Introduction :
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Mastère Derbali Ahmed
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Les crises se succèdent et s'accroissent. Le monde
s'effondre de partout. Les peuples désirent inventer un autre mode de
vie. Mais comment changer le « système » ? Comment en imaginer
un autre ? Certains ont déjà commencé le chantier de
reconstruction à travers un mouvement de « transition ».
L'idée se répand, s'invite à tous les débats et
provoque beaucoup d'enthousiasme. Mais c'est quoi une transition ? D'où
vient cette idée ? En quoi est-elle originale? Voici un petit
détour historique.
La transition est une imagination collective d'un meilleur
scénario. Une imagination qui consiste à trouver un nouveau type
d'économie, stable à long terme face aux troubles à
l'échelle mondiale. Une économie qui soit riche en emplois de
qualité, solide en terme d'infrastructures et inépuisable en
énergie.
Les études sur la démocratie se sont
focalisées sur les conditions objectives de transition. Ces travaux ont
fini par conduire à la constitution des « études de
démocratisation », terme qui désigne à la fois
la « transitologie », qui s'intéresse au changement de la
nature des régimes politiques, et la « consolidologie », qui
s'occupe du degré d'institutionnalisation des règles
définissant ces nouveaux régimes.9
Le concept de « Transition démocratique » a
fait l'objet de plusieurs études théoriques et il est
omniprésent dans les débats depuis près de trente ans avec
la chute de la dictature franquiste en Espagne, la disparition des
régimes militaires en Amérique Latine et surtout avec
l'effondrement du bloc communiste et les vagues d'ouverture démocratique
en Afrique dans les années 1990.
Le processus de démocratisation se développe
dans une situation de fragilisation économique de l'Etat. Le mouvement
de démocratisation est amorcé en même temps que les
réformes économiques. Ce qui impose beaucoup de privations aux
populations. Les contraintes économiques associées aux politiques
d'ajustement et de la libéralisation de l'espace politique contrarient
l'espérance d'un meilleur partage des ressources selon la perception de
la
démocratie dans l'imaginaire populaire. Les pays sont
alors menacés d'explosion d'un mécontentement populaire qui
peut entraver le fonctionnement des nouvelles
démocraties.10
9 Politique et Sociétés (Volume 21, numéro
3, 2002, p. 139-160): L'approche néo-institutionnaliste en
science politique.
10 Francis Akindes, « Les transitions
démocratiques à l'épreuve des faits ».
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? Section1 : Les transitions démocratiques dans le
passé :
Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes,
le droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique
et assurent leur développement économique, social et culturel.
Or, l'occupation externe ne constitue pas l'unique moyen de pression,
exercé par un pays sur un autre, qui vole et viole ce droit essentiel.
Il existe aussi le cas de l'occupation interne d'un pays par une
minorité infime. Une occupation interne, dans le sens où l'unique
président, l'unique famille, l'unique parti ou un pouvoir
non-représentatif du peuple occupe et confisque le pouvoir sans
permettre sa passation à d'autres par les moyens démocratiques
reposant sur les élections libres, transparentes et
périodiques.
1. Revue bibliographique :
Beaucoup de pays ont effectué la transition
démocratique pour mettre fin au régime non démocratique,
à une guerre civile ou à un conflit armé, dans le but de
construire l'Etat égalitaire. La transition se déroule sur des
étapes diverses et nécessite différents mécanismes.
Cependant, elle a du mal à aboutir en l'absence de consensus
national.
Selon Maurice-Pierre Roy (1992): « La transition
démocratique signifie la fin d'une époque et le début
d'une autre ».11
Dans le même sens, Guy Hermet écrit « La
transition démocratique se comprend dans son acceptation temporelle
plutôt que dans son contenu assez indécis. Elle s'inscrit dan le
temps, de durée extrêmement variable, qui se découle entre
la chute d'un régime et la prise de contrôle complète des
rouages du pouvoir par celui qui le remplace : en l'occurrence le régime
démocratique. Elle prend fin normalement quand cette démocratie
s'est pourvue d'institutions régulières, d'une constitution et
surtout lorsque les dirigeants démocratiques ont imposé leur
suprématie aux militaires et au nomenklaturistes, en rendant de la sorte
l'alternance pacifique au pouvoir au moins réalisable dans son principe.
Ce diagnostic sur la bonne fin du processus lui sert en somme de
définition ».
Manuel Antonio Garreton (2003) définit la transition
démocratique comme « le passage d'un régime autoritaire
à un régime démocratique, un passage qui se réalise
sans rupture
11 ROY Maurice-Pierre (1992), « le Bénin:
modèle de sortie de dictature et de transition démocratique en
Afrique noire ».
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institutionnelle et qui, en raison des enclaves autoritaires
et de l'héritage institutionnel issus du régime antérieur,
est forcément incomplet et perfectible ».12
Guillermo O'Donnel et Philippe Schmitter présentent la
transition comme l'intervalle entre deux régimes politiques et
définissent la transition démocratique comme la période
débutant par la dissolution du régime autoritaire et dont la fin
est marquée par la mise en place d'une forme de
démocratie.13
En fin de compte, il ressort de ces différentes
définitions que la transition démocratique d'un Etat comporte de
nombreuses caractéristiques :
? Premièrement, elle consiste à opérer
une modification pacifique et démocratique d'un système injuste
vers un autre plus juste. Une mutation d'un système non respectueux de
la démocratie et des droits fondamentaux vers un système qui
respecte ses valeurs.
? Deuxièmement, la transition démocratique
constitue un intervalle entre deux régimes politiques, en abandonnant le
premier, non démocratique, pour aller vers le deuxième, qui se
construit sur des bases respectant les valeurs de la démocratie. «
Le chantier » mené pour démolir les défauts du
premier régime et construire des piliers du deuxième constitue
les bases de la transition démocratique.
? Enfin, la transition reflète une situation
intermédiaire, son succès n'est pas assuré par avance. Le
risque de régression vers la dictature, vers un blocage du processus de
démocratisation à un stade d'inachèvement, voire vers un
conflit ou une guerre, n'est pas à exclure en cas d'échec. Pour
cela la
transition doit être bien implantée dès le
début afin d'aboutir à la démocratie.
A cause de la délicatesse de ce
phénomène, la Transition et la mise en place des
procédures démocratiques doivent se faire pas à pas.
12 Manuel Antonio Garreton, « Incomplete
Democracy: Political Democratization in Chile and Latin
America ».
13 Guillermo O'Donnel, Philippe Schmitter, Laurence
Whitehead, «Transition from Authoritarian Rule».
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De ce principe, la transition démocratique peut
être considérée comme un processus de long terme parce
qu'au fond, ce dernier doit continuer même après la fin de la
période transitoire.
La transition démocratique se détache de la
période transitoire pour s'étendre au-delà de cette
période jusqu'au temps nécessaire pour renforcer et
consolidé le nouveau régime fondé sur la
démocratie.
Les mouvements de transition démocratique menés
un peu partout dans le monde ont pour but d'instaurer une démocratie
dans laquelle règne le respect et la protection des droits
fondamentaux.
La démocratie est fondée sur la volonté
librement exprimée des êtres humains à déterminer
leurs propres systèmes sociaux, politiques, économiques et
culturels et sur leur participation entière à tous les aspects de
leur existence. La démocratie est un droit fondamental des citoyens qui
doit être exercé dans des conditions de liberté
d'égalité, de transparence et de responsabilité, dans le
respect de la pluralité des opinions et dans l'intérêt
commun.14
2. La transition démocratique : des facteurs
variables et un but invariable
Deux facteurs variables et un but invariable sont
déterminants dans toute transition démocratique.
Les facteurs variables sont le temps et les mécanismes.
? Le premier est nécessaire et lié à la
détermination d'une période de transition limitée durant
laquelle les réformes indispensables devront être
effectuées. La fixation d'une période de transition ou
intérimaire est nécessaire, sinon, la transition va se prolonger
ce qui peut la rendre obsolète et peut contribuer à son
échec.
? Le deuxième concerne les mécanismes de
transition qui jouent un rôle capital dans la réussite de la
transition. Ces mécanismes constituent les procédures et les
institutions qui vont régner et guider les pays pendant la
période transitoire.
