L'interference entre les voies d'execution et les procedures collectivespar Adama SEL COULIBALY Université Mohamed V de Rabat FSJES-SOUISSI - Master II juriste d'affaires 2019 |
Chapitre 2 : L'avis à tiers détenteur à l'épreuve des procédures collectivesOn se bornera ici à analyser et à apprécier l'efficacité de l'avis à tiers détenteur notifié par l'administration pendant la période suspecte ou après la cessation de paiement. En ce qui concerne la période suspecte, c'est le délai écoulé entre le jugement d'ouverture et la date de cessation de paiements finalement retenue par le tribunal. En effet, la détermination de la date de cessation de paiements est d'une importance capitale. En ce sens que c'est à partir de cette date, que commence la computation de la période suspecte, qui ne peut être supérieur à dix-huit mois. La période suspecte a pour but la reconstitution du patrimoine du débiteur, d'une part. D'autre part, elle vise la protection des créanciers en évitant les fraudes, et en garantissant un traitement égalitaire de tous les créanciers. Enfin, cette période fait planner sur toute voie d'exécution intervenue durant ce délai, le spectre d'une possible annulation, corolaire de ladite période. Quant àl'ATD, il se caractérise par un effet attributif immédiat. D'ailleurs, c'est ce qu'il a en commun avec la saisie-attribution. C'est surtout cet effet commun, partagé par ces mesures qui sera mis à l'épreuve des procédures collectives. Enfin, il serait judicieux de préciser que l'ATD est encore beaucoup plus simple à mettre en oeuvre que la saisie-attribution. Section 1 : L'avis à tiers détenteur : titre exécutoire pour l'administration« À l'heure où je vous parle, alors qu'il n'y a aucun jugement, je ne peux plus vous faire un chèque de 10 euros »191(*). Cette assertion est révélatrice avec acuité de la déjudiciarisation192(*) des titres exécutoires. Ainsi, on doit distinguer entre les titres exécutoires judiciaires et extrajudiciaires193(*). Les premiers nécessitent l'intervention d'un juge. Tandis que les seconds sont exécutoires sans besoin de l'intervention d'un juge. En ce qui concerne l'ATD, il s'agit effectivement d'un titre exécutoire émis par l'administration sans l'intervention du juge. Donc, l'ATD est un titre exécutoire extrajudiciaire, qui ne peut appréhender que les créancespubliques. Paragraphe 1 : Les effets de l'attribution immédiate de l'avis à tiers détenteurCe qui intéresse le plus notre étude, est la possibilité de suspendre ou d'annuler l'effet attributif immédiat de l'ATD pratiqué pendant la période suspecte ou après la date de cessation des paiements fixée par le tribunal. A. L'ATD émis pendant la période suspecte : nullité de droit ou nullité facultativeAux termes de l'article 712 c. com. « la période suspecte s'étend de la date de cessation des paiements jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure [...] ». En effet, la période suspecte s'étalant de la cessation des paiements194(*) jusqu'au jugement d'ouverture ne peut excéder dix-huit (18) mois195(*), durée maximale de ladite période. Quant à la date de cessation des paiements, elle est fixée par le jugement d'ouverture. A défaut, la cessation de paiements est réputée être intervenue à la date dudit jugement. Toutefois, en vertu de l'avant dernier alinéa de l'article 713 c. com., la date de cessation des paiements peut être « reportée une ou plusieurs fois » à la demande du syndic. Cela peut avoir des conséquences irréversibles et désastreuses à l'égard de certains créanciers. Ainsi, il convient d'évoquer les cas de nullité de droit (1) ou facultative (2). 1. La nullité de droitNullité obligatoire, la nullité de droit signifie que le tribunal n'a autre choix que de prononcer la nullité196(*). Tel est le cas pour tous les actes à titre gratuit fait par le débiteur après la date de cessation des paiements (art. 714 al. 1er c. com.). En vertu de l'article précité même les actes à titre gratuit du débiteur réalisés dans les six (6) mois avant la cessation des paiements encourent une nullité facultative, laissée à l'appréciation souveraine du juge. * 191 Bernard Tapie : Affaire « arbitrage Adidas ». * 192V. Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles d'Aix-Marseille Université (EA 4690) Mission de recherche Droit et justice Sous la direction de Sylvie CIMAMONTI et Jean-Baptiste PERRIER : « Les enjeux de la déjudiciarisation » Recherche réalisée dans le cadre de la convention n° 216.03.11.34 3 mars 2016 - 3 mars 2018. * 193V. Mahougnon Prudence HOUNSA : « Les actes juridiques privés exécutoires. Droit français/Droit OHADA » Thèse présentée et soutenue publiquement le 14 décembre 2015 ; 'Université Paris Ouest Nanterre La Défense. « La création des titres exécutoires » p. 96 et s. * 194 Art. 575 al. 2 c. com. « La cessation de paiement est établie dès lors que l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, y compris les créances résultant des engagements pris dans le cadre de l'accord amiable ». V. aussi : Abdou Yade SARR « Analyse des décisions rendues par le tribunal régional hors classe de Dakar en matière de procédures collectives d'apurement du passif depuis 2000 » Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Master I 2010. Sur la notion de cessation des paiements. * 195 Art.713 c. com. marocain. V. Cécile Le Gallou : Droit des sûretés - Droit des entreprises en difficulté ; 2è édition, Métiers, lacier Collection Paradigme. P. 364. * 196 V. Cécile Le Gallou ; op. cit. p. 364 à 370 |
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