L'interference entre les voies d'execution et les procedures collectivespar Adama SEL COULIBALY Université Mohamed V de Rabat FSJES-SOUISSI - Master II juriste d'affaires 2019 |
Paragraphe 1 : L'arrêt des poursuites individuellesD'abord, « l'arrêt des poursuites individuelles est d'ordre public aussi bien interne qu'international »152(*). En ce sens, il constitue donc une fin de non-recevoir153(*) devant être relevée d'office par le juge.En cas d'action en paiement intentée contre un débiteur après le jugement d'ouverture de la procédure collective.Ensuite, aux termes des articles 686 et 687 c. com. marocain, le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice (A), mais aussi suspend les instances en cours (B) de la part de tous les créanciers antérieurs. A. L'interdiction des actions en justiceL'interdiction concerne les actions non encore intentées (les actions nouvelles) consistant à condamner le débiteur. Soit au paiement d'une somme d'argent voire à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. En effet, seules sont visées par l'interdiction, les actions contre le débiteur lui-même ainsi que certains tiers tenus au paiement de la dette du débiteur (ex. : les cautions154(*)) d'une part, ces actions doivent tendre au paiement d'une somme d'argent, d'autre part155(*). A contrario, sont recevables les actions ayant un fondement autre que le défaut de paiement d'une somme d'argent156(*). « La jurisprudence fait une belle application de cette distinction entre les actions tendant ou non au paiement d'une somme d'argent aux victimes d'une infraction commise avant l'ouverture d'une procédure collective. Elle leur reconnaît le droit de se constituer partie civile en limitant la recevabilité de leur action en ce qu'elle tend à la reconnaissance de la culpabilité de l'inculpé, mais non à sa condamnation à des dommage-intérêts. Cette analyse emporte, autre conséquence, la recevabilité de la partie civile même en l'absence de déclaration de la créance de dommages-intérêts »157(*). Toutefois, les actions tendant à l'obligation de faire pouvant impliquer le paiement d'une somme d'argent, la jurisprudence les soumet volontiers à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles158(*). In fine, on peut convenir avec M. MacoringVenier, que la jurisprudence fait une interprétation, lato sensu, de la notion de « la créance de somme d'argent » quant à l'interdiction des actions en justice, dans le cadre des procédures collectives. Et cette interdiction, ne vaut, que pour les actions nouvelles intentées pour la condamnation au paiement d'une (créance de somme d'argent) dont l'origine est antérieure au jugement d'ouverture. B. La suspension des instances en coursL'instance est en cours lorsque le débiteur a été assigné avant le jugement d'ouverture159(*), ou s'agissant d'une instance arbitrale, lorsque le tribunal a été définitivement constitué160(*). Donc, la suspension des instances, renvoie à l'idée d'un « arrêt provisoire » desdits instances. C'est-à-dire qu'elles peuvent, à tout moment, reprendre leur cours. Ainsi, l'interruption ou la suspension des actions introduitesavant le jugement d'ouvertureest limitée dans le temps. Puis que l'article 687 c. com. marocain dispose que : « les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance [...] ». Pour ainsi dire, qu'aprèssatisfaction de l'obligation de déclarationpar les créanciers poursuivants, les instances suspendues reprennent leur cours. Nonobstant, elles sont limitées dans leur objet : « Les instances en cours [...] sont reprises de plein droit, le syndic dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »161(*). En effet, cette reprise ne remet pas en cause le principe de l'interdiction des poursuites individuelles. Puis que l'article précité prend soin de spécifier que ces instances ne peuvent tendre qu'« à la constatation des créances et à la fixation de leur montant »162(*). Enfin, la reprise des actions en courspermet de compléter l'état des créances, mais pas d'obtenir un titre exécutoire163(*).André Jacquemont fait remarquer en ce sens que, dans la limite, la juridiction saisie initialement doit se prononcer, même si le demandeur persiste à demander la condamnation de son débiteur au paiement d'une somme d'argent, et en tout sans pouvoir décliner sa compétence au juge commissaire. * 152 André Jacquemont : Droit des entreprises en difficulté 8ème édition ; LexisNexis. « La jurisprudence française considère que l'arrêt des poursuites individuelles est une règle d'ordre public interne et international [...] une sentence arbitrale ne peut condamner une personne morale française en liquidation judiciaire à payer une dette à l'égard d'un créancier égyptien. Cass. com., 1ère ch., 6 mai 2009 : rev. proc. Coll. 2009, n° 236, note B. Rolland et infra, n°470, note 228. P. 278 ; 281. * 153Art. 49 CPC. marocain. V. Chakib Abdelhafid., Op. cit. « La fin de non-recevoir consiste à contester au demandeur la validité de son action ou sa régularité [...] ». p.152. * 154 Art. 695 c.com. marocain : « [...]Au moins, tant que le plan de continuation est respecté [...] ». « Le délai du créancier pour agir en paiement contre cette caution reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture. » Chambre commerciale 16 janvier 2019, pourvoi n°17-14002, BICC n°902 du 15 mai 2019 avec une note du SDEC et Legifrance. V. aussi : Philippe Simler : Cautionnement - Garanties autonome - Garanties indemnitaires ; 4è édition ; LexisNexis ; Litec. p. 431 à 567. * 155 André Jacquemont op. Cit. Sur « La double limitation de l'arrêt des actions en justice ». P.279 ; 281. * 156 Ibid. * 157 Pour une application de cette jurisprudence consacrée par un arrêt du 31 janvier 1996, V. Cass. crim. 23 janv. 2008 : JCP E 2008, 2062, n°15 obs. M. Cabrillac. Cité par André Jacquemont. p.279. * 158 Cass. com., 9 juillet 1996 : JCP E 1997, n°623-2, obs. M. C. qui suggère de limiter cette irrecevabilité aux seuls cas où l'exécution en nature est absolument impossible. - sur cette jurisprudence, confirmée par Cass. com., 17 juin 1997 : Rev. proc. Coll. 1998, p.282, obs. F. Macorig-venier, qui retient une interprétation très large de la notion de la créance de somme d'argent, V. JCI. Procédures collectives, Fasc. 2500. * 159 Le débiteur doit en effet occuper la situation procédurale de défendeur pour que se pose la question de la qualification d'instance en cours au sens de l'article 687du c. com. marocain. V. André Jacquemont op. Cit. p. 282. * 160 Cass. 1ère civ., 30 mars 2004 : proc. Coll. 2004-9, n°112 obs. J.V. * 161 Article 687du c. com. marocain * 162 Tel n'est pas le cas d'une instance en référé tendant à obtenir une condamnation provisionnelle : Cass. com., 6 oct. 2009 : D. 2009, act. Jurispr. P. 2485. * 163 Ainsi ne peut être exequaturée une sentence arbitrale qui prononce cette condamnation au paiement d'une somme d'argent. - Cass. com., 1èr ch., 6 mai 2009. Obs. Ph. Pétel in JCP E 2009, 1814, n°2, qui défend l'idée que l'exequatur pourrait être accordé en limitant l'effet à la reconnaissance de la créance, permettant ainsi au créancier de disposer d'un titre incontestable destiné à compléter l'état des créances, et e remplir ainsi efficacement son obligation de déclaration. Cité par André Jacquemont op. Cit. p. 282. |
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