14 Nada Youssef(2011), « La Transition
démocratique et la garantie des droits fondamentaux».
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Le but de la transition démocratique est invariable et
est lié au résultat de toute transition démocratique qui
doit aboutir à la création de l'Etat de droit
démocratique. Autrement dit, un Etat démocratique respectueux des
droits fondements résultant des normes externes ou internes,
c'est-à-dire soumis à la législation que lui-même
produit.
3. Le processus de transition démocratique
:
Toute transition démocratique nécessite la
détermination d'une période transitoire limitée et des
mécanismes de transition. Mais, ni la période ni les
mécanismes ne résument la transition démocratique. Cette
dernière est liée aussi aux résultats atteints
(instauration de démocratie ...) par les mécanismes
utilisés durant la période intérimaire.
Etablir un calendrier de la transition déterminant les
étapes et les démarches à suivre durant un délai
déterminé favorise les chances d'atteindre les buts
souhaités. La transition démocratique que nous envisageons est
celle qui apporte la démocratie et qui construit les
fondements de l'Etat de droit. C'est-à-dire que l'Etat
consacre et protège les droits fondamentaux.
Cette transition s'apparente à un énorme «
chantier », l'ampleur de la tâche nécessite un consensus
national pour permettre sa réussite. Elle se déroule selon des
étapes déterminées par les acteurs de la transition. Mais,
la transition à la démocratie et vers l'Etat de droit
n'était pas toujours démocratique de part les expériences
passés. La transition démocratique nécessite le recours
à des mécanismes permettant sa réalisation, ces
mécanismes spécifiques au contexte transitoire sont à
leurs tours transitoires.15
4. Histoire des transitions :
Les premières semaines de l'année 2011 ont
marqué un changement historique dans le monde. Les soulèvements
des populations arabes se sont propagées de la Tunisie à l'Egypte
puis ont provoqué dans toute la région un mouvement prônant
la liberté et la sortie de la contrainte autoritaire.
15 YOUSSEF Nada (2010) : la transition
démocratique et la garantie des droits fondamentaux. Esquisse
d'une modélisation juridique.
L'Histoire de la transition démocratique se trouve
ainsi étoffée d'une nouvelle page qui se consacre sur la
croissance des aspirations des peuples pour la prise en main de leur destin
collectif. Les nouvelles perspectives déclenchées par les
récents changements en Egypte et en Tunisie, résultant d'un
soulèvement populaire, présentent manifestement des
caractéristiques inédites. A tout événement majeur
et bouleversant, il est besoin d'en accueillir la nouveauté.
A cet égard, il est utile de proposer un rappel
historique destiné à esquisser les contours et les enjeux de
quelques transitions démocratiques qui ont eu lieu dans le passé,
en d'autres époques et en d'autres lieux. Il est primordial de souligner
que l'histoire n'est point prévisible, et que les
événements qui se sont déroulés dans la
région arabe n'appellent pas de modèle, pas plus qu'ils ne
suivent de schéma préétabli. La comparaison ici n'est pas
raison.16
Samuel Huntington a publié, en 1991, un ouvrage: «
The Third Wave. Democratization in the late Twentieth Century ». A travers
cette oeuvre, l'auteur étudie les transitions démocratiques
intervenues dans le monde entre 1974 et 1990, période qualifiée
de troisième vague de démocratisation dans l'histoire du monde.
Le point de départ était la révolution portugaise, le
jeudi 25 avril 1974. Par vague de démocratisation, Huntington(1991) fait
référence à « un passage à la
démocratie d'une série de régimes non démocratiques
dont le nombre est supérieur à celui des pays ayant
opéré la transition inverse». Dans son oeuvre, Huntington
propose les périodes suivants :
? Première et longue vague de démocratisation :
1828-1926
? Première vague de reflux : 1922-1942
? Deuxième et brève vague de
démocratisation : 1943-1962
? Deuxième vague de reflux 1958-1975
? Troisième vague de démocratisation 1975-
Printemps arabes.17
o La première vague remonte à
la Révolution française (1789) et à la Révolution
américaine (1786), et se base sur deux critères principaux
à savoir le droit de vote pour la majorité de la population et de
la responsabilité de l'exécutif devant un parlement élu.
Huntington en conclut que les États-Unis sont entrés dans la
première phase de démocratisation autour de 1828 suite aux
élections présidentielles. Cette situation a
16 UNESCO(2011), «Démocratie et renouveau
dans le monde arabe».
17 Mahmoud Ben Romdhane(2007) : Développement
et démocratie : l'exception tunisienne.
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13
déclenché un boom de transition avec l'admission
de nouveaux États accordant le droit de vote à la totalité
de la population. Au cours des décennies suivantes, de nombreux pays
européens sont devenus des démocraties. La première vague
de reflux eut lieu avec l'arrivée du fascisme en Italie, suivi par la
multiplication des coups d'État militaires en Lituanie, Pologne,
Lettonie, Estonie, Portugal, Brésil, Argentine et Espagne,
l'arrivée d'un gouvernement militaire au Japon, l'arrivée de
Hitler au pouvoir en 1933 et l'occupation de l'Autriche et de la
Tchécoslovaquie.
o La deuxième vague de
démocratisation a eu lieu au lendemain de la Seconde guerre mondiale
avec la victoire des alliés qui installèrent en place des
institutions démocratiques dans les pays de l'Axe et dans ceux qui
étaient victimes de l'occupation. De nombreux pays d'Amérique
latine ont suivi le mouvement et il en a été de même de
certains pays d'Asie qui avaient mis fin à la domination coloniale
(Inde, Indonésie, Malaisie, Sri Lanka, Philippines).La deuxième
vague de reflux commença avec les coups d'Etats militaires en
Amérique latine et en Asie et l'accession de régimes
autoritaires, souvent à partis uniques, dans les nouveaux pays
indépendants d'Afrique.
o La troisième vague a eu lieu, selon
Huntington, à partir de la fin de la dictature portugaise en 1974. Cette
vague gagne, d'abord, l'Europe du Sud (Espagne, Grèce) ; ensuite
l'Amérique latine à la fin des années 1970 et, plus
particulièrement au cours des années 1980 et, enfin, l'ère
communiste à la fin de cette décennie. Cette vague n'a
cessé de se poursuivre jusqu'à ce jour : le nombre de pays
démocratiques passe de 44 en 1973 à 60 en 1988, 76 en 1991 pour
atteindre 89 en 2004, tandis que le nombre de régimes autoritaires tombe
de 69 à 49 entre 1972 et 2004.18
5. Les modes de transition :
Toutes ces expériences, chacune à sa
manière, montrent que toute période de transition inspire
beaucoup d'espoir et de promesses en même temps qu'elle suscite des
malaises et des inquiétudes. Ceci rappelle une nouvelle fois que la
transition démocratique doit être vue comme l'amorce d'un
véritable processus de démocratisation.
18 Robert M. Thweatt(2001) thesis: the next
transition in Cuba: an analysis based on institutional
comparisons with democratic transitions in central europe.
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14
L'émergence de ces démocraties dans le cadre de
ce que Huntington appelle les «vagues de démocratisation» est
expliquée, en général, par le jeu de quatre
catalyseurs:
1' l'impact des conflits militaires,
1' les crises économiques,
1' l'impact de l'environnement externe, 1' Le rôle de
l'environnement interne.
> La transition peut s'expliquer en premier lieu par
l'impact des crises économiques. En Afrique, par exemple, les causes
profondes de l'apparition de processus de démocratisation sont
généralement rapportées à ce que Kankwenda Mbaya
qualifie de « crise du modèle économique de l'État
post-colonial»19. Au Bénin, pays laboratoire de la
démocratisation en Afrique, le processus s'est déclenché
suite au crash économique de 1986. La situation économique
catastrophique et les troubles politico-sociaux conduisent le président
Mathieu Kérékou à accepter de mettre un terme au
régime communiste. Par la suite, le pays a connu la mise en place d'un
processus démocratique et d'un plan de relance économique. Ces
phénomènes de transition se sont répétés
dans de nombreux autres pays comme le Niger, le Mali, le Congo et la Côte
d'Ivoire.
