L'interference entre les voies d'execution et les procedures collectivespar Adama SEL COULIBALY Université Mohamed V de Rabat FSJES-SOUISSI - Master II juriste d'affaires 2019 |
Chapitre 2 : Les procédures administratives d'exécutionIl existe une série de voies d'exécution forcée mise à la disposition de l'administration. On distingue en sus, des voies d'exécution de droit commun étudiées supra : le commandement, la saisie (saisie et vente des navires, saisie et vente des immeubles, saisie et vente des fonds de commerce, mesure d'exécution sur les véhicules automobiles), la contrainte par corps. Nonobstant, on se limitera ici à l'analyse de l'avis à tiers détenteurs. D'abord, la mise en oeuvre des voies d'exécution par l'administration est soumise à des procédures strictes. La règle est celle de la « procédure graduelle »71(*). En effet, l'exercice du recouvrement forcé par l'administration ne peut être entamé qu'en vertu d'un « titre exécutoire »72(*) : on en dénombre trois, en ce qui concerne l'ADII (titre/ordre de recette73(*), décisions judiciaires, conventions de règlement transactionnel). Le titre exécutoire doit porter sur une créance « certaine » et « exigible »74(*). En principe, les débiteurs sont censés s'acquitter de leurs dettes amiablement75(*).Nonobstant, il arrive souvent qu'ils s'obstinent à ne pas s'exécuter. Ainsi, la loi prévoit-elle des mesures permettant d'aboutir à l'exécution forcée au moyen des "voies d'exécution"76(*). En revanche, le redevable qui ne s'acquitte pas de son obligation de payer, malgré l'expiration du délai imparti après l'envoi du dernier avis sans frais ou de la mise en demeure.Les comptables chargés du recouvrement77(*) pourront valablement engager des poursuites à l'encontre de ce redevable récalcitrant. Le premier acte décerné dans la plupart des cas, est un commandement78(*) de payer qui, s'il n'est pas suivi d'effet, entraînera la mise en oeuvre de voies d'exécution de droit commun79(*). Voire une procédure spécifique de recouvrement des créances publiques (section 2), l'avis à tiers détenteur (section 1) ou, plus exceptionnellement, la contrainte par corps80(*) (qui ne sera pas traité ici). Section 1 : L'avis à tiers détenteur : prérogative exorbitante de droit communLorsqu'un avis de mise en recouvrement suivi en principe d'une mise en demeure s'avère infructueux. Le trésor public bénéficie d'une procédure particulière, rapide et efficace « exorbitante de droit commun »81(*):ATD prévu aux articles 101 et 102 du CRCP. C'est une procédureconsistant pour l'administration à se faire payer les dettes fiscales exigibles et privilégiées d'un contribuable auprès d'une tierce personne (débiteur ou détenteur d'une somme d'argent du contribuable)82(*). Cette tierce personnepeut être : unétablissement decrédit, un employeur, un locataire, un notaire, un liquidateur judiciaireetc. Ainsi, s'agit-il d'un titre exécutoire que l'administration, se délivre à elle-même ? Et agit en conséquence, et s'il le faut, sans avertir au préalable le contribuable défaillant. En tout cas, la Cour de cassation française dans un arrêt du 5 avril 2005 a validé le procédé de la saisie sans avertissement préalable : « le comptable du Trésor chargé du recouvrement n'est pas tenu d'envoyer une lettre de rappel au contribuable avant notification de l'avis »83(*). Enfin, l'ATD comprend, et les caractères d'une action directe84(*), et des effets identiques àune saisie-attribution. De ce qui précède, on va voir les facettes de l'ATD (paragraphe 1) et son champ d'application (paragraphe 2). * 71 Art. 39 CRCP. V. aussi : Christian Autexier, ' Chapitre 12 : L'exécution administrative, Introduction au droit public allemand, PUF, 1997 ; Reprint Revue générale du droit ' : Revue générale du droit on line, 2015, numéro 22310 ( www.revuegeneraledudroit.eu/?p=22310). * 72 Art. premier du CRCP. Art. 92 du code des douanes. Art. 68 du décret de comptabilité de 1967. Constituent les bases légales des titres exécutoire de l'ADII. * 73 Art.9 du CRCP