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Transition démocratique et investissements étrangers: conséquences et enseignements pour les pays arabes


par Ahmed DERBALI
Ecole polytechnique de Tunisie - Mastère de recherche 2011
  

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Introduction :

École polytechnique de Tunis Mémoire de Mastère Derbali Ahmed

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Les crises se succèdent et s'accroissent. Le monde s'effondre de partout. Les peuples désirent inventer un autre mode de vie. Mais comment changer le « système » ? Comment en imaginer un autre ? Certains ont déjà commencé le chantier de reconstruction à travers un mouvement de « transition ». L'idée se répand, s'invite à tous les débats et provoque beaucoup d'enthousiasme. Mais c'est quoi une transition ? D'où vient cette idée ? En quoi est-elle originale? Voici un petit détour historique.

La transition est une imagination collective d'un meilleur scénario. Une imagination qui consiste à trouver un nouveau type d'économie, stable à long terme face aux troubles à l'échelle mondiale. Une économie qui soit riche en emplois de qualité, solide en terme d'infrastructures et inépuisable en énergie.

Les études sur la démocratie se sont focalisées sur les conditions objectives de transition. Ces travaux ont fini par conduire à la constitution des « études de démocratisation », terme qui désigne à la fois la « transitologie », qui s'intéresse au changement de la nature des régimes politiques, et la « consolidologie », qui s'occupe du degré d'institutionnalisation des règles définissant ces nouveaux régimes.9

Le concept de « Transition démocratique » a fait l'objet de plusieurs études théoriques et il est omniprésent dans les débats depuis près de trente ans avec la chute de la dictature franquiste en Espagne, la disparition des régimes militaires en Amérique Latine et surtout avec l'effondrement du bloc communiste et les vagues d'ouverture démocratique en Afrique dans les années 1990.

Le processus de démocratisation se développe dans une situation de fragilisation économique de l'Etat. Le mouvement de démocratisation est amorcé en même temps que les réformes économiques. Ce qui impose beaucoup de privations aux populations. Les contraintes économiques associées aux politiques d'ajustement et de la libéralisation de l'espace politique contrarient l'espérance d'un meilleur partage des ressources selon la perception de la

démocratie dans l'imaginaire populaire. Les pays sont alors menacés d'explosion d'un
mécontentement populaire qui peut entraver le fonctionnement des nouvelles démocraties.10

9 Politique et Sociétés (Volume 21, numéro 3, 2002, p. 139-160): L'approche néo-institutionnaliste en

science politique.

10 Francis Akindes, « Les transitions démocratiques à l'épreuve des faits ».

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? Section1 : Les transitions démocratiques dans le passé :

Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes, le droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent leur développement économique, social et culturel. Or, l'occupation externe ne constitue pas l'unique moyen de pression, exercé par un pays sur un autre, qui vole et viole ce droit essentiel. Il existe aussi le cas de l'occupation interne d'un pays par une minorité infime. Une occupation interne, dans le sens où l'unique président, l'unique famille, l'unique parti ou un pouvoir non-représentatif du peuple occupe et confisque le pouvoir sans permettre sa passation à d'autres par les moyens démocratiques reposant sur les élections libres, transparentes et périodiques.

1. Revue bibliographique :

Beaucoup de pays ont effectué la transition démocratique pour mettre fin au régime non démocratique, à une guerre civile ou à un conflit armé, dans le but de construire l'Etat égalitaire. La transition se déroule sur des étapes diverses et nécessite différents mécanismes. Cependant, elle a du mal à aboutir en l'absence de consensus national.

Selon Maurice-Pierre Roy (1992): « La transition démocratique signifie la fin d'une époque et le début d'une autre ».11

Dans le même sens, Guy Hermet écrit « La transition démocratique se comprend dans son acceptation temporelle plutôt que dans son contenu assez indécis. Elle s'inscrit dan le temps, de durée extrêmement variable, qui se découle entre la chute d'un régime et la prise de contrôle complète des rouages du pouvoir par celui qui le remplace : en l'occurrence le régime démocratique. Elle prend fin normalement quand cette démocratie s'est pourvue d'institutions régulières, d'une constitution et surtout lorsque les dirigeants démocratiques ont imposé leur suprématie aux militaires et au nomenklaturistes, en rendant de la sorte l'alternance pacifique au pouvoir au moins réalisable dans son principe. Ce diagnostic sur la bonne fin du processus lui sert en somme de définition ».

Manuel Antonio Garreton (2003) définit la transition démocratique comme « le passage d'un régime autoritaire à un régime démocratique, un passage qui se réalise sans rupture

11 ROY Maurice-Pierre (1992), « le Bénin: modèle de sortie de dictature et de transition démocratique en

Afrique noire ».

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institutionnelle et qui, en raison des enclaves autoritaires et de l'héritage institutionnel issus du régime antérieur, est forcément incomplet et perfectible ».12

Guillermo O'Donnel et Philippe Schmitter présentent la transition comme l'intervalle entre deux régimes politiques et définissent la transition démocratique comme la période débutant par la dissolution du régime autoritaire et dont la fin est marquée par la mise en place d'une forme de démocratie.13

En fin de compte, il ressort de ces différentes définitions que la transition démocratique d'un Etat comporte de nombreuses caractéristiques :

? Premièrement, elle consiste à opérer une modification pacifique et démocratique d'un système injuste vers un autre plus juste. Une mutation d'un système non respectueux de la démocratie et des droits fondamentaux vers un système qui respecte ses valeurs.

? Deuxièmement, la transition démocratique constitue un intervalle entre deux régimes politiques, en abandonnant le premier, non démocratique, pour aller vers le deuxième, qui se construit sur des bases respectant les valeurs de la démocratie. « Le chantier » mené pour démolir les défauts du premier régime et construire des piliers du deuxième constitue les bases de la transition démocratique.

? Enfin, la transition reflète une situation intermédiaire, son succès n'est pas assuré par avance. Le risque de régression vers la dictature, vers un blocage du processus de démocratisation à un stade d'inachèvement, voire vers un conflit ou une guerre, n'est pas à exclure en cas d'échec. Pour cela la

transition doit être bien implantée dès le début afin d'aboutir à la
démocratie.

A cause de la délicatesse de ce phénomène, la Transition et la mise en place des procédures démocratiques doivent se faire pas à pas.

12 Manuel Antonio Garreton, « Incomplete Democracy: Political Democratization in Chile and Latin

America ».

13 Guillermo O'Donnel, Philippe Schmitter, Laurence Whitehead, «Transition from Authoritarian Rule».

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De ce principe, la transition démocratique peut être considérée comme un processus de long terme parce qu'au fond, ce dernier doit continuer même après la fin de la période transitoire.

La transition démocratique se détache de la période transitoire pour s'étendre au-delà de cette période jusqu'au temps nécessaire pour renforcer et consolidé le nouveau régime fondé sur la démocratie.

Les mouvements de transition démocratique menés un peu partout dans le monde ont pour but d'instaurer une démocratie dans laquelle règne le respect et la protection des droits fondamentaux.

La démocratie est fondée sur la volonté librement exprimée des êtres humains à déterminer leurs propres systèmes sociaux, politiques, économiques et culturels et sur leur participation entière à tous les aspects de leur existence. La démocratie est un droit fondamental des citoyens qui doit être exercé dans des conditions de liberté d'égalité, de transparence et de responsabilité, dans le respect de la pluralité des opinions et dans l'intérêt

commun.14

2. La transition démocratique : des facteurs variables et un but invariable

Deux facteurs variables et un but invariable sont déterminants dans toute transition démocratique.

Les facteurs variables sont le temps et les mécanismes.