> La transition est expliquée en deuxième
lieu comme le résultat de conflits militaires. Les premières
expériences en Europe du Sud et en Amérique latine entrent dans
cette catégorie. La révolution des OEillets au Portugal
s'explique largement par le contexte de guerre colonial. La gravité de
la guerre qui a mené le mouvement des forces armées (MFA)
à renverser Caetano et à initier ensuite une transition. De
même, la transition en Argentine s'explique ainsi largement par la
tournure de la guerre des Malouines contre l'Angleterre, car la défaite
a fait perdre la légitimité au pouvoir militaire, rendant
l'ouverture démocratique possible. Il existe certaines autres formes
violentes de prise de pouvoir comme celles expérimentées au Mali
en 1991 et au Niger en 1999, qui permettent ensuite des élections
libres, des « coups d'État démocratiques ».
19 Kankwenda Mbaya, « Crise économique,
ajustement et démocratie en Afrique », dans Processus de
démocratisation en Afrique : problèmes et
perspectives, sous la dir. d'Eshetu Shole et Jibrin Ibrahim, Paris, Karthala,
1995, p. 64.
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15
? La transition est expliquée en troisième lieu
par l'incitation de l'environnement externe. Les nouvelles démocraties
apprennent des vieilles et les unes des autres. En Europe du Sud (Espagne,
Italie, Grèce, Portugal, Turquie), le passage à la
démocratie est lié en partie à la construction
européenne, à ses institutions, et aux obligations
découlant de ses traités. Dans ce sens, le passage à la
démocratie en Europe de l'Est et en Afrique est indissociable de ce
processus global.
? La transition est expliquée en quatrième lieu
par l'environnement interne. Le processus se base essentiellement sur le fait
de donner aux citoyens du temps et des ressources nécessaires pour
réfléchir et agir. Cette explication considère que les
mobilisations populaires sont cruciales dans les sociétés
autoritaires et répressives. Une autre partie de la littérature,
évoquée par Michel Dobry(2000), insiste sur les arrangements
entre élites20. Chez des auteurs comme Guillermo O'Donnell,
G. Hermet, Terry L. Karl, Paul Schmitter et bien d'autres, on trouve une
insistance sur les fractures qui surviennent au sein du régime
autoritaire entre les durs (hard liners) et les modérés (soft
liners)21. T. L. Karl et P. Schmitter(1991) considèrent que
« les arrangements établis par les principaux acteurs politiques
permettent d'instaurer des règles, des rôles et des modèles
de comportements qui peuvent marquer une rupture importante avec le
passé22.
? Section2 : Les déterminants de la transition
démocratique : Revue de bibliographie.
La disparition de l'autocratie et l'instauration de la
démocratie présente à la fois un défi et une
opportunité. Plusieurs questions se posent : comment de tels
résultats similaires émergent à partir de milieux et de
régions différentes, quels sont les points communs qui ont pu
propulser les régimes autocratiques dans les quatre coins du monde vers
des élections libres dont l'issue reste mystérieuse.
20 Michel Dobry(2000), « Democratic and
capitalist transitions in Eastern Europe. Lessons for the social
sciences, Dordrecht, Kluwer academic publications, « The
GeoJournal library ».
21 Mamoudou Gazibo(2002), « Le
néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus
de
démocratisation ».
22 Karl, Terry Lynn and Schmitter, Philippe C.,
(1991) "Modes of transition in Latin America, Southern and
Eastern Europe", International Social Science Journal 43 (2),
269-284, Blackwell Publishers Ltd.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
16
A l'évidence, des conditions ont été
réunies dans certaines parties du monde, plus tôt qu'ailleurs et
qui étaient à l'origine du déclenchement du processus
transitionnel. Mais, « Quelles conditions ?».
Les facteurs qui étaient à l'origine de la
naissance du processus de transition démocratique représentent
une des énigmes les plus persistantes pour les chercheurs. C'est ce qui
justifie l'intérêt croissant des politologues, des sociologues et
des économistes depuis plusieurs décennies.23
La vague récente de révolution a
ressuscité de vieux débats académiques sur les causes des
transitions. La recherche de ces causes par rapport aux facteurs
économiques, sociaux, culturels, psychologiques ou internationaux n'a
pas donné jusqu'ici aucune loi générale de la
démocratisation, il est peu probable de le faire dans un proche avenir,
en dépit de la récente multiplication des cas.
Une croissance considérable, un niveau plus
élevé d'éducation et une couverture médiatique plus
modernisée sont traités comme des pré-conditions de
l'existence des transitions. Aussi, une culture politique «civique»
caractérisée par des niveaux élevés de confiance
mutuelle et une tolérance de la diversité doivent être
considérer comme le moteur du processus
démocratique.24
La suite du travail sera une énumération des
origines de transition dans la littérature. La remarque à tirer
est, avant tout, qu'il n'existe pas de recette magique ou parfaite pour
enclencher le processus.
Certains auteurs s'attachent à identifier les causes
générales de la démocratisation en mettant l'accent sur
:
? La culture politique et le niveau de développement
à savoir que seules les sociétés partageant certaines
valeurs et traditions peuvent atteindre la démocratie;
23 Barro, Robert J. (1999). Determinants of
democracy. Journal of Political Economy 107(S6): 158-183.
24 Diane Éthier(2002) Des relations entre
libéralisation économique, transition démocratique et
consolidation démocratique
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17
? La nécessité d'un développement
économique et social comme préalable à l'émergence
de la démocratie.
1. Facteurs économiques :
Tout un pan de la littérature s'intéresse
à l'impact des variables économiques sur le processus de
démocratisation. L'hypothèse s'inspire des travaux de Lipset
(1959), qui traite une catégorie large de ces mesures comme facteurs
déterminants de la démocratie, y compris les indices de richesse
(revenu par habitant), de l'urbanisation et du développement.
L'élément clé de cette hypothèse est que les pays
riches sont plus disposés à promouvoir les valeurs
démocratiques et à s'adapter aux normes
institutionnelles.25
L'idée de fond est synthétisée de
façon à ce que l'amélioration des conditions de vie des
populations est censée passer par la croissance économique dont
devrait découler la démocratisation des régimes
politiques. Deux types de travaux se sont développés sur cette
base:
Les travaux des dépendantistes soulignent que la
situation de dépendance économique, existante dans les pays
sous-développés vis à vis des pays capitalistes riches,
génère non seulement le sous-développement
économique mais produit aussi des formes d'alliances de bourgeoisie
arrogante qui bloquent le passage à des régimes
démocratiques (Peixoto, 1977). En d'autres termes, la dépendance
provoquerait inexorablement le sous-développement et l'apparition de
régimes non-démocratiques.
Les travaux des développementalistes favorables
à la libéralisation du commerce international, établissent
des liens positifs entre le développement économique et la
démocratie (Badie, 1988), ou pour être plus précis, entre
l'amélioration de certains indicateurs socio-économiques (revenu,
éduction, santé) et les tendances des sociétés
à réclamer des formes d'organisations politiques semblables
à celle des grandes démocraties occidentales (Lipset, Deutsh,
Dahl...).26
Les variables explicatives de la démocratisation
englobent de nombreux indicateurs liés au niveau de vie : PIB
réel par habitant, espérance de vie à la naissance, niveau
d'éducation. Le
25 Mamoudou Gazibo(2002) : Le
néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus
de
démocratisation.
26 Marchesin Philippe(2004) : Démocratie et
développement.
