Après avoir discuté les principales
théories portant sur la transition démocratique, ainsi que
l'identification des différents déterminants
évoqués comme sources de déclenchement du processus
transitionnels, le travail essayera de valider les différentes
corrélations pouvant exister entre la probabilité de naissance de
transition et des facteurs déjà abordés.
Afin d'y parvenir, le travail utilise un modèle «
probit » estimé sur base d'informations collectées sur la
période 1981-2010 sur un échantillon de 173 pays.
Cette partie s'organise de la façon suivante : dans la
première section, nous spécifierons notre modèle, nous
décrirons l'ensemble des variables et nous présenterons notre
échantillon. Dans la deuxième, nous présenterons les
résultats obtenus.
Section1 : Présentation des variables et du
modèle choisis pour expliquer la transition démocratique
:
La spécification du modèle et la description
des donnés fera l'objet de la première partie, tandis que la
deuxième portera sur la présentation du cadre conceptuel de
l'étude.
1. Spécification du modèle et description
des données: a. Spécification du modèle :
Afin de cerner les liens de causalités entre les
différents facteurs évoqués dans la littérature et
la transition démocratique, nous nous trouvons dans l'obligation
d'utiliser un modèle qualitatif à savoir le modèle «
probit ». L'utilisation de ce modèle à choix discret est due
à la nature dichotomique de notre variable à expliquer. Nous
considérons un échantillon qui englobe 173 pays dont 44 en
transition.
Pour identifier les origines des transitions, nous allons
estimer le modèle suivant :
37
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
Où i indique le pays et t fait
référence à l'année. Ces indices servent pour
toutes les
variables.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
39
b. Description des variables :
Variable dépendante :
Transitionit est notre variable
dépendante. C'est une variable dichotomique qui :
0 si le pays i n'a pas connu de transition dans la
période entre 1981-2010
Trasitionit=
1 si le pays i est en transition entre 1981-2010.
Le pays est pris en compte comme pays en transition lorsqu'il
connait un changement
politique permettant le passage d'un Etat autoritaire vers une
démocratie. Selon T. L. Karl et P.
Schmitter(1991), le changement peut se faire par :
? Pactes: les élites se mettent
d'accord entre eux pour s'éloigner de l'autoritarisme.
? Imposition: l'élite utilise leurs
forces pour créer une opposition.
? Réformes: la masse se mobilise sous un
compromis avec absence de violence.
? Révolution: la masse se relève
avec les armes pour faire tomber le pouvoir.
Selon la période d'étude (1981-2010), les pays
en transition retenus appartiennent à la troisième vague de
transition. Le reste des pays de l'échantillon ont des régimes
non-démocratiques (monarchie, régime militaire, guerre
civile...).
A l'aide d'une variable indiquant le type de régime
gouvernant (Hadenius et Teorell, 2007), nous supprimons tous les pays
étant démocratiques avant notre période d'étude
(19812010) afin de rendre l'échantillon plus homogène.
Variables explicatives :
RealGDPpcit : Le logarithme du produit
intérieur brut par tête. Cette variable permet de mesurer la
richesse et les performances économiques d'un pays. Selon
l'hypothèse de Lipset (1959), un niveau élevé du PIB per
capita augmente la probabilité de démocratisation du pays ainsi
que sa stabilité. Donc, nous attendons une significativité
positive.
Pour mesurer le développement humain d'une nation, nous
nous référons à trois indices :
EDUCATIONit: représente la
performance du secteur de l'éducation. Lipset(1959) affirment qu'une
population mieux cultivée présume de meilleures chances pour
le
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
40
déclenchement du processus démocratique. La
relation entre la variable et la démocratisation est supposée
positive.
HEALTHINDEXit : est une mesure du
développement sanitaire. L'augmentation du nombre de personnes
infectées reflète une détérioration du niveau de la
santé. Les études empiriques montrent une relation
négative et significative entre cet indicateur et le niveau de
démocratie.