? Le premier est nécessaire et lié à la détermination d'une période de transition limitée durant laquelle les réformes indispensables devront être effectuées. La fixation d'une période de transition ou intérimaire est nécessaire, sinon, la transition va se prolonger ce qui peut la rendre obsolète et peut contribuer à son échec.

? Le deuxième concerne les mécanismes de transition qui jouent un rôle capital dans la réussite de la transition. Ces mécanismes constituent les procédures et les institutions qui vont régner et guider les pays pendant la période transitoire.

14 Nada Youssef(2011), « La Transition démocratique et la garantie des droits fondamentaux».

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Le but de la transition démocratique est invariable et est lié au résultat de toute transition démocratique qui doit aboutir à la création de l'Etat de droit démocratique. Autrement dit, un Etat démocratique respectueux des droits fondements résultant des normes externes ou internes, c'est-à-dire soumis à la législation que lui-même produit.

3. Le processus de transition démocratique :

Toute transition démocratique nécessite la détermination d'une période transitoire limitée et des mécanismes de transition. Mais, ni la période ni les mécanismes ne résument la transition démocratique. Cette dernière est liée aussi aux résultats atteints (instauration de démocratie ...) par les mécanismes utilisés durant la période intérimaire.

Etablir un calendrier de la transition déterminant les étapes et les démarches à suivre durant un délai déterminé favorise les chances d'atteindre les buts souhaités. La transition démocratique que nous envisageons est celle qui apporte la démocratie et qui construit les

fondements de l'Etat de droit. C'est-à-dire que l'Etat consacre et protège les droits
fondamentaux.

Cette transition s'apparente à un énorme « chantier », l'ampleur de la tâche nécessite un consensus national pour permettre sa réussite. Elle se déroule selon des étapes déterminées par les acteurs de la transition. Mais, la transition à la démocratie et vers l'Etat de droit n'était pas toujours démocratique de part les expériences passés. La transition démocratique nécessite le recours à des mécanismes permettant sa réalisation, ces mécanismes spécifiques au contexte transitoire sont à leurs tours transitoires.15

4. Histoire des transitions :

Les premières semaines de l'année 2011 ont marqué un changement historique dans le monde. Les soulèvements des populations arabes se sont propagées de la Tunisie à l'Egypte puis ont provoqué dans toute la région un mouvement prônant la liberté et la sortie de la contrainte autoritaire.

15 YOUSSEF Nada (2010) : la transition démocratique et la garantie des droits fondamentaux. Esquisse

d'une modélisation juridique.

L'Histoire de la transition démocratique se trouve ainsi étoffée d'une nouvelle page qui se consacre sur la croissance des aspirations des peuples pour la prise en main de leur destin collectif. Les nouvelles perspectives déclenchées par les récents changements en Egypte et en Tunisie, résultant d'un soulèvement populaire, présentent manifestement des caractéristiques inédites. A tout événement majeur et bouleversant, il est besoin d'en accueillir la nouveauté.

A cet égard, il est utile de proposer un rappel historique destiné à esquisser les contours et les enjeux de quelques transitions démocratiques qui ont eu lieu dans le passé, en d'autres époques et en d'autres lieux. Il est primordial de souligner que l'histoire n'est point prévisible, et que les événements qui se sont déroulés dans la région arabe n'appellent pas de modèle, pas plus qu'ils ne suivent de schéma préétabli. La comparaison ici n'est pas raison.16

Samuel Huntington a publié, en 1991, un ouvrage: « The Third Wave. Democratization in the late Twentieth Century ». A travers cette oeuvre, l'auteur étudie les transitions démocratiques intervenues dans le monde entre 1974 et 1990, période qualifiée de troisième vague de démocratisation dans l'histoire du monde. Le point de départ était la révolution portugaise, le jeudi 25 avril 1974. Par vague de démocratisation, Huntington(1991) fait référence à « un passage à la démocratie d'une série de régimes non démocratiques dont le nombre est supérieur à celui des pays ayant opéré la transition inverse». Dans son oeuvre, Huntington propose les périodes suivants :

? Première et longue vague de démocratisation : 1828-1926

? Première vague de reflux : 1922-1942

? Deuxième et brève vague de démocratisation : 1943-1962

? Deuxième vague de reflux 1958-1975

? Troisième vague de démocratisation 1975- Printemps arabes.17

o La première vague remonte à la Révolution française (1789) et à la Révolution américaine (1786), et se base sur deux critères principaux à savoir le droit de vote pour la majorité de la population et de la responsabilité de l'exécutif devant un parlement élu. Huntington en conclut que les États-Unis sont entrés dans la première phase de démocratisation autour de 1828 suite aux élections présidentielles. Cette situation a

16 UNESCO(2011), «Démocratie et renouveau dans le monde arabe».

17 Mahmoud Ben Romdhane(2007) : Développement et démocratie : l'exception tunisienne.

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déclenché un boom de transition avec l'admission de nouveaux États accordant le droit de vote à la totalité de la population. Au cours des décennies suivantes, de nombreux pays européens sont devenus des démocraties. La première vague de reflux eut lieu avec l'arrivée du fascisme en Italie, suivi par la multiplication des coups d'État militaires en Lituanie, Pologne, Lettonie, Estonie, Portugal, Brésil, Argentine et Espagne, l'arrivée d'un gouvernement militaire au Japon, l'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933 et l'occupation de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie.

o La deuxième vague de démocratisation a eu lieu au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec la victoire des alliés qui installèrent en place des institutions démocratiques dans les pays de l'Axe et dans ceux qui étaient victimes de l'occupation. De nombreux pays d'Amérique latine ont suivi le mouvement et il en a été de même de certains pays d'Asie qui avaient mis fin à la domination coloniale (Inde, Indonésie, Malaisie, Sri Lanka, Philippines).La deuxième vague de reflux commença avec les coups d'Etats militaires en Amérique latine et en Asie et l'accession de régimes autoritaires, souvent à partis uniques, dans les nouveaux pays indépendants d'Afrique.

o La troisième vague a eu lieu, selon Huntington, à partir de la fin de la dictature portugaise en 1974. Cette vague gagne, d'abord, l'Europe du Sud (Espagne, Grèce) ; ensuite l'Amérique latine à la fin des années 1970 et, plus particulièrement au cours des années 1980 et, enfin, l'ère communiste à la fin de cette décennie. Cette vague n'a cessé de se poursuivre jusqu'à ce jour : le nombre de pays démocratiques passe de 44 en 1973 à 60 en 1988, 76 en 1991 pour atteindre 89 en 2004, tandis que le nombre de régimes autoritaires tombe de 69 à 49 entre 1972 et 2004.18

5. Les modes de transition :

Toutes ces expériences, chacune à sa manière, montrent que toute période de transition inspire beaucoup d'espoir et de promesses en même temps qu'elle suscite des malaises et des inquiétudes. Ceci rappelle une nouvelle fois que la transition démocratique doit être vue comme l'amorce d'un véritable processus de démocratisation.

18 Robert M. Thweatt(2001) thesis: the next transition in Cuba: an analysis based on institutional

comparisons with democratic transitions in central europe.

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L'émergence de ces démocraties dans le cadre de ce que Huntington appelle les «vagues de démocratisation» est expliquée, en général, par le jeu de quatre catalyseurs:

1' l'impact des conflits militaires,

1' les crises économiques,

1' l'impact de l'environnement externe, 1' Le rôle de l'environnement interne.

> La transition peut s'expliquer en premier lieu par l'impact des crises économiques. En Afrique, par exemple, les causes profondes de l'apparition de processus de démocratisation sont généralement rapportées à ce que Kankwenda Mbaya qualifie de « crise du modèle économique de l'État post-colonial»19. Au Bénin, pays laboratoire de la démocratisation en Afrique, le processus s'est déclenché suite au crash économique de 1986. La situation économique catastrophique et les troubles politico-sociaux conduisent le président Mathieu Kérékou à accepter de mettre un terme au régime communiste. Par la suite, le pays a connu la mise en place d'un processus démocratique et d'un plan de relance économique. Ces phénomènes de transition se sont répétés dans de nombreux autres pays comme le Niger, le Mali, le Congo et la Côte d'Ivoire.