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18
modèle intègre également d'autres
influences possibles sur la démocratie telles que le taux
d'urbanisation.27
a. La richesse :
Un des discours fondateurs du lien entre démocratie et
développement a été celui du Président
français François Mitterrand, lors de la Conférence des
Chefs d'Etat de France et d'Afrique (1990) dans lequel il affirme que le chemin
de la démocratie est celui de la liberté et en même temps
celui du développement. Il cite que : « en prenant la route du
développement, les nations s'engagent sur la route de la
démocratie ».28
La richesse d'ensemble d'une nation la rend plus accessible
aux idéaux démocratiques pour plusieurs raisons :
o Dans les pays pauvres, les écarts économiques
donnent naissances à des classes aisées dont les plus riches
considèrent la population pauvre comme esclave et refusent donc de
partager le pouvoir avec elle. Par contre, dans les pays à niveau de vie
élevé, l'aisance est partout et on accepte plus facilement
l'idée qu'un parti ou un autre accède au pouvoir ;
o Aussi, plus un pays est pauvre, plus il se trouve
dépendant des autres pays ; il lui est alors difficile de disposer d'une
administration efficace, indispensable dans les États
démocratiques ;
o Troisièmement, l'esprit patriotique et la
tolérance se forment lorsque la société a accès aux
facilités des loisirs que procure un niveau élevé de
revenu personnel;
o Enfin, avec l'accroissement des richesses, le rôle
des classes moyennes va également se modifier : la pyramide sociale
change de forme, s'élargissant dans sa partie centrale par la croissance
des classes intermédiaires. Une forte classe moyenne amortit les heurts
des deux extrêmes par le soutien qu'elle accorde aux partis
modérés et démocratiques ».29
27 Barro, Robert J. (1999). Determinants of democracy.
Journal of Political Economy.
28 Discours de la Baule(1990) du Président
Français François Mitterrand.
29 L'année du Maghreb(2007) :
Développement et démocratie : l'exception tunisienne.
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19
Parmi les déterminants étudiés pour la
transition, le niveau du PIB per capita a eu une attention particulière.
Lipset (1959) affirme qu'un niveau élevé du PIB per capita
augmente la probabilité de démocratisation du pays ainsi que sa
stabilité. Ceci est confirmé par Diamond (1992) et Przeworski et
al. (2000).30
A partir d'études sur près de 40 ans,
l'Unité de stratégie du Premier ministre (PMSU, 2005) affirme que
le déclenchement d'une guerre civile déclinait avec la croissance
du PIB par habitant. Souvent, l'amélioration du niveau de vie
précède la démocratie, mais il n'est pas suffisant pour
que celle-ci prenne racine. Selon ces études, aucune démocratie
ayant un revenu par habitant supérieur à $ 6,000 n'a vu son
système démocratique se détériorer.31
Cependant, Nicholas Sambanis et Hélène Lavoix
montrent que la chute soudaine du PIB par habitant serait un facteur de conflit
et d'instabilité plus persistant et l'ex-Yougoslavie est l'exemple le
plus signifiant.32
Cependant, à travers l'indicateur de
développement humain (IDH) établit par la PNUD,
l'amélioration des performances économiques n'est pas toujours
à l'origine du déclenchement du processus de transition. La Chine
demeure autocratique alors qu'elle présente la meilleure performance, et
affiche une croissance de son PIB largement supérieure à celles
des pays ayant une réputation de tradition démocratique comme la
France, les Etats-Unis ou le Royaume Uni.
b. Développement Humain :
Les concepts de démocratisation et de
développement humain étaient considérés depuis
longtemps comme distincts. Suite aux derniers phénomènes
transitionnels, la majorité des auteurs s'accordent sur le fait qu'il
existe une relation étroite entre eux. La durabilité d'un
développement équitable était intimement liée
à la démocratie. La solidification de la démocratie, avec
ses qualités de supériorité du droit, de respect des
droits de l'homme et de reconnaissance de la dignité immanente de tous
les êtres humains, ne peut se maintenir sans un
30 Papaioannou Elias, Siourounis Gregorios (2008):
Economic And Social Factors Driving The Third Wave Of Democratization.
31 Chataigner J. Marc et Mago Herve (2007): Etats et
Sociétés fragiles.
32 Direction Generale De La Cooperation
Internationale Et Du Developpement(2008) : La Politique De La France Dans Les
Pays En Situation De Fragilité
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20
minimum de conditions de vie décentes et donc de
développement.33 Bruce Russett(1998) affirme que « La
démocratie et le développement conjugués ont tendance
à être très durables ».
La démocratie et le développement sont
complémentaires et se renforcent mutuellement. L'histoire montre souvent
que les expériences, dans lesquelles la démocratie et le
développement ont été détachés, sont finies
en échec. À l'inverse, l'imbrication de la démocratisation
et du développement contribue à enraciner l'une et l'autre dans
la durée. La démocratie politique doit trouver son prolongement
dans des mesures économiques et sociales qui favorisent le
développement, de même, toute stratégie de
développement a besoin, pour être mise en oeuvre, d'être
validée et renforcée par la participation
démocratique.34
Education :
À chaque régime politique correspond un
système éducatif qui reprend les grands axes du projet politique
de société. L'enjeu d'éducation est
particulièrement fondamental. Être citoyens, non seulement
ça s'apprend, mais ça doit être aussi un désir
partagé pour assurer la mise en place d'un destin commun.
La pédagogie éducative est censée
permettre aux jeunes d'intégrer l'organisation sociale et politique et
assurer ainsi la continuité du système en place.
L'éducation dans une société archaïque, fondée
sur la reproduction éternelle du mythe fondateur, ou au sein d'une
société moderne, est totalement distincte. Dans le premier
régime, l'enseignement se limite à transmettre le mythe, et
à apprendre les rituels sacrés qui lui sont associés.
Cependant, dans le second, il s'agit plutôt d'inscrire l'individu dans
une société en évolution et donc l'éducation permet
de développer l'esprit créatif. Dans une communauté
aristocratique, chaque enfant se forme selon son rang afin qu'il occupe les
fonctions qu'elles lui sont destinées35.
Les travaux de Lipset(1959) étaient les premiers
à s'intéresser à l'éducation. Ils affirment qu'une
population mieux instruite implique de meilleures chances pour le
déclenchement du processus démocratique. L'auteur certifie que
l'éducation peut enseigner aux individus à avoir une incitation
plus élevée à rester impliqué politiquement et
augmente le désir des citoyens d'établir une démocratie.
Une population instruite devient plus consciente de l'importance de la
libération des chaines de la dictature. A travers des sondages
d'opinion,
33 UNESCO (2003): L'interaction démocratie et
développement.
34 Fiorino Nadia et Ricciuti Roberto (2007)
Determinants of Direct Democracy
35 Le Centre Ressources Prospectives Du Grand
Lyon(2010) : Education Et Démocratie.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
21
Lipset arrive à conclure que "le facteur le plus
important qui différencie ceux qui donnent des réponses
pro-démocratie à d'autres est l'éducation."
Matsusaka(2005), dans l'examen de la théorie existante
sur les changements vers la démocratie, affirme que la montée du
niveau d'instruction parmi la population et la chute du coût de
l'information en raison de la révolution des technologies ont
considérablement réduit l'avantage du savoir que les élus
avaient en plus par rapport aux citoyens ordinaires et donc le système
politique n'est plus fondé sur une autorité venue d'en haut qui
détenait le savoir et le pouvoir. Matsusaka fonde une telle affirmation
sur un rapport des données sur la quantité croissante de
l'enseignement supérieur.36
Glaeser et al. (2006) discutent le lien entre
l'éducation et la démocratie en faisant valoir que la
scolarisation enseigne aux gens à interagir avec les autres et encourage
les avantages de la participation civique. Donc, elle soutient les
régimes démocratiques par rapport aux dictatures. Ils ont
construit un modèle où l'éducation favorise la
démocratie à travers la socialisation et en façonnant les
incitations collectives37. Ainsi, une fois l'éducation et
l'alphabétisation développées, les charlatans politiques
ne pourront plus tromper la population.
L'éducation, « devrait transmettre aux hommes des
idées plus larges, leur faire comprendre la nécessité de
la tolérance, rendre plus difficile l'adaptation d'idées
extrémistes, et permettre au moment des élections l'exercice d'un
choix plus rationnel ». Plus une population était
éduquée, plus démocratique était la
société. L'éducation réduit les coûts de la
participation politique, et assure donc qu'une fraction suffisante de la
population s'engage dans le processus politique, qui à son tour favorise
la démocratie. Ponzetto et Shleifer(2007) présentent
également des données d'enquête reliant le niveau
d'éducation et les activités sociales.
Ceci affirme donc que l'éducation est une force motrice
clef de démocratisation. Aussi l'éducation peut non seulement
influer la probabilité de la démocratisation, mais aussi la
rapidité et la profondeur des réformes démocratiques.
Les mesures de l'éducation diffèrent souvent d'un
travail à un autre, on peut citer par exemple :
36 Fiorino Nadia And Ricciuti Roberto (1995):
Determinants Of Direct Democracy.
37 Papaioannou Elias, et Siourounis Gregorios (2008):
Economic and social factors driving the third wave
of democratization.
·
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
22
Les années moyennes de scolarités pour les
personnes âgées de 25 ans et plus pour les niveaux secondaires et
supérieurs.
· L'écart de scolarisation entre hommes et femmes
pour les personnes âgées de 25 ans et plus pour les niveaux
secondaires et supérieurs.
· Les années moyennes de scolarités
primaires pour les personnes âgées de 25ans et plus.
· L'écart moyen de scolarisation primaire entre
homme et femme pour les personnes âgées de 25 ans.
Dans la majorité des travaux, les variables
liées aux niveaux primaires sont relativement signifiantes et positives.
Par conséquent, la première éducation est celle qui
importe le plus à la démocratie.
Santé :
Les études, permettant l'identification de la relation
entre le processus de transition et la santé, sont limitées aux
niveaux théoriques et empiriques. La raison est due certainement
à la complexité des liens entre la santé et la politique
ainsi qu'aux interactions dans les deux directions.
L'exploration de l'effet de l'amélioration sanitaire
sur la démocratisation passe surtout par la relation croissante liant le
premier au développement humain. La santé constitue alors un
enjeu primordial dans le processus de transition par le biais de la croissance
et le développement.
Le concept de la santé est souvent associé
à la qualité de vie et il est indispensable d'améliorer la
santé des populations pour réduire la pauvreté, à
la fois cause et conséquence de la maladie. Pour cette raison, trois des
huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD),
validés en 2000 à l'issue de la Déclaration du
millénaire de l'ONU, sont consacrés à
l'amélioration de la santé:
· diminuer de 2/3 de la mortalité infantile ;
· diminuer de 3/4 la mortalité maternelle ;
· maîtriser les grandes épidémies, le
sida, le paludisme et la tuberculose.38
38 PNUD(1999) : Rapport National sur les
Progrès vers l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le
Développement.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
23
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
24
La majorité des pays autoritaires ont traversé
des crises économiques au cours du 20ième siècle. Vue les
graves répercussions de cette crise sur la qualité de vie de la
population, le défi de la démocratie sera liée à sa
réponse aux problèmes sociaux. La santé est un des
thèmes centraux des politiques sociales pour les gouvernements
transitionnels. Elle est l'une des principales préoccupations parce que
la rareté des soins de santé et de la détérioration
de l'état général est devenue intolérable. La
pertinence du sujet de la santé pour les appels à la
démocratie a rendu nécessaire de formuler une réponse
politique novatrice aux problèmes les plus urgents.
Il est clair qu'aujourd'hui, il ya différents points
de vue de la façon permettant de contribuer à ce processus de
promotion de la santé et la médecine préventive : D'abord,
la politique de santé est souvent orientée vers la
réduction des inégalités. Une inégalité qui
se reflète dans la répartition des ressources, vu que le
pourcentage des dépenses le plus élevé dans la
santé est concentré dans les zones et les secteurs à
revenu élevé. Dans les démocraties, la politique de
santé prend en compte les inégalités et agit face aux
critères de discrimination, en donnant la priorité à aider
les groupes à haut risque social. La redéfinition du rôle
du gouvernement est une priorité tout en gardant à l'esprit que
la santé est un droit de la population et un devoir du
gouvernement.39
Les démocraties favorisent l'expansion des
informations essentiels sur la santé, tels que les conséquences
désastreuses d'un nombre élevé de naissances pour les
femmes, les avantages de l'allaitement, les risques des relations sexuelles non
protégées (VIH/Sida). Dans ces domaines, le dialogue ouvert et le
débat public fournis par la transition permettent de diffuser
l'information et d'influer par la suite les comportements.
L'investissement dans la santé est un vecteur
important de développement économique. Comme l'a montré la
Commission macroéconomie et santé, une amélioration
sensible de la situation sanitaire est un préalable indispensable pour
permettre aux pays en développement de rompre le cycle de la
pauvreté.40 La bonne santé de la population facilite
le développement qui à son tour favorise l'installation de la
démocratie.
La littérature utilise souvent comme mesure de
l'état de santé, l'espérance de vie à la naissance.
Les études empiriques montrent une relation positive et significative
entre cet
39 Timothy Besley and Masayuki Kudamatsu(2006) :
Health and Democracy
40 OCDE(2004) : Santé et pauvreté dans
les pays en développement : Les grandes lignes d'action.
indicateur et le niveau de démocratie. D'autres
travaux utilisent aussi le taux de mortalité infantile, et parviennent
aussi aux mêmes résultats.41
L'urbanisation :
Lipset(1959) remarque que : « l'État
démocratique est un produit de l'existence urbaine et qu'il était
ainsi naturel qu'il soit apparu pour la première fois en
Grèce». Il affirme aussi que les pays démocratiques sont
plus urbanisés que les États dictatoriaux ou
autoritaires.42L'État démocratique fait
résulter la « citoyenneté », conséquence de la
concentration urbaine. Lipset affirme aussi que les pays démocratiques
sont plus urbanisés que les États dictatoriaux ou
autoritaires.
La concentration croissante des populations dans les villes
est à l'heure actuelle un phénomène que connaissent
presque exclusivement les pays en transition. L'urbanisation se présente
comme un processus caractérisé par la mutation de ces
sociétés en passant d'une population essentiellement agricole et
organisé selon des structures sociales rurales, à des
sociétés à prédominance urbaine, industrielle et
axées sur le marché. Un des principaux facteurs utilisés
pour mesurer l'urbanisation est l'augmentation de la population dans les
villes.
Le développement au sein des villes permet de
bénéficier d'économies d'échelle au niveau des
transports, du traitement des déchets et surtout au niveau de
l'activité économique. Les facteurs qui améliorent la
qualité de vie sont plus répandus dans les villes que dans les
campagnes : meilleur accès aux services de santé, aux
infrastructures, à l'information. Les politiques publiques s'appliquent
plus aisément en milieu urbain. Donc, l'urbanisation attribue à
la croissance qui à son tour, favorise la
démocratisation.43
Les innovations technologiques, comme le contrôle des
émissions de gaz ou des télécommunications, peuvent rendre
la ville plus attractive. Donc, même si les technologies de l'information
et de la communication peuvent à l'avenir entraîner une plus
grande dispersion géographique de l'activité économique,
l'urbanisation continuera d'être au coeur du développement
économique.
41 Havard Hegre, Carl Henrik Knutsen and Espen
Geelmuyden Rod(2012) : The Determinants of
Democracy: A Sensitivity Analysis
42 Lipset(1959): Some Social Requisites of Democracy:
Economic Development and Political Legitimacy
43 Michel Andrieu(2012) Programme de l'OCDE sur l'avenir : la
ville dans le village mondial.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
25
Cependant, les villes des pays en transition présentent
aujourd'hui de nombreuses contradictions. Elles participent autant au
développement humain qu'elles l'inhibent. Ce sont des centres de
richesses où se concentre aussi la pauvreté. Elles font ressortir
à la fois ce qu'il y a de meilleur dans l'être humain, et ses
appétits les plus bas. Elles jouissent des meilleures prestations
sociales existantes dans le pays, mais sont aussi le lieu de bien de
souffrances sociales : surpopulation, conditions de vie dangereuses,
problèmes de drogue, agitation sociale, pollution.44
L'argument central de la théorie de
développement est que les conditions économiques et sociales,
dans un État donné, appuient les opportunités de
l'établissement et du maintien des institutions démocratiques.
Jusqu'à la fin des années 1980, la « théorie de la
modernisation » n'a pas subi de contestation ; Ce processus a
caractérisé la transition démocratique dans les dictatures
de l'Europe du Sud de l'Espagne et du Portugal et dans certains « tigres
» de l'Asie du Sud-Est (Corée du Sud et Taiwan). Elle était
vérifiée empiriquement dans la majorité des cas
étudiés et seuls, l'Inde et le Costa Rica et le Bostwana
faisaient exception comme pays parvenus à la démocratie sans
développement économique et social antérieur.