RURALPOPit : fait référence
aux personnes vivant dans les zones rurales. Il est calculé comme la
différence entre la population totale et population urbaine. Lipset
affirme que les pays démocratiques sont plus urbanisés que les
États dictatoriaux ou autoritaires. Donc, le signe sera probablement
négatif entre notre mesure et la transition.
Presslibertiesit : est L'indice
liberté de presse. Plusieurs recherches affirme que les médias et
surtout à la presse ont l'immense pouvoir d'influencer les individus et
l'opinion publique et donc de faire circuler les principes de la
démocratie chez les populations. Nous attendons donc à une
corrélation positive.
RELIGIOUSFRACTit : exprime le fractionnement
religieux. Plus le pourcentage est grand, plus la société est
segmentée (Alesina et al. (2003)). Les résultats empiriques
montrent que les pays en transition sont un peu moins fragmentés que les
pays qui sont restés autocratique. Le fractionnement a un impact
négatif sur l'indice de la démocratie.
FREEDOMSPEECHit : est une mesure de la
liberté d'expression. Elle a souvent constitué l'une des premiers
pas vers la démocratie. Donc, dans la majorité des
résultats empiriques, cette variable est liée positivement aux
changements démocratiques.
Womenparticipationit : est l'indice
représentant les droits d'égalité de la femme dans la vie
politique et économique .L'idée partagée dans les travaux
empiriques est que la réussite du processus de démocratisation
compte sur la contribution de tous ses citoyens à savoir la
participation totale de la femme à la vie politique et économique
du pays.
Tortureit : représente le recours du
pouvoir en place à la torture contre ces opposants. Les conventions et
les traités internationaux mettent en avant que l'abolition de la
torture présente un saut en avant dans la démarche
démocratique. La relation espérée pour l'indicateur est
positive.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
41
2. le modèle « probit » :
Vu le caractère dichotomique de la variable
dépendante «Transition », les méthodes linéaires
traditionnelles sont dans ce cas, incapables de modéliser et
d'étudier le modèle. On ne peut pas utiliser les méthodes
traditionnelles du fait que la variable « Transition » ne prend que
deux valeurs et la perturbation «u » suit nécessairement une
loi discrète. Ce qui est incompatible avec les hypothèses
habituelles de continuité et de normalité des résidus
(Gouriéroux ,1989). Le recours à une analyse
économétrique spécifique est alors nécessaire pour
isoler les effets propres. Ces méthodes utilisées doivent tenir
compte de l'absence de continuité des variables traitées à
savoir les modèles dichotomiques.
L'étude de ces modèles date des années
1940. Les travaux les plus marquants de cette époque sont sans conteste
ceux de Berkson (1944, 1951) consacrés notamment aux modèles
dichotomiques simples (modèles logit et probit). Les premières
applications ont particulièrement porté sur le domaine de la
biologie, et de la sociologie. Récemment, ces modèles ont
été utilisés pour décrire des données
économiques avec notamment les travaux de Daniel L. MacFadden (1974) et
de James J. Heckman (1976).
Lorsqu'on parle des modèles dichotomiques, on entend
parler des modèles dans lesquels la variable expliquée ne peut
prendre que deux modalités. L'objectif des modèles dichotomiques
consiste alors à expliquer la survenue de l'événement en
fonction d'un certain nombre de caractéristiques observées pour
les individus de l'échantillon et donc à spécifier la
probabilité d'apparition de cet événement.
Dans notre travail, on choisit comme modèle le
modèle « probit » afin de déterminer la relation
existante entre la variable qualitative « Transition » et les
variables explicatives à savoir les déterminants des transitions.
Le modèle « probit » admet pour la variable expliquée,
la probabilité d'apparition de cet événement par rapport
aux variables explicatives.