> La transition est expliquée en deuxième lieu comme le résultat de conflits militaires. Les premières expériences en Europe du Sud et en Amérique latine entrent dans cette catégorie. La révolution des OEillets au Portugal s'explique largement par le contexte de guerre colonial. La gravité de la guerre qui a mené le mouvement des forces armées (MFA) à renverser Caetano et à initier ensuite une transition. De même, la transition en Argentine s'explique ainsi largement par la tournure de la guerre des Malouines contre l'Angleterre, car la défaite a fait perdre la légitimité au pouvoir militaire, rendant l'ouverture démocratique possible. Il existe certaines autres formes violentes de prise de pouvoir comme celles expérimentées au Mali en 1991 et au Niger en 1999, qui permettent ensuite des élections libres, des « coups d'État démocratiques ».

19 Kankwenda Mbaya, « Crise économique, ajustement et démocratie en Afrique », dans Processus de

démocratisation en Afrique : problèmes et perspectives, sous la dir. d'Eshetu Shole et Jibrin Ibrahim, Paris, Karthala, 1995, p. 64.

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? La transition est expliquée en troisième lieu par l'incitation de l'environnement externe. Les nouvelles démocraties apprennent des vieilles et les unes des autres. En Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Turquie), le passage à la démocratie est lié en partie à la construction européenne, à ses institutions, et aux obligations découlant de ses traités. Dans ce sens, le passage à la démocratie en Europe de l'Est et en Afrique est indissociable de ce processus global.

? La transition est expliquée en quatrième lieu par l'environnement interne. Le processus se base essentiellement sur le fait de donner aux citoyens du temps et des ressources nécessaires pour réfléchir et agir. Cette explication considère que les mobilisations populaires sont cruciales dans les sociétés autoritaires et répressives. Une autre partie de la littérature, évoquée par Michel Dobry(2000), insiste sur les arrangements entre élites20. Chez des auteurs comme Guillermo O'Donnell, G. Hermet, Terry L. Karl, Paul Schmitter et bien d'autres, on trouve une insistance sur les fractures qui surviennent au sein du régime autoritaire entre les durs (hard liners) et les modérés (soft liners)21. T. L. Karl et P. Schmitter(1991) considèrent que « les arrangements établis par les principaux acteurs politiques permettent d'instaurer des règles, des rôles et des modèles de comportements qui peuvent marquer une rupture importante avec le passé22.

? Section2 : Les déterminants de la transition démocratique : Revue de bibliographie.

La disparition de l'autocratie et l'instauration de la démocratie présente à la fois un défi et une opportunité. Plusieurs questions se posent : comment de tels résultats similaires émergent à partir de milieux et de régions différentes, quels sont les points communs qui ont pu propulser les régimes autocratiques dans les quatre coins du monde vers des élections libres dont l'issue reste mystérieuse.

20 Michel Dobry(2000), « Democratic and capitalist transitions in Eastern Europe. Lessons for the social

sciences, Dordrecht, Kluwer academic publications, « The GeoJournal library ».

21 Mamoudou Gazibo(2002), « Le néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de

démocratisation ».

22 Karl, Terry Lynn and Schmitter, Philippe C., (1991) "Modes of transition in Latin America, Southern and

Eastern Europe", International Social Science Journal 43 (2), 269-284, Blackwell Publishers Ltd.

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A l'évidence, des conditions ont été réunies dans certaines parties du monde, plus tôt qu'ailleurs et qui étaient à l'origine du déclenchement du processus transitionnel. Mais, « Quelles conditions ?».

Les facteurs qui étaient à l'origine de la naissance du processus de transition démocratique représentent une des énigmes les plus persistantes pour les chercheurs. C'est ce qui justifie l'intérêt croissant des politologues, des sociologues et des économistes depuis plusieurs décennies.23

La vague récente de révolution a ressuscité de vieux débats académiques sur les causes des transitions. La recherche de ces causes par rapport aux facteurs économiques, sociaux, culturels, psychologiques ou internationaux n'a pas donné jusqu'ici aucune loi générale de la démocratisation, il est peu probable de le faire dans un proche avenir, en dépit de la récente multiplication des cas.

Une croissance considérable, un niveau plus élevé d'éducation et une couverture médiatique plus modernisée sont traités comme des pré-conditions de l'existence des transitions. Aussi, une culture politique «civique» caractérisée par des niveaux élevés de confiance mutuelle et une tolérance de la diversité doivent être considérer comme le moteur du processus démocratique.24

La suite du travail sera une énumération des origines de transition dans la littérature. La remarque à tirer est, avant tout, qu'il n'existe pas de recette magique ou parfaite pour enclencher le processus.

Certains auteurs s'attachent à identifier les causes générales de la démocratisation en mettant l'accent sur :

? La culture politique et le niveau de développement à savoir que seules les sociétés partageant certaines valeurs et traditions peuvent atteindre la démocratie;

23 Barro, Robert J. (1999). Determinants of democracy. Journal of Political Economy 107(S6): 158-183.

24 Diane Éthier(2002) Des relations entre libéralisation économique, transition démocratique et

consolidation démocratique

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? La nécessité d'un développement économique et social comme préalable à l'émergence de la démocratie.

1. Facteurs économiques :

Tout un pan de la littérature s'intéresse à l'impact des variables économiques sur le processus de démocratisation. L'hypothèse s'inspire des travaux de Lipset (1959), qui traite une catégorie large de ces mesures comme facteurs déterminants de la démocratie, y compris les indices de richesse (revenu par habitant), de l'urbanisation et du développement. L'élément clé de cette hypothèse est que les pays riches sont plus disposés à promouvoir les valeurs démocratiques et à s'adapter aux normes institutionnelles.25

L'idée de fond est synthétisée de façon à ce que l'amélioration des conditions de vie des populations est censée passer par la croissance économique dont devrait découler la démocratisation des régimes politiques. Deux types de travaux se sont développés sur cette base:

Les travaux des dépendantistes soulignent que la situation de dépendance économique, existante dans les pays sous-développés vis à vis des pays capitalistes riches, génère non seulement le sous-développement économique mais produit aussi des formes d'alliances de bourgeoisie arrogante qui bloquent le passage à des régimes démocratiques (Peixoto, 1977). En d'autres termes, la dépendance provoquerait inexorablement le sous-développement et l'apparition de régimes non-démocratiques.

Les travaux des développementalistes favorables à la libéralisation du commerce international, établissent des liens positifs entre le développement économique et la démocratie (Badie, 1988), ou pour être plus précis, entre l'amélioration de certains indicateurs socio-économiques (revenu, éduction, santé) et les tendances des sociétés à réclamer des formes d'organisations politiques semblables à celle des grandes démocraties occidentales (Lipset, Deutsh, Dahl...).26

Les variables explicatives de la démocratisation englobent de nombreux indicateurs liés au niveau de vie : PIB réel par habitant, espérance de vie à la naissance, niveau d'éducation. Le

25 Mamoudou Gazibo(2002) : Le néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de

démocratisation.

