à financer l'investissement).

Dans la zone euro, le canal fiscal a été mis en évidence aussi. Des auteurs tels que Giavazzi, Pagano et Blanchard (1990), ont mis en évidence les effets de la politique budgétaire sur la fiscalité. Ils ont montré qu'une baisse permanente des dépenses publiques annonce une baisse future des impôts. Une relance budgétaire peut donc avoir des implications différentes pour les pays partenaires selon qu'elle résulte d'une stimulation de la demande ou d'une baisse de la fiscalité. Par ailleurs, une politique fiscale agressive en faveur des entreprises (par exemple, une baisse rapide de l'impôt sur le bénéfice des sociétés) peut obliger les pays partenaires à réagir, soit en rationalisant ses dépenses publiques, soit en participant à son tour à la course.

Par contre dans la zone UEMOA, une étude réalisée par Sarr (2006) explique que les effets d'un choc budgétaire transitent par les canaux suivants : le commerce intra-zone, le taux d'intérêt et le taux de change. Selon Honohan (1992) ; Boccara et Devarajan (1993), la transmission de l'inflation entre les pays du noyau dur (la Côte d'Ivoire et le Sénégal) de l'UEMOA et les pays les plus pauvres a été étudiée mais également entre la France et les pays membres de l'union. Cependant, ils concluent l'existence d'un noyau commun du taux d'inflation qui tourne autour de celui de la France, mais rejettent toute cointégration des séries de taux d'inflation dans la zone. En dehors de cela, une étude empirique analysant l'ampleur des effets de débordement des chocs de politiques budgétaires sur l'activité économique réelle dans cette zone est quasi-inexistante.Dans le même ordre d'idée, sur la période 1993-2002, Ondo Ossa (2006) trouve que la zone CEMAC est indéniablement un espace anti-keynésien, dans la mesure où la hausse des dépenses publiques et du déficit budgétaire n'a aucun effet sur la croissance. La demande publique a donc nécessairement un effet plus faible que la demande privée et la politique budgétaire ne peut nullement y être utilisée pour stabiliser l'activité. De plus, les externalités négatives engendrées par des déficits excessifs de certains pays peuvent avoir des répercussions sur les autres et provoquer dans le même temps des pressions sur la banque centrale par le biais des dettes publiques. À cet égard, un pays membre qui n'assure pas la solvabilité de ses finances publiques fait automatiquement courir un risque à la stabilité financière de la zone, à travers un relèvement des taux d'intérêt de long terme. Cependant, les externalités exercées par une politique budgétaire nationale dépendent de la taille du pays. Si les actions budgétaires du Gabon ou du Tchad affectent peu les autres pays de la zone comme que le montrent les résultats de ses travaux, il en va autrement des actions initiées par le Cameroun qui, en tant que grand pays, est tenu à plus de discipline collective que les petits pays.

Les nombreux clivages notés dans les controverses théoriques et empiriques font dire à Benassy et al (2004), que les débats théoriques relatifs aux politiques budgétaires sont perçues comme étant « un champ de bataille entre les avocats de l'offre et ceux de la demande, entre tenants des politiques structurelles et partisans des politiques contra-cycliques, entre chevaliers de la libéralisation et défenseurs des services publics, entre ceux qui évaluent une politique à l'aune de ses effets sur la croissance à moyen terme et ceux qui mettent l'accent sur ses effets immédiats pour la répartition du revenu, etc.».

Pourtant, peu de travaux empiriques ont évalué les effets de débordement budgétaires et analysé leurs canaux de transmission dans les unions monétaires. En union européenne, les travaux empiriques tels que ceux de Gros et Hobza (2001) ont montré en général que les externalités budgétaires sont faibles, voirenon significatives dans une union monétaire. Beetsma et al., (2001) mettent en évidence des externalités positives, mais en se limitant au canal du commerce extérieur. Pour la zone franc, l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) apparait comme notre champ d'investigation pour les raisons ci-après :

D'abord la présence de l'hétérogénéité structurelle des économies nécessite de consacrer un important pouvoir de stabilisation aux politiques budgétaires propres à chaque pays pour le besoin de relance économique (Coulibaly, 2013) ;

Ensuite les économies sont à la fois pauvres et fortement intégrées au processus de mondialisation économique et financière ; à ce titre, elles restent très vulnérables face aux chocs exogènes ;

En fin, la présence des cycles asynchrones de production nécessite une coordination des politiques budgétaires, afin d'amortir les chocs sur les économies (Kane, 2013).