2. La structure sociale :
La démocratie doit être étendue et
approfondie pour permettre à la politique et à ses institutions
de favoriser le développement humain et de préserver la
liberté et la dignité de tous les individus. Le degré
d'hétérogénéité de la population, du fait
des différences d'ethnies, de langage et de culture peut aussi
influencer le niveau de démocratie. L'hypothèse habituelle est
davantage d'hétérogénéité rend plus
difficile le maintien de la démocratie.
Lijphart (1999) affirme que le type
d'hétérogénéité d'une population (Ethnique,
Religieuse et linguistique) peut influencer les institutions politiques et donc
le régime.
a. Fragmentation Ethnique :
E. Hobsbawm(1993) définit un groupe ethnique comme
étant "tout groupe qui se différencie de façon permanente
des autres groupes qui vivent ou interviennent sur un certain territoire ;
cette différence s'opère par le nom, par les
caractéristiques qui sont sensées le distinguer des autres, et,
bien entendu par les traits communs aux membres du groupe, qu'ils soient
réels ou seulement supposés tels".
44 Programme des Nations Unies pour le développement :
rapport sur le développement humain
(Urbanisation et développement humain).
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
26
Dans les sociétés pluriethniques, les
régimes politiques sont fortement sensibles à la fragmentation
sociale ; aucun clan n'est susceptible d'abandonner la moindre autorité
ni de partager le pouvoir avec les groupes rivaux. Cette fragmentation
maintient un état de tension extrême et un risque constant de
guerre civile. Les leaders politiques profitent souvent des risques des
divisions ethniques afin de se présenter comme les défenseurs de
leur propre culture contre les menaces des groupes rivaux.45
Les études anciennes affirment que plus
l'hétérogénéité est grande, plus il est
difficile de soutenir la démocratie. Une mesure standard de cette
segmentation de la population est son fractionnement ethnolinguistique, une
combinaison de la disparité des langues et de l'ethnicité dans un
pays
La littérature ancienne (Mauro, 1995, La Porta et al,
1999) pointe sur l'hétérogénéité ethnique
comme facteur déterminant de la réussite économique
à la fois en termes de production (croissance du PIB) et la
qualité des institutions (mesurée par l'ampleur de la corruption,
la liberté politique, etc.). Miquel(1999) affirme qu'il est difficile de
mobiliser une population mixte pour lancer le processus de
démocratisation.
D'autres chercheurs ont insisté sur le rôle de
la composition ethnique de la société dans le
développement politique: Ces auteurs ont fait valoir que la
démocratie est le régime idéal pour une
société avec de nombreux groupes ethniques, puisque c'est le
système politique qui peut le mieux protéger leurs
libertés. Pourtant, la diversité ethnique peut bloquer la
démocratisation, si elle est associée à une polarisation
de la vie politique (Dahl, 2000).
Amy Chua(2003) souligne le rôle de la propagation de la
démocratie comme cause principale de l'instabilité ethnique et de
la violence à travers le monde. Sa préoccupation est que
l'accroissement du pouvoir de la majorité a conduit à
l'émergence de démagogues exploitant la haine des masses contre
l'élite minoritaire privilégiée, le résultat en
étant les massacres en masse, le nettoyage ethnique et la
régression autoritaire46.
Alesina et al. (2003) ont établit des indicateurs de
fragmentation qui reflètent la probabilité que deux individus
choisis au hasard dans la population n'appartiennent pas à la même
ethnie. Les résultats empiriques montrent que les pays en transition
sont un peu moins
45 MBONABUCYA Jean Baptiste(1998) : Ethnicité et conflit
ethnique: approches théoriques en
perspective de l'analyse du conflit des Rwandais.
46 Chua Amy(2003) : « World on Fire ».
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
27
fragmentés que les pays qui sont restés
autocratique. Ceci montre que le fractionnement racial a un impact
négatif sur l'indice de la démocratie47.
Pour conclure, La majorité des travaux indique
l'existence d'une relation négative entre ces fractionnements et la
démocratie. Cependant, quelques études récentes affirment
que la démocratie est le seul système capable d'englober les
différences puisqu'elle fournit un environnement social et juridique qui
protège les libertés et les croyances.
b. Fragmentation Religieuse :
La transformation fréquente du paysage religieux prend
la forme d'une fragmentation des champs chrétien ou islamique,
directement visible par l'atomisation, des lieux cultuels qui traduit, plus
profondément, de nouveaux modes de croire, de communier et de pratiquer.
Une telle évolution est à replacer dans un contexte mondial
marqué par l'affaiblissement et la crise de légitimité qui
affectent, un peu partout, les grandes organisations sociales et politiques
traditionnelles (partis, syndicats, Églises...).48
La religion est partagée par des collectivités
de personnes. C'est un phénomène groupal qui permet de
caractériser une façon de pensée et de
représentations partagées par des individus. Il ne faut pas
considérer la religion comme procédé figé. De plus,
la croyance permet également de distinguer les groupes les uns des
autres, et contribue donc au « sentiment de différence » et
à celui d' « appartenance » décrit par Alex
Mucchielli(1983). Ces deux sentiments naissent sur la base de comparaisons avec
les autres acteurs sociaux ; la culture peut être un des
éléments de comparaison.49
De nombreuses analyses préconisent l'importance des
normes religieuses dans le développement politique. La
démocratisation peut être bloquée par les religions et les
dogmes qui ont une forte structure hiérarchique incontestée. En
outre, des liens étroits entre l'église et l'État peuvent
entraver la démocratisation.
La question en filigrane posée par Huntington, est de
savoir si la religion est un facteur d'aggravation ou de pacification du
dialogue. Huntington (1993) montre que des liens
47 Robert J. Barro : « Determinants of Democracy
», Journal of Political Economy (Vol. 107, No. S6
(December 1999).
48 Maud Lasseur et Cédric Mayrargue (2011):
« Pluralisation religieuse, entre éclatement et concurrence
».
49 Alexia Casagranda(2006): « Religion et
Géopolitique »
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
28
traditionnellement forts entre les chefs religieux et
l'État étaient toujours présents dans les pays à
confissions catholique, orthodoxe, et musulmane. Ces religions ont aussi
tendance à être hiérarchiques et résistantes aux
changements.
Un aspect important de cette répartition est que les
pays protestants sont toujours démocratiques tandis que les pays
musulmans ne le sont pas. Les études de Barro, (1999) ont aboutit
à des résultats certifiant une corrélation négative
significative entre la part de musulmans et la probabilité de
démocratisation puisque une partie des musulmans s'oppose à ce
système politique du fait que « ce principe fondateur de la
démocratie s'oppose au fondement même de l'islam où le
domaine de la législation revient exclusivement à Dieu et non
à l'homme ».50
L'appartenance religieuse a été
également soulignée comme un déterminant important de la
démocratie (Huntington(1991), Lipset(1994), Boone(1996)).
Malheureusement, la théorie de l'interaction entre religion et la
structure politique est encore moins développée par rapport
à d'autres aspects de la théorie de la démocratie. Pour
vérifier le lien entre la religion et la démocratie, les travaux
se basent sur les données compilées par Jong Wha Lee sur la
composition religieuse de la population d'un pays donné.51
c. Rôle de la femme :
Lors de la cérémonie d'ouverture de la
Conférence de l'International Association of « Women Police »,
Asha Rose Migiro, Vice-secrétaire générale de l'ONU,
déclare que « Lorsque les femmes sont véritablement
engagées et responsabilisées, toute la société en
profite ».52 Si un processus de démocratisation vise
à tenir ses promesses d'amélioration de bien-être, il lui
faut pouvoir compter sur la contribution de tous ses citoyens. Cela ne peut pas
se produire si les femmes et les filles ne sont pas en mesure, en vertu de la
loi ou du droit coutumier, de participer pleinement à la vie politique
et économique du pays.