26 Marchesin Philippe(2004) : Démocratie et développement.

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modèle intègre également d'autres influences possibles sur la démocratie telles que le taux d'urbanisation.27

a. La richesse :

Un des discours fondateurs du lien entre démocratie et développement a été celui du Président français François Mitterrand, lors de la Conférence des Chefs d'Etat de France et d'Afrique (1990) dans lequel il affirme que le chemin de la démocratie est celui de la liberté et en même temps celui du développement. Il cite que : « en prenant la route du développement, les nations s'engagent sur la route de la démocratie ».28

La richesse d'ensemble d'une nation la rend plus accessible aux idéaux démocratiques pour plusieurs raisons :

o Dans les pays pauvres, les écarts économiques donnent naissances à des classes aisées dont les plus riches considèrent la population pauvre comme esclave et refusent donc de partager le pouvoir avec elle. Par contre, dans les pays à niveau de vie élevé, l'aisance est partout et on accepte plus facilement l'idée qu'un parti ou un autre accède au pouvoir ;

o Aussi, plus un pays est pauvre, plus il se trouve dépendant des autres pays ; il lui est alors difficile de disposer d'une administration efficace, indispensable dans les États démocratiques ;

o Troisièmement, l'esprit patriotique et la tolérance se forment lorsque la société a accès aux facilités des loisirs que procure un niveau élevé de revenu personnel;

o Enfin, avec l'accroissement des richesses, le rôle des classes moyennes va également se modifier : la pyramide sociale change de forme, s'élargissant dans sa partie centrale par la croissance des classes intermédiaires. Une forte classe moyenne amortit les heurts des deux extrêmes par le soutien qu'elle accorde aux partis modérés et démocratiques ».29

27 Barro, Robert J. (1999). Determinants of democracy. Journal of Political Economy.

28 Discours de la Baule(1990) du Président Français François Mitterrand.

29 L'année du Maghreb(2007) : Développement et démocratie : l'exception tunisienne.

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Parmi les déterminants étudiés pour la transition, le niveau du PIB per capita a eu une attention particulière. Lipset (1959) affirme qu'un niveau élevé du PIB per capita augmente la probabilité de démocratisation du pays ainsi que sa stabilité. Ceci est confirmé par Diamond (1992) et Przeworski et al. (2000).30

A partir d'études sur près de 40 ans, l'Unité de stratégie du Premier ministre (PMSU, 2005) affirme que le déclenchement d'une guerre civile déclinait avec la croissance du PIB par habitant. Souvent, l'amélioration du niveau de vie précède la démocratie, mais il n'est pas suffisant pour que celle-ci prenne racine. Selon ces études, aucune démocratie ayant un revenu par habitant supérieur à $ 6,000 n'a vu son système démocratique se détériorer.31

Cependant, Nicholas Sambanis et Hélène Lavoix montrent que la chute soudaine du PIB par habitant serait un facteur de conflit et d'instabilité plus persistant et l'ex-Yougoslavie est l'exemple le plus signifiant.32

Cependant, à travers l'indicateur de développement humain (IDH) établit par la PNUD, l'amélioration des performances économiques n'est pas toujours à l'origine du déclenchement du processus de transition. La Chine demeure autocratique alors qu'elle présente la meilleure performance, et affiche une croissance de son PIB largement supérieure à celles des pays ayant une réputation de tradition démocratique comme la France, les Etats-Unis ou le Royaume Uni.

b. Développement Humain :

Les concepts de démocratisation et de développement humain étaient considérés depuis longtemps comme distincts. Suite aux derniers phénomènes transitionnels, la majorité des auteurs s'accordent sur le fait qu'il existe une relation étroite entre eux. La durabilité d'un développement équitable était intimement liée à la démocratie. La solidification de la démocratie, avec ses qualités de supériorité du droit, de respect des droits de l'homme et de reconnaissance de la dignité immanente de tous les êtres humains, ne peut se maintenir sans un

30 Papaioannou Elias, Siourounis Gregorios (2008): Economic And Social Factors Driving The Third Wave Of Democratization.

31 Chataigner J. Marc et Mago Herve (2007): Etats et Sociétés fragiles.

32 Direction Generale De La Cooperation Internationale Et Du Developpement(2008) : La Politique De La France Dans Les Pays En Situation De Fragilité

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minimum de conditions de vie décentes et donc de développement.33 Bruce Russett(1998) affirme que « La démocratie et le développement conjugués ont tendance à être très durables ».

La démocratie et le développement sont complémentaires et se renforcent mutuellement. L'histoire montre souvent que les expériences, dans lesquelles la démocratie et le développement ont été détachés, sont finies en échec. À l'inverse, l'imbrication de la démocratisation et du développement contribue à enraciner l'une et l'autre dans la durée. La démocratie politique doit trouver son prolongement dans des mesures économiques et sociales qui favorisent le développement, de même, toute stratégie de développement a besoin, pour être mise en oeuvre, d'être validée et renforcée par la participation démocratique.34

Education :

À chaque régime politique correspond un système éducatif qui reprend les grands axes du projet politique de société. L'enjeu d'éducation est particulièrement fondamental. Être citoyens, non seulement ça s'apprend, mais ça doit être aussi un désir partagé pour assurer la mise en place d'un destin commun.

La pédagogie éducative est censée permettre aux jeunes d'intégrer l'organisation sociale et politique et assurer ainsi la continuité du système en place. L'éducation dans une société archaïque, fondée sur la reproduction éternelle du mythe fondateur, ou au sein d'une société moderne, est totalement distincte. Dans le premier régime, l'enseignement se limite à transmettre le mythe, et à apprendre les rituels sacrés qui lui sont associés. Cependant, dans le second, il s'agit plutôt d'inscrire l'individu dans une société en évolution et donc l'éducation permet de développer l'esprit créatif. Dans une communauté aristocratique, chaque enfant se forme selon son rang afin qu'il occupe les fonctions qu'elles lui sont destinées35.

Les travaux de Lipset(1959) étaient les premiers à s'intéresser à l'éducation. Ils affirment qu'une population mieux instruite implique de meilleures chances pour le déclenchement du processus démocratique. L'auteur certifie que l'éducation peut enseigner aux individus à avoir une incitation plus élevée à rester impliqué politiquement et augmente le désir des citoyens d'établir une démocratie. Une population instruite devient plus consciente de l'importance de la libération des chaines de la dictature. A travers des sondages d'opinion,

33 UNESCO (2003): L'interaction démocratie et développement.

34 Fiorino Nadia et Ricciuti Roberto (2007) Determinants of Direct Democracy

35 Le Centre Ressources Prospectives Du Grand Lyon(2010) : Education Et Démocratie.

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Lipset arrive à conclure que "le facteur le plus important qui différencie ceux qui donnent des réponses pro-démocratie à d'autres est l'éducation."

Matsusaka(2005), dans l'examen de la théorie existante sur les changements vers la démocratie, affirme que la montée du niveau d'instruction parmi la population et la chute du coût de l'information en raison de la révolution des technologies ont considérablement réduit l'avantage du savoir que les élus avaient en plus par rapport aux citoyens ordinaires et donc le système politique n'est plus fondé sur une autorité venue d'en haut qui détenait le savoir et le pouvoir. Matsusaka fonde une telle affirmation sur un rapport des données sur la quantité croissante de l'enseignement supérieur.36

Glaeser et al. (2006) discutent le lien entre l'éducation et la démocratie en faisant valoir que la scolarisation enseigne aux gens à interagir avec les autres et encourage les avantages de la participation civique. Donc, elle soutient les régimes démocratiques par rapport aux dictatures. Ils ont construit un modèle où l'éducation favorise la démocratie à travers la socialisation et en façonnant les incitations collectives37. Ainsi, une fois l'éducation et l'alphabétisation développées, les charlatans politiques ne pourront plus tromper la population.

L'éducation, « devrait transmettre aux hommes des idées plus larges, leur faire comprendre la nécessité de la tolérance, rendre plus difficile l'adaptation d'idées extrémistes, et permettre au moment des élections l'exercice d'un choix plus rationnel ». Plus une population était éduquée, plus démocratique était la société. L'éducation réduit les coûts de la participation politique, et assure donc qu'une fraction suffisante de la population s'engage dans le processus politique, qui à son tour favorise la démocratie. Ponzetto et Shleifer(2007) présentent également des données d'enquête reliant le niveau d'éducation et les activités sociales.