Ainsi, la question de recherche est la suivante : comment les chocs de politiques budgétaires d'un pays spécifique peuvent-ils impacter l'économie des pays voisins dans le cadre d'une union monétaire comme celle de l'UEMOA ?

L'objectif principal de ce travail est d'analyser la propagation et l'ampleur des chocs des chocs de politiques budgétaires d'un pays sur l'économie des autres pays de l'union. L'atteinte de cet objectif passe par les objectifs spécifiques suivants :

OS1 : Vérifier si un choc de politiques budgétaires dans un pays donné produit

des effets identiques sur tous les pays de l'union.

OS2 : Mesurer l'ampleur des effets de débordement des chocs de politiques budgétaires dans l'UEMOA sur l'activité économique (ici la croissance) des pays.

OS3 : Identifier les canaux de transmission des chocs budgétaires dans l'UEMOA.L'approche méthodologique s'appuie sur un modèle Vectoriel Auto-régressif (VAR) sur données de panel. Le modèle VAR en panel dynamique a montré d'excellentes capacités de représentation des fluctuations macroéconomiques. Cette approche se caractérise par plusieurs avantages spécifiques. Elle permet à la fois de contrôler les effets spécifiques individuels et temporels et de pallier les biais d'endogénéité des variables, surtout lorsqu'il existe un ou plusieurs retards de la variable dépendante figurant comme variable explicative (Sawsen, 2006). Du point de vue économétrique aussi, les chocs exogènes peuvent être identifiés à partir des résidus d'équation estimés. L'introduction de l'espace amène à prendre en compte l'autocorrélation spatiale qui se réfère à l'absence d'indépendance entre les observations géographiques et l'hétérogénéité spatiale.

Les données utilisées proviennent de plusieurs sources. D'abord la base de données de la BCEAO publiée dans le site de l'UEMOA, a permis d'obtenir les statistiques sur les dépenses publiques, les recettes publiques, les importations, le crédit à l'économie et la dette publique en vigueur dans la zone. Ensuite la base de données du Word Development Indicator (WDI) publiée le 21 décembre

2016 dans le site de la Banque Mondiale, a permis d'obtenir les données sur le taux de croissance réelle, l'investissement privé et l'inflation. Et enfin la base de données émise par le Fonds Monétaire International (FMI) qui a été utilisée pour compléter les valeurs manquantes présentes dans les précédentes bases de données. Cette recherche se fonde sur les hypothèses suivantes :

H1 : La nature (signes) des effets de débordement budgétaires dans les pays de

l'UEMOA est tributaire de leur structure économique pour la zone.

H2 : Les chocs de dépenses publiques induisent un effet plus important sur la croissance économique que les chocs de recettes fiscales, en raison d'une harmonisation de plus en plus poussée des législations fiscales dans l'UEMOA.

H3 : Les canaux de transmission peuvent différencier d'une union à l'autre en

raison des spécificités économiques au regard de la littérature économique.Cette thèse défend l'idée selon laquelle, l'ampleur des effets de débordement budgétaires dans l'UEMOA est tributaire du degré d'hétérogénéité des économies qui la composent. L'intérêt d'un tel sujet est de montrer comment les chocs de politiques budgétaires se propagent dans l'activité économique des États de l'Union et tente à cet effet de ressortir les canaux de transmission. L'innovation dans ce travail aussi, est d'avoir été le premier à évaluer l'ampleur des effets de débordement des chocs budgétaires dans la zone UEMOA. Dans un contexte de Pacte de convergence et de stabilité, ce travail de recherche apporte quelques contributions à l'amélioration de la stabilité macroéconomique dans la zone à travers la politique budgétaire.

Ce travail est structuré autour de trois (03) chapitres. Le premier chapitre traite des comportements économiques et des externalités budgétaires dans l'UEMOA. A cet effet, il met l'accent sur les hétérogénéités structurelles, l'analyse des contagions budgétaires puis les critères de convergence et de surveillance multilatérale. Le deuxième chapitre passe en revue les arguments théoriques et empiriques dans la conduite de la politique budgétaire en union monétaire de façon générale. Le troisième chapitre expose la méthodologie d'évaluation des effets de débordement budgétaires et les résultats de la recherche à partir d'un modèle VAR en panel dynamique.

CHAPITRE I : HETEROGENEITE STRUCTURELLE ET EXTERNALITES BUDGETAIRES DANS L'UEMOA

L'apparition d'externalités budgétaires dans les unions monétaires remet en cause l'efficacité de la politique budgétaire comme instrument de régulation de l'activité économique. Pourtant, plusieurs travaux de recherches ont justifié la pertinence de la création d'une union monétaire dans un espace géographique avec une monnaie unique fondée sur une parité irrévocable. D'ailleurs, Agliette et al., (1998) et Frankel (2001) montrent que la politique monétaire unique (où le taux de change fixe) ne permet plus de corriger les effets d'un choc de demande que sont le chômage et l'inflation. Sawall (2013) ajoute que l'intégration économique et commerciale est un rempart contre les chocs asymétriques.