De plus, à l'occasion de la conférence de
Beijing, le PNUD a consacré son rapport annuel sur le
développement humain (1995) à l'inégalité des
chances entre les hommes et les femmes. Il propose notamment un
«empowerment index» composé de trois variables : le revenu, la
participation au marché du travail et la participation aux
décisions politiques exprimées par la
50 Elias Papaioannou, Gregorios Siourounis «
Democratisation and Gowth» 1520-1551, The Economic
Journal, 118 (Octobre 2008).
51 IUFM D(200) Croissance, démocratie et
développement
52
www.un.org/News/fr-press/docs/2011/DSGSM566.doc.htm
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
29
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
30
part des sièges parlementaires occupés par des
femmes. Dans ce contexte, la définition de l'«empowerment» est
claire: il s'agit de la participation des femmes à la vie
économique et politique.»53
La notion d' « empowerment » englobe donc la vision
d'acquisition de pouvoir, de contrôle de vie et de développement
de la capacité d'atteindre ces objectifs. Ces notions ont
été largement débattues par A. Sen (2000) et reprise par
N. Kabeer (2001).
Madeleine Albright, la présidente du conseil
d'administration du NDI, a déclaré en 2010 que « La
réussite sociale sans la démocratie est improbable, et la
démocratie sans les femmes est impossible ». 54 De plus,
elle affirme que « la contribution des femmes à la vie politique
entraîne des gains important pour la démocratie, y compris une
plus grande réponse aux besoins des citoyens, une coopération
élevée entre les partis et les groupes ethniques, ainsi qu'une
paix plus durable ».
Kofi Annan, ancien Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, a affirmé à l'occasion de la
Journée internationale de la femme, le 8 mars 2002 que «plusieurs
études montrent qu'il n'existe aucun outil de développement qui
soit plus efficace que l'autonomisation des femmes. Aucune autre politique
n'est aussi susceptible d'accroître la productivité
économique ou de réduire la mortalité infantile et
maternelle. Aucune autre politique n'est aussi qualifiée pour
améliorer la nutrition et promouvoir la santé, y compris la
prévention du VIH/sida. Aucune autre politique n'est aussi bien
armée pour améliorer les chances de la prochaine
génération d'accéder à l'éducation.
»55
La participation des femmes à la vie politique
contribue à l'égalité des sexes et affecte à la
fois l'étendue des questions politiques qui sont concernées et
les types de solutions qui y sont proposées. Il est irréfutable
que la hausse du nombre de femmes élues à des fonctions
politiques entraîne une augmentation des politiques mettant l'accent sur
la qualité de vie et reflétant les priorités des familles,
des femmes, ainsi que des minorités ethniques et raciales. La
participation des femmes à la vie politique est accompagnée de
profondes répercussions, positives et démocratiques, sur les
communautés, les législatures, les partis politiques et la vie
des citoyens, et contribue à une efficacité accrue des
démocraties.
53 B. Marques Pereira et P. Nolasco (Dir.), La
représentation politique des femmes en Amérique Latine,
Bruxelles, L'harmattan/UNESCO, 2001, p. 22.
54 National Democratic Institute (NDI) 2010 : La
Démocratie et les Défis Posés par le Changement.
55
www.un.org/News/fr-press/docs/2002/SGSM8141.doc.htm
3. Libertés Civils :
Dans l'opinion publique, la lutte au profit des droits de
l'homme est fréquemment présentée comme un aspect de la
lutte en faveur de la démocratie. Javier Perez de Cuellar
secrétaire général des Nations-Unies a
déclaré en mars 1990 que « La démocratisation
complète de l'Europe sera une réaffirmation du caractère
universel de la Déclaration des droits de l'homme ». Dans cette
optique, la démocratie et droits de l'homme sont censées
progresser du même pas. Les deux expressions ne sauraient s'opposer.
Elles deviennent même presque synonymes.56
La démocratie est selon le PNUD dans son rapport 2000,
la seule forme de régime politique respectueuse des cinq
catégories de droits existantes : les droits économiques,
sociaux, politiques, civils et culturels. En effet, diverses formes
d'interventions politiques sont nécessaires pour donner consistance
à ces différents droits au sein d'un régime
démocratique. La démocratie se définit par les droits de
l'homme.
L'indice de Freedom House sur les libertés civiles est
le concept le plus large, qui concerne les libertés de parole, de
presse, de religion ainsi qu'une variété d'indice de protections
juridiques. Les variables des libertés civiles sont positivement
corrélées avec la démocratisation. Ce résultat
suggère que les forces économiques et sociales qui promeuvent la
démocratie sont semblables à celles qui stimulent les
libertés civiles.
a. Torture :
La torture et les formes de traitements ou peines cruelles,
inhumaines ou dégradantes demeurent un sujet de préoccupation
majeure de la communauté internationale. La violation d'un droit
inhérent à la nature humaine se produit à
l'intérieur d'Etats, où des particuliers sont privés de
leur liberté pour des motifs politiques, juridiques. Depuis le
déclenchement des « vagues de démocratisation », les
pays en transition se sont engagés à renforcer le respect des
droits humains et à rompre avec les actes de torture.57
Le XXème siècle a été
témoin d'une liste abominable de crimes, des pires qu'ait connus
l'humanité: génocide, crimes contre l'humanité, notamment
recours systématique à la torture, aux exécutions
extrajudiciaires et détentions secrètes. C'est seulement, lors
des
56 Alain de Benoist(2004) : « DROITS DE L'HOMME,
LIBERTES, DEMOCRATIE ».
57 Adama Dieng(2006) Sous-Secrétaire
général des Nations Unies & Greffier
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Mastère Derbali Ahmed
31
déclenchements des processus transitionnels qu'ont
été tentés les premiers efforts visant à mettre fin
à ces cruautés qui heurtaient profondément la conscience
humaine. 58
La Convention des Nations Unies contre la torture
définit la torture comme tout acte commis par un fonctionnaire publique
agissant à titre officiel, par lequel une douleur ou des souffrances
aigues, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées
à une personne dans le but notamment d'obtenir des renseignements ou des
aveux, de la punir, de l'intimider, ou pour tout autre motif fonde sur la
discrimination.
La persistance des actes tortionnaires réside en
premier lieu sur son efficacité pour conserver le pouvoir et
éliminer toutes tentatives de contestations. Ainsi, toutes personnes,
pouvant apparaître comme une menace contre la sureté de
l'État et des dirigeants, courent le risque de subir des traitements
cruels et inhumains infligés par les bourreaux. Cette maltraitance est
aussi imposée à leurs proches et aux membres des groupes auxquels
ils appartiennent. Aussi, les minorités ethniques ou religieuses sont
également pointées, lorsque leurs réclamations et leurs
contestations pour l'égalité sont considérées comme
déstabilisantes pour le pouvoir. Même s'ils font valoir leurs
droits de façon pacifique, ces opposants sont souvent qualifiés
de terroristes, justifiant ainsi interpellations, incarcérations et
tortures.
La chute de ces dictatures réduit la souffrance et les
malheurs des victimes de l'oppression et permet d'ouvrir le chemin de
reconstruction de ces sociétés avec plus de démocratie
politique, de liberté personnelle et de justice sociale.
De toute façon, rares sont les victimes qui portent
plainte ou ceux qui acceptent de témoigner des brutalités
qu'elles ont subis. Elles savent d'avance qu'elles s'exposent ainsi que leurs
proches, à des représailles, en cas où elles tentent de
demander justice. Même suite aux vagues de transition
démocratique, Les tortionnaires restent impunis. Les nouvelles
gouvernements évitent d'ouvrir ces dossiers et d'engager des poursuites,
puisqu'elles s'aventurent à se heurter aux services d'ordre et de
sécurité ayant participés à la répression et
dont de nombreux membres sont encore en poste ou influents.
Cependant, ces dernières années, plusieurs
Etats et organisations s'engagent à légitimer le recours à
la torture comme moyen de préserver la sécurité et la
stabilité nationales. Peu après
58 Haut commissariat des nations unies pour les
droits de l'homme(1984) : La Convention des Nations
Unies contre la torture, et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants
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34
l'attentat contre la galerie Point Show des Champs
Elysées(1986), Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur
Français déclare : « Il faut que la peur change de camp
[...]. Il faut terroriser les terroristes ». Aussi, Charles
Krauthammer(2001) suppose que si les auteurs des attentats du World Trade
Center de 1993 avaient été traités un peu plus durement,
peut-être que les attaques du 11 septembre 2001 n'auraient pas eu lieu.