Ceci affirme donc que l'éducation est une force motrice clef de démocratisation. Aussi l'éducation peut non seulement influer la probabilité de la démocratisation, mais aussi la rapidité et la profondeur des réformes démocratiques.

Les mesures de l'éducation diffèrent souvent d'un travail à un autre, on peut citer par exemple :

36 Fiorino Nadia And Ricciuti Roberto (1995): Determinants Of Direct Democracy.

37 Papaioannou Elias, et Siourounis Gregorios (2008): Economic and social factors driving the third wave

of democratization.

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Les années moyennes de scolarités pour les personnes âgées de 25 ans et plus pour les niveaux secondaires et supérieurs.

· L'écart de scolarisation entre hommes et femmes pour les personnes âgées de 25 ans et plus pour les niveaux secondaires et supérieurs.

· Les années moyennes de scolarités primaires pour les personnes âgées de 25ans et plus.

· L'écart moyen de scolarisation primaire entre homme et femme pour les personnes âgées de 25 ans.

Dans la majorité des travaux, les variables liées aux niveaux primaires sont relativement signifiantes et positives. Par conséquent, la première éducation est celle qui importe le plus à la démocratie.

Santé :

Les études, permettant l'identification de la relation entre le processus de transition et la santé, sont limitées aux niveaux théoriques et empiriques. La raison est due certainement à la complexité des liens entre la santé et la politique ainsi qu'aux interactions dans les deux directions.

L'exploration de l'effet de l'amélioration sanitaire sur la démocratisation passe surtout par la relation croissante liant le premier au développement humain. La santé constitue alors un enjeu primordial dans le processus de transition par le biais de la croissance et le développement.

Le concept de la santé est souvent associé à la qualité de vie et il est indispensable d'améliorer la santé des populations pour réduire la pauvreté, à la fois cause et conséquence de la maladie. Pour cette raison, trois des huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD), validés en 2000 à l'issue de la Déclaration du millénaire de l'ONU, sont consacrés à l'amélioration de la santé:

· diminuer de 2/3 de la mortalité infantile ;

· diminuer de 3/4 la mortalité maternelle ;

· maîtriser les grandes épidémies, le sida, le paludisme et la tuberculose.38

38 PNUD(1999) : Rapport National sur les Progrès vers l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le Développement.

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La majorité des pays autoritaires ont traversé des crises économiques au cours du 20ième siècle. Vue les graves répercussions de cette crise sur la qualité de vie de la population, le défi de la démocratie sera liée à sa réponse aux problèmes sociaux. La santé est un des thèmes centraux des politiques sociales pour les gouvernements transitionnels. Elle est l'une des principales préoccupations parce que la rareté des soins de santé et de la détérioration de l'état général est devenue intolérable. La pertinence du sujet de la santé pour les appels à la démocratie a rendu nécessaire de formuler une réponse politique novatrice aux problèmes les plus urgents.

Il est clair qu'aujourd'hui, il ya différents points de vue de la façon permettant de contribuer à ce processus de promotion de la santé et la médecine préventive : D'abord, la politique de santé est souvent orientée vers la réduction des inégalités. Une inégalité qui se reflète dans la répartition des ressources, vu que le pourcentage des dépenses le plus élevé dans la santé est concentré dans les zones et les secteurs à revenu élevé. Dans les démocraties, la politique de santé prend en compte les inégalités et agit face aux critères de discrimination, en donnant la priorité à aider les groupes à haut risque social. La redéfinition du rôle du gouvernement est une priorité tout en gardant à l'esprit que la santé est un droit de la population et un devoir du gouvernement.39

Les démocraties favorisent l'expansion des informations essentiels sur la santé, tels que les conséquences désastreuses d'un nombre élevé de naissances pour les femmes, les avantages de l'allaitement, les risques des relations sexuelles non protégées (VIH/Sida). Dans ces domaines, le dialogue ouvert et le débat public fournis par la transition permettent de diffuser l'information et d'influer par la suite les comportements.

L'investissement dans la santé est un vecteur important de développement économique. Comme l'a montré la Commission macroéconomie et santé, une amélioration sensible de la situation sanitaire est un préalable indispensable pour permettre aux pays en développement de rompre le cycle de la pauvreté.40 La bonne santé de la population facilite le développement qui à son tour favorise l'installation de la démocratie.

La littérature utilise souvent comme mesure de l'état de santé, l'espérance de vie à la naissance. Les études empiriques montrent une relation positive et significative entre cet

39 Timothy Besley and Masayuki Kudamatsu(2006) : Health and Democracy

40 OCDE(2004) : Santé et pauvreté dans les pays en développement : Les grandes lignes d'action.

indicateur et le niveau de démocratie. D'autres travaux utilisent aussi le taux de mortalité infantile, et parviennent aussi aux mêmes résultats.41

L'urbanisation :

Lipset(1959) remarque que : « l'État démocratique est un produit de l'existence urbaine et qu'il était ainsi naturel qu'il soit apparu pour la première fois en Grèce». Il affirme aussi que les pays démocratiques sont plus urbanisés que les États dictatoriaux ou autoritaires.42L'État démocratique fait résulter la « citoyenneté », conséquence de la concentration urbaine. Lipset affirme aussi que les pays démocratiques sont plus urbanisés que les États dictatoriaux ou autoritaires.

La concentration croissante des populations dans les villes est à l'heure actuelle un phénomène que connaissent presque exclusivement les pays en transition. L'urbanisation se présente comme un processus caractérisé par la mutation de ces sociétés en passant d'une population essentiellement agricole et organisé selon des structures sociales rurales, à des sociétés à prédominance urbaine, industrielle et axées sur le marché. Un des principaux facteurs utilisés pour mesurer l'urbanisation est l'augmentation de la population dans les villes.

Le développement au sein des villes permet de bénéficier d'économies d'échelle au niveau des transports, du traitement des déchets et surtout au niveau de l'activité économique. Les facteurs qui améliorent la qualité de vie sont plus répandus dans les villes que dans les campagnes : meilleur accès aux services de santé, aux infrastructures, à l'information. Les politiques publiques s'appliquent plus aisément en milieu urbain. Donc, l'urbanisation attribue à la croissance qui à son tour, favorise la démocratisation.43

Les innovations technologiques, comme le contrôle des émissions de gaz ou des télécommunications, peuvent rendre la ville plus attractive. Donc, même si les technologies de l'information et de la communication peuvent à l'avenir entraîner une plus grande dispersion géographique de l'activité économique, l'urbanisation continuera d'être au coeur du développement économique.

41 Havard Hegre, Carl Henrik Knutsen and Espen Geelmuyden Rod(2012) : The Determinants of

Democracy: A Sensitivity Analysis

42 Lipset(1959): Some Social Requisites of Democracy: Economic Development and Political Legitimacy

43 Michel Andrieu(2012) Programme de l'OCDE sur l'avenir : la ville dans le village mondial.

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Cependant, les villes des pays en transition présentent aujourd'hui de nombreuses contradictions. Elles participent autant au développement humain qu'elles l'inhibent. Ce sont des centres de richesses où se concentre aussi la pauvreté. Elles font ressortir à la fois ce qu'il y a de meilleur dans l'être humain, et ses appétits les plus bas. Elles jouissent des meilleures prestations sociales existantes dans le pays, mais sont aussi le lieu de bien de souffrances sociales : surpopulation, conditions de vie dangereuses, problèmes de drogue, agitation sociale, pollution.44

L'argument central de la théorie de développement est que les conditions économiques et sociales, dans un État donné, appuient les opportunités de l'établissement et du maintien des institutions démocratiques. Jusqu'à la fin des années 1980, la « théorie de la modernisation » n'a pas subi de contestation ; Ce processus a caractérisé la transition démocratique dans les dictatures de l'Europe du Sud de l'Espagne et du Portugal et dans certains « tigres » de l'Asie du Sud-Est (Corée du Sud et Taiwan). Elle était vérifiée empiriquement dans la majorité des cas étudiés et seuls, l'Inde et le Costa Rica et le Bostwana faisaient exception comme pays parvenus à la démocratie sans développement économique et social antérieur.