Cependant, la crédibilité et la pérennité d'une zone monétaire demeurent tributaires du degré de convergence des économies appartenant à ladite zone, ainsi que de la symétrie relative des chocs qui l'affectent. Ces concepts de convergence et de symétrie renvoient à un certain degré d'harmonisation des économies pendant une période donnée. Dans le cas l'Union Économique Monétaire Ouest Africaine, la question de l'hétérogénéité structurelle des économies occupe une bonne place dans les débats politiques et la recherche scientifique pour une résolution des déséquilibres économiques.

L'objet de ce chapitre est d'analysé les profils économiques des pays de l'union et les externalités budgétaires. Il comprend trois grandes sections : la section (I) traite de l'hétérogénéité des économies et des chocs dans les pays, la section (II) met l'accent sur les externalités budgétaires et la section (III) aborde la convergence budgétaire et la surveillance multilatérale dans l'union.

SECTION I : HETEROGENEITE STRUCTURELLE ET CHOCS ECONOMIQUES

La structure productive des économies et leur capacité de réaction aux chocs demeurent les principaux déterminants des divergences structurelles entre pays membres d'union monétaire. La difficulté de trouver la formule optimale pour la conduite de la politique monétaire dans la zone UEMOA vient à la fois du caractère asymétrique des chocs et asynchrone des cycles, puisque le tauxd'intérêt de l'union est un compromis entre les taux d'intérêt souhaités par les gouvernements. La délégation de la politique monétaire à une banque centrale indépendante peut générer des conflits indirects entre les gouvernements nationaux. Par exemple un pays en récession aimerait que la banque centrale suive une politique monétaire accommodante, alors qu'un pays en expansion préférerait une hausse des taux d'intérêt. Ce conflit d'objectifs découle de l'hétérogénéité des préférences des autorités monétaires et budgétaires. En effet, les écarts durables entre les performances nationales peuvent être à l'origine des coûts non négligeables du fait de la difficulté de mener une politique monétaire profitant à tous, (Kaiser, 2005).

Dans cette section nous allons mettre l'accent sur les comportements économiques des pays de l'union à travers d'abord l'analyse de certains indicateurs macroéconomiques, ensuite les sources d'hétérogénéités et enfin les chocs économiques et leur absorption.

I.1- Descriptions des indicateurs macroéconomiques dans la zone

L'analyse des comportements par pays est faite à travers certains indicateurs qui sont mis en avant pour montrer la nature divergente des économies de l'UEMOA. Il s'agit du taux de croissance économique, du taux d'inflation, du solde budgétaire de base et du secteur du commerce sur la période de 1980 à 2014. Elle est découpée en quatre grandes phases marquées par les évènements suivants : la première va de 1980 à 1994, elle est marquée surtout par les programmes d'ajustement structurel sous l'impulsion des institutions de Betton Woods (Banque Mondiale et le FMI) ; la deuxième s'étale de 1994 à 1999, marquée par la dévaluation du franc CFA et les politiques de promotion à l'exportation dans la zone UEMOA et un début de l'assainissement des finances publiques; la troisième se situe entre 1999 et 2008, ponctuée par l'adoption des pactes de stabilité et croissance et le début de la crise financière de 2008 ; et enfin la quatrième va de 2008 à 2014, où on note encore les effets de cette crise et la révision des réformes du pacte de stabilité et croissance.

I.1.1- L'analyse en termes de performances économiques

De 1980 à 2014, le taux de croissance économique dans l'UEMOA a connu une hausse de 3,16% en moyenne par an. Ainsi, durant les quatre périodes, ce taux est passé de 2% entre 1980 et 1994 à 4,56% entre 1995 et 1999. Mais de 2000 à 2008, on observe une baisse de l'activité économique de 1,03 point, soit 3,53%. Cette situation va s'améliorer après la crise financière de 2008 pour se situer à

4,40% entre 2009 et 2014. La figure n° 1 illustre cette évolution du PIB réel.