Utiliser le terme « terroriste » permet de spécifier l'ennemi
et d'affirmer clairement que coopérer avec ce dernier revient à
franchir une ligne rouge.
Toutefois, il paraît pour le moins difficile
d'établir une hypothèse générale pour lutter contre
ce phénomène, y compris en ce qui concerne la mise en oeuvre de
stratégies ou de tactiques légitimant l'utilisation des moyens de
terreur. Enfin, plusieurs auteurs estiment que le fait de torturer devient
légitime au cours du processus de démocratisation pour
empêcher un danger immanent à savoir une explosion
subite.59
b. Liberté d'expression :
La liberté d'expression est souvent au coeur des
débats politiques. Admettre la liberté d'expression a souvent
constitué l'une des premiers pas vers la démocratie. Aux XVIIe et
XVIIIe siècles, les révolutions anglaises, américaines et
françaises se sont caractérisées par la reconnaissance de
la liberté d'expression. Voltaire(1763) affirme que « Le droit de
dire ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait
le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse. Ce privilège nous
est aussi essentiel que celui de nommer nos auditeurs et nos syndics, d'imposer
des tributs, de décider de la guerre et de la paix ; et il serait
déplaisant que ceux en qui réside la souveraineté ne
pussent pas dire leur avis par écrit »60.
Tous les textes nationaux et internationaux introduisant les
droits de l'homme accordent à cette liberté une place
privilégiée: de la « Déclaration des droits » de
1689 en Angleterre à la Déclaration universelle des droits de
l'homme des Nations unies (DUDH) de 1948 en passant par la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, adoptée en 1981. Cet
intérêt accordé à l'expression affirme qu'elle
figure parmi les premières libertés supprimées par les
régimes autoritaires, notamment au travers du contrôle de
l'information et de l'art.
59 Scott Shane, David Johnston et James Risen, «
Secret U.S. Endorsementof Severe Interrogations »,
New York Times, 4 octobre 2007
60 Harvard College Library(1941): « OEuvres
complètes de Voltaire: Théâtre. La Henriade. La Pucelle.
Poésies ».
Les éléments essentiels de la démocratie
comprennent le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, notamment ... la liberté d'expression et
d'opinion61. Ainsi, « Toute personne a droit à la
liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et
la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontières».Ce texte est
extrait du premier alinéa de l'article 11 de la Charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne.
Pour finir, grâce à la liberté
d'expression, les universitaires et intellectuels peuvent aujourd'hui mener des
recherches, exprimer leurs positions scientifiques, mais aussi politiques sans
aucunes entraves. C'est par le débat que les idées existent, et
c'est par cette existence que les sociétés démocratiques
se forment et se pérennisent.
c. Liberté de presse:
La liberté de presse et d'information est souvent
considérée comme garante d'un Etat plus libre et donc le moyen
d'obtenir une démocratie solidement enracinée dans la
société. Tocqueville relevait que l'un ne va pas sans l'autre :
« la souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont
[...] deux choses entièrement corrélatives
».62
La presse est l'un des principaux moyens de diffusion de
l'information. Elle est considérée comme un moyen d'expression
essentiel pour les acteurs démocratiques et joue un grand rôle
dans la formation de l'opinion publique. Plaçant certains débats
sur le devant de la scène, elle peut aussi en occulter d'autres. Elle
est donc soumise à une éthique : exactitude de l'information,
respect de la vie privée, vérification des sources.
Plusieurs recherches attribuent aux médias et surtout
à la presse le pouvoir d'influencer les individus et l'opinion publique,
à la fois dans le domaine des goûts personnels et de la culture,
ainsi que le pouvoir d'influencer l'économie et le gouvernement des
pays. Le rôle des médias en tant qu'acteurs dynamiques des
transitions démocratiques et leur influence sur le processus de
réformes politiques est resté largement inexploré.
Les courants de littératures se sont orientés
dans deux voix principales. La première s'est penchée sur la
question de la nécessité d'une démocratisation de la
presse, de l'information et des politiques de communication dans un contexte de
démocratie naissante. La seconde
61 Assemblée générale de l'ONU,
Renforcement du rôle des organisations et mécanismes
régionaux, sous-régionaux et autres en vue de promouvoir et de
consolider la démocratie, 23 mars 2005.
62 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en
Amérique, Paris, Gallimard, 1961, t. I, II, chap. III, p. 187.
appréhende la presse, et la liberté comme des
éléments permettant de jauger le degré de
démocratie atteint suite aux transformations institutionnelles.
La presse constitue un moyen de contestation, ce qui explique
que les premiers textes démocratiques ont consacré sa
liberté. Le 1er amendement de la constitution américaine de 1787
affirme: "le Congrès ne fera aucune loi portant atteinte à la
liberté d'expression". Néanmoins, au cours du 20ième
siècle, le rôle des journaux s'est affaiblit, pour céder
place à la télévision, au cinéma et à la
radio qui participent désormais au débat démocratique. Le
développement d'Internet au 21ième siècle
permet aussi la diffusion des idées démocratiques. Les nouvelles
technologies permettent de rapprocher les points de vue entre classe politique
et les citoyens63.
Beata Rozumilowicz(2002) donne deux raisons sur l'importance
de l'indépendance des médias. La première est, qu'elle
offre aux individus un forum public afin qu'ils puissent exprimer leurs
opinions, leurs croyances et leurs points de vue. Aussi à travers la
diffusion d'idées, la liberté des médias permet la
découverte et la circulation des informations, la diffusion et la
confrontation des opinions, et donc la formation des volontés
individuelles des citoyens.
Cependant, La presse est l'institution non gouvernementale la
plus redoutable pour la démocratie. Le premier problème qui se
pose est celui de la transparence : alors que la démocratie exige une
transparence totale, le fonctionnement du gouvernement a besoin de certaines
confidences en ce qui concerne la sécurité d'Etat,
préparation de décisions et affaires diplomatiques
internationales.
De plus, Yogesh Atal (1997) souligne que dans les pays en
transition, où la pauvreté est répandue, la presse est
souvent des « médias de classe », d'où le risque de
manipulation. Le financement dépend de capitaux privés et donc
les détenteurs modifient et déforment l'information en fonction
de leurs intérêts et peuvent donc entraver sur le chemin
démocratique. La presse est la propriété des gouvernements
ou des privés et sont dépendants alors des aspirations de leurs
possesseurs. La concentration financière peut aussi corrompre son
indépendance, même si certains journaux essaient de garantir un
mode de financement
63 Direction de l'information légale et
administrative française(2006): Média et démocratie.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
indépendant. Donc, la multiplicité des
médias ne coïncide pas toujours avec la pluralité d'opinions
et diversité de l'information.64
Enfin, dans les courses électorales, la presse pose le
problème d'accès entre les candidats et exerce donc une influence
néfaste sur la formation des opinions des électeurs. Certains
groupes se voient ainsi exclus de l'espace publique et sont coupés du
cercle de discussion. D'autres parts, elle met la lumière sur d'autres
acteurs et leur donne une image exagérée.
La presse est donc une arme à double tranchant.
Cependant, Cette double certitude se voit aujourd'hui bousculée par la
détérioration de l'importance des journaux traditionnels, les
défaillances imputées aux organes journalistiques et
l'émergence de nouveaux médias dont l'accès est plus
facile.
Dans ce qui suit, nous allons procéder à une
approche économétrique permettant d'étudier les
déterminants qui sont à l'origine du déclenchement du
processus transitionnel sur la période 1981-2010.
35
64 Caroline Trottier (2010): Prioriser la
liberté de presse lors du processus de démocratisation :
désillusion Situation en République démocratique du
Congo.
École polytechnique de Tunis Mémoire de
Mastère Derbali Ahmed
36
Chapitre2 : Vérification empirique des
déterminants de la transition sur la période 1981-2010
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