2. La structure sociale :

La démocratie doit être étendue et approfondie pour permettre à la politique et à ses institutions de favoriser le développement humain et de préserver la liberté et la dignité de tous les individus. Le degré d'hétérogénéité de la population, du fait des différences d'ethnies, de langage et de culture peut aussi influencer le niveau de démocratie. L'hypothèse habituelle est davantage d'hétérogénéité rend plus difficile le maintien de la démocratie.

Lijphart (1999) affirme que le type d'hétérogénéité d'une population (Ethnique, Religieuse et linguistique) peut influencer les institutions politiques et donc le régime.

a. Fragmentation Ethnique :

E. Hobsbawm(1993) définit un groupe ethnique comme étant "tout groupe qui se différencie de façon permanente des autres groupes qui vivent ou interviennent sur un certain territoire ; cette différence s'opère par le nom, par les caractéristiques qui sont sensées le distinguer des autres, et, bien entendu par les traits communs aux membres du groupe, qu'ils soient réels ou seulement supposés tels".

44 Programme des Nations Unies pour le développement : rapport sur le développement humain

(Urbanisation et développement humain).

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Dans les sociétés pluriethniques, les régimes politiques sont fortement sensibles à la fragmentation sociale ; aucun clan n'est susceptible d'abandonner la moindre autorité ni de partager le pouvoir avec les groupes rivaux. Cette fragmentation maintient un état de tension extrême et un risque constant de guerre civile. Les leaders politiques profitent souvent des risques des divisions ethniques afin de se présenter comme les défenseurs de leur propre culture contre les menaces des groupes rivaux.45

Les études anciennes affirment que plus l'hétérogénéité est grande, plus il est difficile de soutenir la démocratie. Une mesure standard de cette segmentation de la population est son fractionnement ethnolinguistique, une combinaison de la disparité des langues et de l'ethnicité dans un pays

La littérature ancienne (Mauro, 1995, La Porta et al, 1999) pointe sur l'hétérogénéité ethnique comme facteur déterminant de la réussite économique à la fois en termes de production (croissance du PIB) et la qualité des institutions (mesurée par l'ampleur de la corruption, la liberté politique, etc.). Miquel(1999) affirme qu'il est difficile de mobiliser une population mixte pour lancer le processus de démocratisation.

D'autres chercheurs ont insisté sur le rôle de la composition ethnique de la société dans le développement politique: Ces auteurs ont fait valoir que la démocratie est le régime idéal pour une société avec de nombreux groupes ethniques, puisque c'est le système politique qui peut le mieux protéger leurs libertés. Pourtant, la diversité ethnique peut bloquer la démocratisation, si elle est associée à une polarisation de la vie politique (Dahl, 2000).

Amy Chua(2003) souligne le rôle de la propagation de la démocratie comme cause principale de l'instabilité ethnique et de la violence à travers le monde. Sa préoccupation est que l'accroissement du pouvoir de la majorité a conduit à l'émergence de démagogues exploitant la haine des masses contre l'élite minoritaire privilégiée, le résultat en étant les massacres en masse, le nettoyage ethnique et la régression autoritaire46.

Alesina et al. (2003) ont établit des indicateurs de fragmentation qui reflètent la probabilité que deux individus choisis au hasard dans la population n'appartiennent pas à la même ethnie. Les résultats empiriques montrent que les pays en transition sont un peu moins

45 MBONABUCYA Jean Baptiste(1998) : Ethnicité et conflit ethnique: approches théoriques en

perspective de l'analyse du conflit des Rwandais.

46 Chua Amy(2003) : « World on Fire ».

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fragmentés que les pays qui sont restés autocratique. Ceci montre que le fractionnement racial a un impact négatif sur l'indice de la démocratie47.

Pour conclure, La majorité des travaux indique l'existence d'une relation négative entre ces fractionnements et la démocratie. Cependant, quelques études récentes affirment que la démocratie est le seul système capable d'englober les différences puisqu'elle fournit un environnement social et juridique qui protège les libertés et les croyances.

b. Fragmentation Religieuse :

La transformation fréquente du paysage religieux prend la forme d'une fragmentation des champs chrétien ou islamique, directement visible par l'atomisation, des lieux cultuels qui traduit, plus profondément, de nouveaux modes de croire, de communier et de pratiquer. Une telle évolution est à replacer dans un contexte mondial marqué par l'affaiblissement et la crise de légitimité qui affectent, un peu partout, les grandes organisations sociales et politiques traditionnelles (partis, syndicats, Églises...).48

La religion est partagée par des collectivités de personnes. C'est un phénomène groupal qui permet de caractériser une façon de pensée et de représentations partagées par des individus. Il ne faut pas considérer la religion comme procédé figé. De plus, la croyance permet également de distinguer les groupes les uns des autres, et contribue donc au « sentiment de différence » et à celui d' « appartenance » décrit par Alex Mucchielli(1983). Ces deux sentiments naissent sur la base de comparaisons avec les autres acteurs sociaux ; la culture peut être un des éléments de comparaison.49

De nombreuses analyses préconisent l'importance des normes religieuses dans le développement politique. La démocratisation peut être bloquée par les religions et les dogmes qui ont une forte structure hiérarchique incontestée. En outre, des liens étroits entre l'église et l'État peuvent entraver la démocratisation.

La question en filigrane posée par Huntington, est de savoir si la religion est un facteur d'aggravation ou de pacification du dialogue. Huntington (1993) montre que des liens

47 Robert J. Barro : « Determinants of Democracy », Journal of Political Economy (Vol. 107, No. S6

(December 1999).

48 Maud Lasseur et Cédric Mayrargue (2011): « Pluralisation religieuse, entre éclatement et
concurrence ».

49 Alexia Casagranda(2006): « Religion et Géopolitique »

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traditionnellement forts entre les chefs religieux et l'État étaient toujours présents dans les pays à confissions catholique, orthodoxe, et musulmane. Ces religions ont aussi tendance à être hiérarchiques et résistantes aux changements.

Un aspect important de cette répartition est que les pays protestants sont toujours démocratiques tandis que les pays musulmans ne le sont pas. Les études de Barro, (1999) ont aboutit à des résultats certifiant une corrélation négative significative entre la part de musulmans et la probabilité de démocratisation puisque une partie des musulmans s'oppose à ce système politique du fait que « ce principe fondateur de la démocratie s'oppose au fondement même de l'islam où le domaine de la législation revient exclusivement à Dieu et non à l'homme ».50

L'appartenance religieuse a été également soulignée comme un déterminant important de la démocratie (Huntington(1991), Lipset(1994), Boone(1996)). Malheureusement, la théorie de l'interaction entre religion et la structure politique est encore moins développée par rapport à d'autres aspects de la théorie de la démocratie. Pour vérifier le lien entre la religion et la démocratie, les travaux se basent sur les données compilées par Jong Wha Lee sur la composition religieuse de la population d'un pays donné.51

c. Rôle de la femme :

Lors de la cérémonie d'ouverture de la Conférence de l'International Association of « Women Police », Asha Rose Migiro, Vice-secrétaire générale de l'ONU, déclare que « Lorsque les femmes sont véritablement engagées et responsabilisées, toute la société en profite ».52 Si un processus de démocratisation vise à tenir ses promesses d'amélioration de bien-être, il lui faut pouvoir compter sur la contribution de tous ses citoyens. Cela ne peut pas se produire si les femmes et les filles ne sont pas en mesure, en vertu de la loi ou du droit coutumier, de participer pleinement à la vie politique et économique du pays.