Figure 1 : Évolution du PIB de l'UEMOA de 1980 - 2014

5,00

4,50

4,00

3,50

3,00

2,50

2,00

1,50

1,00

0,50

-

1980-1994 1995-1999 2000-2008 2009-2014

Source : Auteur, à partir des données de la BCEAO

Entre les pays, ils existent des disparités en termes de croissance économique au cours de la période de 1980 à 2014. Ainsi, ils ont enregistré en moyenne des taux différenciés avec (4,38%) pour le Bénin, le Burkina Faso (5,54%), le Mali (4,20%), le Niger (3,39), le Sénégal (3,51%) et le Togo (3,41%). Ces derniers ont réalisé des taux croissance annuels généralement supérieur à la moyenne régionale durant cette période. La Côte d'Ivoire et la Guinée Bissau enregistrent respectivement (1,66%) et (1,96%) en raison des nombreuses crises socio- politiques qu'elles ont connues. La figure n° 2 nous aide à montrer cette hétérogénéité des performances économiques pour les pays individuels de l'union.

Figure 2 : PIB réel par pays dans l'UEMOA de 1980 à 2014

8,00

7,00

6,00

5,00

4,00

3,00

2,00

1,00

0,00

-1,00

-2,00

1980-1994 1995-1999 2000-2008 2009-2014

UEMOA BENIN BURKINA FASO Côte d'Ivoire Gunee Bissau

Mali Niger Sénégal Togo

Source : Auteur, à partir des données BCEAO

Une explication que l'on peut attribuer à cette divergence des cycles économiques relève de l'action des gouvernements nationaux et de la contribution du secteur privé dans chaque pays membre. Ainsi de 1995 à 1999, la politique budgétaire a contribué en moyenne à la croissance du PIB de 14,24% au Bénin (dont 7,66% aux investissements publics et 6,57% aux dépenses de consommation de l'Etat), de 38,69% au Burkina Faso (dont 20,86% aux investissements et 17,83% aux dépenses de consommation), de 16,69% en Côte d'Ivoire (dont 9,31% aux investissements et 7,38% aux dépenses de consommation), de 29,36% au Mali (dont 2,38% aux investissements et 28,84% aux dépenses de consommation), de

17,15% au Niger (dont 7,51% aux investissements publics et 9,63% aux dépenses de consommation), de 19,12% au Sénégal (dont 16,58% aux investissements et 3,08% aux dépenses de consommation) et de 34,88% au Togo (dont 17,05% aux investissements et 17,83% aux dépenses de consommation).

Ces résultats s'expliquent par les mesures adoptées dans l'ensemble des pays de l'union suite à la dévaluation du franc CFA. Ces mesures portaient sur l'assainissement des finances publiques, le développement des infrastructuresde qualité, la maitrise du taux d'inflation et la baisse des taux d'intérêt par la

banque centrale.

Sur la période de 2000 à 2008, l'introduction des mesures budgétaires du Pacte et la contrainte faite aux États membres de l'union de réaliser le critère sur le solde budgétaire de base ont entrainé des changements dans l'implication des gouvernements au processus de création de richesse. On observe, en effet sur cette période, que les gouvernements des pays ont pesé sur la croissance du PIB. Les contributions respectives sont de (29,77%) au Bénin, (36,20%) au Burkina Faso, (10,37%) en Côte d'Ivoire, (31,22%) au Mali, (59,87%) pour le Niger, (35,53%) au Sénégal et (-0,73%) au Togo. Pour la Côte d'Ivoire, l'instabilité politique a largement influencé la politique budgétaire du gouvernement qui a gelé une bonne partie de ses infrastructures durant cette période. Dans les autres pays, il convient de constater que les tendances se sont inversées, car les gouvernements ont mis davantage l'accent sur leurs dépenses de consommation et ont réduit considérablement leurs investissements. Il s'en est suivi toutefois une baisse de la croissance économique. Cette situation est observée dans tous les pays de l'union contrairement à la période 1995 -1999 où l'implication des gouvernements se manifestait à travers leurs dépenses en capital public.

De 2009 à 2014, la croissance économique des pays de l'union était portée par le secteur privé et le secteur public dont les contributions demeuraient moindres à cause des nouvelles règles de finances publiques imposées par le Pacte de convergence. Le poids en moyenne de chaque gouvernement dans la croissance du PIB sur la période se résume comme suit : 7,01% pour le Bénin, dont 9,61% aux investissements et -2,59% aux dépenses de consommation, 48,32% pour le Burkina Faso dont 17,81% sont liés aux investissements publics ; 16,69% pour la Côte d'Ivoire, dont 9,31% aux investissements de l'État ; 33,98% pour le Mali, dont 18,69% aux dépenses en capital public ; 34,88% pour le Sénégal, dont

17,05% aux investissements publics et 11% pour le Togo, dont 6,83% aux investissements publics. Cette phase est marquée par une participation faible.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore