L'interference entre les voies d'execution et les procedures collectivespar Adama SEL COULIBALY Université Mohamed V de Rabat FSJES-SOUISSI - Master II juriste d'affaires 2019 |
Paragraphe 2 : La saisie-attributionPour paraphraser le doyen Carbonnier39(*), l'on dira que : la saisie-arrêt, rebaptisée saisie-attribution, a perdu son rôle de pivot en droit comparé : la vedette est transférée, désormais à la saisie-attribution, comme il sied à une société bancarisée globalisée et de salariat généralisé. Donc, « La vieille saisie-arrêt au double visage conservatoire et d'exécution, dont on disait qu'elle se donnait à tout le monde ceux qui avaient un titre exécutoire et ceux qui n'en avaient pas et qui imposait, de manière irrationnelle, à tous d'obtenir un jugement de validité, n'existe plus »40(*). En effet, en droit comparé, les voies d'exécution ont connu une évolution. Ainsi, on peut constater en droit français comme en droit OHADA des avancées substantielles. Dans ces deux législations, on assista à la naissance d'une nouvelle saisie exécutoire portant sur des sommes d'argent, désignée sous le vocable de « saisie-attribution ». Ensuite « la suppression du jugement de validité » qu'elles connurent jadis, avec la saisie-arrêt. Enfin, la consécration de « l'effet attributif immédiat ». En droit OHADA aussi bien qu'en droit français, désormais, le créancier peut pratiquer directement une mesure exécutoire qui opère attribution immédiate des créances objets de la saisie à son profit. C'est ce qui ressort en substance de l'article 154 de l'AUVE41(*) et de l'article L. 211-2 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution française42(*). La procédure de saisie-attribution est généralement utilisée dans les cas où le titre exécutoire concerne une créance de droit commun ou commerciale pour laquelle une procédure exorbitante du droit commun n'est pas autorisée43(*). Ainsi, il convient maintenant de préciser la procédure de la saisie-attribution (A) et ses effets (B). A. Procédure de la saisie-attributionLa procédure de saisie-attribution comporte deux phases : l'acte de saisie et les obligations de renseignement du tiers saisi (1) ainsi que la dénonciation de la saisie au débiteur saisi (2). 1. L'acte de saisie : les obligations de renseignement du tiers saisia- L'acte de saisie ou procès-verbalD'abord, le créancier procède à la saisie par acte d'huissier, signifié au tiers saisi44(*). Cet acte doit préciser les mentions prescrites pour tout acte d'huissier45(*). L'acte de saisie-attribution mentionne également les dispositions prévues à l'article R. 211-1 du CPC exéc. à peine de nullité46(*). Parmi ces énonciations, l'indication que le tiers saisi est « personnellement tenu envers le créancier saisissant »47(*).Par conséquent, il ne peut disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur48(*). Donc, le tiers saisiest averti de l'indisponibilité des sommes qu'il doit au débiteur saisi (créancier du tiers saisi). Ensuite, le PV indique l'heure à laquelle il a été signifié. « Cette indication n'a pas pour but de classer les saisies opérées le même jour afin de donner priorité à la première. Puisque les actes de saisie signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément et viennent le cas échéant en concours »49(*) . L'indication de l'heure revêt une importance particulière. Parce qu'elle permet de déterminer non seulement le moment exact où le tiers ne peut plus payer le débiteur saisi,mais aussi le moment exact où le tiers saisi devient personnellement débiteur des causes de la créance. Enfin, la précision de l'heure revêt un intérêt plus subtil en cas de saisie sur un compte de dépôt50(*), pour « la contre-passation »51(*) des opérations réalisées avant l'acte de saisie. L'acte de saisie est notifié au tiers saisi selon les règles de droit commun52(*). * 39 « La saisie-exécution, rebaptisée saisie-vente, a perdu son rôle de pivot : elle n'est plus que subsidiaire. La vedette est transférée à l'ancienne saisie-arrêt, désormais saisie des comptes bancaires et des rémunérations du travail, comme il sied à une société de bancarisation universelle et de salariat généralisé. ». * 40Danielle CORRIGNAN-CARSIN : DOCTRINE VARIETES : la saisie attribution, nouvelle procédure civile d'exécution ou voie d'exécution rénovée ? p.244. * 41 : « l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers. Les sommes saisies sont rendues indisponibles par l'acte de saisie. Cet acte rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation ». * 42« L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation ». * 43 Telle que l'avis à tiers détenteur : livre des procédures fiscales (France), art. L. 262 à LPF, art. L. 263 A ; art. L. 273 A. * 44 CPC exéc., art. R. 211-1. * 45 Article 648 code de procédure civile française : « Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs : 1. Sa date ; 2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. 3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ; 4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité. * 46Art. R. 211-1 du CPC exéc fr : « 1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; 2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ; 3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ; 4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ; 5° La reproduction du premier alinéa de l'article L. 211-2, de l'article L. 211-3, du troisième alinéa de l'article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11. L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. Donc, le défaut des mentions obligatoires entraîne la nullité de la saisie-attribution. » * 47 Article R211-1 CPC exéc. fr : « [...] 4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur [...] ». * 48C'est la conséquence de l'effet d'attribution immédiate de la créance au profit du saisissant. * 49 CPC exéc., art. L. 211-2. Voir : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3627-PGP : consulté le 26/04/2020. Voir aussi V. l'art. 155 al. 1re de l'AUVE qui dispose : « Les actes de saisie signifiée au cours de la même journée entre les mains du tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours » * 50 https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3627-PGP: consulté le 26/04/2020 * 51« La contre-passation est un terme comptable désignant une méthode qui consiste à modifier une opération comptable en passant une écriture du même montant que celle qu'il faut rectifier, dans la colonne opposée. Dit autrement, la contre-passation permet d'effacer une opération par le biais d'une nouvelle opération d'un montant identique effectuée en sens inverse. La contre-passation peut également s'utiliser pour les encaissements d'effets de commerce. » https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23687-contre-passation-definition: consulté le 26/04/2020.c'est une écriture de correction qui consiste à créditer un compte initialement débité ou vice versa (elle s'effectue généralement pour l'annulation d'une opération). * 52 Art. 653 et suivants CPCF. |
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