III.3.3- Les canaux de transmission budgétaires
Après avoir évalué les effets de
débordement budgétaires, on s'intéresse aux canaux de
transmission. Nous tenons à préciser que l'identification des
canaux de transmission ne saurait se faire à partir d'un modèle
empirique. C'est plutôt la littérature économique qui nous
permet de tirer les conclusions nécessaires à cette
identification. La raison est bien connue. On sait que malgré les points
de convergence entre les unions monétaires, certaines
réalités restent encore spécifiques aux unes et autres.
Parmi celles-ci, figurent les canaux de transmission. Dans le cadre ce travail
de recherche, c'est l'approche théorique basée sur les
pensées keynésiennes et l'analyse de l'environnement
macroéconomique qui nous servent d'outil pour identifier les principaux
canaux de transmission des chocs budgétaires dans la zone UEMOA.Dans un
contexte de marché financier embryonnaire (BRVM), le recourt des pays au
financement direct s'avère peu limité. En effet, compte tenu du
faible niveau de la finance directe et de l'adoption du taux de change fixe, le
canal du prix des actifs (canal du cours des actions et du taux change) peut
s'avérer inopérant. De plus, au regard de la situation de
surliquidité des établissements de crédit, qui ne se
refinancent presque pas ou très peu auprès de la BCEAO, il serait
illusoire que le canal du taux d'intérêt soit pleinement
fonctionnel. Tout porte à croire que le canal du crédit serait
actuellement le plus avisé dans la zone. Ce postulat est d'ailleurs
justifié dans la littérature économique, car les pays qui
ont généralement un secteur bancaire prépondérant
sont plus enclins à voir leur activité économique
être stimulée à travers le canal du crédit. A
contrario, les pays ayant un marché financier très
développé, sont les plus exposés aux canaux du taux
d'intérêt et du prix des actifs (Hamid Dawoodi et al., 2013).
Cette conclusion est contraire à celle de Sarr (2006) qui
privilégie une transmission par le canal du taux d'intérêt
et de change.
Un autre canal susceptible de générer un effet
externe sur l'activité économique des pays voisins est celui de
la fiscalité. Certes, il est reconnu que dans le contexte de l'UEMOA,
que l'harmonisation des fiscalités est une conséquence directe du
marché commun et de la politique commerciale commune. Ainsi, cette
harmonisation a pour but d'éliminer la fiscalité
intérieure comme moyen de concurrence entre les Etats membres. Mais, il
va s'en dire que sur le plan national, il existe encore des
hétérogénéités en matière fiscale
(barrières tarifaires et non tarifaires) entre pays. De ce fait,
l'adoption d'une politique fiscale favorable (taux de pression faible) peut
être à l'origine d'attraction d'entreprises
étrangères et de la mobilité des facteurs de production
notamment le travail et le capital vers le pays qui a pris la mesure. Alors
l'effet contraire (défavorable) impacte négativement
l'activité économique des pays d'origine. Alors la
fiscalité constitue encore un levier permettant à un Etat
d'influencer la position du secteur privé par rapport aux autres Etats
de l'union. Cette situation est remarquable surtout dans les pays en conflit
comme la Côte d'Ivoire, le Mali et la Guinée Biseau auprofit des
autres pays comme le Sénégal et Burkina Faso. Fort de ce constat,
il convient de retenir que le canal fiscal semble être le plus
opérant dans la transmission des effets de débordement sur
l'activité économique des pays de l'UEMOA.
Partant d'une analyse minutieuse de l'environnement
commerciale, les pays de l'union échangent entre eux à hauteur de
12% selon un rapport de l'OMC (2013). Ce niveau est certes jugé faible
comparé à celui réalisé en vers l'union
européenne (64%). Mais, le canal du commerce contribue aussi
à la transmission des externalités budgétaires aussi bien
pour les dépenses publiques que pour les recettes fiscales. IL y a
là une manifestation des effets keynésiens standards qui se
propagent via le commerce extérieur. Les politiques de subventions
nationales sur les denrées alimentaires peuvent stimuler la demande
étrangère. Par exemple au Sénégal, les subventions
sur les énergies comme le carburant et le gaz butane ont permis aux pays
de la sous-région comme le Mali et la Gambie d'en
bénéficier. Il en est de même pour la fiscalité.
Graphique 16: Diagramme des flux d'échanges
intrarégionaux (en pourcentage
du PIB, 2010)
Source : Rapport FMI 2014
Une relance budgétaire peut donc avoir des implications
différentes pour les pays partenaires selon qu'elle résulte d'une
stimulation de la demande ou d'une baisse de la fiscalité. Puisqu'une
politique fiscale agressive en faveur des entreprises locales peut obliger les
pays partenaires à réagir, soit en rationalisant leurs
dépenses publiques, soit en participant à leur tour à la
course ; c'est- à-dire faire autant, Giavazzi, Pagano et Blanchard
(1990). Au regard du contexte actuel de la zone et la volonté manifeste
des Etats membres d'aller vers une intégration plus poussée des
marchés, le canal du commerce extérieur est fonctionnel dans la
transmission des effets budgétaires sur la croissance économique
des pays.
En résumé, la contagion des effets de
débordement budgétaires entre pays membres s'effectue à
travers trois (03) principaux canaux de transmission à savoir : (i) le
canal du crédit en raison d'un endettement assez significatif pour
financer le déficit budgétaire ; (ii) le canal de la
fiscalité puisqu'au niveau national, on note une concurrence fiscale qui
souvent est source d'attraction ou de désincitation pour les agents
économiques (entreprises et mobilité des facteurs) ; (iii) et
enfin le canal du commerce, malgré le faible taux d'échanges, les
politiques budgétaires génèrent des externalités
entre pays partenaires même si les travaux de Sarr (2006) concluent que
cela est marginal. Ainsi, l'hypothèse
2 de notre travail de recherche est bien
vérifiée dans la mesure où les derniers travaux portant
sur la zone euro avaient bien identifié quatre canaux de transmission
budgétaires alors que nos résultats dans l'UEMOA ont mis l'accent
sur trois canaux.
|