De plus, à l'occasion de la conférence de Beijing, le PNUD a consacré son rapport annuel sur le développement humain (1995) à l'inégalité des chances entre les hommes et les femmes. Il propose notamment un «empowerment index» composé de trois variables : le revenu, la participation au marché du travail et la participation aux décisions politiques exprimées par la

50 Elias Papaioannou, Gregorios Siourounis « Democratisation and Gowth» 1520-1551, The Economic

Journal, 118 (Octobre 2008).

51 IUFM D(200) Croissance, démocratie et développement

52 www.un.org/News/fr-press/docs/2011/DSGSM566.doc.htm

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part des sièges parlementaires occupés par des femmes. Dans ce contexte, la définition de l'«empowerment» est claire: il s'agit de la participation des femmes à la vie économique et politique.»53

La notion d' « empowerment » englobe donc la vision d'acquisition de pouvoir, de contrôle de vie et de développement de la capacité d'atteindre ces objectifs. Ces notions ont été largement débattues par A. Sen (2000) et reprise par N. Kabeer (2001).

Madeleine Albright, la présidente du conseil d'administration du NDI, a déclaré en 2010 que « La réussite sociale sans la démocratie est improbable, et la démocratie sans les femmes est impossible ». 54 De plus, elle affirme que « la contribution des femmes à la vie politique entraîne des gains important pour la démocratie, y compris une plus grande réponse aux besoins des citoyens, une coopération élevée entre les partis et les groupes ethniques, ainsi qu'une paix plus durable ».

Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a affirmé à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2002 que «plusieurs études montrent qu'il n'existe aucun outil de développement qui soit plus efficace que l'autonomisation des femmes. Aucune autre politique n'est aussi susceptible d'accroître la productivité économique ou de réduire la mortalité infantile et maternelle. Aucune autre politique n'est aussi qualifiée pour améliorer la nutrition et promouvoir la santé, y compris la prévention du VIH/sida. Aucune autre politique n'est aussi bien armée pour améliorer les chances de la prochaine génération d'accéder à l'éducation. »55

La participation des femmes à la vie politique contribue à l'égalité des sexes et affecte à la fois l'étendue des questions politiques qui sont concernées et les types de solutions qui y sont proposées. Il est irréfutable que la hausse du nombre de femmes élues à des fonctions politiques entraîne une augmentation des politiques mettant l'accent sur la qualité de vie et reflétant les priorités des familles, des femmes, ainsi que des minorités ethniques et raciales. La participation des femmes à la vie politique est accompagnée de profondes répercussions, positives et démocratiques, sur les communautés, les législatures, les partis politiques et la vie des citoyens, et contribue à une efficacité accrue des démocraties.

53 B. Marques Pereira et P. Nolasco (Dir.), La représentation politique des femmes en Amérique Latine,

Bruxelles, L'harmattan/UNESCO, 2001, p. 22.

54 National Democratic Institute (NDI) 2010 : La Démocratie et les Défis Posés par le Changement.

55 www.un.org/News/fr-press/docs/2002/SGSM8141.doc.htm

3. Libertés Civils :

Dans l'opinion publique, la lutte au profit des droits de l'homme est fréquemment présentée comme un aspect de la lutte en faveur de la démocratie. Javier Perez de Cuellar secrétaire général des Nations-Unies a déclaré en mars 1990 que « La démocratisation complète de l'Europe sera une réaffirmation du caractère universel de la Déclaration des droits de l'homme ». Dans cette optique, la démocratie et droits de l'homme sont censées progresser du même pas. Les deux expressions ne sauraient s'opposer. Elles deviennent même presque synonymes.56

La démocratie est selon le PNUD dans son rapport 2000, la seule forme de régime politique respectueuse des cinq catégories de droits existantes : les droits économiques, sociaux, politiques, civils et culturels. En effet, diverses formes d'interventions politiques sont nécessaires pour donner consistance à ces différents droits au sein d'un régime démocratique. La démocratie se définit par les droits de l'homme.

L'indice de Freedom House sur les libertés civiles est le concept le plus large, qui concerne les libertés de parole, de presse, de religion ainsi qu'une variété d'indice de protections juridiques. Les variables des libertés civiles sont positivement corrélées avec la démocratisation. Ce résultat suggère que les forces économiques et sociales qui promeuvent la démocratie sont semblables à celles qui stimulent les libertés civiles.

a. Torture :

La torture et les formes de traitements ou peines cruelles, inhumaines ou dégradantes demeurent un sujet de préoccupation majeure de la communauté internationale. La violation d'un droit inhérent à la nature humaine se produit à l'intérieur d'Etats, où des particuliers sont privés de leur liberté pour des motifs politiques, juridiques. Depuis le déclenchement des « vagues de démocratisation », les pays en transition se sont engagés à renforcer le respect des droits humains et à rompre avec les actes de torture.57

Le XXème siècle a été témoin d'une liste abominable de crimes, des pires qu'ait connus l'humanité: génocide, crimes contre l'humanité, notamment recours systématique à la torture, aux exécutions extrajudiciaires et détentions secrètes. C'est seulement, lors des

56 Alain de Benoist(2004) : « DROITS DE L'HOMME, LIBERTES, DEMOCRATIE ».

57 Adama Dieng(2006) Sous-Secrétaire général des Nations Unies & Greffier

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déclenchements des processus transitionnels qu'ont été tentés les premiers efforts visant à mettre fin à ces cruautés qui heurtaient profondément la conscience humaine. 58

La Convention des Nations Unies contre la torture définit la torture comme tout acte commis par un fonctionnaire publique agissant à titre officiel, par lequel une douleur ou des souffrances aigues, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne dans le but notamment d'obtenir des renseignements ou des aveux, de la punir, de l'intimider, ou pour tout autre motif fonde sur la discrimination.

La persistance des actes tortionnaires réside en premier lieu sur son efficacité pour conserver le pouvoir et éliminer toutes tentatives de contestations. Ainsi, toutes personnes, pouvant apparaître comme une menace contre la sureté de l'État et des dirigeants, courent le risque de subir des traitements cruels et inhumains infligés par les bourreaux. Cette maltraitance est aussi imposée à leurs proches et aux membres des groupes auxquels ils appartiennent. Aussi, les minorités ethniques ou religieuses sont également pointées, lorsque leurs réclamations et leurs contestations pour l'égalité sont considérées comme déstabilisantes pour le pouvoir. Même s'ils font valoir leurs droits de façon pacifique, ces opposants sont souvent qualifiés de terroristes, justifiant ainsi interpellations, incarcérations et tortures.

La chute de ces dictatures réduit la souffrance et les malheurs des victimes de l'oppression et permet d'ouvrir le chemin de reconstruction de ces sociétés avec plus de démocratie politique, de liberté personnelle et de justice sociale.

De toute façon, rares sont les victimes qui portent plainte ou ceux qui acceptent de témoigner des brutalités qu'elles ont subis. Elles savent d'avance qu'elles s'exposent ainsi que leurs proches, à des représailles, en cas où elles tentent de demander justice. Même suite aux vagues de transition démocratique, Les tortionnaires restent impunis. Les nouvelles gouvernements évitent d'ouvrir ces dossiers et d'engager des poursuites, puisqu'elles s'aventurent à se heurter aux services d'ordre et de sécurité ayant participés à la répression et dont de nombreux membres sont encore en poste ou influents.