Soit un échantillon de n individus (i : 1,..., n). Pour
chaque individu, on pose, ?i ? [1, N] : 1 si l'événement s'est
réalisé.
Yi =
0 si l'événement ne s'est pas
réalisé.
École polytechnique de Tunis Mémoire
de Mastère Derbali Ahmed
42
Dans le travail :
· Yi = 1 si le pays a connu une transition
démocratique et Yi = 0 sinon. Les éléments de base de ces
modèles sont :
· Un événement Y (Y=1 ou
0).
· Une (ou plusieurs) variable indépendante
Xi.
· P (Y=1/Xi), décrit la probabilité
de la réalisation de l'événement pour Xi
donnée.
On suppose alors que le modèle prend la forme suivante :
> Pr(Y = 1) = f4(t
)dt = 4(X'/3) : La probabilité de la
réalisation de l'événement (connaitre la transition
démocratique) pour le pays i étant donné les valeurs des
variables Xi.
> Pr(Y = 0) = ff,R 4(t)dt = 1 -- 4(X'/3) : La
probabilité de la non-réalisation
del'événement (absence de transition
démocratique) pour le pays i étant donné les
valeurs
des variables Xi.
Après avoir introduit le modèle et la
méthode d'estimation, nous procédons à une
présentation des principaux résultats de l'analyse
économétrique qui ont consisté à estimer la
probabilité de connaitre la transition démocratique par rapport
aux déterminants cités précédemment.
43
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Mastère Derbali Ahmed
? Section2 : Application et Résultats
:
Le tableau ci-dessus représente les résultats
de l'estimation probit. Les résultats montrent que toutes les variables
du modèle sont significatives.
Nous commençons avec les variables économiques:
le coefficient du produit intérieur brut par habitant est positif et
significatif, ce qui signifie que la démocratie directe est un bien
ordinaire qui est davantage consommée dans les sociétés
les plus riches. Les pays les plus prospères sont plus susceptibles de
connaître une transition.
Les indices du développement humain sont eux aussi
significatifs : La prévalence du VIH et la ruralité de la
population affecte négativement la réalisation de transition.
Contrairement la variable de l'accès à l'éducation qui est
toujours positive, fournissant des preuves du lien entre l'éducation et
de la démocratie mis en évidence par Glaeser et al. (2006). Les
résultats obtenus nous mènent à affirmer qu'une population
instruite et en bonne santé sortie du milieu rurale est prête
à accepter les principes démocratiques et à
éradiquer la dictature.
Le coefficient de la variable « torture » obtenu
est significatif. Malgré que nous ayons
attendu un signe positif qui soit en accord avec la
littérature, nous avons au contraire trouvé une
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
44
relation négative entre l'utilisation de la torture et
la transition. Cependant, le signe négatif peut être
justifié. Les régimes autoritaires et à l'aide de leurs
appareils policières ont souvent recours à la force majeure et
aux actes de tortures pour faire face à quiconque incitations et
réclamations de changements ou à un éventuel renversement
du régime. La force autocratique est le moyen classique d'écraser
l'opposition et accaparer le trône.
Le coefficient de la fragmentation religieuse est
négatif et significatif, comme le prédit la théorie. Le
résultat est en cohésion avec l'idée d'Aghion et al.
(2004) qui affirme que dans les sociétés plus fragmentés,
un groupe risque d'imposer un contrôle sur les autres groupes et infliger
des restrictions sur leur liberté politique.
Les libertés d'expression et de presse sont
significativement positives. Ceci confirme que ces droits sont perçus
comme des éléments permettant d'informer, d'inciter et
d'encourager les peuples à changer et en même temps de jauger et
soutenir le degré de démocratie atteint. Les mêmes
résultats se manifestent aussi pour la participation de la femme
confirmant ainsi l'hypothèse que la transition et la consolidation de la
démocratie nécessite la participation de toute la population
à savoir la contribution totale de la femme à la vie politique et
économique du pays.