dispose que : « Les ordres de recette au titre de taxes et impôts [...] sont revêtus de la formule exécutoire dès leur émission, par l'ordonnateur. ». * 74 Voir art. 13 et suivant du CRCP. * 75 Art. 7 CRCP. Le principe est le recouvrement amiable. C'est la procédure de règlement des créances publiques laissée à l'initiative du redevable. Elle s'étend de la date de mise en recouvrement ou d'émission des créances à celle de leur exigibilité. * 76ABDELLAH BOUDAHRAIN, Les voies d'exécution au Maroc, Les éditions Toubkal, Casablanca, 1988, p.9.V. aussi : https://cours-de-droit.net/cours-de-voies-d-execution-en-droit-marocain/: consulté le 13/07/2020. * 77 Voir article 3 du CRCP. Le comptable public n'a pas le choix, il a l'obligation de recouvrer l'intégralité des créances prises en charge et il doit mettre en oeuvre toutes les voies d'exécution disponibles de droit commun ou prérogative exorbitante de droit commun (ATD) en vue d'amener les contribuables récalcitrants à s'acquitter de leurs dettes. * 78 Art. 40 à 43 CRCP.Le commandement est l'acte par lequel le débiteur est mis en demeure de payer sa dette, sous peine d'y être contraint par les voies de droit. C'est le premier acte de recouvrement forcé avec frais. Il ne nécessite pas d'autorisation préalable. Dès notification, le commandement a pour effet : 1- d'ouvrir le délai de la saisie qui ne peut être exécutée que 30 jours francs après la notification du commandement ; 2- d'interrompre la prescription prévue par l'article 123 du CRCP. * 79Marie MASCLET DE BARBARIN : Le contentieux de recouvrement de l'impôt, Ed. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, E.J.A, 2004, p.7. * 80 Article 76 et suivants du CRCP. Voir aussi Mohammed SADDOUGUI ; op. cit : « Les organismes de droit de l'Homme ne cessent de rappeler le Maroc à conformer certaines de ses lois avec les dispositions juridiques internationales qu'il a ratifiées. Parmi ces dernières, l'article 11 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par le Maroc en 1979, qui dispose que « Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison de ne pas être en mesure d'exécuter une obligation contractuelle ». D'ailleurs, les législations modernes ont aboli la contrainte par corps pour ne la maintenir qu'en matière pénale. Pour montrer sa bonne foi, le Maroc a promulgué le Dahir n°1-06-169 du 22 nov.2006 portant promulgation de la loi n°30-06 modifiant le dahir n°1-60-305 du 20fev.1961 relatifs à l'exercice de la contrainte par corps en matière civile (B.O. : n°5480 du 7 déc.2006). La nouvelle loi dispose qu'''aucune personne ne peut être condamnée à la prison pour le simple fait de son incapacité à remplir un engagement contractuel ». Nonobstant ces progrès, la nouvelle loi reste encore sujette à de vives critiques, du fait qu'une disposition datant de l'ancien dahir demeure toujours en vigueur Celle-ci précise que" l'exécution de tout jugement ou arrêt portant condamnation au paiement d'une somme d'argent peut être poursuivie par la voie de contrainte par corps". ». * 81 https://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/avis-tiers-detenteur-titre-execution-1613.htm: consulté le 13/03/2020. * 82Ces débiteurs sont contraints, sur la demande qui leur en est faite, sans formalité particulière ni autorisation de justice, de payer le Trésor sur les fonds qu'ils détiennent pour le compte de leur créancier (débiteur du trésor public) ou qui doivent lui revenir. * 83Com, 5 avril 2005 pourvoi n°03-14.336 * 84L'"action directe" est la demande exercée en justice qu'en application de la loi, un créancier est recevable à introduire en son nom propre contre le débiteur de son débiteur. Par exemple, e bailleur peut engager une action contre le sous-locataire dans la limite des sommes dues par ce dernier au locataire principal et dont il peut être débiteur au moment de la saisie. https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/action-directe.php: consulté le 13/07/2020. |
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