Cependant, ces dernières années, plusieurs Etats et organisations s'engagent à légitimer le recours à la torture comme moyen de préserver la sécurité et la stabilité nationales. Peu après

58 Haut commissariat des nations unies pour les droits de l'homme(1984) : La Convention des Nations

Unies contre la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

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l'attentat contre la galerie Point Show des Champs Elysées(1986), Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur Français déclare : « Il faut que la peur change de camp [...]. Il faut terroriser les terroristes ». Aussi, Charles Krauthammer(2001) suppose que si les auteurs des attentats du World Trade Center de 1993 avaient été traités un peu plus durement, peut-être que les attaques du 11 septembre 2001 n'auraient pas eu lieu. Utiliser le terme « terroriste » permet de spécifier l'ennemi et d'affirmer clairement que coopérer avec ce dernier revient à franchir une ligne rouge.

Toutefois, il paraît pour le moins difficile d'établir une hypothèse générale pour lutter contre ce phénomène, y compris en ce qui concerne la mise en oeuvre de stratégies ou de tactiques légitimant l'utilisation des moyens de terreur. Enfin, plusieurs auteurs estiment que le fait de torturer devient légitime au cours du processus de démocratisation pour empêcher un danger immanent à savoir une explosion subite.59

b. Liberté d'expression :

La liberté d'expression est souvent au coeur des débats politiques. Admettre la liberté d'expression a souvent constitué l'une des premiers pas vers la démocratie. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les révolutions anglaises, américaines et françaises se sont caractérisées par la reconnaissance de la liberté d'expression. Voltaire(1763) affirme que « Le droit de dire ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse. Ce privilège nous est aussi essentiel que celui de nommer nos auditeurs et nos syndics, d'imposer des tributs, de décider de la guerre et de la paix ; et il serait déplaisant que ceux en qui réside la souveraineté ne pussent pas dire leur avis par écrit »60.

Tous les textes nationaux et internationaux introduisant les droits de l'homme accordent à cette liberté une place privilégiée: de la « Déclaration des droits » de 1689 en Angleterre à la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies (DUDH) de 1948 en passant par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée en 1981. Cet intérêt accordé à l'expression affirme qu'elle figure parmi les premières libertés supprimées par les régimes autoritaires, notamment au travers du contrôle de l'information et de l'art.

59 Scott Shane, David Johnston et James Risen, « Secret U.S. Endorsementof Severe Interrogations »,

New York Times, 4 octobre 2007

60 Harvard College Library(1941): « OEuvres complètes de Voltaire: Théâtre. La Henriade. La Pucelle. Poésies ».

Les éléments essentiels de la démocratie comprennent le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ... la liberté d'expression et d'opinion61. Ainsi, « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières».Ce texte est extrait du premier alinéa de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Pour finir, grâce à la liberté d'expression, les universitaires et intellectuels peuvent aujourd'hui mener des recherches, exprimer leurs positions scientifiques, mais aussi politiques sans aucunes entraves. C'est par le débat que les idées existent, et c'est par cette existence que les sociétés démocratiques se forment et se pérennisent.

c. Liberté de presse:

La liberté de presse et d'information est souvent considérée comme garante d'un Etat plus libre et donc le moyen d'obtenir une démocratie solidement enracinée dans la société. Tocqueville relevait que l'un ne va pas sans l'autre : « la souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont [...] deux choses entièrement corrélatives ».62

La presse est l'un des principaux moyens de diffusion de l'information. Elle est considérée comme un moyen d'expression essentiel pour les acteurs démocratiques et joue un grand rôle dans la formation de l'opinion publique. Plaçant certains débats sur le devant de la scène, elle peut aussi en occulter d'autres. Elle est donc soumise à une éthique : exactitude de l'information, respect de la vie privée, vérification des sources.

Plusieurs recherches attribuent aux médias et surtout à la presse le pouvoir d'influencer les individus et l'opinion publique, à la fois dans le domaine des goûts personnels et de la culture, ainsi que le pouvoir d'influencer l'économie et le gouvernement des pays. Le rôle des médias en tant qu'acteurs dynamiques des transitions démocratiques et leur influence sur le processus de réformes politiques est resté largement inexploré.

Les courants de littératures se sont orientés dans deux voix principales. La première s'est penchée sur la question de la nécessité d'une démocratisation de la presse, de l'information et des politiques de communication dans un contexte de démocratie naissante. La seconde

61 Assemblée générale de l'ONU, Renforcement du rôle des organisations et mécanismes régionaux, sous-régionaux et autres en vue de promouvoir et de consolider la démocratie, 23 mars 2005.

62 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1961, t. I, II, chap. III, p. 187.

appréhende la presse, et la liberté comme des éléments permettant de jauger le degré de démocratie atteint suite aux transformations institutionnelles.

La presse constitue un moyen de contestation, ce qui explique que les premiers textes démocratiques ont consacré sa liberté. Le 1er amendement de la constitution américaine de 1787 affirme: "le Congrès ne fera aucune loi portant atteinte à la liberté d'expression". Néanmoins, au cours du 20ième siècle, le rôle des journaux s'est affaiblit, pour céder place à la télévision, au cinéma et à la radio qui participent désormais au débat démocratique. Le développement d'Internet au 21ième siècle permet aussi la diffusion des idées démocratiques. Les nouvelles technologies permettent de rapprocher les points de vue entre classe politique et les citoyens63.

Beata Rozumilowicz(2002) donne deux raisons sur l'importance de l'indépendance des médias. La première est, qu'elle offre aux individus un forum public afin qu'ils puissent exprimer leurs opinions, leurs croyances et leurs points de vue. Aussi à travers la diffusion d'idées, la liberté des médias permet la découverte et la circulation des informations, la diffusion et la confrontation des opinions, et donc la formation des volontés individuelles des citoyens.

Cependant, La presse est l'institution non gouvernementale la plus redoutable pour la démocratie. Le premier problème qui se pose est celui de la transparence : alors que la démocratie exige une transparence totale, le fonctionnement du gouvernement a besoin de certaines confidences en ce qui concerne la sécurité d'Etat, préparation de décisions et affaires diplomatiques internationales.

De plus, Yogesh Atal (1997) souligne que dans les pays en transition, où la pauvreté est répandue, la presse est souvent des « médias de classe », d'où le risque de manipulation. Le financement dépend de capitaux privés et donc les détenteurs modifient et déforment l'information en fonction de leurs intérêts et peuvent donc entraver sur le chemin démocratique. La presse est la propriété des gouvernements ou des privés et sont dépendants alors des aspirations de leurs possesseurs. La concentration financière peut aussi corrompre son indépendance, même si certains journaux essaient de garantir un mode de financement

63 Direction de l'information légale et administrative française(2006): Média et démocratie.

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indépendant. Donc, la multiplicité des médias ne coïncide pas toujours avec la pluralité d'opinions et diversité de l'information.64

Enfin, dans les courses électorales, la presse pose le problème d'accès entre les candidats et exerce donc une influence néfaste sur la formation des opinions des électeurs. Certains groupes se voient ainsi exclus de l'espace publique et sont coupés du cercle de discussion. D'autres parts, elle met la lumière sur d'autres acteurs et leur donne une image exagérée.

La presse est donc une arme à double tranchant. Cependant, Cette double certitude se voit aujourd'hui bousculée par la détérioration de l'importance des journaux traditionnels, les défaillances imputées aux organes journalistiques et l'émergence de nouveaux médias dont l'accès est plus facile.

Dans ce qui suit, nous allons procéder à une approche économétrique permettant d'étudier les déterminants qui sont à l'origine du déclenchement du processus transitionnel sur la période 1981-2010.

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64 Caroline Trottier (2010): Prioriser la liberté de presse lors du processus de démocratisation : désillusion Situation en République démocratique du Congo.

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Chapitre2 : Vérification empirique des déterminants de la transition sur la
période 1981-2010 :

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984